Épilogue

C'est demain.

Mon cœur bat de plus en plus vite.

J'ai du mal à me concentrer, mes émotions semblent prendre le dessus. Le stress m'envahit. J'en fais sûrement des caisses. Ce jour fatidique devait bien arriver à un moment donné.

Malgré mes doutes sur le lendemain, je ne suis sûre que d'une chose : je vais définitivement sortir de mon quotidien. Il est vrai que je n'ai absolument rien fait de mon été après avoir passé mon baccalauréat. En même temps, j'avais donné toute mon âme dans ces feuilles de papier et j'avais bien besoin de repos. Être allongée devant la télévision ou devant mon ordinateur, appeler mes amis ou sortir, c'est un bon résumé de ces derniers jours.

Pourtant, c'est demain. Et j'ai peur. C'est bien trop tôt, je ne suis pas encore prête.

Tout est normal, alors pourquoi mon cœur est-il autant animé ? C'est simplement une fille qui se rend à l'université pour la première fois de sa vie. C'est une fille qui tente le domaine de la psychologie après avoir détestée les psychologues pendant très longtemps. C'est une fille qui n'est pas sûre d'elle et qui a peur d'être perdue dans ce grand bâtiment, sans jamais réellement trouver sa place.

Je respire calmement. Une fois, puis deux, puis trois, les yeux fermés.

Je me dis que ranger ma chambre est un bon moyen de penser à autre chose. La musique dans mes oreilles, je laisse mon esprit se reposer. C'est une activité - bien plus relaxante qu'on le pense - que j'ai commencé quotidiennement au début de mon année de première.

Je trie tout, l'aspirateur consume chacune des saletés présente sur le sol, je passe le chiffon sur les meubles, même s'il n'y a qu'un minuscule grain de poussière. Le problème est qu'à force d'utiliser cette méthode, je n'ai plus rien à ranger. J'ai soudainement envie de m'attaquer à mon armoire à vêtement, l'endroit le moins attaqué. Ça me fera au moins une heure de séance de réflexion personnelle. Je vide tout le contenu pour le remplir ensuite correctement avec ce que je garde, c'est une bonne méthode qu'on m'a apprise il y a quelques années.

Le haut de mon placard est d'un bordel monstrueux. Je suis bien trop petite pour y accéder, donc je n'y touche jamais. Pourtant, je ne sais pas pourquoi, mais en cette veille de rentrée, j'ai envie de voir ce qu'il s'y cache. Alors, je décide de monter sur ma chaise à roulette qui risque de tourner à chaque instant et me tuer par la même occasion. Je ressors des boîtes remplies à ras bord de papiers et babioles oubliés depuis des années. En fouillant vaguement, je m'arrête sur une photo.

Une photo où j'apparais.

Je la sors immédiatement, je retire la poussière et je l'observe attentivement. Elle n'a rien de spéciale, loin de là. Il y a ces deux personnes que je ne pourrai jamais oublier : Abel et Zélie sont à côté de moi, tandis qu'un inconnu chauve se tient au milieu de la photographie. J'éclate de rire en même temps que les larmes montent à mes yeux. Je n'ai rien oublié, ce moment était si drôle, hors du temps.

Mes joues étaient en feu, je m'en souviens. J'étais si heureuse dessus. Et je le suis encore aujourd'hui.

Même si la colo détox s'est terminée il y a maintenant deux ans, mes souvenirs restent cloîtrés dans mon esprit.

Au lieu de ranger ma chambre, je décide de faire autre chose. Je sors un stylo noir et une feuille blanche, puis je m'assoie en face de mon bureau. Et je mets à écrire, tellement que ça m'en vide la tête. Le sourire aux lèvres, je pose mes mots sur le papier, chose que j'aurais dû faire il y a bien longtemps. Je mets de la musique dans mes oreilles. C'est ce titre de David Bowie, « Ashes to Ashes », qui tourne en rond dans ma tête lorsque je pense à ce fameux été.

« Salut,

Ça fait longtemps.

Le saviez-vous ? Sept-cent-trente jours s'écoulent durant deux années. Et ça doit bien faire aussi longtemps que cela qu'on ne s'est pas croisés. Je me souviens de ces vacances, après ma terrible année de seconde, où l'on s'échangeait des messages à longueur de journée, où l'on jouait à des jeux en ligne jusqu'à tard le soir et où l'on passait notre temps en appel. Plus les jours avançaient, plus on devenait de simples rêves lointains, jusqu'à ce qu'on ne se parle plus du tout. Et je ne peux pas vous le cacher, vous me manquez terriblement.

Il y a quelques minutes, je suis retombée sur un souvenir de colonie. Et je me suis dit, pourquoi ne pas écrire aux gens que j'aime ? Pourquoi ne pas tenter quelque chose ?

Plus de sept-cent-trente jours que nos mains ne se sont pas touchées, que nos regards ne se sont pas croisés et que nos rires n'ont pas éclaté à l'unisson. Pourtant, je n'ai rien oublié. J'ai toujours ce cahier dans mon armoire à souvenir où j'ai raconté, telle une auteure, toute la colonie dans les moindres détails. J'ai écrit l'histoire de la colo détox pendant la miracle morning. L'un des ateliers était d'écrire pour s'évader, c'est ce que j'ai fait. Je me suis vraiment bien évadée, vue la quantité de mots qui alimentent mon journal.

J'aurais aimé que nos promesses tiennent le coup, qu'on se revoit et qu'on grandisse ensemble. Après la colonie, je savais que ça allait être bien compliqué. Tout le monde s'en doutait, personne n'en parlait. Tous mineurs à l'autre bout de la France, le monde ne pouvait qu'être contre nous. Et, après avoir passé mon été en face à face avec Zélie, elle a déménagé à la rentrée en emportant ce qui restait de la colonie avec elle.

J'aurais aimé rester en contact, bien plus que par des commentaires sous nos publications ou que par des « bonne année » une fois par an. Je rêverais de refaire une pause dans ma vie pour revoir vos visages, ne serait-ce qu'un court instant.

Je me demande ce que vous êtes devenus. Est-ce que vous avez réussi à vous battre contre le monde et toutes ces injustices ? Je n'en sais plus rien. Il est vrai que je vous vois souvent sur les réseaux sociaux. Vous semblez heureux et en bonne santé là-bas. Est-ce que je peux vraiment me fier à tout ça ? Est-ce la réalité ou une façade que l'on montre pour ne pas inquiéter les autres ? J'aimerais que nos chemins se recroisent une seconde fois. Je veux cette seconde chance.

C'est peut-être le destin qui a voulu que je retrouve cette photographie.

Je vous ai confectionné à tous, Rheanna, Abel, Zélie et Nolan, un album photo de la colonie. Je vous propose de passer un appel, très prochainement, afin d'essayer de se voir dans le vrai monde, parce que je meurs d'envie de vous reparler comme à la colo détox.

Je n'ai rien oublié, et vous ?

PS : Je vous aime toujours autant, malgré le temps qui s'est écoulé si vite.

Danaé. »

Je m'arrête enfin, je pose mon stylo et la réécris à l'identique trois fois.

Lorsque je fabrique les albums, je me remémore cet été avec Zélie, lorsque nous sommes finalement sorties ensembles pendant un mois. Son père, contrairement à nous, a tenu sa promesse. Il lui en a fait baver à son retour, bien plus qu'elle ne le montre. Et, au bout d'un moment, elle a décidé d'en parler aux autorités. Il a perdu la garde de sa fille, a eu de gros soucis et on n'a plus jamais entendu parler de lui. Heureusement. Quant à Zélie et sa mère, elles ont préféré déménager loin de cet horrible personnage. C'est tout ce que je sais sur notre groupe, mis à part le fait qu'Abel s'est définitivement remis à la photographie. Je suis incapable de dire si la situation s'est améliorée pour tous mes amis de la colonie. Et ça ne m'enchante absolument pas.

Deux heures après, je termine enfin les cinq albums dont l'un d'eux sera le mien. Je mets des timbres sur les lettres, je remplis mon sac avec leur cadeau et je mets mes baskets. « Ashes to Ashes » dans les oreilles, je sors dans la rue et je marche jusqu'à la poste. Ils iront dans les quatre coins de notre pays pour remplir leur mission : que les âmes perdues se croisent à nouveau.

La colo détox est un monde hors du temps, bien trop court, que je ne compte pas oublier. Je sais que tout n'était pas parfait, qu'il y a eu des hauts et des bas. Mais est-ce qu'une utopie existe réellement ? Je pense que si je me tiens debout, aujourd'hui, après ma plainte contre Émeric, son envoi en prison ainsi que son amende, c'est en partie grâce à cette force que j'ai reçue là-bas. Si j'ai eu la motivation de renouer les liens avec ma famille et d'essayer de faire des amis au lycée, de bonnes personnes cette fois-ci, c'est parce que j'ai réussi à avancer.

Même si j'ai peur pour demain, j'ai déjà traversé le pire. J'ai réussi à me relever malgré tous ces bâtons dans les roues. Alors, je sais que tout va bien se passer. Je rentre chez moi et je feuillette ce journal de la colo détox jusqu'à m'endormir.

Le temps qu'on a est bien trop court. Alors, je continue ma route, malgré les impasses qui viendront bloquer mon chemin. Quant à ces gens et ce lieu, ils ne quitteront jamais la caverne de mes souvenirs. 

Mise en ligne : 30/08/20

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NDA : Qu'avez vous pensé de ce chapitre ?

La fin vous convient-elle ? 

Qu'avez-vous pensé de cette histoire dans sa globalité ?

Quels sont vos trois moments/chapitres préférés dans Détox ? Et quels sont les trois moments que vous avez le moins aimé ? Et pourquoi ? (Dans la façon d'écrire ou dans l'action, comme vous voulez) 

Je vous invite à lire la partie suivante qui regroupe des anecdotes sur l'histoire. La dernière partie est une FAQ, n'hésitez pas à poser une petite question (sur le livre ou sur l'auteure) !

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