—Methyst—

Je guidais Luke et le professeur à l'extérieur de la maison. Ce dernier en profita pour amorcer une conversation :

-Vous m'avez bien dit que le site que vous avez exhumé se trouve sur un terrain qui est prétendument hanté.

-Euh... Oui, en effet. Cet endroit était un quartier dans lequel eut lieu une chasse aux sorcières, il y a quelques centaines d'années. Le quartier a été brûlé. On raconte que la nuit, on peut entendre les cris des sorcières qui ont été tuées, et si elles vous voient, elles vous jettent une malédiction.

-Oh, je n'aime pas du tout ça, professeur, marmonna Luke en avançant d'un pas plus timide.

-Tu ne devrais pas avoir peur, dis-je d'un ton doux. Ce n'est qu'une vieille légende. Enfant je me suis déjà approché de ce terrain en pleine nuit, je n'ai jamais vu ni les sorcières, ni entendu le moindre cri.

Ce n'était qu'un semi-mensonge. J'y étais bien allé, mais avec certains des mes amis, mort de trouille à la suite d'un gage, et je n'ai pas été capable de m'approcher à plus de 10 mètres du terrain, tant je pleurais à cause du stress et de la peur. Mais je n'avais vraiment pas entendu de cris, ni vu de silhouettes fantomatiques. 

Pour rassurer Luke, je rajoutais :

-Et puis de jour, le terrain est totalement normal.

-Est-ce-que vous pensez que les ruines que vous y avez trouvé datent de l'époque où le quartier fut brûlé ?

-Non, absolument pas. Les maisons étaient en bois à l'époque, les fondations que j'ai trouvé semblent beaucoup plus anciennes, et j'y ai même trouvé des gravures !!

Je pressais le pas en souriant, impatient de montrer ma découverte au professeur. Ce dernier nous emboita le pas, et je vis, du coin de l'œil, que Luke trottait sur ses petites jambes pour arriver à nous suivre, ce qui me fit ralentir le pas.

Nous finîmes par arriver au terrain. Il ressemblait à n'importe quel autre site archéologique, à la différence près qu'il était désert. Les personnes qui m'aidaient habituellement dans les fouilles avaient pris congé à partir du moment où nous avons fait nos premières découvertes. Elles ne voulaient pas rester trop longtemps sur ce terrain maudit.

-C'est... grand, fit Luke.

-Oui. Nous avons mis 8 mois avant d'arriver à trouver le premier vestige. Nous n'avons pas eu le temps de tout fouiller, mais nous avons sorti les plus grands morceaux. Si nous continuons les fouilles, je suis persuadé que nous trouverons bien plus que ce qui a déjà été exhumé.

-Dans ce cas pourquoi ne pas avoir continué les fouilles, demanda le professeur ?

-Euh... M-mon équipe m'a lâché plutôt rapidement... E-et du coup, on a pas pu tout enlevé...

-Je vois.

Je vis le professeur Layton se promener dans le terrain, suivi de près par Luke, tandis que je m'approchais de la cabane où je rangeais mes outils. Mon père avait décrété que ces "outils de jardinage" n'avaient rien à faire dans la maison. Aussi, au vu de la réputation du terrain, je me permettais de laisser mes outils dans cette minuscule bâtisse que j'avais construit spécialement pour ces fouilles.
Par ailleurs, j'en profitais également pour cacher les quelques reliques qui pouvaient être volées dans une caisse au milieu de mes autre outils. Le reste des ruines, qui étaient beaucoup trop enfoncées dans le sol pour pouvoir être totalement mises à jour par une équipe aussi simple que la mienne, était protégée par des bâches.

Je récupérais la boite à reliques et rejoignis le professeur qui était en train d'observer un bout des ruines d'un air pensif, tandis que Luke avait l'air fasciné par les bas-reliefs qu'ils s'y trouvaient.

Je toussotais pour signaler ma présence :

-Euh... Professeur ?

-Oui ?

Il se releva et observa la boite. Je l'ouvris et lui montrais ce qu'elle contenait, soit deux statuettes, quelques tessons de vieux vases ornés de bas-reliefs et ce qui ressemblait à un vieux pendentif. Layton prit délicatement la boite dans un de ses bras et prit avec précaution un des tessons qu'il observa à la lumière du soleil.

-À mon avis, cela doit venir d'une civilisation inconnue, murmura-t-il. Je n'ai jamais rien vu de tel.

-Moi non plus.

Luke était en train d'observer le tesson par-dessus l'épaule :

-C'est marrant, on dirait une sorte de démon...

-Je suis d'accord, dis-je. Un démon ou une autre créature qui se veut maléfique.

En effet, les créatures dessinées semblaient dévorer ce qui ressemblait à des morceaux de corps humains, pour le peu que j'en voyais. Les créatures étaient très diversifiées dans leurs formes, certaines avaient deux têtes, d'autres ressemblaient à des araignées, d'autres, encore, ressemblaient à des démons bibliques, tout comme l'une des statuettes. L'autre statuette était un visage grimaçant, comme un masque miniature.

-C'est absolument fascinant, murmura le professeur Layton...

Il continuait d'observer les quelques reliques que j'avais réussi à acquérir en les manipulant avec la plus grande précaution, sous le regard admiratif de Luke. De mon côté, j'avais déjà eu le temps de les observer de nombreuses fois. Et même en les regardant de nouveau, je ne voyais plus le moindre nouveau détail qui aurait pu m'échapper.

Le professeur finit par reposer la dernière relique qu'il observa dans la boite. 

-Si vous voulez bien m'excuser, je vais reposer tout cela à sa place.

J'en profitais pour regarder l'heure sur ma montre à gousset. Le déjeuner est censé arriver bientôt, aussi je me dépêchais de cacher mon trésor à sa place habituelle et de les rejoindre, puis nous nous sommes rendus de nouveau chez moi.

Lorsque nous entrâmes dans le hall, je dus présenter à Luke et au professeur ma jeune sœur, la détestable Ann. Cette dernière les accueillit avec un rictus méprisant et s'adressa à Layton d'un ton mesquin :

-Alors c'est vous qui avez donné à Methyst l'idée saugrenue de se lancer dans l'archéologie.

-Je ne l'ai nullement influencé, mademoiselle, répondit le professeur. Je lui ai seulement donné les connaissances qui lui ont permis de poursuivre son but.

-Mm. Si vous le dites, toujours est-il que cela lui fait perdre son temps. Père nous a toujours dit qu'il avait du potentiel pour faire autre chose que de déterrer des vieilleries, rétorqua-t-elle en disparaissant en direction de la salle à manger.

J'entendis Luke grommeler quelque commentaire négatif au sujet d'Ann.

-Désolé pour son comportement, murmurais-je. Elle est toujours comme ça... 

Le professeur me sourit en me disant que ce n'était pas si grave que ça, et nous nous dirigeâmes à notre tour dans la salle à manger.

Le repas se déroula dans le silence le plus total, malgré les présences de nos deux invités. Mon père se contentait de les fixer de haut, quand il les regardait, tout comme Ann. Mère, elle, semblait hésiter à prendre la parole. De mon côté, je me taisais parce que je me sentais mal à l'aise. Je n'avais qu'une envie, c'était que tout cela se termine au plus vite. Malheureusement pour moi, c'était interminable.

Lorsque le repas se terminait, le professeur Layton exigea de voir la lettre de l'archéologue anonyme qui me permit de faire ces découvertes. Je les avais fait patienter dans le salon, tandis que je fonçais dans ma chambre aux murs gris pour fouiller dans les tiroirs de mon bureau et retrouver la lettre. En chemin je passais devant mon miroir. J'avais l'impression que mon reflet m'offrait un sourire narquois, alors que je savais très bien que je ne souriais pas. Mais je ne m'y attardais pas.

Layton me remercia et déplia la lettre qu'il commença à lire :

À Methyst Beckett,

Ne cherchez pas à savoir qui je suis, mais si cela peut satisfaire votre curiosité, dites-vous simplement que je suis simplement un collègue qui souhaite garder son anonymat.

Sachez cependant que des ruines de vieilles civilisations ont été trouvées non loin de votre village, il y a de cela une cinquantaine d'années. Aussi je vous conseillerai de continuer ces recherches, si l'envie vous en prend, et surtout si vous souhaitez laisser votre empreinte dans l'histoire de l'archéologie. Après tout, de nous jours,  après tout, presque tout a déjà été découvert. Il serait peut-être judicieux de vous y mettre maintenant, n'est-ce-pas ?

La lettre se terminait ainsi, sans signature ni formule de politesse. Le professeur observa la lettre pendant plusieurs secondes, il semblait la relire à plusieurs reprises, comme s'il cherchait à trouver un indice sur qui était la personne ayant envoyé cette lettre.

-Inutile, vous ne trouverez rien, dis-je après plusieurs minutes. J'ai déjà cherché à plusieurs reprises s'il y avait un code ou un indice, mais cette personne semble vraiment tenir à rester anonyme.

-Hm...

Il resta pensif encore un moment avant de me rendre ma lettre. Je lui proposais de visiter le village, cet après-midi. Ce qu'il accepta. Nous partîmes environ 10 minutes plus tard.