Chapitre 14
Ça fait sept mois que nous n'avons pas frôlé le sol d'une scène. Tout le monde est prêt. Pino m'interpelle :
- T'étais où, Daï ! Les autres sont prêts ! T'es ivre ? Tu pues l'alcool ! Bordel, Adam ! Ou sont tes chaussures ?
- A mes pieds, rétorqué-je simplement.
- Ce sont les pantoufles du SPA de l'hôtel, ça, les désigne-t-il.
- Ben ...
- Et ton T-shirt ?
- C'est soirée sans !
Mon regard se pose sur Heather qui me fixe, appuyé contre l'une des structures. Ses yeux sont entourés de fard à paupière foncé, coulant légèrement au-dessous, toujours accompagné de son rouge à lèvres pourpre. Sa veste en jeans noir beaucoup trop grande pour elle retombe sur son bras droit, laissant apparaître un top gris métallisé. Je reconnais directement la matière, de la peau de pêche. Sa mini jupe est à la limite du décent, comme ses bas résilles.
- Réveille-toi ! Crétin, bouge, vas sur scène ! me hurle Pino, hors de lui, en me poussant vers l'entrée tout en me faisant trébucher.
- Mes pantoufles, putain ! Braillé-je.
- Ouais, encouble-toi et énuque-toi !
Je le traite de tous les noms d'oiseaux pendant que Heather rigole. Pino se précipite dans les loges, en me tirant un doigt d'honneur :
- Va' a cagare, pezzo di merda.
- Vas te faire foutre toi-même, M'égosillé-je à mon tour en voyant son geste obscène.
Notre intro est une sorte de vrombissement incessant et lourd qui dure pendant une dizaine de minutes, dizaines de minutes que j'ai loupé, d'ailleurs. Les lumières éclairent la foule.
Nous avançons sur scène, en silence. Chacun se place, et nous restons statique un instant en attendant la fin de l'intro. Je recherche ma bouteille d'alcool, inexistante. Je claque des doigts pour m'annoncer. Un roadie s'approche :
- Elle est ou ma bouteille, crétin ! L'insulté-je, le regard noir.
Le roadie court m'en apporter une. Puis, les lumières clignotent alors que le son se tasse légèrement, comme une sirène d'alarme, mais avec un son grave. La foule hurle, le stade est plongé dans le noir. L'arrière scène, où l'on a déposé plusieurs écran s'enclenche, faisant l'effet "Stroboscope" que nous souhaitons. Et soudain, sur un temps choisi, nous balançons toute notre haine, notre énergie, mais aussi nos appréhensions quant à ce live. George lance ses baguettes cassés sur moi, j'essaye de les éviter en pivotant et en remuant les hanches et la tête.
A la fin de la chanson, je prends la parole :
- Hey comment ça va Glastonbury ? Nous sommes content d'être la aujourd'hui. Merci d'être venu. Faites du bruit !
Les gens hurlent. Nous enchaînons les chansons avec une perfection rare.
Récemment, les médias se sont acharné sur la relation que j'entretiens avec George, et sachant que le live est filmé, nous avons prévus une surprise pour les remettre à leurs places.
À la fin de la chanson, Ross et Gavin sortent de la scène et Chris m'apporte ma guitare. George tape coup à coup sur l'un de ses tomes pendant que je le suis en tournant les mêmes accord sur ma Fender.
Afin qu'on soit exactement en rythme , nous avons choisit à l'avance la gestuelle pour nous accompagner.
Je hoche la tête de gauche à droite en fixant George, nos regards sont plongés l'un dans l'autre jusqu'à que je bouge la tête de haut en bas. Une seule fois. Le signal. Nous balançons un gros riff, puis s'arrêtons en même temps. Nous reprenons la partie en boucle. Le son de ma guitare est lourd, et la batterie est oppressante. Cette fois-ci, c'est à lui de donner le signal. Tout en battant de sa main gauche sur un tome, il lève son autre bras et compte avec ces doigts jusqu'à quatre, a plusieurs reprises, puis jusqu'à trois. C'est le signal. On repart dans un break démoniaque et à nouveau, nous nous arrêtons à la même micro-seconde.
Sourire aux lèvres, nous regardons la foule nous applaudirent. On se tape dans la main. Puis, dans le silence, j'entends une fan hurler :
- Qu'est-ce que c'est "ça" ?
"Ca", ce sont mes pantoufle qu'elle désigne en rigolant.
Gavin et Ross en profitent pour revenir sur scène.
- Oh, je sortais de la douche et j'ai trouvé ça cool, alors je les ai gardé. C'est pas cool ? dis-je en levant le pied.
Elle hausse les épaules.
Les samples débutent, ce qui m'averti que le show doit continuer. Chris reprend ma guitare que je tenais d'une main.
- Yorkshire !
George est debout derrière sa batterie, Gavin ne bouge pas, Ross non plus. J'enlève mes pantoufles et allume une cigarette, tire quelques bouffées rapidement et la jette plus loin sur la scène.
Puis, sur un faux air désespéré, je traîne les pieds en mimant un maux qui touche mon cœur. Et je m'écroule sur mes genoux, toujours en tenant ma poitrine. Ma tête heurte le sol de la scène couverte de crachats et de terre. Le sample s'arrête.
Je crie:
- Allez ! Tout le monde saute !
Je me redresse précipitamment et je bondis sur les énormes hauts-parleurs, disposés devant la scène. Mon micro reste coincé dans l'un des retours que j'avais évité, Chris vient en renforts, me libérant. Un mec de la sécurité s'approche de moi, je m'accroupis tout en chantant et lui place mon bras par dessus ses épaules. Il attend patiemment que je termine mon refrain, puis je demande :
- Qu'est-ce qu'il y a ?
- Tu veux descendre ? Je peux t'aider .
- Non, merci, lui rétorqué-je.
Il me tape sur le genou en rigolant, puis ajoute:
- N'hésites pas à demander !
- Merci, dis-je en me redressant.
Je reste encore jusqu'à la fin de la chanson sur les hauts-parleurs, mais, je change d'avis et me décide à descendre. Alors, je me mets assis sur le bord, regarde le mec de la sécurité, qui court m'aider à la seconde où il me voit. Une fois sur l'herbe, je crie dans le micro :
- Faites-moi un high-five !
Longeant la barrière, les gens me donnent la main, me tape l'épaule. Ceux qui se sont fait portés et qui se retrouvent de mon côté me sautent dessus pour obtenir des câlins, m'écrasant les pieds, nus, par la même occasion. Mais je chante, je recrée ce contact humain qui me manquait terriblement. Les mecs de la sécurité me suivent, mais ils me laissent faire. J'aide les gens à se relever. A force de courir à gauche à droite, j'ai du mal à respirer, je ne finis pas mes phrases, j'en oublie d'autres, j'ai atrocement mal aux pieds mais je m'en fous. Je m'en fous. J'aime cette sensation d'être aimer.
- Ouais, mec ! Dis-je à un punk qui me fait un high five.
Un autre me hurle qu'il m'adore. Des filles chantent à ma place dans le micro. Mais j'avais pas prévu le coup de l'armoire à glace. Et d'un coup, un fan baraqué m'arrive dessus violemment, le micro me percute alors une dent, me faisant saigner de la gencive. En crachant le fluide rouge, je comprends que ma dent est toujours en place. Rassuré, je retourne près de la foule, les fans me tirent sur le pull, de plus en plus de festivaliers finissent de l'autre côté de la barrière, la sécurité est débordée et je me retrouve avec un petit groupe de fans qui me poursuit.
Voyant que du sang dégouline de ma bouche, le papa poule de la sécurité me fait signe afin de me demander si tout va bien. Je lève le pouce.
- Asseyez vous, s'il vous plait ! Asseyez-vous sur ce putain de bitume. Asseyez-vous, asseyez-vous ! Demandé-je inlassablement.
Je suis essoufflé. Je remonte sur scène avec peine. Mon chant est devenu une forme de petit cris. Je n'articule plus.
- Saute !
Et à la fin, j'hurle une dernière fois à pleins poumons, me recroquevillant :
- Merci Glastonbury !
Et lâche mon micro, qui se fracasse par terre. Les hauts-parleurs renvoient la musique en stéréo pendant que nous sortons de scène.
Je suis crevé. Nous avons assurés. Et j'ai cuvé.
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Coucou ! On est a 2'000 vus et je vous en remercie ! Vous êtes fabuleux <3 <3 <3
Et ses cheveux me manquent :( ( A qui pourra comprendre x))
https://youtu.be/7JeMcN1rXfE
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