Chapitre 31

Mon jardin doit être le jardin le moins bien entretenu de tout Londres. Maggie savait l'entretenir, elle. Depuis qu'elle est partie, les haies sont devenues d'une couleur jaunâtre, l'herbe a reprit de la hauteur, les fleurs fanent, certaines sont déjà mortes. Mon jardin me représente bien, au final.

Je soupire, pose ma bouteille de Gin sur la table en plastique, et cherche mon paquet de cigarettes dans ma poche. Je le sors rapidement et en attrape une que je mets dans ma bouche et l'allume. Je prends la chaise en osier blanche, proche de la table et m'assoie.

J'aimerai redevenir un enfant l'espace d'un instant. Un enfant innocent. Pouvoir me retrouver à nouveau dans les bras de ma mère, humer son odeur, entendre sa voix que j'ai si longtemps essayer de ne pas oublier mais qui m'a quand même échappé, comme son rire. L'entendre respirer, la regarder faire. J'aurais tellement aimé l'avoir aujourd'hui à mes côtés. J'aurais aimé qu'elle me console, qu'elle joue son rôle de maman. Qu'elle me dise que tout ira bien, que ce n'est qu'une mauvaise passe de plus à franchir.

Mais je suis seul.

Je regarde la bouteille, qui est en relief. Des fleurs peintes en noirs recouvre la carafe. Dommage qu'elle ne soit pas transparente. Je la secoue, un petit bruit de liquide se fait entendre.

Merde, je suis bientôt au bout... et moi je suis à bout.

Je prends une grande gorgée de Gin. L'alcool brûle ma gorge, mais anesthésie ma tête et mon cœur.

Qu'est-ce que je vais faire de moi ?

J'appuie mes coudes sur mes cuisses, tête baissée, mes mains grattent ma touffe de cheveux indomptable. Depuis que je suis rentré, je passe mon temps à souffler sur les multiples mèches me dérangeant sur le visage, ou à les repousser avec mes doigts.

Pour finir, j'abandonne l'idée de voir quelque chose à travers ma touffe et je pose un bras et ma tête sur la table, faisant tourner du bout de l'index la bouteille sur sa tranche.

- Encore à boire ?

Je sursaute.

Maggie.

Je relève la tête et d'une main, tire mes cheveux en arrière. Ce n'est pas une hallucination, elle est vraiment là, devant moi.

- Encore à boire ? Répète-t-elle.

Je balance la bouteille par-terre. Elle rebondit sur les dalles de la terrasse. Je grimace.

Merde. J'aurais voulu qu'elle finisse dans l'herbe.

- Non, non...Je ne bois pas.

Elle plisse les yeux. Ses magnifiques yeux vert émeraude que j'aime sentir sur moi.

Elle fait un pas dans ma direction. Sa démarche est hésitante à cause des béquilles. Elle s'assoie sur la chaise en osier en face de moi en grimaçant légèrement.

- Tu as encore mal ? Demandé-je.

- Ce sont mes côtes qui me font souffrir de temps en temps. Je ne dois pas faire trop d'efforts physiques. Et puis, j'ai eu ma dernière opération pour ma jambe la semaine passée. Je suis enfin au bout de tout ça.

- Qu'est-ce que tu fais là ?

- Pino m'a donné de tes nouvelles. Répond-t-elle. Alors je suis venu te voir.

- Tu n'aurais pas dû te déplacer, répliqué-je. Puisque Pino t'as déjà tout dit.

Je commence à être agacé. Quelle connerie ! Ca fait des semaines que je veux revoir Maggie et maintenant qu'elle est à nouveau là, j'ai juste envie qu'elle parte.

- Je suis venu te rendre les clés, aussi.

Elle les sort de sa poche et me les tends. Je ne les prends pas et me contente de la fixer comme un chien laissé sur le bord de la route, pétrifié. Elle finit par les déposer sur la table et les fait glisser jusqu'à moi.

- Il faut que je te dise quelque chose, commence-t-elle.

Putain, qu'est-ce qui va encore m'arriver ?

Je hausse les épaules, irrité :

- Ben dis-le, lancé-je sèchement.

Je suis prêt.

- Je repars en Amérique.

En fait, non.

Cette annonce me crispe l'estomac. Je sens monter les larmes aux yeux mais je les retiens.

Je renifle. Je dois me contenir.

- T'as réellement pris cette décision ? Murmuré-je.

- Oui. Je penses que c'est la meilleure solution. Pour tout le monde.

- Non, c'est pas vrai ! Pas pour moi ! Explosé-je.

- Adam...Soupire-t-elle.

Mais je la coupe, furieux :

- C'est complètement débile ! Tu es débile d'avoir pris cette décision ! Tu es débile de m'avoir quitté ! Tu es débile !

- Toi, tu es ivre. Rétorque-t-elle avec calme.

J'ai envie de me lever et de la secouer. Qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez elle ?

- L'excuse que tu m'as donné pour me quitter est la plus débile que j'ai jamais entendu ! Comment as-tu pu mettre tout ça sur le dos du groupe ? Dis-je en me levant et en la pointant du doigt. Balance-moi la vérité, merde ! Prends tes responsabilités et donne moi une excuse sincère !

Elle se tortille sur sa chaise, mal à l'aise.

- Pourquoi tu réagis comme ça, Adam ?

- J'ai failli tuer quelqu'un, tu sais ? Quelqu'un que tu connais très bien, hurlé-je, mes yeux embrumés.

- Qui ? demande-t-elle brusquement, effrayée.

- Je t'ai donner quelque chose que tu ne pourras jamais me redonner.

Ma voix file dans les aiguës.

Son visage se décompose.

- Quoi, qu'est-ce que tu m'as donné ?

- J'ai fais vivre un enfer à Pino. Je hais ton oncle.

- Adam, tu fais une suites de phrases que je ne comprends pas...

- Oh, je pense me suicider, finis-je d'un ton déchirant.

- Quoi ?

- Je t'aime. Excuse-moi.

Au final, je n'ai rien pu contenir.

Elle me regarde, déboussolée et choquée.

- Pourquoi tu dis ça ? Murmure-t-elle.

Je continue sur ma lancée, comme si ma tête, mon cœur et ma langue se sont liguées contre moi.

- Parce que j'ai faillit me jeter du toit de l'hôpital. Parce que je croyais que tu étais morte. Parce que ton coeur s'est arrêté. Parce que j'ai encore ce foutu "bip" sonore dans ma tête. Parce que je revois les médecins qui tentent de te réanimer. Parce que tu es ma raison de vivre. Parce que je t'aime.

Je vacille sur mes jambes. Je perds le large.

- Je t'ai quitté à cause de l'alcool.

Cette phrase met du temps pour atteindre mon cerveau.

- Quoi ?

- Je t'ai quitté à cause de l'alcool. Répète-t-elle.

- Je n'ai pas de problème avec l'alcool. Asséné-je rudement. Pourquoi tu ne veux pas me dire la vraie raison de la rupture ?

- C'est la vraie raison ! Hausse-t-elle le ton. Rien que maintenant, tu es ivre ! Tu bois du matin au soir, tu pues l'alcool, tu tiens des propos incohérents et tu essayes de me faire peur en me disant que tu vas te suicider ! Tu crois que c'est en me faisant du chantage affectif que je vais revenir ?

Un long silence s'installe entre nous. Je sens mes jambes trembler et je me rattrape à la table pour ne pas tomber. Maggie prend une grande inspiration et poursuit :

- Tout n'est pas perdu, Adam. Mais il faut que tu te reprennes en main.

Elle se lève et réajuste ses béquilles. Elle s'éloigne de quelques pas avant de se retourner une dernière fois vers moi :

- Va te coucher, Adam. Et arrête de boire.

Puis, elle s'en va en boitillant, sans se retourner.

"Arrête de boire"

Les derniers mots de Maggie sont "arrête de boire". Pas "Adieu" ou "Bonne chance pour la suite".

Ces mots me transpercent le cœur.

Ils ont un putain d'impact sur moi. Comme si mes os s'étaient lamentablement broyés sous le poids de mon envie à disparaître soudainement.

Mais pourquoi au final ?Parce que c'est insoutenable.

Ma vie est devenue une chanson pop ennuyeuse dont personne ne connait les paroles.


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Cette musique, je l'ai tourné en boucle pendant l'écriture de ce chapitre. Elle est la perfection avec ce passage <3

Des becs, Nikkih

[Il devrait y avoir un GIF ou une vidéo ici. Procédez à une mise à jour de l'application maintenant pour le voir.]

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