Chapitre 18
George
Je m'ennuie. Clairement, je m'ennuie.
Installé sur le canapé en similicuir du local, j'arrache les petits bouts de texture qui s'effritent sur les accoudoirs. Je réfléchis à ma vengeance contre Adam. Il a rayé ma voiture. Une énorme balafre intentionnelle.
C'est clairement pas cool.
En face de moi, ma nouvelle batterie. Déjà montée. Elle est arrivé tôt ce matin, j'étais bien content.
De couleur blanche, elle ira parfaitement bien avec les lumières que nous avons prévu pour nos shows. Un mélange de rose, de rouge et de violet éclairera la scène et le public. C'est une idée de Adam, qui voulait quelque chose de cosy. J'étais pas pour au début, je trouvais ça trop girly, mais quand Adam a une idée en tête, le reste du groupe, souvent, abdique.
Clairement toujours, en fait.
Je regarde mon ancienne batterie que j'ai placé à la va vite dans le coin du matos oublié. Au fil du temps (et par flemme de les revendre ou de les donner à une vente aux enchères), nous avons décidé de placer tout ce qu'on a un jour aimé ( et qu'on aime clairement encore même si ces objets sont inutiles) dans ce coin.
Il y a un ancien clavier, quelques guitares sans cordes de Adam. Quelques basses qui appartiennent à Ross, ma vieille batterie et sa nouvelle amie.
Notre local est devenu un musée-dépotoir. Je me lève et regarde par terre ; on peut y trouver les trentaines de pédales de sons de Adam, Gavin et Ross, des médiateurs de toute les couleurs et de toutes les marques, du scotch double-face, des « cases » où l'on range Pedalboards et instruments pour voyager, du velcro, des canettes et des bouteilles de bières ou de vin rouge, des câbles, beaucoup de câbles, des cartons écrasés, mes baguettes de batteries que j'avais perdu.
- Merde. Je les ai enfin retrouvé, lancé-je heureux.
Je les dépose sur le canapé et me mets à enrouler les câbles qui relient les huit amplis du local. Tous sont opérationnels et relié à leur tête. Puis, je m'occupe des déchets. Armé d'un sac poubelle, j'entasse le tout à l'intérieur en jurant.
Merde. On est clairement crades.
Soudain, la porte s'ouvre. Une petite brune au cheveux frisés entre. Je reconnais de suite Louise.
- Euh... Salut, sors-t-elle, visiblement perdue.
- Salut.
Je tire en arrière mes cheveux blond pour les plaquer à nouveau sur mon crâne. J'ajoute, curieux :
- Qu'est-ce que tu fais là ? Tu cherches quelqu'un ou quelque chose ?
Louise enroule une mèche autour de son majeur, nerveuse.
- Je cherche mon frère, il m'a dit qu'il serait sûrement ici...
- Je l'ai pas vu depuis deux jours. Répliqué-je sèchement. Et la dernière fois, il a rayé ma putain de voiture.
Louise laisse échapper un petit rire, mais elle remarque mon regard noir et se rattrape vite :
- Oui, Pino me l'a dit. Souffle-t-elle. Il m'a aussi dit pour sa nuit au commissariat...
- Ouais, d'ailleurs, ce con me doit 4'000 livres.
- Oh...
Il y a clairement un blanc. Un blanc ! Qu'est-ce que je peux bien lui dire à celle-là ?
- Donc... dis-je, roulant les yeux. Tu comptes repartir ?
- Il ne viendra pas, tu penses ?
Je soupire. Elle a toujours pas compris que son frère est complètement à côté de ses pompes. Visiblement, c'est sûrement de famille.
- Non. Bien sûr que non, lui dis-je en jetant le sac poubelle dans un coin.
Ça attendra plus tard.
- Ok, c'était pas très gentil de sa part de me faire venir ici, alors. Marmonne-t-elle, déçue.
Et si je me choppais sa sœur comme vengeance ? Clairement, il m'en voudrait, non ?
- Mais je suis là, moi, lui souris-je. Tu veux une bière ?
Elle a un petit rire niais.
- Volontiers. Accepte-t-elle.
Je vais jusqu'au frigo pour en sortir la boisson convoitée.
- On a de ces bières pour filles, si tu veux ?
- Non, une normale.
Je relève la tête du frigo. Elle boit de la vraie bière. Ça c'est une nana !
Je pose mon regard sur Louise, qui semble gênée à vue d'œil. Elle tire sur le bas de son pull en tissu noir et ses pieds, montés sur une paire d'escarpins rouge, ne semblent pas très stables. En même temps, nous n'avons jamais été vraiment seul à un endroit. Peut-être que je lui fais de l'effet ?
Ce serait clairement intéressant d'explorer cette hypothèse.
- Hum, ok, lancé-je en haussant les épaules. Comme tu veux.
Je rapporte la bière à Louise, qui s'est entre-temps décidée de s'installer dans le canapé.
- Santé ! Sorté-je.
- Santé ! Répond-elle.
J'observe Louise qui est subitement devenue ma proie en l'espace d'une seule réflexion. J'avais jamais remarqué à quelle point elle ressemblait à son frère. Ses cheveux ont de jolies boucles qui lui arrivent en dessous des épaules, les mêmes parfaites boucles que Adam. Son nez est fin et droit et sa bouche pulpeuse, recouverte d'un rouge à lèvres d'une couleur mocca. Je ne peux m'arrêter de la fixer boire cette bonne bière.
C'est clairement débile.
Je me reprends.
- C'est cool que tu sois passé quand même...
- Euh, ouais.
Je viens m'asseoir sur le canapé, à côté d'elle. Je garde une certaine distance pour pas la brusquer et je bois tranquillement ma bière. Je lui jette un coup d'oeil et la voit regarder le local d'un air vaguement intéressé. Mais elle s'efforce de ne pas croiser mon regard.
- Désolé pour le désordre. Lancé-je. J'étais en train de ranger avant que tu débarque.
- C'est pas grave. Assure-t-elle en esquissant un sourire. J'aurais dû prévenir que je passais.
- T'inquiète, c'est cool que tu sois là. ça faisais longtemps.
- Oui. L'organisation de votre tournée avance ?
- On a presque terminé.
- Cool.
On replonge dans nos bières.
- On commencera par Glasgow. Lancé-je après quelques minutes de silence pesant.
- Super ! S'exclame-t-elle. Du coup, vous restez dans le pays.
- Quelques jours. Et après on fait Sheffield, Manchester et Bristol avant de conquérir le reste de l'Europe en commençant par l'Allemagne, puis les Pays-bas, la France, l'Italie, la Suisse et l'Espagne.
- Et vous faites combien de temps ?
- Un mois et demi. Chaque soir, un concert.
- Ce sera une grosse tournée. Commente-t-elle en sirotant sa bière.
- Non, on a déjà fait des tournées plus longues. Tu nous rejoindras durant la tournée pour voir ton frère ?
J'espère clairement qu'elle dise oui.
- Non, ce n'est pas prévu...Murmure-t-elle. Tu as sans doute remarqué qu'avec Adam, on s'est beaucoup éloigné dernièrement...
Elle a l'air triste tout d'un coup. Je vois ses yeux s'embuer. Je jubile intérieurement ; je vais pouvoir lui proposer mon épaule pour pleurer ! L'attrape-fille par excellence ! Imparable !
- Prends-le pas contre toi, il est clairement chiant avec tout le monde depuis que Maggie l'a largué. Et il m'en rend responsable, bien sûr !
Cette fois, Louise me regarde dans les yeux, surprise :
- Pourquoi est-ce qu'Adam te rends responsable de sa rupture avec Maggie ? Qu'est-ce que t'as fais ?
- Mais je n'ai rien fais ! Protesté-je. Je suis passé à l'hôpital pour avoir de ses nouvelles et on a un peu discuté. mais je lui ai pas dit qu'elle devais larguer Adam, contrairement à ce que ce con pense !
- Ne le traite pas de con ! Lance-t-elle vivement en haussant la voix.
Merde. Je l'ai foutu en rogne. Changement de tactique.
- Désolé. Je me reprends. Ce que je veux dire, c'est qu'Adam s'apitoie sur son sort plutôt que de prendre les choses en main. Il est alcoolique, Louise.
- Il se prend des caisses, mais pas toujours. Réplique-t-elle. Et c'est aussi son jeu de scène ; il se fait passer pour une rock star des années 80 du genre Sex, Drugs and Rock'n'Roll pour plaire aux fans...
J'éclate d'un rire moqueur.
- Tu es trop mignonne ! Lancé-je, narquoisement. Tu ne t'es jamais rendue compte qu'il avait pour ambition de remplacer tout son sang par du vin ? Bientôt, il va se prendre pour Jésus et nous changer l'eau en vin !
Louise pâlit brusquement. Elle semble tomber des nues. J'aurais clairement préféré qu'elle me tombe dans les bras ou dans les pommes pour lui faire du bouche-à-bouche, mais bon. J'ai déjà ruiné l'image parfaite du grand frère.
C'est clairement cool.
- Je...Balbutie-t-elle, moins sûre d'elle. Je...je vais y aller...
Elle se lève précipitamment et pose sa bière sur la table. Elle fuis mon regard et fonce vers la porte, la tête baissée. La porte se referme derrière elle et je me retrouve seul.
Je m'affale dans le canapé et pousse un juron.
Quelle merde ! J'ai grillé toutes mes chances !
C'est clairement pas cool !
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