Chapitre 8
Quand Maggie m'avait dit qu'elle serait là désormais pour moi, ses mots avaient produit un déclic dans ma tête, mes démons m'avaient relâché et s'étaient dissipés instantanément. J'étais bien. J'étais léger, même si elle me proposait qu'une amitié à l'époque.
J'avais passé tellement de temps à me convaincre que le désordre présent dans ma vie venait de ce qui gravitait autour de moi : Le décès de ma mère et de ma grand-mère, ma relation chaotique avec mon père, et puis ma phobie... Cette peur qui me paralyse encore maintenant, ma peur de la foule.
Mais le désordre était bel et bien que dans ma tête.
Il y a trois ans, j'étais le capitaine d'un navire qui coulait, j'avais choisis de croire que le fond de l'océan pouvait m'apporter une meilleure source d'oxygène, jusqu'à elle.
Jusqu'à Maggie.
Elle avait réussi à me convaincre que j'étais une part de son existence, à présent, que j'étais nécessaire à son bien-être. J'étais important. Elle m'acceptait tel que j'étais, même si parfois, mes démons reprenaient le dessus l'espace d'un jour ou deux dans lesquels je la blessais et qu'elle en faisait tout autant par vengeance ?
Mais maintenant, je suis là, devant ce foutu lit d'hôpital depuis quarante-huit heures, je suis terrifié à l'idée de la perdre. Son corps est brisé. Ma conscience me hurle que j'en suis le responsable, je veux dire, de tout ce drame, j'ai toujours porté la poisse. J'ai un besoin irrépressible d'alcool, mais je n'ai qu'un café froid pour me soulager et je déteste le café froid... En plus, il a taché mes feuilles de papiers qui sont, elles, souillés par mes mots depuis que je n'ai plus rien à faire à part attendre.
C'est drôle combien artistique nous devenons lorsque nos cœurs sont brisés. Je suis seul, je suis seul et vide et j'en suis malade. Je me sens pathétique, car Maggie est ma bonne santé mental.
- Et je t'aime pour ça ... Je me surprends à le chuchoter.
Et les machines de Maggie se sont emballés. Un foutu bruit aiguë et persistant, puis, elle s'est mise à convulser. Des infirmières se sont accaparées la pièce, me bousculant dans l'agitation. Je me précipite dans un coin. Le médecin arrive la seconde d'après. Ils lèvent les barrières du lit, ils s'empressent de la bouger.
- On y va, on y va ! On va la perdre ! exige le médecin, dynamique.
Puis, un long "bip"... interminable. Incessant.
Mortel.
Le pire sifflement de toute ma vie. Celui que personne ne veut entendre.
Et moi ? Moi, je reste là. Debout. Mon visage sans doute livide, encore une fois, et ma bouche entre-ouverte. Choqué. Un instant, mon cœur s'est décroché de ma poitrine. Je suis tombé dans un trou sans fond il y a quarante-huit heures, et je viens de toucher le fond.
- Réveille-toi, réveille-toi ! Me dis-je en agrippant ma tignasse brune.
Ma respiration s'accélère. A quoi ça sert ? De rester ? Je suis anéanti, je déteste ma vie. Maggie était tout pour moi.
Mes genoux se fracassent contre le sol de l'hôpital.
Nous étions bien. C'était nous, nous contre le monde entier, ce pauvre monde. Je ne peux pas y croire, je suis certain que je l'ai perdu. Elle est partie. Elle m'a laissé tout seul.
Je me lève et me précipite dans les couloirs de l'hôpital. Je trace dans les escaliers comme si ma vie en dépendait ( et si elle en dépendait ?), enchaînant marches après marches sans m'arrêter. Je trouve une porte menant à la sortie. Elle est ouverte. Je me faufile à l'extérieur, sur ce toit.
J'ai inhalé ce monde depuis si longtemps que j'en ai déchiré mes poumons. Je regarde autour de moi les milliers de lumières de la ville qui scintillent devant mes yeux. Le panorama est magnifique du haut de cet hôpital. Je lève la tête. Le souffle court, je regarde le ciel noir d'encre. Un flocon de neige tombe sur mon nez et fond aussitôt. Un second atterrit sur mon front.
Je suis une cause perdue.
Je m'approche du vide d'un pas décidé et me penche par dessus la balustrade, qui grince légèrement sous mon poids. En contre-bas, le bitume du trottoir, désert, qui m'attire d'une telle force que je ne peux y résister. Plus à présent.
Et je déteste Maggie. Je les déteste tous.
Je me rejette en arrière et tente de reprendre une respiration normale, en vain. J'allume une dernière cigarette et tire dessus une fois, deux fois, jusqu'à ne plus sentir mes poumons brûler par la fumée.
Je me rapproche à nouveau de la balustrade et l'aggripe de toute mes forces, finissant par la secouer de rage, hurlant le peu d'oxygène présent encore dans mon corps.
Je ne la contrôle plus. Je ne contrôle vraiment plus ma respiration.
Après un effort sur-humain, je me calme et passe un pied, puis l'autre et m'assoie sur le rebord, les jambes pendant dans le vide. Je regarde à nouveau la rue en contre-bas mais ma vue est vite embrouillée par les larmes qui coulent d'elles-mêmes sur mes joues. Ce n'est qu'à cet instant que je ressens le froid. Mes doigts sont congelés. En me redressant, je remarque que le rebord glisse légèrement.
Je prends une grande respiration.
- Gamin, descends de là immédiatement.
Je regarde par dessus mon épaule. Pino est là, dans l'embrasure de la porte de service. Il fait un premier pas vers moi, hésitant.
- S'il te plaît, gamin, fais pas le con, reprend-t-il.
- Si je sautais, je pourrais être mort en une seconde. Je sanglote.
Pino pleurniche derrière moi, il se contente de se taire.
- Tout est si fragile... continué-je.
Pino ne s'arrête pas de gémir.
Je regarde le trottoir encore une fois, longuement.
- Un bête geste et je ne suis plus là. Je ne respirerai plus, Pino.
- C'est pas la solution, gamin, murmure mon manager d'une voix rauque.
- C'est la seule solution que je vois. Maggie est plus là.
- Mais non, elle va bien.
- Ne me mens pas, j'ai entendu l'appareil hurler, crié-je de toutes mes forces ma certitude, me tenant férocement à la balustrade.
- Quel appareil ? demande Pino en fronçant les sourcils.
- Celui de son coeur... qui s'est arrêté de battre. Crétin.
Pino fait encore un pas dans ma direction, reprend une forte respiration :
- Ecoute-moi bien ! ordonne-t-il sèchement. Maggie va bien. Son coeur s'est effectivement arrêté, mais les médecins l'ont sauvé à temps. Son état est stable. Il va s'améliorer. J'ai pas envie de lui annoncer ton geste débile lorsqu'elle se réveillera.
Il me faut quelques secondes pour assimiler ce qu'il vient de me dire.
- Elle va ... va bien ? a...alors ? Bredouillé-je.
- Oui.
Merde.
Je me retourne complètement et avec précaution, je repasse mes jambes du côté du toit. Pino se précipite vers moi pour m'aider, mais je le repousse brusquement.
- Adam ! Laisse-moi t'aider !
- Inutile, rétorqué-je. J'avais trop la trouille de toute manière.
L'excuse. Bien sûr que non, je n'avais pas la trouille mais qu'adviendrait-il de la suite ?
- Non mais tu te fous de moi ? Hausse-t-il le ton.
- Fallait bien que j'attire l'attention, non ? Rétorqué -je d'un ton hautain.
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