Chapitre 20

George

Je parque ma voiture dans l'allée des Nolly, sors de l'habitacle et m'avance jusqu'au parvis de la maison. Il y a de la lumière qui filtre à travers les fenêtres, traçant des carrés jaunes pâles sur la pelouse mal entretenue. Cool, au moins je sais qu'il y a quelqu'un.

Cette vieille bâtisse en briques rouges n'a pas changé depuis des années. Clairement, ça fait maison de l'horreur.

J'y habiterai clairement pas.

Après que Louise se soit sauvée du local, je suis retourné à mes rangements et c'est là que j'ai remarqué une fine chaînette en or avec un pendentif en forme de pomme. Je l'ai ramassé et supposé que c'était à elle. Du coup, j'ai trouvé une excuse "en or" pour la revoir. Et mettre mon plan machiavélique à exécution.

Donc à me la taper.

J'ai même pris une douche.

Bref, je sonne.

Quelques secondes plus tard, la porte s'ouvre et la lumière du hall d'entrée m'aveugle presque. Il me faut un court instant pour remarquer que le père d'Adam, Luc, se tient sur le seuil. On se regarde quelques secondes. Lui non plus n'a pas changé ; il a toujours sa mèche grise plaquée en arrière sur son front dégarni, le dos voûté, le même cardigan en losange jaune moutarde et vert criard, absolument ignoble, qu'il portait déjà quand on était adolescent.

Même si je suis content de le revoir, c'est clairement pas pour lui que je viens. J'espère que Louise est là, sinon mon nouvel essai aura échoué. Et j'aurai plus de bracelet comme excuse pour sonner à sa porte, en plus.

- George ? Qu'est-ce qui t'amènes ici ? demande-t-il, surpris.

- Salut ! Souris-je. Est-ce que Louise est là ?

- Tu l'as loupé de peu. Elle est parti faire une petite course. Tu veux entrer l'attendre ? Ajoute-t-il en s'écartant de la porte pour me laisser entrer.

- T'as une bière ?

- J'ai ça en stock.

- Alors clairement, ouais. Réponds-je en entrant.

Luc me guide jusque dans le salon et m'invite à m'asseoir dans le canapé tandis qu'il va chercher une bière dans le frigo. Je regarde autour de moi d'un air blasé. Il faudrait clairement qu'ils revoient la déco de ce taudis !

Déjà, ils pourraient virer le papier peint. Je remarque qu'il est jaunâtre par endroit. ça sent le dégât des eaux ! Et ils pourraient aussi ranger les bibelots de la mère d'Adam dans le grenier. ça fait déjà dix ans qu'elle n'est plus de ce monde, il serait peut-être temps de faire le deuil.

Et d'organiser une brocante.

Franchement, avec ce qu'Adam gagne, il y a matière à faire quelque chose.

Parce que forcément, c'est l'ivrogne qui touche le plus de blé.

Juste parce qu'il est le sois-disant leader du groupe. Mais si on y réfléchit bien, ça fait des lustres qu'il n'en fout pas une. Contrairement à moi qui tente de maintenir le groupe hors de l'eau.

En fait, je suis le Titanic qui essaye d'éviter l'iceberg qu'est Adam. Je suis le pauvre Jack qui se gèle les couilles pendant que Rose roupille tranquille sur sa porte.

Bref, la galère.

Luc revient avec une bière décapsulée et me la tend. J'en bois une longue gorgée et manque de tout recracher sur le tapis (qui est tout aussi immonde que le papier peint, soi-dit en passant).

- Alors ? Demande-t-il en s'asseyant sur le fauteuil qui me fait face. Comment vas-tu depuis tout ce temps ?

J'espère que Louise revienne clairement vite.

- Je vais bien. Réponds-je. On a pas mal de boulot avec les répétitions et l'organisation de la future tournée.

- Ah, bien. Marmonne-t-il d'un ton absent.

Si je t'emmerde avec mes histoires, dit-le tout de suite, hein !

- Et mon fils, comment va-t-il ?

- Comme dans les journaux à potins.

Luc lève un sourcil :

- Je ne lis pas ces torchons. Réplique-t-il d'un air sévère.

- Ben...la routine, quoi. Il a ses bons jours.

Même s'ils sont clairement rares.

- Il est toujours avec cette fille ? Cette...comment elle s'appelle, déjà ?...La blonde...L'anorexique, là...Marie ?

Je réprime un ricanement en l'écoutant traiter Maggie d'anorexique. J'aurais pas dit mieux moi-même.

- La cruche ? Ah ouais, elle s'appelle Maggie !

- Ah oui, Louise m'a dit qu'ils ont pris un chien.

Oskar est clairement plus mignon que Maggie. Et lui au moins est utile ; si tu lui lance un frisbee, il te le ramène.

- Non et oui.

- Quoi non ? Quoi oui ? Demande Luc en fronçant les sourcils.

- Non, il est plus avec elle. Oui, ils ont pris un chien. Mais c'est Ross qui s'en occupe.

- De qui ? De la fille ? Je croyais qu'il était marié ?

- Non, le chien.

- Il est marié au chien ?

Cette discussion de sourd n'a ni queue ni tête.

Pitié, Louise, sors moi de là !

- Non, il est pas marié au chien. Réponds-je. Il s'est marié avec Margaret. Et ils gardent le chien pendant que Maggie tente de remettre en place le peu de neurones qu'elle a et qu'Adam parvient enfin à...

J'ai pas le temps de finir ma phrase méchante mais vraie que la porte d'entrée claque et que Louise se mette à brailler :

- Salut ! C'est à qui la voiture dehors ?

A ton prince charmant.

Louise entre dans le salon et son sourire se fige lorsqu'elle m'aperçoit dans le canapé.

- Salut Louise ! Lancé-je avec un grand sourire.

- George. Répond-t-elle, moins enthousiaste. Qu'est-ce que tu fais ici ?

- T'as perdu ça en quittant le local. Dis-je en lui tendant son bracelet. Je suis venu te le rapporter, gentleman que je suis.

Cette petite touche d'humour, loin d'être la meilleure que j'ai en stock, à au moins le mérite de la faire sourire.

- Merci. Dit-elle en reprenant la chaînette.

Elle tente de l'attacher autour de son poignet mais elle a clairement de la peine.

Mes neurones machiavéliques se remette en route.

- Est-ce que tu veux que je t'aide ? Proposé-je avec un sourire innocent.

Elle hésite quelques secondes.

- Pourquoi pas ? Marmonne-t-elle.

Je m'approche d'elle et tente d'attacher le bracelet. Mais le fermoir est si petit et mes doigts si peu habitués à ce genre d'exercice que j'ai de la peine à le refermer. Je sens le poignet de Louise trembler légèrement entre mes mains.

- Tu y arrives ? Lance-t-elle au bout d'un moment. Je commence à fatiguer, là...

- Non, pas trop...pourquoi est-ce que les bijoutiers inventent des fermoirs aussi minuscules ? M'exclamé-je en m'énervant.

- Pour permettre au gentleman que tu es à m'aider plus longtemps que nécessaire ? Suggère-t-elle avec un petit sourire narquois.

Ah, là, ça commence clairement à devenir intéressant ! Il y a sûrement une ouverture dans laquelle je peux pénétrer.

Sans mauvais jeu de mot.

- Dans ce cas, je mettrais encore plus de temps. Répliqué-je.

Luc reprend la parole :

- En fait, George, tu n'avais pas fini ta phrase. Qu'est-ce que tu voulais me dire à propos d'Adam ?

Je sens Louise se crisper. Elle me lance un regard de reproche. Elle doit sans doute penser que j'ai balancé à son père les mêmes horreurs que je lui ai dites hier.

Elle retire brusquement son poignet de mes mains et s'éloigne de moi, sans me quitter des yeux.

- Ah ouais...je voulais juste dire que c'était pas facile pour Adam, il a une mauvaise passe. C'est pour ça que Ross s'occupe du chien. Pour qu'Adam puisse se retrouver et nous concocter des chansons qui déchirent dont lui seul a le secret.

Luc hoche la tête, songeur. Du coin de l'oeil, je remarque que Louise me surveille toujours, mais elle n'a plus son regard noir. Elle semble perplexe.

- Bon, je crois que je vais y aller. Annoncé-je. Je vous laisse en famille.

- Je te raccompagne. Dit Louise.

- Bonne soirée, George ! Lance son père. Tu reviens quand tu veux.

- Ouais, merci pour la bière. A un de ces jours !

Je me dirige vers la porte d'entrée et sors dans la nuit fraîche. Je cherche mes clés de voiture et j'entends la porte qui claque sèchement dans mon dos. Je jure mentalement.

Échec à la mission. Elle m'a foutu dehors sans même un salut. C'est clairement pas cool.

- George ?

Je sursaute et lâche mes clés. A côté de moi, Louise se penche et les récupère avant de me les tendre.

- Est-ce que tu pensais sincèrement ce que tu as dit à mon père, ou c'était juste pour ne pas l'inquiéter ? A propos d'Adam ?

Elle me scrute d'un air inquisiteur.

- Ouais, je l'ai pensé. Réponds-je en baissant la tête.

Baisser la tête comme un petit chien, ça marche toujours avec les filles.

- C'était aussi pour ça que je suis venu. Je voulais m'excuser pour ce que j'ai dit dans le local. J'ai clairement pas été sympa avec ton frère.

- Tu étais exécrable, oui ! Lâche-t-elle.

- Je m'excuse.

Elle me regarde un long moment sans rien dire, le visage insondable. Je danse d'un pied à l'autre, ne sachant pas trop où me mettre. Clairement, je ne sais pas à quelle sauce je vais être mangé.

- Excuses acceptées.

Je relève la tête et la voit sourire.

- Bon...il fais frais alors je vais rentrer...

- Ouais, attrape pas froid, ce serait con.

- Bon ben...bonne soirée. Dit-elle en ouvrant la porte.

- Bonne soirée, Louise.

Elle me lance un dernier sourire avant de disparaître derrière la porte. Je reste quelques secondes sur le perron, un sourire triomphant aux lèvres.

Elle m'a sourit ! Clairement, je vais me la faire.

C'est dans la poche.

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