Chapitre 5

Seul dans le couloir, je regarde mon téléphone, fixant le numéro de l'oncle de Maggie. Je dois lui téléphoner, mais je ne sais pas comment lui dire ce qu'il s'est passé, surtout qu'à cette heure-ci, il doit s'occuper de son café. Maggie est dans un état critique, elle peut m'être enlevée à n'importe quel moment, et je suis responsable d'appeler l'homme qui l'a élevé pour lui dire qu'elle pourrait lui être enlevée, à lui aussi.

J'appuie sur le bouton d'appel.

Première sonnerie.

Deuxième sonnerie.

- "Allo ?" Fait-il.

- "Salut. C'est Adam", dis-je, mâchant mes mots.

- "Oh Adam ! Comment tu vas ? Ton concert s'est bien passé?" Reprend-t-il, content de mon appel.

- "Euh... Ecoute..."

Ma voix se casse, je renifle.

- "Que se passe-t-il, Adam ?" Demande-t-il, inquiet.

- "Maggie est à l'hôpital, Erik. Elle va pas bien..."

J'ai besoin d'un appui. Je recule jusqu'au mur, mais celui-ci ne retient pas le poids de mes jambes tremblantes et je glisse jusqu'à me retrouver assis.

- "Qu'est-ce qu'elle a ?"

- "Elle a..."

J'essaye de reprendre mon souffle, mais mes poumons en ont décidé autrement. J'étouffe.

- "Adam !" Hurle-t-il au téléphone. "Qu'est-ce qu'elle a bon Dieu ?"

Avec toutes les peines du monde, je prends une grosse respiration et enchaîne :

- "Elle a eu un accident de voiture, c'est grave. Il faut que tu viennes, immédiatement."

Pino, s'inquiétant pour moi et au courant de mon appel, fait son apparition de la salle d'attente. Voyant mon état, il me rejoint et prends mon téléphone.

- "Salut Erik ! C'est Pino !" Dit-il d'un ton détaché.

Il part ensuite avec mon téléphone plus loin dans les couloirs, me laissant seul avec ma crise d'angoisse, mais je n'ai plus de cachets.

Je les ai arrêté il y a deux ans, depuis que Maggie est venue habiter avec moi.

Au début de notre relation, je faisais les trajets entre Londres, ou le pays où j'étais à ce moment-là, et Las Vegas. Elle avait décidé d'y retourner à la fin de notre tournée européenne, retrouver Erik et l'aider dans le café. Puis, au bout d'un an, je me suis décidé à lui demander de venir habiter chez moi. Après en avoir parlé à son oncle, elle m'avait répondu, sourire aux lèvres :

- Oui. Mais à une seule condition : J'aimerai qu'on choisisse ensemble notre chez-nous.

- Pourquoi? Tu n'aimes pas où j'habite? Lui avais-je demandé.

- J'aimerai un endroit à nous, un endroit que nous aurons choisis ensemble, décoré ensemble.

- Ah, ouais... En fait, tu ne veux pas venir là où j'ai vécu avec Gemma?

- Non. Je ne veux pas, m'avait-elle avoué.

Apres un instant, je lui avais dis que ça m'allait, que j'acceptais ses conditions et Maggie avait sauté de joie et s'était jetée dans mes bras. Peu de temps après, nous avons trouvé une petite maison dans la banlieue de Londres, à un quart d'heure du centre et Maggie l'a aménagé comme elle le désirait. Le plus difficile dans l'histoire, c'était le déménagement.

Maggie était tombé sur les vieux trucs de bébés que je gardais dans l'une des chambres et m'avait demandé :

- Pourquoi tu as ça, ici ?

Je m'étais fais violence ce jour-là et je lui avais tout raconté :

- Gemma était enceinte. Elle était tellement heureuse à l'idée d'avoir un bébé qu'elle n'avait pas su se retenir d'acheter des habits et autres trucs débiles.

- Attends...tu es en train de me dire que tu as failli être papa ?

- Ouais...Mais on l'a perdu. Et depuis, tout est resté là.

- Pourquoi tu m'en a jamais parler avant ? M'avait-t-elle dit avec douceur. Tu peux pas continuellement me cacher des choses, Adam !

- Parce que c'est une sale partie de mon passé. Rétorqué-je. Et je n'aime pas t'en parler, de ça, de tout ça.

Puis, j'étais tombé sur un pyjama jaune poussin de deux pièces, un ours brun était brodé sur le haut, il était tout petit et sentait le neuf. L'étiquette était encore accroché. Lorsque j'avais relevé la tête quelques seconde après ma trouvaille, je devais sûrement avoir la larme à l'œil, en tout cas, Maggie me regardait avec ses grands yeux émeraudes empli de compassion.

- Mettons tout ça pour les associations, ça sert à rien de les garder, avais-je dis soudainement en jetant le pyjama dans son carton où je l'avais trouvé.

J'avais quitté la pièce et Maggie m'avait rejoint pour me rassurer. Elle m'avait dit qu'elle comprenait que j'avais mon jardin secret et qu'elle en avait un aussi. Et elle avait ajouté qu'elle m'aimait.  

Par la suite, une fois que nous nous étions installés, j'ai offert un chien à Maggie, pour qu'elle ne se sente pas seule lorsque je partais en tournée. C'était un mini pinscher noir et brun et elle l'a appelé Oskar. Il est vite devenu très important aux yeux de Maggie.

Mes souvenirs disparaissent, et je ne vois qu'un mur blanc en face de moi. Toujours appuyé contre le mur, je regarde avec l'air d'un chien battu les gens défiler devant moi, réclamant un peu de compassion de la part de ces infirmières, de ces docteurs, patients ou même visiteurs. Je veux juste qu'on me prête une oreille attentive. Ou une épaule. Mais les seuls regards qu'on m'accorde sont froids et méprisants. Après tout, qu'est-ce que je fais là, par terre, au milieu d'un couloir d'hôpital ?

Je remarque que mes jambes ont arrêtés de trembler, je reprends alors le dessus. Mon subconscient en est surement la cause. Je me redresse rapidement et avance à la recherche d'un coin tranquille, les toilettes. Une fois trouvé, j'ouvre la porte et m'y introduis avant de refermer derrière moi. Il y ajuste des WC et un lavabo. Et une horrible odeur de désinfectant.

Un instant et mon corps lâche à nouveau. Je me laisse partir en arrière, le mur m'aidant une fois de plus à faire la descente vers le sol. Mes mains tremblent. Mon corps tout entier tremble. Je tente désespérément de me contrôler mais une larme roule sur ma joue, puis un torrent. Mes poumons m'empêchent de respirer, mon cœur s'emballe, je suffoque. Mon corps bascule en avant et mes genoux heurtent le sol. Je porte mes mains à mon cou et tente de me ressaisir.

Respire, respire, me dis-je, à l'agonie.

La pièce est sombre, des petits carreaux de carrelage de couleurs rouges et blancs enlaidissent le mur .

Je me mets à les compter.

1
2
3
4

Ma vue vacille. J'essaye de me concentrer sur les carreaux blancs, juste les carreaux blancs.

5
6
7

Une pièce sans fenêtre. T'es vraiment trop con, me détesté-je.

8
9

D'un seul coup, ma vision revient. L'adrénaline prend le dessus car je me relève, difficilement, mais je me relève. Titubant, je tourne le loquet. Une fois la porte ouverte, je sors de cette pièce bien trop pesante pour m'écraser contre le mur d'en face.

Un petit groupe d'infirmières se précipite sur moi, le visage inquiet.

- Est-ce que tout va bien, monsieur ? Demande l'une d'elles.

Elle porte sa main sur mon épaule. Son geste me fait un bien fou.

Je relève la tête et repousse mes boucles en arrière. Une deuxième infirmière, blonde, me regarde d'un air béa avant de s'écrier, surexcitée :

- Oh mon Dieu ! C'est Adam Nolly !

Les autres infirmières gloussent et commencent à fouiller les poches de leurs blouses. Seule la brune reste professionnelle et dévisage ses collègues d'un air froid.

- Venez avec moi, monsieur. M'invite-t-elle d'un ton rassurant.

Elle m'aide à me redresser et à faire quelques pas dans le couloir, loin de ses hystériques de collègues. Elle me fait entrer dans une salle de consultation et me demande de m'asseoir sur l'une des chaises.

- Est-ce que vous souhaitez boire quelque chose ? Propose-t-elle avec douceur. Je peux vous apporter une bouteille d'eau, si vous le souhaitez...

- Mes cachets. Murmuré-je d'une voix rauque.

- Qu'avez-vous dit?

Je sors difficilement mon porte-monnaie de la poche arrière de mon jeans et j'en retire tous les papiers ; billets, tickets de métro, quittances. Finalement, je trouve l'ordonnance prescrite pour mes cachets. Je la tends à l'infirmière qui y jette un rapide coup d'œil.

- Je vais vérifier, mais je doute qu'on ai ça en stock. Dit-elle d'un air désolé.

- Il me les faut. Grondé-je. Donnez-les moi. Ou autre chose ! N'importe quoi !

- D'accord...J'entends bien votre demande. Affirme-t-elle avec un calme professionnel. Je n'ai malheureusement pas le médicament que vous souhaitez mais je peux aller me renseigner auprès d'un de mes collègues pour vous prescrire un médicament semblable. Etes-vous d'accord avec cette option ?

- Ouais.

Je suis prêt à accepter n'importe quelle option, du temps qu'on me file quelque chose.

- Je reviens.

Elle quitte la pièce, me laissant seul. J'enfouis mon visage entre mes mains. Maggie savait comment me calmer, elle. Elle était douce, elle. Rien que son sourire me permettait de me recentrer sur moi-même. Elle avait toujours les mots justes,elle. Son regard empathique posé sur moi m'enlevait tout les maux.

Merde. Maggie. Elle est toute seule. Elle a besoin de moi.

Je bondis vers la porte, la vision à nouveau floue et me précipite dans les couloirs.

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