032 | Le jardin

La première chose que William vit, ce matin-là, fut le corps de la jeune femme auprès de lui. À travers ses battements de cil, son regard longea la peau laiteuse de Charlie, illuminée par les rayons du soleil qui traversaient la fenêtre de la chambre. Redressée dans le lit, un livre entre les mains, elle baignait dans cette lumière matinale.

Encore aux portes du sommeil, William s'étira, avant de se blottir contre Charlie. La tête sur son ventre, il se laissa bercer par sa respiration. Lorsqu'il sentit la main de la brune glisser dans ses cheveux, le garçon eut l'impression d'avoir trouvé un refuge aux creux des bras de Charlie. Son corps cherchait constamment le sien. Comme s'il n'était jamais assez près. Une sorte d'attraction dont il était complètement épris.

Avec elle, ses nuits étaient teintées de douceur et de quiétude, remplies par leurs étreintes. Et à chaque fois qu'il se réveillait, elle était là, près de lui. Le réveil semblait toujours plus beau lorsque Charlie était à ses côtés.

Le cœur léger, William se mit à tracer des formes abstraites sur les bras nus de Charlie. Il s'amusa à laisser des traînées de frissons derrière chacun de ses passages, contemplant l'effet qu'il avait sur elle. Ses réactions avaient beau la trahir, son expression resta néanmoins stoïque. Absorbée par sa lecture, les traits délicats de son visage étaient encadrés par ses mèches ébouriffées. Ses lèvres roses contrastaient avec son teint pâle aux couleurs de l'hiver. Seules de petites taches de rousseurs, à peine apparentes, parsemaient ses joues.

Joues qui, sous le regard insistant de William, prirent une teinte rosée. Cette réaction alluma une flamme joueuse dans l'estomac du jeune homme.

Arrête de me fixer comme ça, s'exclama Charlie, sans lever les yeux de son livre.

Un sourire s'étira sur le visage de William. Il se redressa sur ses coudes pour se mettre à la hauteur de Charlie.

Ton livre n'a pas l'air très intéressant.

Il est très intéressant, le contredit-elle.

William réduisit un peu plus la distance entre eux et le pouls de Charlie s'accéléra soudainement. Les respirations chaudes du garçon s'écrasaient contre son épaule, provoquant de légers picotements sur sa peau. Son souffle se mélangeait à son parfum masculin qui était maintenant partout dans l'air.

Mais je suis plus intéressant, reprit William.

Charlie se mordit la lèvre pour cacher son sourire, sachant très bien que William ne la lâchait pas du regard. Incapable de se concentrer sur sa lecture, elle s'obstinait tout de même à fixer son livre.

Tu es surtout plus prétentieux.

Ignorant les éclats du rire de William, Charlie tourna une page qu'elle n'avait pas réellement lu. Seulement, son corps lui faisait défaut; ses frissons, sa respiration, les battements de son cœur la trahissaient. C'était toujours pareil avec lui. Elle n'avait pas les mots pour le décrire. Il suffisait d'un regard ou d'un simple toucher pour que le désir prenne possession d'elle.

Frémissante, Charlie crut voir trouble un instant lorsque les lèvres de William se posèrent contre sa mâchoire. Ses baisers se mirent à suivre une ligne invisible sur sa mâchoire, faisant naître une chaleur dans son bas ventre.

Tu me déconcentres, articula-t-elle difficilement, d'une voix chancelante.

Alors qu'il poursuivait son tracé, Charlie sentit William sourire contre la peau sensible de son cou. Elle se demandait s'il pouvait sentir son cœur vacillant battre à la chamade contre ses lèvres.

Je sais.

Sous ces sensations enivrantes, Charlie eut l'impression qu'elle allait défaillir. Sa cage thoracique se levait et s'abaissait avec force, tandis que la bouche du garçon continua de vagabonder sur son cou, sa clavicule, jusqu'à la naissance de sa poitrine.

Et ne pouvant résister davantage, elle succomba. Son livre tomba contre le sol et Charlie laissa ses yeux s'agripper pour la première fois à ceux de William. À la vue de ses pupilles dilatées, le cœur de la jeune femme bascula. Il l'étudiait avec une telle intensité que la seule chose dont elle avait envie était de sentir sa peau contre la sienne.

Dans une lente chute, Charlie baissa la tête et percuta son front contre celui de William. Elle remonta l'un de ses bras pour encadrer le visage du brun qui la regardait faire sans se plaindre, sentant la tension entre eux monter d'un cran.

Tu es vraiment insupportable, grogna-t-elle.

Les lèvres de Charlie frôlaient celles de William avec lenteur, leurs souffles irréguliers s'écrasant l'un contre l'autre.

Je sais, répéta William d'une voix devenue plus basse et plus suave.

Leurs respirations se mélangèrent une dernière fois, avant que Charlie n'écrase ses lèvres sur celles de William. Ce dernier répondit avec ardeur, sentant son propre cœur se mettre à danser avec les papillons dans son ventre.

Il faufila l'une de ses mains sous le chandail de Charlie, déterminé à poursuivre l'exploration de son corps. Il longea la courbe de sa hanche, caressa son dos, effleura la peau de son ventre. Son toucher créait de petites décharges électriques qui enivraient les reins de la jeune femme et enflammaient son sang. Elle bouillonnait de chaleur. Ses caresses trahissaient sa fébrilité.

Dans la fouge, leur échange se fit plus profond. Les mains chaudes de William s'agrippèrent sous les cuisses de Charlie pour la rapprocher plus près de lui. Avec imprudence, elle se laissa guider par le désir. Elle ondula ses hanches d'un geste langoureux contre son bassin. Les mouvements se dirent alors moins doux et moins joueurs. L'intensité montait, comme un appel d'urgence.

Cette frénésie qui les entourait, prenant possession de leurs corps, fut brusquement perturbée par des coups contre la porte de la chambre.

William, tu es réveillé? se fit entendre la voix de Louis.

D'un geste abrupt, Charlie mit fin à leur étreinte. Son front toujours collé contre celui de William, leurs lèvres entrouvertes se frôlaient. À bout de souffle, aucun d'eux n'osa parler, comme par peur de perdre l'étincelle qui brûlait entre eux.

William? insista Louis derrière la porte, impatient. Qu'est-ce que vous faites?

On jardine, ronchonna William ironiquement. Tu peux nous laisser seuls maintenant?

Les prunelles du jeune homme, qui semblaient être plus sombres qu'à l'habitude, fixaient la porte de sa chambre d'un air agacé.

Tu continueras de faire ton potager tout à l'heure. J'te rappelle qu'Alex s'en vient, l'avertit Louis.

À la mention du nom de son agent, William passa une main sur son front. Il pesta quelques injures, se maudissant d'avoir oublié sa venue.

Depuis que sa saison était terminée avec le Junior de Montréal, et par le fait même son parcours dans les lignes juniors, plusieurs discussions sur son avenir devaient s'amorcer. Malgré l'élimination décevante de son équipe, son nom demeurait dans plusieurs rumeurs. Non sans nostalgie, le William devait avouer que cette nouvelle étape l'enthousiasmait. C'était un pas de plus vers son rêve de jouer pour la Ligue nationale de hockey.

Louis semble tendu ces temps-ci, constata Charlie, sortant le garçon de ses pensées.

Sans réponse, William haussa les épaules. Il avait, lui aussi, remarqué l'humeur irritable de son ami depuis un certain temps. Il avait mis cela sur la faute de l'élimination du Junior de Montréal. Outre la défaite, il y avait la déception de leur propre performance, car tous les joueurs savaient qu'ils avaient le talent pour se rendre plus loin dans les séries. Louis le premier.

Et contrairement à son capitaine, la fin de saison de hockey n'annonçait rien de prometteur pour Louis. Peu de recruteurs étaient venus l'observer et les communications avec son agent se faisaient rares.

En soufflant doucement, William tourna son visage pour regarder l'heure. Il se leva du lit, puis ramassa un chandail sur le sol et l'enfila négligemment. Sans le quitter des yeux, Charlie ne manqua pas un de ses mouvements. Des muscles de son dos à ses cheveux qui tombaient sur son front, elle admirait chacun de ces petits détails.

En étant bien conscient de l'attention que Charlie lui prêtait, le jeune homme releva son visage et la défia du regard.

On dirait qu'il y a quelqu'un qui n'a pas terminé de jardiner, commenta-t-il d'une voix espiègle, un éclat dans ses yeux.

Charlie roula les yeux, sentant ses joues chauffées Elle fixa le vide, gênée, avant que William ne capture son regard en s'allongeant devant elle. Il entoura ses bras autour de sa taille et déposa ses lèvres sur la tempe. Attirée par la chaleur de son corps, la brune s'agrippa à ses épaules.

Tu sais, commença Charlie, sa main jouant nerveusement avec une mèche des cheveux de William. Tu seras peut-être le premier à visiter mon jardin.

Sans briser leur étreinte, le garçon redressa légèrement ses épaules pour observer le visage de Charlie qui luttait pour masquer son trouble.

Tu veux dire que je serai le premier à piétiner les tulipes de ton jardin? Quel honneur!

Le poids de l'anticipation tombant de ses épaules, Charlie éclata de rire. Elle donna un coup inoffensif sur le torse de William.

T'es con, rit-elle, avant de reprendre un air faussement sérieux. Et il n'y a pas de tulipe dans mon jardin, ce sont des marguerites.

Devant elle, Charlie vit William froncer les sourcils.

Des tulipes? répéta-t-il, d'un ton presque offusqué. Mais il manque cruellement de couleur dans ton jardin.

Mon jardin, mes fleurs, affirma Charlie, incrédule. Ce sont des marguerites et ce n'est pas négociable.

Obstiné, le garçon n'eut cependant pas le temps de poursuivre son argumentation, puisque la sonnette de son appartement retentit, annonçant l'arrivée d'Alex. Il sortit de son lit et se dirigea vers la porte de sa chambre, sans se soucier de replacer ses cheveux dépeignés. Derrière lui, Charlie se leva à son tour et attrapa son jeans qu'elle avait consciencieusement plié la veille.

William agrippa la poignée de sa porte, mais, avant d'ouvrir, il s'arrêta soudainement et se retourna vers la brune.

Ok, je te laisse tes fleurs moches, mais...

Tu oses traiter mes fleurs de moches? rétorqua Charlie, alors qu'elle était en train d'enfiler son pantalon.

Mais, reprit William, alors qu'il entendit, à travers la porte, Louis accueillir son agent. Est-ce qu'il peut y avoir un hamac dans ton jardin? Tu nous imagines, confortablement installée dans le hamac, en train de regarder le coucher de soleil refléter sur le lac...

Un lac? le coupa Charlie. Tu penses que t'es où, toi? Il n'y a pas de lac dans mon jardin. J'habite en ville.

Attends, Charlie. Je comprends qu'en ce moment on est en ville, mais éventuellement on va vouloir avoir la paix.

En faisant mine de réfléchir, Charlie observa les grands yeux de William, toujours aussi pétillants. La discussion ne faisait plus aucun sens. Ça parlait du futur, de leur futur. C'était quelque chose d'irréel. Cela faisait longtemps qu'elle avait arrêté de faire confiance au futur, par peur de vivre la déception.

Mais, ce que créait William autour d'eux, cette bulle de bonheur et de quiétude, la laissa se perdre au jeu. Elle s'approcha de lui pour se faufiler dans ses bras.

Ok. On habite à Montréal, mais on pourrait avoir un chalet sur le bord de l'eau. Avec un hamac.

Et des tulipes.

Charlie se hissa sur la pointe des pieds, son visage à quelques centimètres de celui de William.

Et des tulipes, capitula-t-elle d'une voix basse, avant de déposer doucement ses lèvres sur celles du garçon. Mais seulement au chalet. Tant pis si tu n'es pas content.

William ne put s'empêcher de sourire contre les lèvres de la jeune femme. Parce qu'elle avait tout faux. Ce n'était pas tant pis. Avec elle, peu importe ce qui pouvait arriver, c'était tant mieux. Il ne savait pas ce qu'il avait fait ou ce qu'il avait de plus que n'importe qui pour être avec elle. Il ne le saurait probablement jamais.

La seule chose qu'il savait, c'était qu'il tombait un peu plus amoureux d'elle chaque jour. Et c'était tout ce qui comptait.

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