I) L'affaire Caravage (Judith)

L'enquête la plus passionnante mais aussi la plus terrifiante que je dus résoudre fut bien celle, tristement célèbre, que l'on nomma dans les journaux "L'Affaire Caravage".

J'étais alors jeune, presque sans expérience, peu sûre de moi. Les enquêtes criminelles étaient devenues une vocation lorsque mon chat, Gélatine, était mort empoisonné et m'avait supplié de punir tous les malfaiteurs sévissant sur cette terre. Je rêvais d'intégrer la police, mais j'avais été refusée à l'examen d'entrée. Pauvre Gélatine ! La réalisation de son souhait était devenue presque impossible !

Il y eut alors, dans le voisinage, une nouvelle retentissante : on avait retrouvé Alan Oloverne mort, décapité dans sa propre chambre à coucher. Lorsque j'appris ceci, le doux minois de mon mignon minou s'inscrivit immédiatement dans mon esprit. Il était temps pour Gaëlle Truel de résoudre ce crime !
Je saisis mon manteau de fourrure jaune, mon sac spécial enquête et la première paire de chaussures qui me tombait sous la main, avant de partir au pas de course au 29 rue de Milan.

Lorsque je vis le pavillon des Oloverne, mon coeur se serra. Entourant le jardin, les bandelettes des forces de l'ordre interdisaient toute entrée. J'assistai en direct, impuissante, à l'effondrement de mon rêve. Comment allais-je pouvoir franchir cet insurmontable obstacle ?

"Madame, faut pas rester là !" Meugla un agent ventru derrière moi.

Ma détermination refit surface : peut-être pourrais-je amadouer le gardien ou bien glaner quelques indices ?

"Bonjour, est-il possible d'entrer ?

- Mais ma bonne dame, s'écria l'homme, outré, ce n'est pas une auberge ici, mais une scène de crime !"

Nullement impressionnée, je lui affirmai avec une aisance digne des plus grands que Monsieur Alain Oloverne était un de mes plus chers amis, et que je voulais savoir ce qui lui était arrivé. L'agent fronça les sourcils, visiblement ébahi par mes talents d'actrice :

"ALAN Oloverne, vous voulez dire ?

- Bien sûr, c'est ce que j'ai dit", répliquai-je du tac au tac.

C'est qu'il voulait m'induire en erreur, en plus ! Il fit signe à un de ses collègues qui était apparu dans le jardin.

"Marceau, viens par ici ! Je crois que les journalistes remettent encore ça !"

Je vis alors, totalement éblouie, le dit Cerceau soulever la lanière qui barrait le chemin, et se glisser dessous. Ce fut l'illumination !

"On devrait pas l'amener au chef, pour qu'il règle ça une bonne fois pour toute ?" Demanda le nouveau venu.

Il était brun, pas très grand et surtout, il regardait ailleurs ! Je profitai donc de cette occasion inespérée pour me glisser subtilement dans le jardin de la victime. Je progressai rapidement, sautant de buisson en buisson d'une manière indiscernable ! Devant la maison, je surpris deux agents qui discutaient en fumant des cigarettes :

"Triste histoire, Jean-José...

- Je suis d'accord. Pauvre gars, décapité dans son lit quoi ! Je me demande qui est le taré qui a fait ça !"

Je devais intervenir et pénétrer dans cette maison. J'avais deviné à leur ton que l'enquête patogeait, rien que ça ! Quand les deux flics eurent quitté les lieux, je m'élançai dans l'habitation, le souffle court. Il y avait un hall à peine éclairé, au bout duquel on pouvait apercevoir un escalier montant au second. Mon intuition me dictait de suivre cette voie, alors je gravis les marches quatre à quatre.
Miséricorde ! C'est qu'il y avait du monde là-dedans ! Peut-être valait-il mieux attendre sagement dans un coin que l'endroit se vide. J'allais rebrousser chemin, lorsqu'une main s'abattit sur mon épaule, m'arrachant un cri.
Le meurtrier ! C'était lui !
Mais non, je reconnus le jeune homme brun de l'entrée, celui qui m'avait ouvert la route vers l'aventure.

"Vous ! Mais que faites-vous là ? M'écriai-je, un brin courroucée.

- Ce serait plutôt à moi de vous poser cette question. Qui êtes-vous ? Vous êtes au courant que nous enquêtons sur un meurtre ?

- Laissez-moi vous expliquer. Je m'appelle Gaëlle Truel, et je suis une amie de la victime. Pourrais-je au moins savoir ce qu'il s'est passé ?"

Le pauvre garçon n'avait pas l'air bien futé, mais il insista encore un peu, refusant de tomber dans mon piège :

"Je ne peux pas divulguer d'information, je...

- Je vous en prie, suppliai-je, les larmes aux yeux. J'aimerais tant savoir... Nous étions si proches, Alan et moi...

- Bon, gardez ça pour vous, d'accord ?"

Il commença par m'entraîner dans la cuisine, loin de toute agitation, puis il m'expliqua rapidement les événements. Alan Oloverne avait été retrouvé mort, sa tête gisant dans une corbeille à linge, son corps reposant sur son lit. C'était la vieille bonne, Lysie, qui était tombée sur ce sinistre tableau alors qu'elle venait faire le ménage. L'homme s'était ce soir-là, enivré plus que de raison et, pris par les brumes de l'alcool, n'avait sans doute pas pu se débattre.

"Je pense que c'est la bonne, murmurai-je. Les vieilles perdent souvent la boule.

- Nous ne pouvons rien affirmer pour l'instant, répliqua mon interlocuteur en fronçant les sourcils (un raisonnement aussi fin devait l'impressionner !), mais l'homme était un militaire et pouvait avoir des ennemis."

J'eus du mal à retenir un sourire de fierté, heureuse d'avoir pu lui soutirer autant d'informations. Si Gélatine voyait ça !

"Eh Marceau ! Qu'est-ce que tu fous, le bleu ? On a besoin de toi !" Cria une voix bourrue à l'étage.

Marceau me raccompagna rapidement au portail, et j'en profitai pour lui demander de me tenir au courant de l'avancée de l'enquête.
Je n'allais pas lâcher cette palpitante affaire !

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