021 | Se revenir

En sortant du taxi, une vieille auto imprégnée par l'odeur de la cigarette, le pied de William glissa dans une flaque de neige à moitié fondue.

Eh merde.

La soirée n'avait été, pour lui, qu'une succession de malchances et mésaventures. Ça avait commencé par son vol d'avion retardé, de l'enfant qui s'était amusé à donner des coups de pied sur son siège tout au long du trajet, jusqu'à la perte de l'une de ses valises à son arrivée à Montréal.

Une accumulation de malheurs qui ramenait brutalement William à la réalité. Sa victoire au championnat mondial de hockey junior avait peut-être le pouvoir de changer son monde, mais le monde autour de lui ne changeait pas pour autant. Cette désillusion teintait son humeur d'une frustration qu'il n'arrivait pas à expliquer.

Il leva une dernière fois les yeux au ciel pour admirer la lune qui perçait les nuages et entra chez lui. Une ambiance douce et familière l'enveloppa. La chaleur de son appartement, qu'il avait quitté depuis plus d'un mois maintenant, le réchauffa.

À travers la noirceur, William réussit à distinguer quelques décorations installées pour la célébration de son retour. Fête qui, faute de son vol retardé, avait dû être annulée. Seuls quelques rubans décoratifs et des boîtes de pizza souillées témoignaient des précédentes intentions.

En soufflant, il laissa traîner ses souliers mouillés dans le couloir et prit la direction de sa chambre. Il lança négligemment son manteau sur l'un des sofas du salon.

Aah. Mais ça va pas?

L'attention de William tomba sur une silhouette allongée sur le canapé.

Réveillée en sursaut par l'impact, Charlie frottait durement les traits de son visage. Ses mèches ébouriffées encadraient son expression somnolente, encore aux portes du sommeil.

Charlie? hoqueta le garçon, déconcerté. Qu'est-ce que tu fais ici?

William s'approcha lentement de la brune. Un lien ne voulait pas se faire dans son esprit. Il n'arrivait pas à croire ce qu'il voyait.

On t'attendait pour célébrer ton retour, mais monsieur se laisse désirer, répondit la voix fatiguée de Charlie, sans perdre les nuances de provocation habituelles dans ses intonations. Je suis quand même restée pour t'attendre.

Sa courte et simple réponse réchauffa tout le corps de William en cette froide nuit de janvier. Il pouvait physiquement ressentir sa surprise; quelque chose bougeait en lui. Une sensation étrange, semblable à un mouvement dans son ventre.

Oh, et Louis voulait absolument que je reste. Je suis supposée le réveiller pour lui dire que tu es arrivé, continua Charlie, amusée.

Un sourire doux s'étira sur les lèvres de William, avant de migrer jusqu'à l'éclat dans ses pupilles.

Laisse-moi deux minutes, le temps que je me prépare à son surplus d'énergie, gloussa-t-il en s'installant lourdement sur le canapé.

Après avoir passé les derniers jours avec lui, je dois avouer que je te comprends.

William pencha la tête vers l'arrière, s'appuyant sur le siège du sofa, alors qu'un silence serein s'installa autour de lui. Dans ce calme, Charlie pouvait presque sentir les vibrations de son torse lorsqu'il riait.

Merci, d'ailleurs, la remercia-t-il, une étincelle dans les pupilles. D'avoir passé du temps avec lui.

La sincérité dans la voix de William s'insinua en Charlie d'une proximité paralysante. Son parfum était partout dans l'air. Elle aurait pu être absorbée par son être au complet.

Tu n'as pas à me remercier. J'aime bien sa compagnie.

Le capitaine du Junior de Montréal s'inclina vers la jeune femme. Une expression concentrée reflétait son esprit en réflexion.

Quand je joue un match, j'essaye toujours d'avoir la tête vide. Je veux seulement me concentrer sur la partie, déclara-t-il calmement. Et savoir que tu étais avec Louis, ça m'a aidé.

Charlie plongea ses yeux presque troublés dans ceux de William. Il était rare que le garçon se dévoilait avec une aussi grande honnêteté. Cette transparence lui permit de voir à travers lui, révélant encore une fois son cœur bienveillant.

Et elle se surprit à vouloir ressentir cette bienveillance envers elle. Une douceur qui semblait si forte, prête à protéger de tout. Était-elle assez puissante pour combler les vides en elle? Pouvait-elle guérir ses blessures, de la plus petite égratignure, à la plus grande fracture ouverte?

Pourquoi tu t'en soucies autant? se lança Charlie, la question brûlant ses lèvres.

William releva mollement les épaules.

Louis a toujours eu des relations conflictuelles avec sa famille, mais c'était encore pire cette année.

Sa famille, tu veux dire Sarah? le confronta la jeune fille, sachant très bien que, d'une certaine manière, la sœur de Louis avait également une influence sur William. Elle est venue le soir du jour de l'an.

Son expression resta pourtant impassible, si bien que Charlie aurait pu douter qu'il y avait un lien entre eux.

Je sais, souffla-t-il brièvement, avant de reprendre son air espiègle. Et j'ai appris que tu avais dormi dans mon lit. Notre relation progresse vite, dit donc.

Même dans le noir, il put voir les joues de Charlie rougirent.

Elle balbutia quelques mots, sans trouver l'excuse qui pourrait sauver sa crédibilité, puis fut coupée par le rire de William. Elle lui asséna un coup à l'épaule, faussement offensée. Elle devait avouer que cette petite honte en valait la peine, si ce n'était que pour voir le sourire amusé que lui offrait le capitaine du Junior de Montréal.

Mais arrête de me frapper. Tu dois vraiment apprendre à gérer ta colère, Charlie, la nargua-t-il.

La brune cessa de s'agiter, tout en continuant de le fusiller du regard. Une brillance dans ses yeux trahissait sa frivolité.

Et toi, tu dois apprendre à ne plus être aussi irritant.

Tu as réservé tes plus beaux compliments pour mon retour? ironisa William.

Charlie lui lança une grimace puérile, ne faisant qu'amplifier le rire moqueur du joueur de hockey. Le regard de celui-ci s'attarda sur les rougeurs qui teintaient maintenant ses joues.

Il faut dire que tu es parti pendant plus d'un mois, j'ai donc quelques insultes à rattraper.

Tu sais, d'une certaine manière, ça veut dire que je t'ai manqué, remarqua-t-il, non sans savoir ce qu'il laissait sous-entendre.

Les battements du cœur de Charlie s'accélèrent brusquement, attisant un brasier incontrôlable au creux de son estomac.

Elle ne pouvait mettre de mots sur le sentiment qu'elle ressentait. C'était comme si elle était prise dans les filets de William. Elle ne pouvait rien y faire, si ce n'était que de se remettre à l'assainir de légers coups dans une vaine tentative d'ignorer cette sensation.

Cependant, elle ne voulait pas sortir de ce piège, ce danger caché que pouvait être William pour Charlie. Elle niait tout simplement son existence. Car elle avait beau détester la façon dont elle réagissait en sa compagnie, le fait était que sa présence réussissait à apaiser son âme fracturée.

La gestion de ta colère Charlie, la gestion de ta colère, se moqua William, en attrapant les poignets de la Charlie pour l'arrêter, laissant son corps fébrile se calmer dans sa poigne.

Figés l'un devant l'autre, leurs regards se cadenassèrent ensemble. Les iris de la brune étaient éclairés par la lune et la respiration de William devint haletante devant cette lueur enivrante, presque destructrice.

Charlie s'éclaircit la voix doucement en se redressant.

Parlant d'insulte, j'espère que ta victoire ne t'a pas monté à la tête. Tu es assez prétentieux comme ça, affirma-t-elle la gorge sèche, tentant d'ignorer la tension entre eux.

Pas ce soir. Je te l'ai dit, je suis trop fatigué. Mais demain, par contre, je ne garantis rien.

Charlie ne répondit rien, si ce n'était qu'un petit rire timide, et examina le visage de William. Elle sentait les battements de son cœur bourdonner contre sa poitrine. Quelque chose de sauvage flottait dans les yeux verts du garçon, alors que son regard semblait être déposé sur ses lèvres.

L'envie grandissait en elle et, sans pouvoir faire quoi que ce soit, elle sut qu'il était déjà trop tard.

Elle n'avait pas la force de lutter, tout chez William faisait qu'elle frémissait: l'intensité de ses prunelles qui la sondaient, son sourire si doux qu'il en était insupportable, sa voix rauque et suave et son attitude confiante, teintée d'une terrible attraction.

Autant en profiter, alors, murmura-t-elle d'une voix devenue basse.

Le temps sembla alors être suspendu.

D'une délicatesse fracassante, William passa une main sous l'oreille de Charlie. Son pouce effleura sa joue pâle, la faisant soupirer à son contact. Il inclina son visage, son regard scellé au sien. Ses iris étaient désormais voilés de désir envers elle, laissant son souffle chaud s'écraser sur les lèvres rosées de la jeune femme.

Dans sa respiration alarmée, Charlie le regarda réduire la distance de sécurité entre eux. Un frisson longea sa colonne vertébrale, alors que tout son corps, lui, était brûlant. Leurs souffles se mélangèrent une dernière fois, avant que William ne colle ses lèvres aux siennes. Ils se laissèrent s'enivrer d'une délicieuse sensation d'euphorie.

Le temps d'un instant, de doutes et de vieilles habitudes de fuite, Charlie s'écarta de l'étreindre. Tous deux à bout de souffle, elle observa le visage du joueur de hockey aux allures sauvages. Les effluves chauds et masculins chatouillaient son nez et, par le fait même, toutes les fibres de son être.

Ce bref baiser avait été à l'image de William, ce soir; doux, délicat et attentionné. Charlie sentit son coeur chavirer dangereusement.

Elle en voulait plus.

Se laissant guider par la frénésie, elle joint leurs lèvres ensemble à nouveau. L'effet était le même qu'un aimant. Son buste se plaqua à son torse, laissant son corps fragile entre ses bras musclés. Elle passa l'une de ses mains sur le cou froid de William, l'autre se faufilant dans ses cheveux.

Leur premier baiser aurait pu passer pour une erreur, mais la seconde fois ne pouvait en revanche n'être qu'une décision. L'éloignement de Charlie n'avait qu'amplifié l'ardeur de leur échange, de même que le départ de William en Finlande.

Ils s'étaient quittés pour mieux se revenir.

Le touché de William se perdit sur la peau lisse de la jeune fille. Ses mains se posèrent sur la chute de ses reins et il la rapprocha encore plus près de lui, si c'était possible. Il se mit à tracer une ligne de baiser sur son cou, ses lèvres se mélangeant aux frissons qui parcouraient son épiderme.

Attachée à la retenue et au contrôle, Charlie mordit sa lèvre inférieure, mais ne put se maintenir lorsque la langue de William se mit à danser sur la peau sensible en haut de sa poitrine. D'une main frémissante, elle releva le menton du garçon pour étouffer un gémissement contre ses lèvres.

Ils se livraient complètement l'un à l'autre, s'adonnant de nouveau à quelque chose que seuls eux pouvaient créer.

La main de William glissa sous la cuisse de Charlie et la souleva avec aisance. Il la fit basculer sur le dos, son corps imposant au-dessus du sien, tandis que leurs lèvres restèrent accrochées. Elle passa timidement une main sous le chandail du joueur de hockey, frôlant son dos de la pointe de ses doigts.

Dans un désir de le vouloir plus près d'elle, elle tira son bras, de sorte à ce que son corps se colle au sien dans une parfaite harmonie. Avec impulsion, leurs jambes s'entremêlèrent et les mains libres de William se glissèrent sous son chandail. D'une lenteur calculée, elle sentit ses doigts froids balayer la peau de son ventre, remontant jusqu'à la base de son soutien-gorge.

Dans un torsion de plaisir, Charlie releva son menton. William commença à déposer de doux baisers sous son oreille. Chaque contact créait de légères décharges électriques, court-circuitant leurs âmes d'une connexion imprévisible. C'était la conséquence des tensions qui gravitaient entre eux, après avoir laissé leur désir fiévreux prendre d'assaut leurs pensées.

Après sa victoire en Finlande, William avait eu l'impression d'avoir tout gagné. Mais, en serrant le corps délicat de Charlie entre ses bras, il comprit qu'il avait tout faux. Bien que son retour tumultueux aurait pu lui prouver, ce n'est qu'en ayant quelque chose dont il n'avait jamais cru avoir besoin qu'il réalisa ce qu'il lui manquait. Ce sentiment le transperça, s'insinuant dans ses veines et retournant complètement son esprit.

Charlie, quant à elle, aurait pu se laisser prendre par l'hésitation, mais elle n'arrivait plus à penser à rien. William envahissait tous ses sens. Elle ne savait pas où ce désir incontrôlable l'amènerait. Elle ne pouvait pas l'arrêter, mais elle voulait encore moins le faire.

Seule une chose pouvait les ramener à la réalité: l'obligation d'y faire face.

C'est donc le grincement d'une porte qui sépara les deux corps. Ils se redressèrent en vitesse, n'osant pas lever leur regard l'un vers l'autre, et restèrent concentrés sur la douce et étrange sensation qui était demeurée sur leurs lèvres rougies. La peau toujours imprégnée de leurs caresses, ils tremblaient sous l'intensité des ébats.

Les secondes passèrent comme des heures, avant que leurs souffles saccadés furent engouffrés par le cri de Louis.

Mon champion est arrivé! s'exclama-t-il enjoué, s'installant entre Charlie et William sur le canapé. Et bien, je t'avais bien dit que mon caleçon porte-bonheur fonctionnait!

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