Chapitre 29

George fonce vers la sortie de la structure suivit de Gavin et de Ross. Je les rattrape alors qu'ils tendent leurs instruments au personnel du staff.

- Nos fans étaient incroyables ce soir ! dis-je, un sourire au coin des lèvres.

Gavin me lance un léger "ouais" avant de passer à côté de moi sans me jeter un seul coup d'œil.

- Quoi ? C'était un excellent concert ! reprends-je, content.

- Margaret m'attends, avance Ross en se frottant le visage avec une serviette. A plus tard, ajoute-il en mettant une tape dans le dos de Gavin, qui sourit face à son geste.

- Qu'est-ce qu'il se passe ?

Mon air est inquiet.

- Adam, laisse-moi tranquille, conclut Gavin la conversation.

Le mépris que je perçois dans sa voix me tape sur les nerfs.

- C'est quoi le problème ?

Je le fusille du regard.

- Tu es qu'une pourriture d'égoïste, voilà le problème, crache-t-il d'une voix furieuse.

Il soupire, me regarde d'un air méprisant et me laisse derrière lui.

- Ok... murmuré-je, une main sur ma nuque.

Pensif, je descends la rampe. Qu'est-ce que j'ai bien pu faire pour les refroidir à ce point ? Rapidement, je ressens une pression qui se forme sur mon épaule, et j'ai un mouvement de recule. On me bouscule.

- Fais attention, putain ! dit d'un air exaspéré un roadie. Il faut circuler plus vite ici ! 

Sans hésiter, je me précipite et me colle à la barrière de sécurité pour laisser passer les autres membres pressés du concert qui se prépare déjà. Je traverse rapidement le quai de chargement et descends les quelques marches qui me libèrent de la folie de la scène.

Mais pas de Pino, qui se jette dans ma direction.

- Adam Nolly ! Cazzo di merda ! Je vais te tuer !

Pino se presse en secouant ses mains dans tous les sens. Bien qu'il soit plus petit que moi, il m'attrape rageusement par mon t-shirt détrempé de sueur.

- Comment as-tu osé ! Comment as-tu osé ! Comment ? Répète-t-il bientôt à court de souffle. Je vais te tuer.

Sans plus attendre, je m'arrache de sa poigne.

- Je peux pas mentir.

- Tu n'es qu'un gamin immature. Tu es imbuvable. DÉTESTABLE !

Pino devient cramoisi, il trépigne de colère.

- Ta carrière est fichue, tu m'entends ? Fichue.

Je rigole sous ses paroles. Comme si ça pouvait être vrai...

- Mais tu vas résoudre le problème, comme d'habitude.

- Non.

Quoi « non » ?

Pino baisse la tête. Toute la colère qu'il avait en lui disparaît en une fraction de secondes.

- Quoi "Non" ? Répèté-je, cette fois-ci à haute voix.

Ses yeux brillent quand il me regarde, son air est devenu grave. Je sens que je ne vais pas apprécier sa réponse.

- Parce que j'arrête.

- Comment ça " Tu arrêtes" ? dis-je d'une voix étranglée.

- Je ne serais plus votre manager. Ton manager, rectifie-t-il.

- Je sais que je me suis mis dans la merde avec Heather et l'interview aujourd'hui, mais rien d'exceptionnel.

Pino lève les yeux au ciel. C'est vrai, j'en ai peut-être fait un peu trop. J'ajoute, coupable:

- Et de sa permanente et des percussions, avoué-je en laissant échapper un petit rire. Rien de grave, tu vois ?

J'essaye de m'en persuader.

- Le label vous a laissé tomber, ajoute-t-il, les bras retombant le long de son corps, tel une marionnette désarticulée.

- C'est des cons. Ils l'ont déjà dit des dizaines de fois quand Maggie était à l'hôpital, mais on est toujours là, avec eux.

- Ils vous ont tellement menacé que je suppose que c'est pour cette raison qu'ils vous ont lâché.

- C'est pas possible. On est l'un des meilleurs groupes.

- Je suis désolé gamin.

C'est irréel.

- Vraiment désolé, ajoute-t-il.

Je ressens de la gêne et du désespoir dans sa voix. Pino se retourne sans un mot, il traîne des pieds en s'éloignant. J'en profite pour lui demander avant qu'il ne disparaisse:

- Est-ce que les autres sont au courant ?

Il s'arrête, et soupire bruyamment.

- Oui. Je leur ai tout dit avant que vous ne montiez sur scène.

Ceci explique la réaction de Gavin et Ross.

Puis, il s'efface dans la masse de gens présents.

Il est parti sans me dire au revoir, ou à bientôt. Il est juste parti.

Est-ce que c'est vraiment comme ça que ça se termine ? Sans compromis ? Il me laisse tomber. Il m'abandonne réellement ? Il l'a pourtant fait. Il vient de le faire. C'est comme s'il avait fermé boutique. Il a verrouillé les portes de son gagne-pain à présent dépassé et s'est tiré.

En l'espace de quelques secondes, j'ai l'impression d'être devenu un objet poussiéreux qu'on a simplement jeté au grenier.

Statique, j'essaye de reprendre mes esprits quand je remarque une petite brune aux cheveux bouclés avec un look bien à elle s'avancer vers moi. Ma sœur. Je soupire, je n'ai vraiment pas envie de lui parler. Comme si je ne l'avais pas vu, je me retourne et tente de la semer.

Mais ça ne fonctionne pas. Louise m'interpelle :

- Adam !

Je lève les yeux au ciel et continue d'avancer sur la petite route qui doit sûrement m'amener dans la partie où est garé ma voiture. Ma sœur me suit.

- Ne me repousses pas, lance-t-elle.

D'une main, je tire mes boucles en arrière avant de tracer d'un pas soutenu.

- T'as pas le droit de réagir comme ça, Adam, crie-t-elle d'un ton désespéré.

Ce ton me fait m'arrêter net. Je me retourne. Louise se tient droite, son t-shirt est à mon effigie. Lorsque je lui lance un regard noir, elle comprend qu'elle a meilleur temps de cacher ma tête imprimée rapidement. Malgré ça, son visage reste inquiet, elle semble être au bord des larmes.

- Tu ne peux pas tout envoyer en l'air comme tu le fais depuis si longtemps, sanglote-t-elle.

Je passe à nouveau une main dans mes cheveux, que j'ébouriffe et remonte sur mon front. J'aimerai pouvoir lui dire ce que je ressens, j'aimerai qu'elle comprenne le problème.

Mais je ne peux pas.

Louise fait un pas prudent dans ma direction.

- Adam, parles-moi. Arrête de t'enfermer dans ta bulle.

Crois-moi, je ne peux pas.

Une larme s'échappe et roule sur ma joue.

- Tu ne peux pas continuer comme ça.

Je fais du mieux que je peux pour tenir bon.

- Viens avec moi, s'il te plait.

J'ai échoué.

Louise me tend la main, comme si j'étais au bord d'un énorme précipice, prêt à m'y jeter. Comme si j'étais sur un tabouret la corde au cou, ou encore sur un quai attendant le prochain train.

Elle répète :

- Pino m'a tout dit. Viens avec moi, allons boire un café. Tu veux bien ?

Pino l'a envoyé. Cette initiative ne vient même pas d'elle-même.

- Fous-moi la paix. Retourne vers eux. Je suis le vilain petit canard dans l'histoire. Tout est de ma faute. J'ai tout bousillé.

Louise tremble. J'ajoute :

- Mais ça va aller. Je vais bien. Je n'ai pas besoin d'eux.

Ce que je viens de dire est tellement pathétique que je baisse la tête, comment pourrait-elle me croire si je n'arrive même pas en m'en persuader moi-même ?

J'espère quand même que mon mensonge fonctionne. Dans un élan, je me retourne et cherche ma voiture.

- Adam ! Crie-t-elle.

Merde. Mon pas s'accélère.

- Adam, putain !

Ma certitude à vouloir la semer est invraisemblable. Je cours presque.

- Adam Nolly ! Braille-t-elle, cette fois-ci à pleins poumons.

Et là, je fais face à Louise. D'un ton furieux et méprisant, je la traite comme si elle était la personne la plus ignoble de la terre et de la galaxie tout entière.

Louise fonds en larmes. J'ajoute:

- Fais comme papa. Ignore-moi.  Fais en sorte que je n'existe plus dans ta putain de vie!

Je me rapproche d'elle, il y a moins d'un mètre entre nous.

- Tu me fais péter les plombs, putain. Tu baises avec mon putain de meilleur ami.

Mon ton doit être cinglant, car je vois sa mâchoire se contracter.

- T'es plus rien. Je te déteste, je déteste ta pitié. Je déteste ta condescendance. Je déteste ton optimisme. Je déteste absolument tout de toi.

Je prends une grande respiration. Louise ne bouge plus, son air est furieux, sur la défensive. Comme un soldat, elle s'apprête à tirer et à faire un carnage.

- J'en ai marre que tu me traites comme de la merde à chaque fois que tu en as l'occasion. Je ne mérite pas ça ! Éclate-t-elle.

- Ferme là ! Tais-toi, putain ! Reprené-je à pleins poumons.

- Tu es égoïste, tu es un crétin, tu es...

Un tourbillon de mots violents et d'injures sort de sa bouche, me blessant un peu plus à chaque fois qu'elle reprend son souffle.

Mais je ne laisse rien transparaître.

- C'est ça ! Maintenant casse-toi connasse ! Finis-je.

- Espèce de connard arrogant !

Je clique sur le bouton qui ouvre ma voiture. Celle-ci enclenche les feux pour me montrer où elle se trouve. Louise semble ne plus me suivre. Mais au moment où je commence à ralentir, j'entends à nouveau ma sœur.

- Je ne sais pas ce qu'il m'a pris. Je regrette, dit-elle le souffle coupé.

Mes mains tenant fermement mon visage, je mords ma lèvre inférieur pour ne pas laisser s'échapper une nouvelle larme . Louise doit s'en aller. Maintenant. En lui faisant à nouveau face, dans un cri de rage, j'explose :

- MAIS CRÈVE, LOUISE NOLLY !

Ma voix déraille sur la fin. Bien qu'elle ait un mouvement de recul, sa réaction est contraire à celle que j'imagine, au lieu de s'enfuir, elle se précipite vers moi et me prend la main.

Son geste fait craquer quelque chose en moi. Mais je me reprends :

- Dégage, Lou !

- Non, je ...

J'ai l'impression qu'elle a peur que je lui échappe, car sa main serre la mienne à me faire mal.

- Laisse-moi t'aider, Pom-pom.

D'un revers de la main, j'efface la larme qui a, malgré tous mes efforts, finit par rouler sur ma joue, puis après un moment d'hésitation, je lâche sa main.

- Adam ...

Elle dit ça si bas que je l'entends à peine.

La scène me semble au ralentit. Louise me regarde intensément. Elle pleure toutes les larmes de son corps. Son teint devient livide.

J'ai lâché sa main.

Et par ce geste, tout se rompt. Tout s'envole. Le monde vient de s'écrouler et mon monde ... éclaté.

Parce que j'ai lâché sa main, je viens de briser tous les espoirs de ma sœur, et de la briser elle, aussi.

Un homme s'approche de nous. Avec ses cheveux blonds dressés en épis sur sa tête, ça ne peut être que George. Sans réfléchir, je me précipite dans ma voiture et ferme toutes les portières. Je hurle et mes yeux s'emplissent de larmes. Mes poings fermés frappent violemment à tout-va dans mon volant, pendant que des larmes, que je ne peux plus retenir, ruissellent sur mes joues.

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