| Épilogue
━━━━━━━━ Épilogue
Charlie n'aurait jamais pensé se retrouver de nouveau assise sur le siège inconfortable d'un autobus jaune. Et pourtant, voilà qu'elle s'agitait dans tous les sens pour essayer de chasser son mal de dos. Les échos des enfants qui s'exclamaient autour d'elle menaçaient sa patience.
Avec une pointe d'agacement, elle sortit son téléphone de la poche de son manteau pour regarder l'heure.
━ Charlie, l'interpella une voix aiguë. J'ai envie de pipi.
Charlie se retourna vers l'enfant d'une dizaine d'années.
━ On est presque arrivé, Zac.
━ Mais je ne...
━ Xavier, Loïc, intervint soudainement Charlie, d'une voix forte. Restez assis dans l'autobus.
Dans ses mains, la jeune femme sentit son téléphone vibrer. « Je suis arrivé. Plusieurs détours à cause des travaux. Où en êtes-vous? » lut-elle.
Charlie releva son visage vers la fenêtre. Elle avait beau étudier à Gatineau depuis plusieurs mois, elle avait encore de la difficulté à s'orienter dans cette ville.
Après avoir été repêché par les Sénateurs d'Ottawa, William avait été envoyé dans leur club-école à Belleville. Charlie se souvint encore des éclats dans les yeux du jeune homme lors du repêchage. L'atmosphère était chargée par cette fébrilité et, cette soirée-là, Charlie était convaincue qu'elle suivrait William n'importe où.
Oui, le temps avait ramené des doutes. Il y avait eu des bas; des soirées à pleurer, des absences et des interrogations sans réponse. Malgré tout, Charlie restait convaincue d'une chose: elle était prête, à présent, de vivre avec l'imprévisibilité. Avec ou sans William, elle savait qu'elle était forte, qu'elle était capable de gérer le risque. Et, ce que William et elle avaient créé ensemble était peut-être fragile, c'était aussi tellement beau. Ça en valait le risque.
William avait cette influence, à peine perceptible, qui poussait doucement Charlie à avancer dans la bonne direction. La jeune femme avait l'impression d'avoir trouvé son chemin. Emportée par cet élan, elle s'était inscrite au programme en enseignement primaire offert à Gatineau.
Tout s'était ensuite déroulé rapidement.
Charlie avait trouvé un petit appartement étudiant à Ottawa - ville voisine de Gatineau - qu'elle partageait avec William. Elle avait ensuite trouvé un stage dans une école primaire de Gatineau. Elle passait ses fins de semaines à Belleville lorsque les matchs de William étaient à domicile, sinon elle retournait voir ses proches à Montréal.
Cette nouvelle réalité avait confronté Charlie à plus d'une reprise. Elle mentirait si elle disait que les doutes avaient complètement disparu de son esprit. Les longues distances, les voyages à l'étranger de William, le sentiment de solitude; Charlie avait pensé retourner en arrière plus d'une fois. Toutefois, quelque chose la retenait. Ce sentiment lorsqu'elle revenait à son appartement, après une journée de stage épuisante, et qu'elle retrouvait l'équipement de William traîner sur le sol. Cela signifiait qu'il était enfin de retour. Auprès d'elle.
William était sa stabilité, dans toute cette instabilité.
━ Arthur! s'exclama Norah, la professeure d'éducation physique. Si tu n'es pas capable d'écouter les consignes dans l'autobus, tu ne pourras pas participer à l'activité aujourd'hui.
Charlie sourit discrètement à sa collègue qui, elle aussi, semblait déjà épuisée par sa journée. L'excitation des enfants était palpable depuis le début de la matinée. La brune était heureuse d'avoir pu proposer cette activité spéciale aux enfants, mais elle devait avouer que le trajet d'autobus avait été infernal.
━ Charlie, l'appela de nouveau Zac. Je vais faire pipi dans mes culottes. Et j'ai envie de caca maintenant.
Charlie se tourna vers le jeune garçon qui se tortillait sur son siège.
━ On est arrivé, Zac, intervint Zoé, la professeure et accompagnatrice de stage de Charlie. Tu sortiras en premier avec Charlie pour aller aux toilettes. Rejoignez-nous aux vestiaires après.
Charlie hocha la tête. Elle se dépêcha de sortir de l'autobus avec Zac d'un pas pressé. Sans attendre, ils entrèrent dans l'aréna. Le contraste des températures généra un long frisson qui déferla sur la peau de la jeune femme. Elle était habituée à cette sensation à présent. Elle avait parfois l'impression que l'aréna était une seconde maison pour William et elle.
Devant les toilettes, Charlie poussa la porte et fit un signe de tête à Zac.
━ Vas-y. Je t'attends ici.
Zac entra dans la pièce avec empressement, laissant la porte derrière lui se refermer.
Pour la première fois depuis le début de la matinée, Charlie trouva le temps de prendre une longue respiration. Elle ferma les yeux et massa ses tempes avec ses mains.
Son cœur manqua un battement lorsqu'elle sentit deux bras s'enrouler autour de sa taille.
━ Qu'est-ce que tu as fait avec les morveux? murmura une voix derrière elle. Tu les as jetés de l'autobus?
Charlie posa une main sur son cœur. Elle se retourna d'un mouvement explosif et donna un coup sur le torse de William.
━ Tu m'as fait peur, idiot, ronchonna-t-elle, tandis que le jeune homme la regardait avec un sourire moqueur sur les lèvres. Et non, les autres sont probablement déjà dans le vestiaire. J'ai dû gérer une urgence toilettes.
William se mit à rigoler et, soudainement, toute irritation que Charlie avait pu ressentir en disparu. Le jeune homme avait ce pouvoir sur elle. Il dégageait quelque chose, quelque chose de transmissible, à laquelle Charlie ne pouvait être insensible.
━ Moi, un idiot? se moqua William.
Il se pencha pour embrasser Charlie, mais la jeune femme recula. Elle jeta un vif coup d'oeil à la porte de la salle de bain.
━ Zac va sortir d'une minute à l'autre, protesta-t-elle.
━ Et puis? rouscailla William. Ton idiot veut t'embrasser, Charlie. Aime ton idiot.
Un sourire niais s'étira sur les lèvres de Charlie, et elle se maudit d'être aussi sensible au charme du garçon. Toutes les parcelles de son corps réclamaient William. Une attirance qui semblait être insatiable, et qui était attisée par les longues périodes sans pouvoir se voir. Lorsque Charlie retrouvait William, elle ressentait ce besoin constant de proximité. Une tension électrique qui gravitait constamment autour d'eux.
Charlie céda et posa doucement ses lèvres contre celles de William. La main du garçon longea la courbe de sa hanche. Il entoura délicatement sa taille, attirant son corps un peu plus près du sien.
━ Vas te préparer maintenant, souffla-t-elle, juste avant de déposer un dernier baiser sur les lèvres de William. Les élèves sont tellement impatients de pouvoir patiner avec toi, ils seront bientôt ingérables si tu ne vas pas les rejoindre.
Une grimace étira les traits du visage de William.
━ D'accord, d'accord. Je vais rejoindre les morveux.
⁂
Dans les estrades, Charlie respira profondément. Assis près d'elle, William étira son bras et le posa sur les épaules de la jeune femme. Elle déposa sa tête contre son torse et se colla à lui un peu plus près de lui.
━ Enfin le calme, se réjouit-elle.
William déposa un baiser sur le haut de sa tête, son buste collé au dos de Charlie.
L'activité s'était bien déroulée. Les élèves avaient été émerveillés que William, un espoir recruté par une équipe de la ligue nationale, viennent patiner avec eux. Le garçon leur avait préparé un petit entraînement, puis il avait animé quelques concours. Charlie avait pu ressentir sa passion pour le hockey et sa bienveillance dans chacune des interactions qu'il avait avec les enfants.
━ Moi qui pensait que côtoyer Louis, Oliver et Mathieu depuis des années était épuisant, je n'avais décidément rien vu, déclara dramatiquement William, paraissant lui aussi épuisé. Math et Miro m'ont aussi demandé de venir dans leur cours d'éduc, mais pas question que je revive ça de sitôt. J'fais ça juste pour toi.
Charlie rit contre la cage thoracique du garçon, puis déposa un baiser sur son épaule.
Les yeux rivés sur la glace, fixant un point invisible, Charlie était paisible. Il n'y a pas si longtemps, pourtant, jamais elle n'aurait pensé être aussi confortable dans une aréna. Et pourtant, elle ne ressentait plus l'émotion douloureuse lui remonter à la gorge.
Rien au monde ne valait ce que William lui faisait ressentir lorsqu'elle était dans ses bras. Il l'avait aidé à apaiser son passé et à faire taire ses incertitudes sur le futur.
William était son présent.
━ Merci, lui dit-elle.
Charlie releva la tête et ancra ses yeux dans ceux de William.
La première fois qu'elle l'avait vu, la nuit où cet orage violent s'était abattu sur Montréal, Charlie avait cru avoir vu l'une des plus belles personnes qui pouvait. Mais elle avait tout faux. Car la réelle beauté de William était loin d'être son physique. Sa beauté était dans ses gestes, ses attentions, son écoute et son humour. Charlie voyait sa beauté dans la façon dont il la regardait, dans sa façon d'être là pour elle.
William n'était pas le garçon qui allait rattraper Charlie si elle tombait. Il était celui qui lui avait appris à voler.
━ Merci d'être là pour moi, reprit-elle.
Les yeux de William restèrent agripper à ceux de Charlie, avant qu'il ne dépose doucement un baiser contre ses lèvres. Sa main rassurante caressa l'épaule de la jeune femme et des frissons se mirent à longer sa colonne vertébrale.
━ Ça n'a pas été facile, déclara-t-il d'une voix basse, contre ses lèvres. Les chemins jusqu'à ton cœur ont été longs.
Charlie sourit, pensive.
Elle avait longtemps eu l'impression d'être derrière les autres. Comme si son passé la retenait d'avancer aussi vite qu'eux. Mais elle savait, à présent, que peu importe le chemin qu'elle empruntait, ça ne l'empêcherait pas d'arriver à sa destination. Elle avait trouvé son chemin.
Et William était si doux avec elle, que Charlie ne pouvait regretter de lui avoir ouvert son cœur. Elle avançait avec lui, à présent.
━ Il y a eu quelques détours à faire, effectivement.
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