16 : LES RÉVISIONS
16 : LES RÉVISIONS
- Je comprends que dalle à ton arithmétique pourrie, lâché-je à Judith, encore en train de faire des exercices et apprendre ses cours.
Je lui montre de mon côté mes cours sur l'effet de serre.
- Ce qu'il y a de pratique avec l'SVT c'est que t'as juste à apprendre et recracher en synthèses et études de docs. Ma spé c'est la best.
Ju' rit.
- Retourne étudier tes roches et tes plantes chlorophylliennes à la place de me déconcentrer. Argh, je déteste les DST de maths de quatre heures.
- Tu sais que le BAC, ça va être un enchaînement d'heures abominables ? remarqué-je amusé.
- Oui je sais merci Ewel, pas besoin de m'enfoncer, réplique-t-elle en levant les yeux au ciel.
- Je te dédicacerai un regard quand je verrai sur ma copie l'exercice spéciale spé.
Je retourne dans mes exercices et tente de comprendre l'intérêt de la trigonométrie. Tragiquement, ce n'est pas une réussite.
- Sinon ça va toi ? interroge la blonde comme si de rien était, quelques minutes plus tard.
J'ignore sa question. Elle parle d'Ewel.
- Je sais que tu m'as entendue bolosse, insiste-t-elle en me donnant une pichenette au front.
- Oui mais ne me déconcentre pas en pleines révisions.
- Fais genre de réviser mais tu ne fuiras pas longtemps le sujet. Ewel reprend les cours demain et je ne serai pas là à tes côtés en cours de physique ni d'SVT.
Je soupire.
- Elle arrive quand Magalie aujourd'hui ? C'est toi qui as insisté pour qu'on révise à trois... lancé-je pour couper le silence.
Judith referme son cahier.
- Ça fait trois semaines que tu fuis la question, rappelle-t-elle.
- Bon, laisse-moi réviser tranquille.
Un silence gênant s'installe et dix minutes après, ma sonnerie retentit.
- C'est sûrement Mag', je vais ouvrir pour te laisser « réviser tranquille », reprend ma meilleure amie sèchement.
Je la foudroie du regard et pousse un long soupir en m'étalant sur le lit. Judith veut que j'en parle. Pas moi. Il n'y a rien à dire dessus, à part le fait que je me sens très très très mal mais qu'il n'y a vraiment pas de commentaires à faire étant donné que je me force à ne pas y penser.
- Je vais te tuer ! crie Magalie en sautant sur mon lit juste après avoir déboulé dans ma chambre.
Celle-ci brandit son portable et enroule ses écouteurs autour de mon cou comme pour m'étrangler. Frapadingue.
- Qu'est-ce que j'ai fait ? demandé-je en levant mes bras, comme prêt à recevoir un coup en plein dans le ventre.
- Judith est trop gentille avec toi... reproche Magalie en me foudroyant du regard.
Je laisse mes yeux planer vers la silhouette de Judith assise sur mon tapis, déjà en train de reprendre ses révisions, l'air satisfaite.
- Y a quoi ? insisté-je soulé.
- Ferme-la Ewel, marmonne la rousse en m'aidant à me relever.
Juste après, Magalie m'ordonne de me changer.
- On va prendre un café à trois, allez hop hop hop, je t'assassinerai dans les escaliers, menace-t-elle en me donnant un coup de pied au cul en direction de mon armoire.
- Et nos révisions ? questionné-je bêtement.
Judith prépare mon sac en foutant toutes mes notes dans le désordre. Je soupire, pleure intérieurement et suis forcé d'enlever mon pyjama. Torse nu, Magalie s'avance et me pince le ventre.
- T'as maigri.
- Merci bien, dis-je sarcastiquement.
Elle me tend une chemise et un jean.
- Grouille !
J'obéis tout en observant les deux créatures féminines se faire des topes-là. Rapidement, nous sortons. Magalie salue ma mère et June, en train de regarder un documentaire ARTE tout en grignotant des galettes de riz.
- Vraiment des bobos ta famille, je les adore, lance Mag' dans l'ascenseur.
Je souris à l'entente de la remarque.
- On va à quel café ? demandé-je en comptant mes pièces de dix centimes.
La rousse arrange sa veste en cuir.
- Ah non, on va pas au café, on va chez Tony. Y a peut-être Ewel mais t'inquiète pas, normalement il y a genre 98% de chances qu'il y soit.
Je m'arrête.
- Non, lâché-je brutalement.
Judith me pousse.
- Vous allez pas me forcer à le voir les filles, non sérieux.
Magalie sourit.
- Roh c'est bon, c'est pas parce que vous sortez plus ensemble que vous ne pouvez plus être potes.
C'est une excuse bidon.
Judith qui a l'air de trouver la situation drôle m'emprisonne les bras. Magalie avance.
- Tu sais pourquoi je vais te tuer Ewel ? C'est parce que vous me cassez les couilles Ewel et toi à faire genre « oh non on veut pas se faire du mal ». Mais sérieusement, vous êtes un couple en carton si vous êtes même pas capable de surmonter ça. Ewel va bien, il a juste quelques soucis orthopédiquement parlant, mais il est en vie. Et vous deux, vous rompez sans prévenir trois semaines avant, sans rien nous dire, sans nous demander conseil et le pire, c'est que vous en souffrez comme des gros cons dans le déni. Je suis sûre que vous souffrez encore plus que vous ne le croyez. Vous vous parlez même plus. Si tu savais le nombre de fois où j'ai vu Ewel muet fixer son portable dans l'attente d'un message de ta part. Bordel, ça te briserait le cœur.
Magalie achève :
- Ewel a besoin de son petit-copain demain au lycée, pas d'un autre poids à éviter.
Judith ajoute :
- Et si vous aviez besoin d'espace, c'est bon, je pense que trois semaines ça fait l'affaire. Surtout que vous passiez votre vie ensemble juste avant. Allez, bouge maintenant on décale chez Tony réviser les maths.
Hébété, je me laisse traîner. Je n'ai pas envie de leur donner raison. Mais au fond, je pense qu'elles ont raison. Rompre ne m'a aidé en rien jusqu'à présent et chaque soir, fixer trop intensément le plafond me donnait envie de chialer. C'était très mauvais.
Et puis j'avais l'impression d'être totalement à côté de la plaque, d'être inutile et de ne pas pouvoir l'aider. J'ai envie de l'aider, sincèrement mais à cause de tout ça, je ne pouvais pas l'appeler ou attendre un signe de vie de sa part.
Mais... Si je veux recoller tout ça, est-ce qu'il le veut lui aussi ?
- Mais Ju', ça te dérange pas de voir Tony ? demandé-je en me souvenant des mois de gêne entre les deux.
Magalie roule des yeux.
- Surprise ! Ils sortent ensemble depuis hier soir. La prochaine fois, viens à ma soirée et ne te terre pas chez toi petit con.
J'ai avalé la nouvelle comme une gifle. Encore une fois, je n'ai pas été là. Magalie est dure et ne ménage pas ses mots. C'est aussi blessant que remotivant.
Judith me compresse l'épaule pour me faire comprendre qu'elle s'en fiche que je n'ai pas été là pour ça ou pas. Elle m'a souri d'un air gratifiant et mon cœur s'est légèrement soulagé. Devant chez Tony, c'est au tour de Magalie de me sourire et de me donner une petite bourrade dans les côtes.
- T'es le best Ewel. Alors maintenant, tu vas nous écouter très attentivement et suivre toutes nos instructions. Ju' m'a dit que t'avais toujours des plans foireux pour la faire cafter des trucs ou lui faire des choses abominables comme te passer ses réponses aux DM... Bah nous deux, tes deux besties, on va faire en sorte que tu te remettes avec l'autre con.
Elle me sourit ardemment.
- Te laisse pas piétiner dessus par le poids d'un truc que tu crois pas contrôler. Crois-moi ou pas Ewel mais l'amour aujourd'hui, ça se contrôle mieux qu'on ne le croit.
J'ai hoché la tête, aussi confus que revigoré. On est monté dans le gros immeuble de riches. La porte du duplex de Tony coupe le souffle dès l'entrée.
- Pas mal ton choix en mec, remarqué-je en tentant de me calmer à Ju'.
La blonde rit et essuie les verres de ses lunettes rondes.
- C'est surtout Tony qui a de la chance d'être tombé sur elle, marmonne Magalie en toquant à la porte.
Je n'avais pas remarqué le rapprochement significatif entre Magalie et Judith. Les deux semblent soudées comme jamais auparavant. Peut-être qu'elles se sont automatiquement rapprochées après m'être mis en couple avec Cohen. Comme un échange d'amitié.
Tony ouvre, son chien à ses pieds.
Les trois s'échangent des sourires entendus et on m'entraîne dans le salon.
- Alors, Ewel est dans le patio, informe Tony en embrassant Judith sur le front.
Voir ma meilleure amie en couple avec lui est plus naturel que je ne l'aurais cru.
- Crois pas qu'on a prévu ça à la dernière minute, ça fait dix jours qu'on attend qu'Ewel sorte de l'hôpital puis de chez lui pour créer une occasion, poursuit la meilleure amie de mon ex petit-ami.
Magalie me masse les épaules tout en me dirigeant vers le patio – et dire que Tony a un patio chez lui.
- Première étape : tu lèves les yeux vers lui. Je te connais moi aussi, tu vas les baisser en entrant dans le patio. Deuxième étape : Tu t'avances vers lui, prends-toi une chaise ou je sais pas quoi, mais faut que tu brises la distance. Et troisième et dernière étape : tu fais ton Ewel Fevre. Ewel Cohen adore ça.
Elle me pousse dehors, me laissant abasourdi face à la multitude de plantes enveloppant le patio. Je remarque juste après Ewel, dans un fauteuil roulant avec ses plâtres, sur ma droite. Il a une clope à la main, des écouteurs aux oreilles et ne semble pas avoir entendu mon intrusion brutale dans l'espace. Il fixe son portable, dans l'attente d'un truc qui ne vient pas mais qui le remettrait sûrement sur pieds.
Rapidement, je sens mes membres me lâcher. Qu'est-ce que je fous là merde ? Le revoir réveille autant d'apaisement que de douleur.
1ère étape : Le regarder.
Mes yeux sont baissés.
2ème étape : Avancer vers lui.
Mes jambes ne me répondent plus.
3ème étape : Faire mon Ewel Fevre.
Mais qui est réellement Ewel Fevre en compagnie d'Ewel Cohen ?
L'envie lâche de fuir me serre l'esprit. Seulement, je réalise qu'il est train de fumer. Et la trahison me donne envie d'ouvrir ma bouche :
- Donc...
J'ai relevé mes yeux puis ai réalisé qu'il ne pouvait pas m'entendre avec ses écouteurs. Bêtement, je me suis avancé vers lui et c'est seulement là, qu'il m'a remarqué arriver, torse bombé.
Subitement, Ewel Cohen lâche sa cigarette et enlève lentement ses écouteurs.
- Qu'est-ce que... ?
Je répète, les yeux dans les siens, un sentiment inexplicable au cœur :
- Donc c'est comme ça que tu tiens tes promesses Ewel ?
Je me suis tu, motivé et mal à l'aise. Peut-être que les filles ont raison. J'ai besoin de contrôler ce qui se passe entre nous. J'ai besoin qu'il y ait à nouveau un truc entre Ewel et moi. J'ai besoin de me sentir niaisement déborder d'amour.
Il est bouche bée. Je regarde les multiples écritures sur ses plâtres. Le mien semble s'être noyé parmi la foule de prénoms.
Je prends une chaise de la table en terrasse et m'assois à ses côtés, nerveux.
- Il faut qu'on parle, toi et moi, assuré-je avec le plus de maîtrise dans ma voix possible.
Puis, je me suis souvenu du pourquoi du comment, et de la raison pour laquelle on avait rompu. Son regard. J'ai cherché à analyser celui qu'il avait aujourd'hui. Vide. Triste. Terne. Un peu comme le mien ces dernières semaines, je crois.
- On n'aurait pas dû rompre, avoué-je.
Ewel ne réagit toujours pas.
- On n'est pas une histoire d'amour triste toute pétée qui se finit mal. Fin, je ne sais pas, on est mieux qu'un « Ewel au carré en pause ».
Peut-être que c'est ça que les filles attendent, que je dise ce que j'ai sur le cœur avec le plus d'ardeur possible, pour me soulager presque.
- Désolé de t'avoir fait du mal, même à distance. On m'a dit que t'as bien souffert, continué-je en sentant ma voix se troubler autant que mon rythme cardiaque.
Il a esquissé un sourire et a murmuré en tremblotant :
- C'est vrai que c'était long, sans toi, trois semaines.
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