5 : LA SOIRÉE-FILM
5 : LA SOIRÉE-FILM
Judith enroule une mèche de ses cheveux autour de son index droit. Son sourire idiot est scotché à son visage. La dernière fois que je l'ai vu dans cet état, celle-ci avait eu 19 au bac de français.
- Qu'est-ce qu'il a fait pour te rendre toute contente comme ça ? demandé-je en levant ma tête de mes exercices de mathématiques.
La blonde serre son portable entre les doigts.
- Tu te moques pas de moi alors...
Je lève les yeux au ciel, trouvant toute la situation absurde. Bien sûr que je vais me moquer d'elle, qui ne se moque pas d'une amie en train de se tourner en machine à sourires niais ? Sérieusement ?
- Bah... Tony vient de liker deux de mes photos à la suite, donc ça veut dire qu'il est en train de checker mon profil insta. Puis il s'est abonné et maintenant, il vient de m'envoyer un petit commentaire sur la photo de moi et le coucher de soleil. C'est écrit « Woww :OOOO »
Je ris, la trouvant marrante d'accorder autant d'importance à ces tous petits détails.
- Oh ! Il vient de m'envoyer un message ! « Coucou ça va ? Pas trop fatigué après le sport aujourd'hui ? » et un smiley content ! Je réponds quoi?
Ma dernière question d'exercice terminée, j'attrape son portable et la rejoins sur mon canapé-lit.
- Hum... Pourquoi pas « Fatiguée comme jamais, et toi ? »
La blonde proteste en me voyant taper la réponse.
- Mais c'est nul !
Prenant ça comme une atteinte à mon génie en réponses par messages, je lui tape un message quand même : « Yep grv et toi ?», la laissant toute déprimée.
Je souris, fier de mon action. Quelques secondes plus tard, les couleurs réapparaissent sur sa face.
- Il m'a dit qu'il me trouvait jolie sur mes photos.
Quel tchatcheur !
- File.
Ne la laissant pas citer une énième réponse pour éviter l'inévitable, je tape l'autre message dans un temps record tout en laissant la blonde galérer à reconquérir son territoire électronique.
Ma meilleure amie lit message à voix haute avec un ton tragique : « Parce que je ne suis pas jolie en vrai ? ;) »
- T'es sérieux Ewel ?
- Oh que oui !
La sonnerie de la porte a retenti.
- Ya de la visite ! Je reviens dans deux secondes !
Juste après, je suis sorti. On pourrait presque plutôt dire que j'ai fui. Dans le couloir, j'aperçois June ouvrir la porte à Pauline qui, est suivie d'une touffe rousse bien plus présente dans ma vie que je ne l'aurais cru.
Je jette un petit coup d'oeil sur ma dégaine, chaussettes qui puent, bermuda de vacances attrapé à la va vite en sortant de la douche et pull en maille. Vraiment bof.
- C'est qui ? demandé-je volontairement pour confirmer mes suspicions.
June soupire.
- J'ai invité Pauline dormir à la maison, vu que je n'ai aucun moyen de quitter la baraque. Sa gentille sœur l'accompagne pour être sûre que celle-ci, soit bien arrivée chez nous.
Magalie croise mon regard et arque un sourcil.
- Eh oui ! Je suis une sœur généreuse moi ! Oh... Sinon...Ça fait une semaine que tu m'évites, qu'as-tu pour ta défense Ewel n°2 ? me demande la rousse à voix basse sans dire bonjour.
Elle me dépasse, enlève ses chaussures et en tape la bise à ma mère, sortie tout droit du salon.
Je souris, persuadé qu'elle n'est pas sérieuse. Je ne l'ai pas vraiment évitée, fin... juste assez pour qu'Anatole arrête de croire que je suis sur son ex. Enfin, j'ai bien emprunté quelques couloirs différents et être rassis auprès de Towelie n'a pas été quotidien. Tout ça pour la simple raison que je suis assis à côté de Ju' pendant tous les cours, comme toujours.
- Oh Magalie ! Contente de te voir, ça fait longtemps ! Donc Pauline dort à la maison ce soir ? C'est bien ça ?
- Exactement Delphine !
Ma camarade de classe lui sourit, tout en posant le sac de sa petite-sœur sur le parquet.
- Ta mère m'a dit qu'elle devait voyager, je crois. Oh mais attends ! Si tu es seule chez toi, pourquoi pas dîner avec nous ce soir ? ... J'ai préparé de quoi remplir le ventre de vingt mille Ewel ! Tu connais sûrement mon fils... Hum... Oh bah il est là ! Ewel, viens saluer Mag', ordonne ma mère d'un ton autoritaire.
Je viens faire la bise à Magalie qui prend un malin plaisir à me marcher sur les pieds. Celle-ci se prépare à partir... Seulement ma mère insiste réellement pour l'inviter à dîner, ne voulant pas la laisser seule chez elle un vendredi soir. Ce que Magalie a accepté en me jetant un regard plein de défi.
- J'ai appelé la mère de Judith, elle dort aussi ce soir, j'informe ma mère toujours à la dernière minute, ne lui laissant pas la possibilité de décliner toute présence de Ju' à la maison.
- Vous faites votre soirée-film ce soir ? demande-t-elle contrariée.
J'acquiesce.
- Ne veillez pas trop tard alors. Je sais que vous commencez à onze heures demain, mais tout de même... Et je te confie Magalie, qu'elle patiente avec toi et Judith le temps que je sorte tous les plats du four.
Maman nous quitte tous pour terminer la préparation le dîner. Les deux adolescentes rentrent dans la chambre de ma sœur et je me retrouve seul en face de ma nouvelle voisine d'SVT.
- Pour ma défense, je ne te fuyais pas totalement, assumé-je en lui montrant le chemin vers mon antre.
Magalie a souri et d'un mouvement de hanche, m'a donné un coup pour que je perde mon équilibre en marchant.
- Et c'est quoi vos soirée-films avec Judith, la blonde qui te suit partout comme un toutou ? interroge-t-elle d'un air plus blasé que curieux.
- Ma meilleure amie, tu veux dire ?
- Oh non, ça c'est bientôt moi, réplique-t-elle avec un sourire confiant.
Je m'esclaffe, place deux trois mots sur ces vendredi soirs où Judith et moi regardons un film tout en nous gavant de chips, et la laisse s'introduire dans ma chambre. Sur le canapé est vautrée la blondinette, concentrée à manger les chips. Ju' a les jambes écartées vers le plafond, les cheveux en pagaille comme durant toutes les soirées-films. Je lui lance un oreiller qu'elle attrape sans me regarder.
- Tony m'a répondu avec un smiley cœur, ça ne va pas un peu trop vite là ? demande-t-elle en ne remarquant pas la présence de Magalie.
L'incrust' intervient :
- Tony comme Tony mon meilleur amie n°3 ?
Précipitamment, Judith lâche son portable. Magalie, sourcils levés, m'interroge du regard.
- Oui Tony, comme ton meilleur ami n°2, affirmé-je en levant les yeux au ciel.
- N°3. T'es le n°2 toi, souviens-toi, répond-t-elle en s'asseyant à côté de Judith sur le canapé-lit tout en me faisant un petit clin d'œil.
Une petite gêne s'installe dans la pièce, faisant planer ces petits doutes concernant la relation entre Magalie et Judith. Je connais Magalie à peine moi aussi.
La rousse tapote une place à côté d'elle. Je m'y installe confortablement et l'invitée place ses deux jambes sur les miennes, comme si j'étais une sorte de tabouret repose-pieds. J'essaye de les décaler mais les pieds ont l'air d'être bien ancrées.
- Je peux vous poser une question à tous les deux ? demande Magalie en rompant le silence.
Judith hoche la tête de haut en bas, n'hésitant pas une seule seconde.
- Alors... j'ai besoin de conseils... Pour l'organisation de la soirée d'anniversaire surprise d'Ewel, mais surtout pour un cadeau. C'est ses 18 ans quand même, et ça me fait bien flipper en sachant que ça fait tout pile dix ans qu'on se connaît lui et moi.
Magalie se tourne vers Judith.
- Et vous êtes ce qui ressemble le plus à l'amitié que j'ai avec lui. Donc... Toi Judith, qu'est-ce que t'offrirais d'assez fort pour représenter votre amitié à Ewel. Et toi Ewel à Judith ?
Aucune idée surgit en moi.
- Bah, je sais pas.
On me répète la question et je leur lance un oreiller en réponse. La blonde chuchote à l'oreille de la rousse une idée et j'essaye de leur faire cracher le morceau.
- Parfait, je vais faire ça ! Et sinon, vous venez demain soir ? questionne Magalie en s'étirant.
J'interroge ma meilleure amie du regard.
- Y a quoi demain soir ?
Magalie répond, d'un air évident :
- La soirée d'Hugo.
Nous soupirons à l'unisson, sachant très bien quoi répondre.
- Je sais pas si t'as remarqué, mais on est pas le duo qu'on invite vraiment en soirée. Tu voulais même pas qu'on s'incruste chez toi, rappelle-toi, confié-je d'un air dramatique.
Magalie sourit.
- C'est parce que vous craignez à jamais vous ouvrir aux autres.
- Et c'est toi qui dis ça ! remarqué-je outré.
- Moi je m'ouvre qu'à ceux qui arrivent à me marquer l'esprit. Elle ça va... Mais pas les bolosses comme toi, hein, mâche-t-elle avec un humour particulier.
Judith marmonne :
- Ça te dérange si tu nous incrustes chez Hugo demain soir alors ?
Je fronce les sourcils, surpris par la demande.
- Oui, tu m'as donné une superbe idée. Mais pas n°2, lui il sert à rien.
Les deux pouffent, l'air de se comprendre. Trente secondes plus tard, la voix grave de ma mère s'entend distinctement de l'autre aile de l'appartement lorsqu'elle hèle « À table ! »
- Ah oui au fait. Ewel est pas le numéro 2 c'est le numéro 1 hein, me défend Judith.
Juste après, celle-ci se moque elle-même de sa remarque.
- La prochaine fois, invitez-nous, Ewel et moi. On fera un concours d'Ewel. Mais je parie que le mien reste le plus cool, affirme Magalie.
Me tournant vers les deux filles, je tente des croche-pattes.
- Je vous hais.
En chœur presque, elles répondent :
- Nous, on t'adore !
Hahaha. Très drôle.
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