13 : LA SÉRIE


13 : LA SÉRIE

Ewel est arrivé avec un bloc-notes de séries à me proposer. Ma mère lui a dit « bonsoir », il a répondu « bonjour » et j'ai dû le foudroyer du regard pour qu'il se corrige. Le « bonsoir » passé, j'ai verrouillé la porte de ma chambre et lui ai montré ma grosse télé.

- T'as une télé dans ta chambre ? demande-t-il avec surprise.

Je me contente d'approuver.

- Mon bijou.

On a lancé Netflix et il a choisit une bonne série. Un épisode a débuté mais je n'ai pas réussi à me concentrer sur les événements qui s'y déroulaient. Au bout d'une vingtaine de minutes, assis sur le lit et lui au sol, je l'ai rejoint par terre.

- Attends, j'adore cette scène ! s'exclame-t-il.

Je le regarde, perplexe.

- Attendre quoi ?


Il s'est tourné vers moi, en oubliant sa scène.

- Attendre avant de m'embrasser voyons.

J'ai baissé les yeux mal à l'aise et il m'a souri comme s'il n'y avait rien de plus naturel au monde. Deux secondes plus tard, ses mains se sont posés sur mes joues, comme des parenthèses. Deux mains chaudes et douces qui se veulent rassurantes.

- Je t'ai encore troublé ? demande-t-il d'un air légèrement embarrassé.


Sa voix reste calme, posée. Une voix différente de celle qu'il a toujours au lycée.

- Tu veux qu'on en parle ? poursuit-il en voyant mon air effacé.

Je n'ai pas acquiescé.

- Dis-moi ce que je fais de bof. Je vais tout mémoriser, tu vas voir !

J'ai ouvert ma bouche, amusé.

- Hm...

Tragiquement, je n'ai pas de réponses correctes à lui révéler.

Finalement, je pose ma main sur sa joue et en rapprochant mon visage du sien, je m'attarde sur ses lèvres comme une reproduction du gage n°2. C'est un bon moyen pour éviter les sujets qui fâchent.

- Non non non ! Je t'embrasse que quand tu me diras dans quelles situations je te gêne ! dit-il en interrompant le contact.

Je suis resté bouche bée, me sentant presque trahi dans mon premier pas vers lui.

- T'es un peu un élément perturbateur Ewel, à chaque fois que t'es dans le coin, je ne sais pas à quoi m'attendre, alors... te dire ce qui pourrait me perturber, y a un peu de tout et de rien, à la fois.

Il a ri et a marqué sur son bloc-note « TOUT » et « RIEN ». Le blond l'a posé par terre puis a calé son front contre le mien.

- Je te perturbe si je t'embrasse ?

J'ai soufflé un « oui ». Et il a souri jusqu'aux oreilles avant de poser ses lèvres sur les miennes. Ça danse en moi, comme un truc frénétique qui ne s'arrête pas. À la fin du baiser, j'ai recherché des mots dans ma tête pour décrire encore et encore ce qui m'arrivait. Mais mon corps s'est de nouveau avancé vers lui pour le rembrasser. Imperturbable et désireux. Encore et encore.

- T'as l'air très perturbé, s'est-t-il moqué quand on a arrêté le baiser.

J'ai haussé les épaules et en voulant me relever, il m'a retenu encore un peu.

- J'ose pas avoir un seul contact avec ton lit alors si tu comptes te rasseoir dessus, non merci, explique-t-il tristement.

Je lui ai montré la place qu'il pouvait avoir sur mes draps et Ewel n'a pas bougé pour autant.

- Ton livre préféré ? interroge-t-il sérieusement. Je peux monter sur ton lit que si je te connais bien un minimum.

- Harry Potter, et toi ?

- Aucune idée. Ton film préféré ?

- Là-haut.

- J'avoue que Carl et Ellie me font toujours chialer.

- Un parfum de glace ?

- Vanille.

- Comme moi ! T'as grandi avec quel dessin animé ?

- Des animes à 19 heures et Gulli good.

- Je m'habillais avec la météo ! Le singe m'inspirait trop sur Gulli purée ! raconte-t-il en riant.

Un silence a suivi, le temps qu'il s'allonge à côté de moi sur le lit.

- Ton souvenir préféré de moi ? questionne-t-il d'une voix plus traînante.

- J'en ai pas, je t'ai jamais aimé.

- Outch. Tu veux savoir mon souvenir préféré de toi ?

- Non, mentis-je.

- Allez, un peu de curiosité Mr. Fevre.

- Fais-toi plaisir.

- Alors c'est quand le professeur de maths en 5ème avait confondu nos copies. Je me suis tapé ton 20 et toi mon 10. Et tu n'as jamais rien dit. J'ai trouvé ça fou.

- C'est parce que t'avais l'air vraiment content et que tu t'étais pas dénoncé toi non plus.

- J'ai pas été cool sur ce coup-là. Donc depuis, je fais tout le temps l'effort d'avoir 20. Comme ça, si ça re-arrive, on sera quitte.

J'ai haussé un sourcil, surpris.

- Le plus beau moment de ta vie jusqu'à présent ? posé-je en faisant l'effort de m'intéresser à lui.

- Quand ma mère fait du brownie. Et toi?

- Je sais pas.

- Vraiment aucune idée Ewel ?

- Quand mon père m'a offert ma première montre je crois. Elle était toute noire. Mais je l'ai jetée depuis.

Nouveau silence. Il me regarde, avec ses yeux bleus.

- Désolé pour ton père, chuchote-t-il d'un air sincère.

Il m'a pris la main et j'ai hésité à la retirer tant la remarque m'a pincé le cœur. Il était sincère mais ça me faisait encore mal à entendre. Il n'est pas mort mais c'est comme s'il l'était dans l'esprit de tous.

- T'es pas obligé de dire ça.

J'ai senti la distance se creuser tant le sujet était intime et privé. Je n'aime pas parler de papa. Sauf quand ça vient réellement de moi.

Ewel s'est éclairci la voix :

- Tu m'aides beaucoup Ewel, tu sais ?

J'ai cherché à comprendre sa question, sans savoir quoi répondre.

- Tu te rends pas compte d'à quel point t'es génial. Mais putain, c'est vrai que t'es génial. Quand t'es là, j'ai l'impression que tous mes problèmes ont une solution. Ça me fait beaucoup de bien. Et ça fait juste trois jours que ça dure, mais wow, trois jours de simplicité juste, c'est merveilleux.

On ne m'avait jamais encore fait une déclaration comme ça. Je me suis senti comme quelqu'un de nouveau, quelqu'un qui pouvait toucher le cœur des gens. Ça m'a fait du bien.

- On continue avec les questions ? demandé-je en sentant mon cœur battre inhabituellement.

- Oui, vas-y lance-toi.

- Ta couleur préférée Mr. Cohen ?

- Rouge.

- Moi, bleu.

- Ta paire de chaussures favorite ?

- Mes vans.

- Apple ou Android ?

- Apple.

- Android.

- Steve Jobs n'accepterait pas ça ! s'écrit-il d'un ton dramatique.

- Ton jeu de cartes préféré ?

- Le tarot !

- À combien ?

- Cinq.

- T'aimes les gens romantiques ?

- J'aime les situations où on fait « awnnnnnn ».

- Appel ou message ?

- Appel.

- Message.

- Alors facetime, pour que tu vois mon sourire calmant.

Je lui ai souri. Il a souri en retour. J'ai fermé les yeux. Il m'a embrassé. Et j'ai noté cet instant comme l'un des préférés de ma vie. Un baiser simple, doux, volatile, effaçant toute ma peur accumulée. J'ai compris à cet instant que l'amour était aussi terrifiant qu'efficace. Qu'il n'a fallu que quelques jours pour en posséder des bribes partout.

- Thé ou café ?

- Infusion.

- Quel menu au Mcdo ?

- Big Mac.

- Potatoes ou frites ?

- Potatoes.

- Ah non ! Frites ! marmonné-je avec outrance.

Il a ri.

- T'es déjà tombé amoureux d'une fille ? interroge-t-il avec hésitation.

- Ouais, en CM2, de Clara.

- Oh bah c'est pour ça que tu me détestes ! Elle m'aimait trop cette folle !

On rit.

- Ton plus grand rêve ? lancé-je d'un air plus posé.

- Devenir médecin. Et toi ?

- Coucher avec Emma Watson.

- Pas mal. Mais Tom Felton est largement mieux.

- Pas moyen.

- C'est parce que t'es un Gryffondor, tu vois pas la beauté des Serpentards.

- Comment tu sais que je suis un Gryffondor ?

- Simple déduction de ma part en voyant cette écharpe accrochée à ton porte-manteau.

Je me suis levé pour attraper l'objet. Dans mes mains, je l'ai regardé comme si c'était le bien le plus précieux au monde.

- Tu penses que toi et moi, ça va durer longtemps ? lâche-t-il en touchant les points toujours un peu plus sensibles.


Je lui souris, sûr de moi cette fois-ci.

- Ouais, c'est plutôt bien parti.

On n'a pas arrêté de se sourire et s'embrasser depuis.

*

- C'était qui ? demande ma mère en voyant Ewel sortir de chez nous.

Je lui explique la situation, lui parlant de « ce camarade de classe qui voulait partager sa banque de séries ». Ma mère s'est alors moquée de moi.

- Tu...

Je soupire.

- Je ?

Elle poursuit, maladroitement :

- Tu pétilles quand tu le vois dis donc.

- Ah bon ?

- Oui, beaucoup plus que d'habitude.

- Oh.

Je suis rentré dans ma chambre, mal à l'aise d'avoir eu cette discussion avec ma mère. C'était un premier pas vers la révélation que je devais lui faire. Presque une perche. Toutefois, je me suis regardé dans la glace et ai vu mon sourire se réveiller en repensant à cette soirée.

Ewel me plaît plus que prévu.

Et toutes les informations récoltées sur lui sont comme gravées dans mon esprit. Presque chéries.

Le reste de la soirée a été occupée à poursuivre la série, désormais plus concentré et concerné par l'intrigue du personnage principal. L'adolescent tombe amoureux. Un peu comme moi, mais en moins niais et plus fictif.

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