Te souviens-tu ?
Te souviens-tu ?
Te souviens-tu de ce "nous" passé ?
Les premiers flocons de l'hiver s'étaient mis à tomber ce soir.
Je sortais de l'épicerie quand je les ai vu tourbillonner dans les airs.
Je me suis arrêté un instant, captivé par leurs mouvements si gracieux.
Et puis j'ai pensé à toi, à cette nuit-là.
Te souviens-tu de ta promesse ?
Tu m'avais parlé d'un endroit magique. Là où tous les vœux sont censés se réaliser lorsque nous nous y rendons le premier jour de neige.
Tu avais l'air tellement sûr de toi que j'ai fini par y croire, moi aussi.
La vue, embellie par toutes les lumières de la ville, est magnifique ce soir.
Si seulement tu pouvais la voir toi aussi, je suis sûr qu'elle te plairait.
Mes yeux s'humidifient à force de ressasser nos vieux souvenirs.
Je me demande si tu es heureux, là où tu es. Si je te manque autant que toi pour moi
Te souviens-tu de notre première rencontre ?
Tu avais le nez plongé dans l'un de tes bouquins, à l'ombre du grand chêne qui se trouvait dans le parc adjacent de la fac.
Tes lunettes aux verres trop lourds n'avaient de cesse de glisser sur ton nez fin, mais cela n'avait pas l'air de te gêner. Tu les remontais plus par automatisme que par besoin car tu connaissais déjà l'histoire par cœur.
Je crois bien que la foudre est tombée sur moi ce jour-là. Mes yeux ne voulaient plus se détacher de toi tellement tu me fascinais et je n'avais plus qu'une envie, venir te parler.
C'est Yoongi-hyung qui m'a finalement donné le courage de t'approcher. Tu avais l'air si paisible que je craignais de te déranger en t'accostant, mais j'avais aussi peur que quelqu'un d'autre ne finisse par t'aborder.
Ta voix était aussi douce qu'une caresse et ton sourire aussi beau qu'une œuvre d'art.
Toi et moi, c'était comme une évidence, comme si nos chemins étaient destinés à se croiser.
La neige avait à présent doublé de volume tandis qu'un fin duvet recouvrait le sol.
J'étais assis sur le banc, notre banc où nous avions gravé nos initiales sur le bois usé.
J'adorais te voir sourire, et surtout être à l'origine de ton amusement.
La vie était tellement plus agréable à tes côtés. Tu étais d'ailleurs le seul à savoir comment la remplir de mille et une couleurs.
Plus le temps passait, et plus je prenais conscience de mes sentiments envers toi.
Tu me plaisais et je ne te le cachais pas, toi non plus d'ailleurs.
Nous avions commencé à nous voir plus souvent, parfois entre amis, parfois en tête à tête.
Sans précipitation, tu m'as laissé entrer dans ton monde, me faisant ainsi découvrir qui tu étais vraiment.
Puis un beau jour, tu m'as demandé si je pouvais devenir ta muse.
Je me souviens que tu travaillais sur un gros projet à cette époque-là et que tu avais du mal à le boucler. Alors c'est sans hésitation que je t'avais dis oui, prêt à tout pour t'aider, d'autant plus que cela me permettait de passer plus du temps avec toi.
J'aimais bien te voir concentrer sur ta tâche, tu avais l'air si passionné par ce que tu peignais que tu rayonnais de l'extérieur.
Las des toiles blanches, tu as ensuite voulu t'essayer à autre chose. C'est de cette manière que nous en sommes venus au body painting.
Nous ne nous étions encore jamais retrouvés aussi près l'un de l'autre. Je pouvais sentir ton souffle s'échouer contre mon buste découvert tandis que ton regard se baladait inlassablement sur mon corps.
J'avais beau me répéter que tu agissais en tant que professionnel, tu ne me laissais pas indifférent pour autant.
Et puis il y a eu ces coups de pinceau. Je ne pouvais pas rester en place à cause des chatouillements et à force de bouger, tu as perdu ton équilibre.
Je me souviens encore de ton regard affriolant et de tes lèvres entrouvertes, cherchant sûrement à happer de l'air plus rapidement. N'y résistant plus, c'est moi qui avais mis fin à notre moment d'hébétude en scellant, pour la première fois, nos bouches ensemble.
Quelle ironie du sort, tu ne trouves pas, de penser que ta passion pour l'art était à l'origine de nos prémices, mais également de notre fin ?
Une larme glacée roula le long de ma joue, me ramenant brutalement à la réalité. Il me fallut quelques secondes de plus pour me rendre compte que je n'étais plus dans sa chambre d'étudiant, mais à Namsan, au pied d'une tour de télécommunication.
Je n'aurais pas dû venir ici ce soir. Cet endroit était bien trop évocateur de souvenirs pour que mon esprit ne dérive pas vers lui. Qu'avais-je espéré au fond de moi ? Que mon vœu s'exhausse enfin après deux ans à attendre dans le vide ?
Je devais me rendre à l'évidence, nos chemins n'étaient plus destinés à se croiser et le fil vermeil qui pendait désespérément au bout de mon annulaire me le confirmait sans soucis.
Même si lui devait sans doute avoir fait une croix sur notre relation depuis longtemps, ce n'était pas le cas de mon côté et je ne pouvais m'empêcher de me demander à quoi sa vie ressemblait aujourd'hui. Était-il heureux ? Avait-il retrouvé l'amour ? Peignait-il encore ?
Je n'avais pas eu la force de supprimer son numéro après notre rupture. Il m'était déjà arrivé de me retrouver face à mon écran la nuit, le doigt hésitant sur l'icône d'appel ou de messagerie. Dans ces moments-là, où je me sentais totalement désespéré, c'était mon meilleur ami que je finissais par appeler. Ce dernier ne m'avait jamais réprimandé quant au fait que je le sortais de son sommeil à une heure si tardive. Au contraire, il m'écoutait sans broncher, me réconfortant en trouvant les mots justes quand j'en avais le plus besoin.
Je ne sais pas ce qui m'a totalement détruit : la raison qu'il m'a donnée le jour de notre séparation ou la façon dont il s'y est pris pour me le dire ? J'aurais aimé qu'il ait au moins le courage, après quatre ans de relation, de rompre avec moi face à face et non pas par le biais d'une vulgaire lettre d'excuses.
Je lui en avais terriblement voulu de m'avoir infligé cela, mais même avec toute ma bonne volonté, je restais incapable de le haïr. Ma colère se tarissait et finissait par se transformer en simple nostalgie.
Fatigué de ressasser toute cette vieille histoire, je pris l'initiative de me changer les idées en sortant la petite barquette de lait à la fraise que j'avais acheté plus tôt dans la soirée. J'avais aujourd'hui vingt-six ans mais je raffolais toujours de cette boisson sucrée.
La paille coincée entre mes dents, je regardais d'un air rêveur le panorama que m'offrait la grande tour. Le toit blanc des maisons ressortait dans le noir de la nuit et les illuminations de la ville ajoutaient à ce paysage quelque chose de magique, comme une veille de Noël lorsque toutes les décorations sont de sorties.
Il commençait à faire de plus en plus froid dehors et n'ayant pas prévu qu'il neigerait, je ne m'étais pas habillé en conséquence. Je n'avais sur moi que mon manteau en feutre noir et un col roulé que je venais de remonter pour protéger mon cou du vent piquant, à défaut d'avoir une écharpe.
Le bout de mes doigts commençaient doucement à me faire mal, me faisant comprendre qu'il était temps pour moi de rentrer. Cependant, je n'avais pas encore fini ma barquette et l'idée de me promener avec elle dans la rue ne m'enchantait guère.
Alors que j'avalais les dernières gouttes, mes pensées dérivèrent soudainement sur le planning de ma fin de soirée. Qu'allais-je bien pouvoir faire une fois chez moi ? N'ayant pas très faim, j'allais probablement sauter directement dans mon lit après ma douche bien méritée et n'étant toujours pas fatigué, je lancerais un vieux film comme j'en avais l'habitude lors de mes jours de grosse déprime.
Mes pensées volèrent subitement en éclats lorsque j'aperçus un mouvement dans mon champ de vision et quelques instants plus tard, un poids se laissa tomber sur le banc où j'étais installé, me faisant légèrement grincer des dents. Pourquoi cette silhouette avait-elle choisi cette place en particulier alors qu'il y avait une multitude d'autres banquettes inutilisées ?
Un rapide coup d'œil dans sa direction me permit d'établir une brève analyse de son physique. Si son béret ainsi que son écharpe et son masque cachaient une bonne partie de son visage, ce qui contraignait pas mal ma petite observation, sa carrure ne laissait aucun doute quant au fait que cette personne était un homme. Il ne devait pas être très vieux si je me fiais à la vivacité de ses gestes pour sortir son paquet de cigarettes. Mais je me trompais peut-être dans mon raisonnement ; sa gestuelle pouvait tout aussi bien trahir une vieille habitude.
Quoi qu'il en soit, cet homme m'agaçait déjà. De toutes les places assises qui étaient mises à disposition sur la plateforme, il avait dû choisir la mienne et je devais désormais supporter sa fumée opaline.
Mon carton vide de tout contenu, j'étais enfin prêt à partir. Mais mon corps se retrouva cloué sur place à la dernière minute lorsqu'une voix familière s'éleva dans l'obscurité dans la nuit.
" Beau temps pour un faire un vœu, n'est-ce pas ? "
Cette simple phrase venait d'accélérer les battements de mon cœur sans que je ne puisse rien y faire. Ses mots repassaient en boucle dans ma tête jusqu'à en perdre tout leur sens tandis que le timbre de sa voix s'entrechoquait douloureusement avec mes souvenirs. Elle était certes devenue plus grave et plus suave que la dernière fois, mais j'étais persuadé qu'il s'agissait bien de lui. Je l'avais entendue à mainte reprises et l'avais même fait grimper jusqu'à son paroxysme, elle ne pouvait plus me duper aujourd'hui.
Comment et pourquoi ? Que faisait-il ici alors qu'il était censé être à Milan ? Ces questions me brûlaient les lèvres et pourtant celles-ci restaient scellées l'une contre l'autre. Je fus pris d'une furieuse envie de fuir, mais fuir quoi exactement, je ne le savais pas vraiment. Peut-être avais-je peur de me retrouver confronté à une situation embarrassante ou qui finirait par me décevoir ? Son retour n'était sans doute que provisoire, je ne devais pas commencer à me faire des plans sur la comète et encore moins espérer un retour à notre vie d'avant. De toute façon, je n'en n'avais pas le droit, ni l'envie, et encore moins le courage. Il me fallait décamper au plus vite avant que tout ne me retombe dessus à nouveau, déguerpir avant que mes sentiments ne fassent éclater le barrage que j'avais laborieusement construit au fil des mois.
Difficilement, je me relevais en ayant l'impression d'avoir la tête dans un étau. Mes pensées se bousculaient à une vitesse folle et j'avais de plus en plus de mal à réfléchir correctement. Un dilemme aussi complexe que celui de Rodrigue pour Chimène faisait rage dans mon cœur et m'empêchait d'avancer vers la sortie. Je voulais me laisser bercer par la douce illusion qu'il était là pour moi et pour une bonne raison, que tout ceci était le destin . Mais il était évident qu'il était à présent trop tard, je ne m'étais pas battu pour sauver notre amour et j'avais délibérément laissé filer ma chance...
Je pouvais sentir son regard brûlant se poser dans mon dos, probablement à l'affût de mon prochain mouvement. Je n'osais pas me retourner pour lui faire face car je me connaissais, il me serait impossible de lui résister si mes yeux rencontraient les siens.
Quelque chose de chaud et de doux s'empara avec prudence de mon poing droit, me faisant sortir de mes pensées dans un sursaut. Il profita de mon état d'étonnement pour faire pivoter ma tête dans sa direction et ce que je redoutais le plus arriva. Taehyung avait toujours été d'une beauté divine, presque ensorcelante. Ce soir ne faisait pas exception et le jeu de lumière que créaient les cristaux de glace et les réverbères le rendait d'autant plus onirique. Ses prunelles, à demi cachées par les quelques mèches de cheveux qui tombaient négligemment sur son front, étaient ancrées si profondément dans les miennes qu'il me paraissait impossible de les détacher.
Sans grande surprise, c'était sa pupille bleue charron, à la limite du gris, qui accaparait toute mon attention. Ses magnifiques yeux vairons avaient toujours su piquer mon intérêt, c'était d'ailleurs ce qui m'avait interpellé en premier chez lui, suivi toutefois de près par ses lèvres. Il ne portait plus ses lunettes, du moins plus aussi souvent. J'imagine qu'il les mettait toujours lorsqu'il devait travailler sur des petits détails dans sa toile ou bien dès qu'il voulait bouquiner comme il en avait l'habitude.
Mon regard s'attarda ensuite sur les autres traits de son visage qui m'avaient tant manqués. De la ligne fine de ses sourcils, à ses longs cils noirs qui reposaient sagement sur sa paupière du bas, de ses grains de beauté à son nez courbé vers la fin. De son arc de cupidon délicatement tracé à ses lèvres en cœur jusqu'à sa mâchoire marquée que j'avais retracé un nombre incalculable de fois avec mon doigt ou ma langue. Taehyung était parfait. Son minois avait gagné en maturité et effacé toutes les marques de son adolescence, au plus grand dam de celui qui osait le contempler.
Ses mains avaient lentement remonté le chemin de mes courbes pour venir prendre mon visage en coupe. Ses lèvres s'ouvrirent à plusieurs reprises sans qu'aucun son n'en sorte, créant un mélange d'impatience et de frustration au fond de moi. Lui qui avait une certaine aisance avec les mots en temps normal, pourquoi n'arrivait-il pas à parler tout à coup ?
" Tu as tellement changé en l'espace de quelques mois. " murmura-t-il à bout de souffle alors que ses yeux voyageaient d'un bout à l'autre de mon visage. " Depuis quand tu te teins les cheveux ? "
Son expression ne révélait rien d'autre que de l'émerveillement. Taehyung m'avait souvent demandé si je ne voulais pas me faire une coloration comme lui en avait l'habitude, juste pour essayer et voir ce que cela donnerait comme résultat. Je déclinais à chaque fois ses propositions, prétextant que les couleurs vives n'iraient pas avec ma peau trop pâle. La vérité, c'est que je n'avais jamais aimé le changement. J'aimais mes bonnes vieilles habitudes et il m'était difficile de m'en défaire. Mais notre rupture avait chamboulé tellement de choses dans mon existence, qu'un bouleversement de plus ou de moins, n'était en soi qu'une vague supplémentaire dans le remous de l'océan.
" Ça te va très bien, les cheveux longs. " poursuivit-il quand il comprit qu'il n'obtiendrait pas de réponse de ma part. D'un geste distrait, il s'amusa à entortiller une de mes mèches bleutées autour de ses doigts.
" Qu'est-ce que tu fais là Taehyung ? " lui demandais-je de but en blanc.
Si j'avais voulu me montrer fort devant lui, les tremblements dans ma voix avaient tout fichu par terre. J'étais bien plus affecté par son retour que je ne le croyais et cela m'agaçait car tous mes efforts pour passer à autre chose s'avéraient être vains. La légende disait vraie, il était impossible de rompre le fil qui unissait deux personnes destinées à s'aimer.
" Je suis venu faire un vœu. " répondit-il, un sourire timide aux coins des lèvres.
" Non Taehyung, qu'est-ce tu fais ici, à Séoul ? " je reformulais les sourcils froncés
J'appréhendais un peu sa réponse et toutes les conséquences qu'elle pouvait engendrer.
" Mes tableaux ont été sélectionnés pour être exposés au musée d'Art de Séoul la semaine prochaine alors j'ai décidé de profiter de l'occasion pour revenir en ville. " Avoua-t-il, l'air quelque peu gêné.
J'étais estomaqué par la nouvelle qu'il venait de m'apprendre. J'avais suivi de près son évolution lors de nos années d'études et jamais je n'avais douté de son talent inné pour la peinture. C'était une agréable surprise et je ne pouvais que l'en féliciter.
" Wow, Taehyung c'est formidable ! Tu dois être aux anges, tu as toujours désiré percer dans ce domaine ! "
" Oui, je le suis. "
Le sourire qu'il afficha par la suite me parut cependant bien fade. N'était-il pas content de ce qui lui arrivait ?
" Quelque chose ne va pas ? " demandais-je.
Inconsciemment, mes mains étaient parties recouvrir les siennes dans un geste qui se voulait réconfortant. C'était plus fort que moi, j'avais besoin de l'aider même après tout ce temps.
" Il y a quelque chose que j'aurais aimé te demander... Tu n'es pas obligé d'accepter, bien sûr, mais ça me ferait très plaisir que tu viennes voir l'exposition. C'est en grande partie grâce à toi si j'en suis là aujourd'hui. Tu m'as aidé en posant pour moi et tu m'as toujours soutenu dans mes projets. J'ai peint une œuvre pour toi, pour te remercier de tout ce que tu as fait. J'aimerais te la montrer. "
Une œuvre pour moi. Ces mots continuèrent de raisonner dans ma tête sans pour autant que je ne parvienne à en tirer satisfaction. En temps normal, j'aurais été flatté d'apprendre une telle annonce, mais tout ce que je parvenais à ressentir c'était de la mélancolie. J'aurais dû mieux profiter de nos moments passés ensemble, chérir chaque instant comme si demain n'existait pas. Tout ce qu'il me restait à présent de ce temps révolu, c'était cette malheureuse peinture.
" Je ne pense pas pouvoir venir Tae... "
Je savais au fond de moi qu'y aller n'était pas une bonne idée, cela empirerait les choses de mon côté et nous donnerait à tous les deux de faux espoirs.
" Tu n'es pas obligé de me donner une réponse tout de suite, tu sais. Tu as le temps d'y réfléchir, le vernissage n'a lieu que la semaine prochaine."
J'aurais dû me douter que Taehyung ne lâcherait pas l'affaire aussi facilement, mais autant mettre les choses au clair tout de suite.
" Tae... Tu ne peux pas revenir comme une fleur après deux ans de silence et t'attendre à ce que je cède à tous tes caprices, notre relation n'est plus la même. Et puis j'ai... J'ai refait ma vie de mon côté. " murmurais-je, la voix brisée.
" Mais tu es venu à Namsan ce soir..." Fit-il, convaincu qu'il s'agissait d'une preuve suffisante de mon amour pour lui.
" Je ne sais pas pourquoi je suis là, je... j'ai pris la décision sur un coup de tête à vrai dire. "
Mes paumes perdirent petit à petit en pression sur ses mains jusqu'à rompre totalement le contact que nous entretenions. Je ne lui mentais pas, je n'étais pas venu de prime abord pour lui. Je crois que j'avais envie de me remémorer une dernière fois nos souvenirs afin de tourner la page définitivement et ainsi enfin envisager d'en commencer une nouvelle.
" Non, je ne crois pas au hasard ni aux coïncidences Jungkook. On était destiné à se retrouver, j'en suis persuadé. "
" C'est impossible Taehyung. Toute cette histoire de destin entremêlé et de fil rouge qui nous relie, tout ça s'est brisé le jour où tu m'as demandé de t'oublier et de faire une croix sur notre amour. C'est fini... On ne peut plus revenir en arrière. "
" Mais... Nous avons encore tous les deux des sentiments l'un pour l'autre ! Sinon tu ne serais pas là Kook... " Prononça-t-il difficilement, les yeux embués.
" J'ai rencontré quelqu'un. " Je détournais brusquement mon regard, le sien devenant insoutenable. Je me sentais mal de le lui avouer aussi abruptement, mais je n'avais pas d'autre choix. C'était comme enlever un pansement, plus vite on l'arrachait, plus vite la douleur s'en allait. " Au début c'était juste un ami, il était là à chaque instant pour me soutenir et me réconforter après notre rupture. J-je ne pensais pas que notre relation évoluerait dans ce sens-là avec Eunwoo..."
" Je n'ai pas envie de connaître la suite, Jungkook. " m'interrompit-il la voix brisée.
Ses mains m'avaient lâché durant mon monologue, laissant une trace brûlante de leur passage malgré le froid qui régnait dehors. Un reniflement de sa part me fit comprendre qu'il pleurait, mais je n'osais pas vérifier de peur de me mettre à verser des larmes à mon tour.
Je sentais mes derniers retranchements s'affaiblir de plus en plus. Entrevoir Taehyung dans cet état me donnait envie de le prendre dans mes bras et de le consoler jusqu'à ce que ses larmes se tarissent et soient remplacées par un sourire. Je ne pouvais cependant pas me laisser contrôler par mes sentiments. Moi aussi je souffrais de cette situation, mais je devais garder en tête que c'était lui qui en était à l'origine.
" Je suis désolé si je t'ai blessé, ce n'était pas mon intention mais tu l'aurais su un jour ou l'autre de toute façon..."
" Est-ce que tu l'aimes ? "
" Oui, peut-être pas comme lui le voudrait mais j'essaie de faire de mon mieux pour lui rendre ses sentiments. "
" Et si je revenais définitivement à Séoul, est-ce que ça changerait quelque chose ? "
" Ne fais pas ça, c'était ton rêve de vivre en Italie. " l'implorais-je du regard, ne voulant pas qu'il s'acharne sur une cause perdue.
" Mais si mon rêve empiète sur mon bonheur, dois-je quand même le poursuivre ? " me demanda-t-il tristement.
Un silence lourd de sens s'installa entre nous. Je n'avais pas besoin de mettre de mots sur mes pensées, il les comprenait parfaitement. Je m'avançais sur la pointe des pieds, hésitant quant à la manière d'agir, puis sans plus y réfléchir, j'attrapais timidement les pans de sa veste avant d'y exercer une légère force d'attraction pour le faire atterrir dans mes bras.
" Ton bonheur ne dépend que de toi Taehyung. " murmurais-je à son oreille.
Ses bras se resserrèrent presque automatiquement lorsqu'il sentit que j'essayais de me détacher de lui et n'ayant pas le coeur de le repousser après ce qu'il venait de me dire, je le laissais faire à sa guise et profitais à mon tour de notre étreinte qui serait certainement la dernière. J'essayais de me déculpabiliser tant bien que mal en me répétant que c'était celle à laquelle je n'avais pas eu le droit deux ans auparavant.
" Je vais devoir rentrer Tae, j'ai un chat qui m'attend à l'appartement et il est vraiment grognon quand il n'a pas sa pâté le soir. " souriais-je doucement dans ses cheveux.
" Tu habites toujours avec Yoongi ? " demanda-t-il en relevant la tête, l'air surpris.
" Non, j'ai vraiment adopter un chat." Quelques éclats de rire m'échappèrent involontairement à l'évocation de mon meilleur ami. " Le gros matou a mis les voiles il y a quelques mois lorsqu'il s'est enfin décidé à se mettre en ménage. "
" Oh, je vois... Tu as encore des nouvelles des garçons ? "
" De temps en temps. Tu devrais les appeler pour leur dire que tu es en ville, je suis persuadé qu'ils voudront te revoir après tout ce temps. "
Je lui fis un dernier sourire avant de lui tapoter gentiment son épaule, ne sachant pas trop comment m'y prendre pour lui dire au revoir. Mon regard chercha le sien une dernière fois et je savais, d'ores et déjà, que ses yeux vairons hanteraient mes rêves cette nuit.
Je pris ensuite mes jambes à mon cou et me dirigeais à la hâte vers la sortie du site. J'étais parti sans un regard en arrière, la tête vide et le cœur en vrac.
" Attends Jungkook ! "
Je m'arrêtai net dans ma course lorsque je l'entendis crier mon prénom désespérément. N'étant pas dénué de cœur non plus, je me retournais pour l'attendre et le vis descendre les escaliers à toute vitesse.
" Je voulais juste que tu saches que peu importe les obstacles qui se dressent entre nous, cela ne m'empêchera pas d'essayer de te reconquérir. J'ai fait l'erreur de te perdre une fois, je ne la commettrai pas une deuxième. Je suis prêt à tout pour récupérer ma place à tes côtés. Nous deux c'est le destin, ça l'a toujours été. Je t'aime Kook. " murmura-t-il, essoufflé, mais un air déterminé sur le visage.
Ses doigts allèrent dénouer son écharpe en laine qui le protégeait du froid pour venir me la passer autour du cou, sans jamais que notre contact visuel ne se brise. Un doux frisson me parcourut l'échine lorsque je le sentis s'attarder quelques instants dans ma nuque, une zone qui ne m'était pas insensible. Mes lèvres s'entrouvrirent afin de parler mais il m'en empêcha en me devançant.
" Fais attention à toi sur le chemin du retour. "
Et il s'évapora dans l'obscurité de la nuit, me laissant pantelant en bas des marches, le regard perdu au loin.
Il venait à peine de réapparaître que je me sentais déjà faible face à la situation. Sans m'en rendre compte, je percevais déjà certaines des limites et barrières que je m'étais fixées il y a si longtemps le concernant, tombées en poussière.
Kim Taehyung était une tempête, un ouragan qui avait le don de toujours tout bouleverser dans mon univers. Je ne pouvais pas, je ne devais pas. Et pourtant, il avait suffi de quelques paroles et quelques gestes pour me faire basculer.
Il était comme un trou noir, je gravitais autour de lui et petit à petit, il m'aspirait jusqu'à me faire prisonnier à tout jamais. Cependant, une notification sur mon téléphone me tira de mes pensées. Comme un rappel à l'ordre, je venais de recevoir un message de Eunwoo. Celui-ci me demandait si j'étais libre demain soir pour un dîner en tête à tête. Parce que, oui, je ne devais pas l'oublier. Lui était là, bien présent, et jamais il ne m'avait déçu. Il n'était pas un mirage, il ne m'avait pas abandonné, comme Taehyung l'avait fait... Je devais me ressaisir, ne penser qu'à lui, qui ne méritait pas de se retrouver englué dans un passé trop douloureux à supporter.
~ ~
" J'en connais un qui aurait bien besoin d'un remontant, je me trompe ? " Me taquina gentiment Hoseok, le patron du café dans lequel je m'étais arrêté pour finir mon travail.
" S'il-te-plait, Hobi. "
Il ne lui en fallut pas plus pour comprendre implicitement ma demande. Mon ami me fit un clin d'œil et repartit aussitôt vers le comptoir afin de me préparer un de ses fameux cafés serrés qui parvenaient à remonter l'énergie en un rien de temps, pile ce qu'il me fallait en ce moment.
J'étais exténué, autant physiquement que moralement. Mon travail en tant qu'assistant à la fac me demandait beaucoup de déplacements, que ce soit entre les différents amphithéâtres, mon bureau ou encore le chemin que j'effectuais à vélo de mon appartement jusqu'à l'établissement. Au moins, j'avais la maigre consolation de voir les muscles de mes jambes se développer, embellissant ainsi cette partie de mon corps.
Quant à la fatigue morale, elle était dûe à mes nombreuses insomnies à répétition et au temps que je passais à ressasser les derniers événements qui s'étaient déroulés dans ma vie.
Taehyung avait tenu sa promesse. Chaque jour, il déposait devant ma porte le même panier en osier que la veille remplit de nouvelles petites attentions à mon égard. Je comptabilisais à présent six sortes de fleurs différentes dans mon salon. Mais bien au-delà de la divergence de leur forme, le message qu'elles dégageaient restait le même. Que ce soit l'amaryllis, l'anémone, le lys ou encore la gerbera, leur signification était celle de l'amour.
Je retrouvais parfois un ravier de fraises ou une tablette de chocolat dans le panier, à croire qu'il comptait m'appâter par la gourmandise. Mais ce qui m'avait le plus chamboulé, c'était de voir des épisodes de notre vie, parfois très intimes, transposer sur le papier, sous ses coups de crayons habiles. Je n'avais pas pu m'empêcher de verser quelques larmes en découvrant le dessin d'hier. Les lignes étaient peu nombreuses mais permettaient largement de reconnaître le personnage qui était représenté et qui n'était autre que moi. Sur ce croquis, Taehyung m'avait allongé sur le ventre et m'avait dessiné partiellement en tenue d'Adam, seule la partie inférieure était recouverte d'un voile.
C'était beau, c'était sensuel. C'était aussi notre première fois.
Nous n'étions même pas encore tout à fait remis de notre plaisir intense qu'il m'avait demandé de poser pour lui, voulant à tout prix immortaliser cet instant si précieux pour nous. J'avais été ébahi de constater qu'après toutes ces années, Taehyung conservait encore ce genre de choses.
" Et voilà, monsieur est servi ! " s'exclama joyeusement le châtain en posant deux tasses sur la table. " Tu ne vois pas d'inconvénient à ce que je me pose un instant avec toi ? "
" Tu es toujours le bienvenu Hyung mais c'est plutôt à toi qu'il faut demander ça, tu n'as pas d'autres clients à servir ? "
" Mes employés vont s'en occuper, ils sont payés pour de toute façon ! " fit-il avec un sourire aux lèvres qui se voulait espiègle. " Sinon dis-moi, comment ça va en ce moment ? La vie, la famille, les amis... les amours, tout ça... ? "
Mes sourcils se froncèrent subitement tandis que je lui jetais un regard en biais par-dessus ma tasse fumante. J'aurais dû me douter que Hoseok chercherait à me tirer les vers du nez concernant le noiraud.
" Va droit au but. " Soupirais-je avant de fermer le clapet de mon ordinateur. Ce n'est pas comme si j'allais pouvoir avancer sur ma thèse de toute façon, mon cerveau n'était plus concentré depuis belle lurette.
" Comment tu te sens par rapport à... enfin par rapport au retour de... tu sais, Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom..."
" Ce n'est pas Voldemort, Hoseok. " pouffais-je de rire sans pouvoir me contrôler.
Mon ami semblait satisfait de m'avoir déridé le temps d'un instant, bien que cela était en partie dû à sa bêtise. Hoseok avait toujours été ainsi, le bonheur des autres au dépend du sien.
" Tu préfères la version joyeuse où je te dis que je vais bien ou alors la version plus terre à terre ? " demandais-je une fois que j'eus repris mon sérieux.
" Dis-moi tout mon chou. " me répondit-il avec une mine peinée sur le visage.
" Eh bien... c'est un peu difficile de mettre des mots sur ce que je ressens vraiment. J'ai du mal à m'endormir depuis quelques nuits, ce qu'il s'est passé à Namsan me hante et je ne cesse de me demander comment cela aurait pu se terminer si nous nous étions retrouvés dans des situations différentes. S'il était revenu plus tôt, s'il n'était pas parti, si..."
" Si tu n'avais pas rencontré Eunwoo entre-temps ? "
Je m'arrêtais brusquement dans mes mouvements et baissais honteusement la tête. Hoseok avait mis le doigt sur le nœud du problème. Bien-sûr que j'y avais pensé, mais le mettre en évidence comme cela me donnait l'impression d'être un monstre. Je ne pouvais en vouloir à Eunwoo d'être apparu dans ma vie, il était celui qui m'avait aidé à remonter la pente et qui m'avait démontré que Taehyung n'était pas forcément le seul et l'unique à mes yeux.
Mais quel pouvoir avais-je contre les forces de l'amour ? Même si j'aimais sincèrement le grisé, mes sentiments n'équivalaient en rien à ceux que j'éprouvais pour celui qui m'avait été destiné.
" Je suis perdu Hyung... Je ne sais pas qui écouter entre mon cœur et ma raison. Et puis c'est bien beau de vouloir me reconquérir, mais s'il retourne en Italie une fois l'exposition finie, ne va-t-on pas refaire les mêmes erreurs ? Il y aura toujours cette distance entre nous qui finira par nous détruire... "
" Mais aujourd'hui ce n'est pas pareil, Kook. Dans quelques mois tu as fini ton doctorat et plus rien ne t'empêchera alors d'aller vivre avec lui. "
Aller vivre à Milan alors que je ne connaissais pas un mot d'italien, c'était un pari fou, mais pas non plus insurmontable. La vraie question était plutôt est-ce que j'en avais envie ? Il me faudrait trouver un autre travail, me séparer de mes amis, de ma famille et de bien d'autres choses. Je n'étais pas certain de vouloir tous ces changements.
Voyant mon trouble, Hoseok posa sa main sur la mienne dans un geste de réconfort. Sa peau était un peu sèche au toucher à cause de toutes les manipulations et les rinçages qu'il effectuait dans la journée mais son contact m'apporta du baume au cœur.
Mes yeux curieux furent attirés par la petite touche de couleur vermeil qui pendait à l'un de ses doigts. Il y a bien longtemps que j'avais arrêté de prêter attention au fil rouge des autres, mais dans de rares cas comme celui-ci, le lien m'était parfaitement visible. Il était de ce fait difficile d'y faire abstraction alors qu'il était juste sous mon nez.
" Mettons l'option Taehyung de côté pour l'instant, d'accord ? Comment ça se passe avec Eunwoo ? Il te rend heureux ? Est-ce que vous avez déjà... ? "
Il n'avait pas besoin de terminer sa phrase pour que j'en comprenne le sens, ses levés de sourcils subjectifs en disaient long.
" Hyung t'es pas possible, il n'y a pas que le sexe qui compte dans une relation. " fis-je en levant mes yeux au ciel.
" Je te ferai savoir que le sexe, comme tu dis, est un critère important pour t'aider dans ton choix. Avec Taehyung il n'y a plus aucun doute, mais Eunwoo ? Est-ce que vous êtes compatibles sexuellement parlant ? Ressens-tu les fameux papillons dans ton ventre quand il pose ses mains sur toi ? "
" Je... hum... oui, je suppose ?
Mon hésitation fit soudainement tiquer Hoseok.
" Vous n'avez encore rien fait ? " s'exclama-t-il un peu trop fort à mon goût. Des têtes s'étaient retournées dans notre direction pour nous dévisager, amplifiant la gêne qui m'habitait depuis que le châtain avait lancé le sujet.
" B-bien-sûr que si ! C'est juste qu'on prend notre temps et qu'on y va étape par étape. " répliquai-je sur la défensive, un poil vexé.
" Mouais, fais attention de ne pas finir abstinent tout de même. " un petit rire moqueur fendit l'air tandis que mon regard le plus noir lui fut lancé.
" Je trouve ça gonflé venant de la part de quelqu'un qui se prend veste sur veste avec les filles. "
Je poussais soudainement ma langue contre l'intérieur de ma joue, signe de mon irritabilité grandissante.
" Putain Jimin cette balance ! " jura-t-il dans ses dents tandis qu'un sourire sournois apparaissait sur mes lèvres, fier de ma petite riposte.
Il passa une main nerveuse dans ses cheveux pour les remettre en place et sembla se ressaisir l'instant d'après. Malgré le visage neutre qu'il affichait afin de faire bonne figure devant sa clientèle, j'étais persuadé que ledit Jimin en prendrait pour son grade lorsqu'il rentrerait ce soir à leur domicile.
" Bon, concentrons-nous uniquement sur tes histoires de fesses, tu veux bien ? " reprit-il, les sourcils froncés. " Est-ce que tu as hum... plus d'affinités avec l'un qu'avec l'autre ? "
" C'est... compliqué. Ce que je ressens avec l'un est totalement différent de ce que je ressens avec l'autre. Avec Taehyung, ça a toujours été très passionnel, romantique aussi, à la limite du sauvage. Eunwoo, lui, est plus doux dans ses gestes. Il est très attentionné et à l'écoute de l'autre. Non pas que Taehyung ne l'était pas ! Mais c'était différent. Avec lui, j'avais constamment l'impression d'avoir un brasier dans mon bas-ventre dès lors qu'il posait son regard sur moi. On ne pouvait pas s'empêcher de se sauter dessus à chaque fois qu'on en avait l'occasion... " débitais-je d'un seul coup, un sourire niais flottant sur mon visage.
Hoseok mit un certain temps avant de me répondre. Il me détaillait en silence, me donnant la désagréable impression d'être passé aux rayons X. Son expression pincée me faisait penser que j'avais peut-être dit une bêtise.
" T'étais quand même sacrément mordu de lui à l'époque hein ? "
Mon sourire se fana petit à petit. Oui je l'avais été, et je crois que je l'étais encore un peu malgré moi au vu de mes joues qui me faisaient mal à force d'avoir été étirées trop longtemps. Je baissais honteusement mon regard sur mes doigts entrelacés autour de ma tasse. Je devais me rendre à l'évidence, si je n'avais pas réussi à l'oublier, c'était parce que je n'en n'avais pas envie et ça, c'était le véritable problème.
" Tu devrais parler à Eunwoo avant qu'il ne soit trop tard, Kook. " souffla mon ami, peiné. " Je ne te dis pas de rompre si tu n'en n'as pas envie, mais au moins de lui raconter pour Taehyung. Je pense que c'est quelque chose qu'il mérite de savoir... "
J'opinais de la tête pour marquer mon accord. Hoseok avait raison, je devais avoir une discussion de toute urgence avec le grisé et arrêter de faire l'autruche.
⛃
Cela faisait bientôt une heure que j'étais assis dans mon canapé, le regard perdu dans le vide et un bout de papier en mains.
Comme une litanie monotone, je n'avais de cesse de me repasser en mémoire des fragments de ma conversation avec mon petit-ami, ou devrais-je dire ex petit-ami. Il m'avait laissé faire ma tirade sans piper mot, m'écoutant jusqu'au bout et n'intervenant que lorsqu'il fut certain que j'avais enfin terminé. Son expression n'avait pas changé, elle était restée stoïque et, à force, j'avais pris peur qu'il ne finisse par exploser en me criant dessus Ô combien j'étais un être infâme et qu'il ne me pardonnerait jamais.
Mais Eunwoo n'était pas de ce genre-là. Il avait toujours été quelqu'un de calme et à l'écoute. Il n'agissait pas sur un coup de tête et même si certaines choses l'avaient peut-être blessé, il n'en n'avait rien laissé paraître.
" J'aimerais juste te poser quelques questions, sois le plus honnête possible, d'accord ? " m'avait-il demandé d'une voix douce.
" Je t'écoute. "
" Tu as envie de retourner avec lui ? De vous laisser une deuxième chance ? "
J'avais écarquillé les yeux de surprise. Je ne m'attendais pas à ce qu'il me demande une chose pareille de but en blanc, aussi rapidement.
" Je... Je ne sais pas encore. " avais-je balbutié, pris de court. " Certes j'ai encore des sentiments pour lui, mais de là à foncer tête baissée dans une nouvelle relation, je... je ne me sens pas prêt. Je lui en veux encore beaucoup malgré tout, et puis je t'ai toi, Eunwoo. " je lui avais sourit timidement, ne sachant pas lequel des deux j'essayais le plus de rassurer.
" Bon très bien, je vais poser mes questions autrement. Est-ce que tu crois qu'un jour, tu pourras m'aimer plus que lui ? "
" Oui, c'est possible... avec le temps. " je n'avais pas pu m'empêcher d'ajouter.
Un pli était venu entraver la peau lisse de son front, il semblait contrarié.
" Tu es heureux avec moi ? Du moins, plus qu'avec lui ? " c'était sa dernière question.
Un sanglot était remonté le long de ma gorge lorsque la réponse m'était apparue comme une évidence. Non, je ne serais jamais aussi heureux, il me manquerait toujours une pièce pour compléter le puzzle de ma vie.
Devant mon silence qui en disait long, Eunwoo avait compris que ma réponse était négative. Il s'était relevé, le cœur probablement en lambeaux et était venu s'asseoir à mes côtés, attrapant le bout de mon menton pour m'obliger à le regarder dans les yeux.
" Écoute-moi Kook, je ne veux pas que tu te sentes coupable pour ce que tu ressens. J'ai toujours su que je ne faisais pas le poids contre ton premier amour et je dois t'avouer que j'ai espéré, un peu égoïstement, qu'il ne réapparaisse pas dans ta vie, mais le destin en a décidé autrement. J'aurais cependant dû voir les signes plus tôt, cela nous aurait évité bien des tourments, n'est-ce pas ? " il m'avait lancé un regard appuyé avant d'effleurer ma joue d'une caresse volatile.
" Tu... tu ne m'en veux pas ? " avais-je demandé d'une petite voix.
" Je préfère te savoir comblé que malheureux, peu m'importe si c'est avec un autre homme. " m'avait-il rassuré.
Je n'avais pas résisté à l'envie de le prendre dans mes bras, touché par ses paroles.
" On reste amis quand même, hein ? "
" Bien-sûr Kook. Mais je vais avoir besoin d'un peu de temps pour tu sais, mettre les choses à plat avec moi-même. " Il m'avait souri et j'avais hoché la tête vigoureusement, compréhensif.
Il avait ensuite rassemblé ses maigres affaires qui traînaient dans mon appartement et était parti quelques minutes plus tard. Je n'avais pas bougé depuis, si ce n'est pour aller récupérer le bout de papier qu'il avait trouvé à terre, devant ma porte d'entrée.
J'avais d'abord été intrigué par le destinataire. Ce n'était pas le style de Taehyung d'être aussi minimaliste dans ses colis, il m'avait habitué aux paniers et aux petites douceurs qu'il glissait à l'intérieur en plus des dessins. Se pouvait-il que cela soit un de mes voisins ?
Mais à peine avais-je déplié le papier que l'écriture fine et appliquée du beau noiraud m'avait sauté aux yeux. Il s'agissait d'un poème qu'il avait lui-même rédigé car en plus d'avoir un excellent coup de pinceau, Monsieur était également un petit prodige en écriture. Ce n'était pas tellement étonnant quand on savait qu'il avait toute une bibliothèque remplie de recueils, que ce soit de poèmes ou de nouvelles. Son préféré restait l'exemplaire des Fleurs du Mal de Baudelaire. Il l'avait si souvent lu et relu que la couverture s'était abîmée à force d'être manipulée, bien que Taehyung prenait toujours soin de ses affaires comme la prunelle de ses yeux. Ce détail me fit légèrement sourire alors que mes yeux se remirent une énième fois à vagabonder sur les quelques lignes d'encre.
Tu es le seul que je veux.
Le seul que je désire.
Laisse-moi demeurer prisonnier,
Encore au moins une éternité.
Puis-je effleurer ton corps ?
Si tu le souhaites encore.
Puis-je caresser ta joue ?
Créer dans ton univers quelques remous.
Puis-je pencher mon corps sur le tien ?
Et définitivement te faire mien.
Je ne souhaite pas être libre.
Juste bouleverser ce tangible équilibre.
Entre prémices...
Et vices...
De ma bouche qui tangue vers ton cœur.
À tes yeux qui se font joueurs.
Suivant le tracé de tes divines courbes,
Je ne veux point t'absoudre,
D'avoir osé jouer et dévoiler,
Cette facette qui restait cachée.
Toi qui voulait me faire captif,
Tu n'es finalement pas inoffensif...
Testant la fragilité de mes barrières,
Il n'y a plus de retour en arrière.
Maintenant, laisse-moi être doux,
Lécher tendrement ton cou.
Courir jusqu'à ta bouche,
Sur laquelle, tendrement la nuit se couche.
Ce serait mentir de dire que ces phrases ne me laissaient pas indifférent. Une douce chaleur s'était installée dans le bas de mon ventre à la lecture de certains de ses mots et il me devenait difficile de résister à la tentation de nous imaginer reproduire ce qu'il désirait me faire.
Je me mis une claque mentale afin de me ressaisir et pris ensuite la décision de me lever du canapé pour aller me faire un casse-croûte. Cela me permettrait de m'occuper l'esprit un instant et puis je n'avais encore rien avalé depuis ce matin.
Pendant que mon bulgogi réchauffait au micro-onde, j'en profitais pour sortir mon téléphone de ma poche. Celui-ci n'avait pas arrêté de vibrer lors de ma discussion avec Eunwoo et j'avais fini par le mettre en sourdine, agacé. Je l'avais à peine allumé qu'une ribambelle de notifications déferla sur mon écran de veille. J'avais reçu entre autres des mails de mes étudiants qui me demandaient plus ample explications sur certains points de matière, un appel manqué de ma mère et plusieurs messages venant de mon groupe d'amis.
Mes yeux s'agrandirent quand j'ai vu défiler le prénom de Taehyung dans le fil de la conversation. Cela faisait un bail qu'ils ne l'avaient plus mentionné, du moins pas devant moi. Curieux comme j'étais, je n'avais pas pu m'empêcher de remonter jusqu'au premier message pour comprendre de quoi ils parlaient.
Ils avaient l'air d'organiser une fête pour le départ d'un ami que nous avions, visiblement, tous en commun. Enfin c'est ce qu'il me semblait, tout le monde avait échangé ses idées quant au déroulement de la soirée, même Yoongi - d'habitude si peu enclin à nous suivre lorsque nous sortions faire la bringue - avait participé.
J'avais un mauvais pressentiment, de ceux qui vous tordent le ventre jusqu'à ce que le problème éclate au grand jour. L'implication dont faisait preuve mon meilleur pote et le fait que nous partagions tous cet " ami " ne laissaient plus beaucoup de place au doute quant à l'identité de cette personne. Il faut dire que nous n'avions pas beaucoup d'amis en commun (cela était dû en grande partie à nos personnalités diverses), ce qui réduisait déjà pas mal le nombre de potentiels suspects.
Plus j'approchais de la vérité et plus les muscles de mon visage se tendaient d'appréhension. C'est Seokjin qui, finalement, mit un terme à mon calvaire. Son dernier message m'était destiné, il me demandait si je voulais me joindre à eux vendredi prochain pour faire la java chez Taehyung. Il n'avait pas manqué de sortir des arguments pour essayer de me faire flancher ; une dernière fois tous les sept en souvenir du bon vieux temps ! Prends exemple sur Yoongi et mets ta rancœur de côté le temps d'une soirée. Tu pourrais le regretter toute ta vie sinon...
Jin avait laissé sa phrase en suspens, me laissant l'interpréter comme bon me semblait. Je ressentais au fond de moi une pointe de déception malgré tout. J'avais osé espérer qu'il resterait en ville après les belles paroles qu'il m'avait susurré le soir de nos retrouvailles. Manifestement, je n'avais été qu'un moyen de distraction le temps de son court séjour à Séoul.
J'avais décidé d'ignorer leurs messages pour l'instant, n'ayant pas de réponse définitive à leur fournir. Il me restait un peu plus d'une semaine pour y réfléchir de toute façon, ça ne pressait pas.
La minuterie de mon micro-onde me fit brusquement sortir de mon moment de léthargie. Savoir que Taehyung comptait repartir vivre en Italie avait soulevé pas mal de questions en moi, malheureusement celles-ci restaient sans réponse.
Pourquoi jouer avec les sentiments des autres ? Avait-il au moins été sincère sur la tour ou tout n'était que fourberie de sa part ?
Non, le Taehyung que je connaissais était tout ce qu'il y avait de plus honnête et d'adorable. Il ne se serait pas donné autant de mal à me confectionner ces dessins et ce poème si son intention avait été mauvaise. Le garçon était un éternel romantique, ce n'était définitivement pas son genre. On l'avait sûrement rappelé en urgence ou quelque chose comme ça...
Mon regard se posa une dernière fois sur le bout de papier qui se trouvait à quelques centimètres de mon assiette. Lentement mais sûrement, cet enfoiré avait réussi à se refaire une place dans mon cœur et j'avais peur qu'il me le brise à nouveau.
Je devais aller m'expliquer avec lui, mettre tout ça au clair, mais d'un autre côté j'étais terrifié. La simple idée de le perdre à tout jamais me tordait les entrailles. Je n'avais pas envie de le voir partir, je voulais faire mon égoïste et le garder auprès de moi. Mais avais-je vraiment une chance de le retenir ?
♚
Je sentais mon cœur tambouriner dans ma poitrine comme jamais encore il ne l'avait fait. J'avais les poumons en feu tandis que les muscles de mes mollets me tiraillaient atrocement, me faisant comprendre que je n'arriverais plus à soutenir le rythme de ma course très longtemps.
Des mèches de cheveux s'étaient carapatées de l'élastique qui les maintenait en arrière, mais je n'avais pas le temps de m'arrêter pour me refaire une beauté. Je me focalisais uniquement sur mon objectif, atteindre l'appartement de Taehyung avant qu'il ne soit trop tard.
Je me fis cependant arrêter net dans mon élan par une voiture. Je n'avais pas fait attention au feu rouge, il faut dire que c'était le cadet de mes soucis à ce moment, et j'avais voulu traverser mais m'étais vite ravisé en apercevant l'automobiliste foncer droit dans ma direction.
J'étais pressé de rejoindre le noiraud, pas de mourir.
Profitant de ce court répit, j'essuyais d'un revers de ma manche la sueur qui perlait sur mon front et tentais de calmer ma respiration sifflante.
Maintenant que je ne courais plus, je commençais doucement à ressentir le froid caractéristique du mois de décembre et à regretter d'être sorti sans enfiler une veste au préalable.
Il faut dire que j'avais pris la décision sur un coup de tête, pendant que je prenais ma douche. Hier soir, j'avais finalement décliné l'invitation des garçons et je ne m'étais pas rendu à la petite fête en l'honneur de Taehyung, prétextant une surcharge de travail. Et comme l'avait prédit Jin, j'ai été pris de remords dès que j'ai ouvert les yeux ce matin.
J'avais été incapable de penser à autre chose qu'au noiraud et à la chance que j'avais laisser filer de le revoir une dernière fois pour lui parler. C'était entièrement de ma faute, j'avais été trop froussard pour affronter mon destin. Mais alors que l'eau brûlante apaisait mon chagrin, j'avais eu un regain d'espoir en me disant que si les hyungs avaient fait la fête hier soir, Taehyung devait, par mesure de sécurité, avoir décalé son vol dans l'après-midi.
Ni une ni deux, j'avais enfilé le premier jean qui m'était passé sous la main ainsi que le dernier hoodie de la pile des repliés, et j'avais foncé mettre des chaussures avant d'attraper les clés de mon appartement et de sortir en claquant la porte.
Je n'avais pas pris la peine de sécher mes cheveux - ce qui m'assurait à coup sûr des frisettes - et à la place, je les avais attaché dans un man bun afin d'éviter de les avoir dans les yeux pendant que je courrais. Ceci dit, moi qui pensais bien faire, j'avais surestimé la taille de mes mèches de devant.
Il me fallut dix minutes de plus pour arriver devant le logis de Taehyung. J'étais à bout de souffle et mes jambes menaçaient de me lâcher à tout moment. Jamais de ma vie je n'avais piqué un tel sprint et bien que je faisais du sport régulièrement pour m'entretenir, je n'étais pas habitué à fournir un tel effort. Je pressentais déjà les courbatures qui allaient ankyloser tous les muscles de mon corps le lendemain matin.
Ma respiration revenue à la normale, je me redressais correctement sur mes jambes puis inspirais profondément, tentant de m'insuffler du courage et finis par appuyer une première fois sur la sonnette de l'appartement, les mains moites. Mais bien vite, je me retrouvais à presser une deuxième fois le bouton blanc, une troisième, une quatrième, et je continuais jusqu'à ce que je me lasse et change de tactique, frappant directement à la porte. La patience n'était pas mon fort.
Plus les secondes s'étiraient, et plus je sentais la panique revenir empoisonner mes veines.
Taehyung ne répondait toujours pas. Était-il déjà parti ?
Dans une dernière tentative, je me mis à crier son prénom à m'en déchirer les cordes vocales, comme une supplication.
Sans que je n'y sois préparé, la porte s'ouvrit à la volée, me faisant dangereusement basculer vers l'avant. Par je ne sais quel miracle, je réussis à éviter de justesse la collision avec le sol en me rattrapant au chambranle de la porte. Mon regard effaré rencontra celui interloqué de mon aîné qui était plus que surpris de me voir. J'eus tout juste le temps de le voir entrouvrir les lèvres que je me précipitais dans ses bras, relâchant tout le stress que j'avais accumulé depuis des semaines.
Un peu perdu, il mit un certain temps avant de répondre à mon étreinte, ce que je comprenais dans le fond. Ce n'est pas tous les jours que votre ex vous saute dessus après avoir fait le mort pendant deux semaines. Mais lorsque je le sentis déposer ses bras autour de ma taille, j'eus l'impression d'avoir retrouvé mon chez moi et je ne pus m'empêcher de soupirer d'aise.
" J-jungkook ? " balbutia-t-il en éloignant son visage pour m'observer, l'air vraiment médusé comme s'il n'arrivait pas à y croire. " Qu'est-ce que... Qu'est-ce que tu fais là ? "
" Je suis venu pour t'empêcher de partir. " chuchotais-je en détournant le regard tandis qu'un fin voile pourpre s'installait sur mes joues.
" Partir ? De quoi tu parles ? "
" Ne fais pas l'innocent. " une moue déçue s'installa sur mes lèvres. " Les hyungs m'ont tout raconté. Je sais aussi qu'ils ont organisé une fête pour ton départ hier soir. "
Il y eut un moment de latence où Taehyung sembla réfléchir à la réponse qu'il allait me fournir.
" Et donc si je comprends bien... tu es venu jusqu'ici pour me faire changer d'avis ? " j'étais persuadé qu'il était en train de sourire comme un imbécile heureux, le ton de sa voix était bien trop enjoué.
Sa question était plus rhétorique qu'autre chose, c'est pourquoi j'ai préféré garder le silence. J'étais déjà assez embarrassé par mon entrée fracassante, pas besoin d'en rajouter une couche en me mettant à bégayer des propos incompréhensibles pour me sortir de cette situation.
Ses paumes s'étaient délicatement faufilées le long de mon corps, effleurant de temps en temps une zone de peau nue, jusqu'à atterrir sur les contours de mon visage. J'en avais eu des frissons terribles, de ceux qui vous électrisent en un instant. Ces derniers n'avaient malheureusement pas dû passer inaperçu aux yeux du noiraud.
Il m'avait fait pivoter la tête afin que nos regards se rencontrent, me faisant me sentir tout de suite plus intimidé par la soudaine proximité entre nos frimousses. Mes mains glissèrent de sa nuque aux bretelles de sa salopette et je m'y accrochais fébrilement comme si celles-ci étaient devenues un point d'ancrage.
Cependant, la chaleur anormale que je sentais en-dessous de mes doigts me fit tiquer. Rompant notre duel de regard pour vérifier mes doutes, je vis avec effarement qu'il ne portait rien sous son habit de travail. Pas de pull ni même de t-shirt, à croire que son appartement était un vrai sauna et qu'il avait eu trop chaud. Comme un insecte attiré par la lumière, mes prunelles furent absorbées dans la contemplation de son torse caramel et nom de dieux, j'aurais donné cher pour pouvoir à nouveau le chouchouter de mes lèvres.
" Est-ce que ça changerait quelque chose entre nous si je restais en ville ? "
Ses paroles me ramenèrent subitement à la réalité.
Je quittais à regret son torse pour revenir observer avec intérêt son joli minois, et plus exactement, ses yeux vairons. Une forme de curiosité y résidait ainsi qu'une infime étincelle d'espoir. Je lui répondis du tac au tac. Après tout, j'étais venu ici avec la ferme intention de le retenir auprès de moi.
" Ça changerait tout. "
Taehyung eut un froncement de sourcils imperceptible, comme s'il mesurait le sens de ma phrase.
J'avais pris la décision d'arrêter de fuir mon destin, comprenant qu'il n'y avait qu'avec Taehyung que je me sentais réellement bien, à ma place, comblé.
" Alors tu seras heureux d'apprendre que je suis le nouveau propriétaire de cet appartement. J'ai signé le contrat début de semaine et j'ai résigné le bail de l'autre, celui que je louais en Italie. "
Si je n'avais pas été aussi solidement accroché à ses bretelles, je crois que j'en serais tombé à la renverse, littéralement. Mais quelque chose me titillait. S'il avait l'intention de rester à Séoul depuis le début, pourquoi les hyungs m'avaient-ils fait croire qu'ils organisaient une fête pour son départ ?
Ils avaient certainement dû se douter qu'avec mon côté buté, je ne serais jamais retourné voir Taehyung de mon propre chef, mais ils savaient aussi que je ne le laisserais pas s'en aller sans rien faire et ils avaient sauté sur l'occasion pour m'inciter à prendre mon courage à deux mains. Quelle bande de petits vicieux, même Yoongi avait été dans le coup !
" Ça ne te fait pas plaisir ? " me demanda-t-il d'une petite voix timide en constatant que je ne réagissais pas à son annonce.
" Pourquoi tu ne me l'as pas dit plus tôt ? "
" Je voulais te faire une surprise et t'inviter une fois que j'aurais eu fini d'aménager les pièces et de décorer. " fit-il en affichant une petite moue sur son visage.
Taehyung restait Taehyung, il voulait toujours que tout soit parfait. Un sourire fendit mes lèvres à ce constat, il y a des habitudes qu'on ne pouvait pas changer.
" Tu me fais visiter quand même ? " lui demandai-je avec une note de taquinerie dans ma voix.
" Bien-sûr, suis moi. " répliqua-t-il en retrouvant son sourire jovial. " Bon par contre ne fait pas trop attention au bordel. Je suis rentré de Milan hier et je n'ai pas eu le courage de défaire les cartons que j'ai ramené avec moi, du coup ils traînent un peu partout..."
" Oh. "
Voilà que l'absence de ses dessins quotidiens faisait sens. Je m'étais inquiété pour rien finalement.
" Tu veux boire quelque chose ? " demanda-t-il en tout bon maître de maison qu'il était.
" Un verre d'eau, s'il-te-plait. " j'avais la bouche encore pâteuse dû à ma course.
Il opina avant de s'engouffrer dans la cuisine ouverte juste à notre droite. Poussé par ma curiosité et parce que je savais que Taehyung n'était pas loin, j'avançais de quelques pas en direction de la salle à manger. Celle-ci baignait dans une douce lumière qui provenait de la grande baie vitrée en face de moi. Je trouvais déjà que cette pièce possédait un charme fou, mais lorsque mes yeux se posèrent sur le mur d'à côté, j'en restais coi.
De nombreux pots de peintures s'étalaient sur le sol qui était heureusement recouvert d'une bâche de protection. Sur la table, elle aussi recouverte, reposaient des pinceaux de toutes tailles et un walkman très vintage, ce qui expliquait sans nul doute pourquoi il n'avait pas entendu la sonnette et mes coups sur la porte.
Sur le mur en question, Taehyung était en train d'y peindre une fresque qui occuperait toute la surface une fois terminée. Bien que les premiers contours étaient à peine achevés, je reconnaissais sans mal les courbes gracieuses des fleurs de Nymphéas. Taehyung avait toujours eu une passion pour les tableaux de Monet, ce n'était pas vraiment étonnant d'en retrouver une en grandeur nature dans son appartement.
" La fresque n'était pas prévue au départ. J'étais juste censé repeindre le mur en blanc pour accentuer la luminosité de la pièce. "
" J'aime bien. " fis-je pensivement avant d'attraper le verre d'eau qu'il me tendait.
" Hm, je ne sais pas si je vais la garder. " il semblait cogiter, la tête penchée sur le côté. " C'est une méthode qui demande pas mal de temps et de rigueur..."
" On peut peut-être la peindre ensemble ? "
J'étais bien conscient que je ne possédais pas son talent, mais s'il me montrait la technique à adopter alors je pourrais au moins essayer de l'aider.
Il tourna un regard surpris dans ma direction, ne s'attendant visiblement pas à ce que je lui fasse une telle proposition.
Et puis son expression changea du tout au tout. A présent, un sourire mutin ornait ses lèvres carmines tandis que l'étonnement dans ses yeux avait laissé sa place à une joie non dissimulée. Je ne savais pas ce qu'il lui passait par la tête mais sur le moment, je n'étais plus trop rassuré.
" Il y a un pinceau que tu voudrais utiliser en particulier ? "
" Euh non pas vraiment... C'est toi l'expert, je me réfère donc à toi. " dis-je en me grattant l'arrière de la nuque, un poil gêné.
" Suis-moi. "
Il me guida jusqu'à la table et m'expliqua pendant une dizaine de minutes ce que je devais savoir sur le matériel et les mouvements à effectuer avec le pinceau. Je devais être précis et adopter une certaine régularité dans mes gestes, sinon la fresque risquerait de ne plus être uniforme
Après le cours théorique - où j'ai ma foi passé plus de temps à regarder ses lèvres bouger qu'à être réellement attentif à ce qu'il racontait - nous sommes passés à la pratique. Taehyung me délaissa un instant pour aller s'occuper du tri des couleurs, me laissant ainsi seul avec mes pensées.
Quand je lui avais soumis l'idée de mettre en couleur ensemble, je ne pensais pas le faire dans l'immédiat. Je n'avais même pas d'affaires de rechange au cas où de la peinture éclabousserait mes vêtements - et me connaissant c'était sûr que cela arriverait - et le comble dans tout ça c'est que j'allais devoir travailler avec un Taehyung sauvage qui ne portait rien en-dessous de sa salopette.
La puberté était peut-être loin derrière moi, cela n'empêchait pas le fait que mes hormones entraient en ébullition dès que mes yeux avaient le malheur de se poser sur le corps de Taehyung. J'en avais d'ailleurs eu la preuve pas plus tard que toute à l'heure.
" À quoi tu penses ? " avait-il murmuré aux creux de mon oreille sans que je ne le sente arriver derrière moi.
" À mon pull qui va sans doute finir taché. " répondis-je du tac au tac alors que j'étais en train de me battre avec moi-même pour ne pas frissonner à chacune de ses expirations qui venaient buter contre ma nuque.
" Tu peux tout aussi bien l'enlever si tu as peur. "
" Mais je ne vais pas peindre torse nu ! "
" Pourquoi pas ? L'appartement est chauffé comme si on était en été, tu ne risques pas d'avoir froid. À moins que tu ne sois gêné de te retrouver à moitié nu devant moi ? "
Il était toujours dans mon dos et je pouvais sentir sa respiration s'accélérer, ou bien était-ce la mienne ? Sa chaleur corporelle se déplaça et Taehyung me contourna pour se retrouver devant moi. Il se mordait la lèvre et peut-être que je l'aurais bien fait à sa place si ma raison ne me retenait pas. Il était littéralement en train de me déshabiller du regard et je me retrouvais nu sous ses yeux fiévreux.
Trop subjugué par l'aura qu'il dégageait à cet instant-là, je ne vis que trop tard ses doigts s'affairer à remettre en place une mèche derrière mon oreille. Il fallut bien-sûr que son index s'attarde plus que de raison sur mon lobe, l'angle de ma mâchoire, ma joue, électrisant tout mon être. Tout était trop sous-entendu, trop tentant, trop enivrant.
" Pourtant tu devrais savoir qu'il me suffit de fermer les yeux pour te voir entièrement nu. C'est un de mes privilèges d'ancien petit-ami que tu ne peux pas m'enlever. " me susurra-t-il en baissant sa voix d'un octave.
Mes paupières papillonnèrent plusieurs fois, le temps pour moi d'assimiler ses paroles.
Le choc passé, j'eus bien envie de lui demander d'arrêter d'avoir de telles pensées, mais cela serait pure hypocrisie de ma part car il m'arrivait aussi de l'imaginer nu comme un ver, étendu dans des draps et se tordant de plaisir.
" Je hum... on devrait peut-être se mettre au travail si tu tiens à finir la fresque le plus vite possible. " nous rappelais-je à l'ordre en essayant de cacher mes joues écarlates.
" Tu as raison, on devrait... " répéta-t-il dans un écho imitatif sans pour autant bouger d'un pouce.
Ses longs doigts qui m'avaient si souvent fait fantasmer - et qui continuaient de le faire secrètement - prenaient de plus en plus de liberté, effleurant tranquillement le coin de mes lèvres puis ma gorge. Je l'aurais bien laissé faire encore des heures si seulement son but n'était pas clairement de m'allumer.
" Tae, garde tes mouvements de poignet pour le mur. "
Le noiraud écarquilla soudainement les yeux avant qu'une fausse moue boudeuse ne s'installe sur ses lèvres. Il me faisait rire ainsi, à ressembler à un gamin de dix ans qui ferait un gros caprice, et je ne pus m'empêcher d'ébouriffer affectueusement sa tignasse.
" Finissons la fresque et puis discutons, je crois que nous en avons bien besoin. " lui soufflais-je avant de m'avancer vers le pan de mur sur lequel des esquisses avaient été tracées.
Il lui avait fallu une bonne dizaine de minutes pour qu'il arrête de ronchonner tout seul dans son coin, et encore quinze de plus pour qu'il m'adresse à nouveau la parole.
Mais ne vous méprenez pas, Taehyung était simplement une personne peu loquace lorsqu'il était concentré sur sa tâche. Sa petite langue rose ressortait quelques fois, dès qu'il s'occupait des détails d'une fleur à vrai dire. Je le trouvais très mignon et à croquer dans ces moments-là, complètement à l'opposé de ses airs de mâle dominant.
" Fais attention avec les zones d'ombres Kook. Tu n'utilises pas les bonnes couleurs. "
Quand il n'avait pas le nez plongé dans sa peinture, Monsieur l'inspecteur des travaux finis s'autorisait à me lancer un regard à la dérobée, pensant que je ne le voyais pas faire. Cela lui permettait notamment de me garder à l'œil et d'éviter toute éventuelle catastrophe, comme à l'instant-même.
" Attends je vais te montrer. "
Il se décida enfin à agir en constatant mon inactivité, bien trop perdu avec toutes les couleurs qui s'étalaient devant moi pour me remettre à peindre.
" Est-ce que tu as été attentif à ce que je t'ai expliqué toute à l'heure ? " me questionna-t-il une fois arrivé à ma hauteur.
Je grimaçais soudainement d'embarras, sentant les réprimandes arrivées. Tout ce dont j'étais capable de me rappeler, c'était le mouvement gracieux qu'effectuait la courbe de ses lèvres lorsqu'il se mettait à parler ou quand il les mordillait.
" Pas vraiment... désolé. "
Et alors que je pensais qu'il allait s'énerver contre moi, ou au moins lâcher un soupir, Taehyung ne fit rien de tout ça. À la place, il se contenta d'hocher la tête, pas le moins du monde agacé, et vint ensuite recouvrir ma main droite de la sienne. Son toucher était loin d'être désagréable. Non seulement sa paume dégageait une douce chaleur, mais la pulpe de ses doigts était aussi moelleuse qu'un nuage de barbe à papa.
Je le laissais me guider à sa guise, n'étant plus qu'une marionnette qui répondait à tous ses gestes. Au fil des minutes passées à peindre ensemble, je remarquais qu'il prenait davantage confiance en lui et qu'il osait plus de choses avec moi. Il avait commencé à se rapprocher en enroulant son bras autour de ma taille, collant progressivement son torse contre mon dos. Et voyant que je ne réagissais toujours pas, il déposa son menton sur mon épaule, adoptant un air tout à fait innocent au cas où je décidais de me retourner vers lui pour le gronder.
Le noiraud avait toujours été très tactile avec ses amis et était du genre à rechercher constamment l'attention et à quémander des câlins, choses que je ne pouvais visiblement pas lui refuser, même après toutes ces années.
Je ne n'étais pas en train de me plaindre, loin de là. Être ainsi dans ses bras comblait le vide que je ressentais dans ma poitrine depuis son départ. J'étais étrangement apaisé, comme si tous mes soucis s'étaient soudainement envolés en l'espace de quelques minutes.
Le silence apaisant qui s'était installé entre nous fut toutefois brisé lorsque Taehyung reprit la parole, ayant un désir brusque de me faire la conversation.
" Je ne savais pas qu'Hoseok avait repris le café où nous avions l'habitude de nous retrouver tous ensemble après les cours. Je le pensais parti à l'étranger pour poursuivre son rêve de danseur international... "
" C'est une longue histoire... " soupirais-je avant de basculer ma tête sur le côté, prenant appui contre sa tempe. " Hyung devait partir le mois suivant ton départ. Il avait été recruté par une école de danse en Amérique et il aurait pris le large si sa mère n'était pas tombée gravement malade. " Je m'arrêtais un instant, sentant la vague de tristesse arriver à grand pas. " Tu connais Hoseok, il n'aurait jamais laissé un de ses proches souffrir sans être là pour lui. Il a donc reporté son voyage, mais les semaines se sont transformées en mois et plus le temps passait, plus il désespérait. Il a été obligé de prendre un travail à plein temps pour aider financièrement ses parents et de fil en aiguille, il a fini par reprendre le café du vieux Park lorsque celui-ci a pris sa retraite. On y était tous très attaché à cet endroit, Hoseok plus encore puisque c'était la seule chose qui lui permettait de maintenir sa tête hors de l'eau. On venait tous lui donner un coup de main à tour de rôle pour servir les clients et puis quand l'espoir s'est éteint pour sa mère, il était déjà trop tard pour sa carrière alors son poste au café est devenu permanent. "
Le temps semblait s'être figé en même temps que le calme était revenu. Taehyung avait délaissé ma main pour venir compléter son étreinte autour de ma taille de ses deux bras, la resserrant quelques fois dans une attitude de réconfort. Quant à moi, je n'avais pas pu résister bien longtemps à mon envie de passer mes doigts dans ses longues mèches ondulées, profitant de leur douceur pour apaiser mes cicatrices inapparentes.
" J'aurais dû être là pour le soutenir moi aussi. Hoseok est un de mes meilleurs amis bon sang. " pesta-t-il contre lui-même.
" Oui, tu aurais dû être là avec nous, avec moi. " eus-je été tenté de dire. " Mais Hobi se serait fâché contre toi. Tu as su saisir ta chance et tu es parti en Italie réaliser ton souhait le plus cher, c'est ce qui compte le plus. "
" Ma plus grosse connerie a été de te laisser seul à l'aéroport. Si j'avais su comment tout ça allait finir, crois-moi que je t'aurais embarqué avec mes valises. " grogna-t-il contre mon cou, ses lèvres effleurant dangereusement mon épiderme tandis que j'esquissais l'ombre d'un sourire sur mon visage.
" Et je me serais laissé faire sans problème. "
" Dis pas des choses pareilles, ça me brise le cœur. " il fit mine de pleurnicher.
Ma tête pivota sur le côté pour croiser son regard vairon mais tout ce qu'il m'eut été donné de voir, ce fut sa belle paire de lèvres, aussi attirantes que l'astre lui-même lors d'une nuit étoilée.
J'eus le réflexe de me reculer, mais malheureusement il était déjà trop tard. Mes prunelles n'arrivaient déjà plus à se détacher de la vision idyllique qu'elles avaient en face d'elles.
Taehyung remarqua rapidement mon trouble, cependant il ne s'en formalisa pas plus que ça. Il était même plutôt satisfait du petit effet attractif qu'il avait sur moi. Vous pensez bien, ce serait malheureux de laisser filer sa chance...
Tel un félin en chasse, ses membres se mirent à bouger avec finesse tandis que d'un coup de langue, il se lécha les babines, prêt à sauter sur sa proie à tout moment. Son aura écrasante me coupa brusquement le souffle et comme si ce n'était pas déjà suffisant, Monsieur se fit un malin plaisir de me titiller avec son souffle chaud qui venait s'écraser brutalement contre mes lèvres.
J'avais l'impression d'avoir la réincarnation d'Adonis devant mes yeux tellement son charme me subjuguait. Avait-il toujours été aussi beau ou bien s'était-il bonifié comme le vin avec l'âge ?
J'en venais à perdre tous mes moyens sous son regard désireux. Il ne me semblait pas l'avoir déjà vu si intense et encore moins si avide, à croire que j'étais le Saint Graal et qu'il avait hâte de me posséder.
Mes yeux se fermèrent d'eux-mêmes, anticipant déjà la suite, alors qu'il se penchait dangereusement vers le bas de mon visage. Mais je ne sentis rien d'autre mise à part de l'air. Taehyung s'était arrêté à mi-chemin, dardant sur moi ses yeux bicolores dans lesquels une certaine impatience y résidait.
Il mourait d'envie de m'embrasser et pourtant il se retenait, attendant que ce soit moi qui réduise la faible distance qui nous séparait. Par ce geste, il me laissait le choix de sceller ensemble notre destin ou non, et dans la mesure du possible, je l'aimais encore plus.
Dans un geste délicat, j'apportais mes mains tremblantes à ses joues, y effectuant quelques caresses à l'aide de mes pouces. Nos prunelles quant à elles se rencontrèrent à nouveau et, sans avoir recours à la parole, s'échangèrent un million de choses. J'avais enfin pris ma décision.
Mes lèvres partirent cueillir celles de mon vis-à-vis dans un doux baiser. Peau contre peau, nous les bougions à peine dans un premier temps, savourant simplement la présence de l'autre qui nous avait tant manqué. Mais plus les secondes défilaient, plus le baiser changeait. L'envie de se retrouver se fit plus pressante et la fougue se mêla bientôt à la partie. Taehyung me pressa davantage contre lui, allant jusqu'à glisser une de ses dextres au niveau de ma nuque pour m'empêcher de prendre la fuite si l'idée me prenait.
Une danse endiablée commença entre nous et nos langues ne tardèrent pas à sortir de leur cachette. Les sensations étaient toutes plus exquises les unes que les autres. Le noiraud n'avait perdu en rien son savoir-faire et je pouvais même affirmer qu'il s'était amélioré. Etait-ce parce qu'il s'était entraîné avec d'autres personnes en Italie ?
Mon cœur se comprima à cette pensée bien que je n'avais pas le droit de lui en vouloir, étant moi-même sorti avec quelqu'un d'autre pendant notre séparation. Je devais uniquement me concentrer sur le présent et oublier le passé si je ne voulais plus souffrir.
Taehyung m'embrassa une dernière fois avant de se redresser, le souffle court.
" Dis-moi... Dis-moi que ce baiser signifiait quelque chose pour toi. " Gémit-il, les yeux brillant de larmes. " Que ce n'était pas juste parce que l'ambiance s'y prêtait bien... Dis-moi que tu les as ressenti, toi aussi, ces espèces de papillons qui sèment la pagaille dans ton abdomen. "
" Oui. " dis-je en posant mon front contre le sien tandis que mes bras prenaient en otage son cou.
Aussitôt murmuré, Taehyung poussa une exclamation de victoire avant de me soulever de terre sous le coup de l'euphorie du moment. J'avais l'impression d'avoir un enfant qui venait de rencontrer le père Noël pour la première fois de sa vie devant moi et cette vision me réchauffa le cœur. Un énorme sourire lui mangeait la moitié de son visage, sourire qui fut bien vite contagieux mais retomba aussi sec lorsque l'artiste se figea, la mine inquiète.
" Et Eunwoo ? Est-ce que tu..."
" On a rompu tous les deux. Je comptais t'en parler mais les choses se sont enchaînées si vite que ça m'est sorti de la tête. " je le devançais, honteux de ne pas m'en être rappelé plus tôt.
" Alors ça veut dire... que j'ai finalement droit à ma deuxième chance ? "
" Ne la gâche pas. " soufflais-je, un poil menaçant.
" Promis. " il avait retrouvé son fidèle sourire en boîte et paraissait plus comblé que jamais. " Mais du coup, on est quoi l'un pour l'autre ? " me demanda-t-il après un temps de latence.
Son regard se fit tout de suite plus inquisiteur tandis qu'une petite moue adorable, sûrement dans le but de m'attendrir, prit place sur sa gueule d'ange.
" Des amis en voie de devenir plus ? " hasardais-je.
" Mais des amis qui peuvent quand même s'embrasser et qui ont le droit de toucher à la marchandise ? "
" Tae..."
J'étais à deux doigts de me pincer l'arête du nez, éprouvant un certain désespoir mêlé à de l'amusement. Taehyung était pire qu'un gosse en manque d'attention.
" Tu n'as pas contredit. " me relança-t-il avec une pointe de taquinerie dans la voix.
" Mmh on en reparlera plus tard. " éludais-je en me tournant vers la fresque. J'avais l'étrange pressentiment qu'on ne la finirait jamais.
Certes, ce qu'il désirait me plaisait à moi aussi, mais cela reviendrait à nous remettre ensemble et c'est là que ça coinçait. Je voulais que l'on prenne notre temps pour soigner nos blessures et repartir sur de bonnes bases, ensemble.
Cependant, le noiraud n'était pas du genre à lâcher l'affaire si facilement, c'était bien ma veine. Il revint à l'attaque avec cette fois-ci un argument qui ne fit pas mouche à mes oreilles.
" Jungkook, arrête de fuir deux minutes tu veux ? " manda-t-il, le timbre devenu soudainement plus grave.
Si je ne le connaissais pas aussi bien, j'aurais sans doute pris ce changement de ton pour de l'énervement. Mais ce traître savait pertinemment que sa voix grave me mettait dans un état d'obéissance totale. Je n'en n'avais pas peur, rassurez-vous, mais cette dernière me provoquait des frissons incontrôlables, si bien que j'en étais à chaque fois cloué sur place.
Ses bras dénudés retournèrent se réfugier autour de ma taille, un lieu qu'il semblait affectionner tout particulièrement. Constatant que je ne le repoussais pas, il reprit timidement la position qu'il avait adoptée quelques minutes plus tôt sauf que cette fois-ci, ses lèvres étaient bien plus proches de mon oreille.
" Si tu savais comme j'ai envie de cajoler ton cou de tendres baisers, de sentir ton parfum, et de remonter de ta nuque jusqu'à ton oreille avec ma langue. De t'entendre haleter sous mes caresses, de regarder ton bassin ondoyer et quémander toujours plus de frictions avec le mien. De parcourir ton épiderme nue avec mes mains. De redécouvrir toutes les parcelles de ton corps, une à une. De m'attarder avec mes lèvres là où les frissons te gagnent, en commençant par la ligne de ta mâchoire et descendant toujours plus bas jusqu'à tes cuisses, lesquelles je mordillerais pour laisser ma trace. De te faire perdre le contrôle ainsi que la notion du temps. De m'aventurer dans des endroits interdits, ne faire plus qu'un avec toi et nous perdre quelque part entre le désir et le plaisir. De te manquer le temps d'une seconde lorsque je me retire pour mieux revenir te prendre par derrière. Nos deux corps en ébullition s'emboitant à merveille, comme s'ils avaient été faits l'un pour l'autre et je sais que c'est le cas. D'embraser ton regard avant de fondre sur tes lèvres qui auraient mon goût et continuer ainsi jusqu'à atteindre notre orgasme libérateur. Ton corps épuisé dans mes bras, je te transporterais dans ma chambre où nous nous y reposerions avant de recommencer, encore et encore jusqu'à l'aube. " il me susurra ces paroles tout en étant occupé à caresser langoureusement la peau tendue de mon ventre.
Et parce qu'il était sacrément doué de ses mains, il réussit à m'arracher quelques gémissements de bien-être. J'avais l'impression de n'être plus qu'une flaque d'eau entre ses senestres, malléable comme à son bon vouloir. Encore une phrase comme ça et j'allais sombrer irréversiblement dans le péché qu'était la luxure.
"Et si j'ai envie, moi aussi, de t'avoir autour de moi ? " j'avais exprimé ma pensée plus fort que je ne l'aurais voulu.
" Alors j'ouvrirai outrageusement mes cuisses pour que ton membre retrouve son chemin préféré et tu me pilonneras sauvagement jusqu'à atteindre la jouissance. Et qui sait, peut-être que je te laisserai me mettre la fessée, j'ai été un vilain garçon après tout. "
Bon sang, mais qui avait invité le soleil à se taper l'incruste ? Un énorme coup de chaud me submergea avant qu'il ne reparte aussi vite qu'il n'était venu. C'était définitif, Taehyung venait de réveiller la bête et il allait en subir les conséquences.
" Ton planning m'a l'air bien alléchant. Mais je peux te poser une question ? "
" Dis-moi. "
" Pourquoi t'es toujours habillé ? "
Du coin de l'œil, je le vis étirer ses lèvres dans un sourire carnassier. Il avait finalement eu ce qu'il voulait, mais dans un tel contexte, personne n'était perdant.
" J'ai pensé que tu aurais aimé le faire à ma place. "
Mes sourcils se froncèrent simultanément. Quelque chose dans le ton de sa voix aiguisa mes sens, il avait une idée derrière la tête et je n'étais pas certain de l'aimer.
" Eh bien quoi, on se rétracte monsieur Jeon ? " il pouffa dans sa barbe.
" Ne me mets pas au défi. " grondais-je en me retournant une énième fois dans sa direction.
Un sourire remplit de tendresse chassa rapidement le précédent lorsqu'il eut remarqué la petite moue sévère qui trainait sur mon visage. Il n'était pas le moins du monde impressionné, habitué depuis longtemps à cette mimique qui ressortait à chaque fois que j'étais faussement énervé contre lui.
" Fais pas cette tête Kook, tu sais bien que je plaisante. " se sentit-il obligé de préciser.
Je lui lançais un dernier regard en coin, à la recherche du moindre détail qui me confirmerait mes doutes quant à ses arrières pensées mais ce fut en vain. J'inspirais profondément une dernière goulée d'air afin de me donner du courage puis attrapais les boucles de sa salopette pour les lui dégrafer. Mes doigts, à mon plus grand désarroi, rencontrèrent quelques difficultés pour les faire sauter et je dû ronger mon frein pour ne pas m'énerver.
J'avais l'impression de revivre ma première fois avec mon aîné, tremblant d'anticipation alors que nous avions répété ce schéma un nombre incalculable de fois. Qu'est-ce qu'il m'arrivait à la fin ?
" Eh Jungkook. " m'interpella-t-il en prenant mon menton en otage. " C'est pas une course de vitesse d'accord ? Prends le temps qu'il te faut et détends-toi, je vais pas te manger. Enfin pas au sens littéral du terme si ça peut te rassurer. "
J'acquiesçai faiblement, trop hypnotisé par son regard pour penser à autre chose. Passablement calmé, je réitérais ma tentative et dans un doux son de ferrailles qui se libèrent, je fis valser en arrière les deux bretelles. Trop large pour tenir au corps de Taehyung d'elle-même, la salopette se laissa mollement glisser jusqu'à ses pieds dans un bruit de froissement.
Un hoquet de surprise s'échappa involontairement de ma bouche lorsque mes prunelles se posèrent sur le corps totalement nu de mon amant d'une nuit. Ça pour une surprise !
" Je me sens plus à l'aise quand je porte pas de calbar et puis pour ma défense, j'étais pas censé recevoir de la visite ! " il se justifia, un voile rose recouvrant ses pommettes.
La vision qui s'offrait à moi me faisait presque saliver d'envie. Outre son membre qui commençait doucement à se réveiller pour se mettre au garde à vous, le reste de son corps était aussi plaisant à admirer. Son torse caramel n'avait pas bougé d'un poil, signe peut-être qu'il était un peu plus bronzé grâce au soleil du sud. Quant à son ventre et à ses cuisses, ils avaient pris en muscle, de quoi me mettre l'eau à la bouche rien qu'à l'idée de passer mes mains dessus.
N'y résistant plus, je collais mes lèvres aux siennes dans un baiser fiévreux, rempli de promesses.
Taehyung n'hésita pas longtemps avant de me déshabiller à son tour, faisant voler mon pull et mon pantalon jusqu'au salon derrière nous. Resta plus que mon caleçon qui ne tarderait pas à rejoindre ses homologues dans les minutes qui allaient suivre.
Je fus poussé jusqu'au mur où la fresque n'avait pas encore fini de bien sécher par endroit, mais Taehyung sembla s'en moquer éperdument. Cependant, c'était loin d'être mon cas, qu'allait-elle devenir à la fin de nos ébats ?
" T-Tae a-attend. " haletais-je, à bout de souffle à cause de notre précédent baiser. " La peinture n'est pas sèche, on va en mettre partout et ruiner ta fresque... "
" Au diable la fresque, de toute façon elle n'était pas si terrible que ça. "
" Eh ! Je te signale que c'est moi qui ai peint cette partie du mur ! "
Ses yeux se plissèrent tandis qu'un petit rire lui montait à la gorge, visiblement amusé de ma réaction.
" On choisira un autre tableau ensemble, ne te fais pas de soucis avec ça. "
" Ensemble ? " répétais-je, les yeux légèrement écarquillés.
" Oui, je veux que tu te sentes ici comme chez toi. Et puis... j'aimerais que tu viennes habiter avec moi quand notre relation sera un peu plus sérieuse et plus stable. " m'avoua-t-il d'une petite voix.
Mon cœur dû rater un ou deux battements suite à sa demande, ma foi très mignonne. Un sourire quelque peu niais s'épanouit sur mes lèvres et le noiraud prit ça comme mon accord.
J'avais l'impression de flotter sur un petit nuage. Non seulement je m'apprêtais à m'unir corps et âme avec mon âme sœur, mais en plus il me promettait un avenir à deux, ce que j'avais tant espéré depuis que mes yeux s'étaient posés pour la première fois sur notre fil rouge.
Par un curieux hasard, celui-ci pendait fièrement à ma droite, là où nos mains liées s'étaient rejointes pour s'enlacer.
Une larme solitaire roula sur ma joue, symbole de toutes ces nuits où je m'étais mis à pleurer le départ de Taehyung. Pour le coup, j'étais bien trop content de ne pas devoir faire face à mon amant qui s'évertuait à me procurer du plaisir en bas.
J'essuyais rapidement la perle salée afin de passer à autre chose et de me concentrer pleinement sur le présent et toutes les sensations que mon corps ressentait. La bouche de Taehyung, dans une synchronisation parfaite avec ses doigts dans mon intimité, faisait plusieurs vas et viens autour de ma verge, s'aidant de son autre main pour masturber ce qu'il ne savait pas prendre dans sa cavité buccale. Ma mimine à moi dans ses cheveux pour le guider à trouver le bon rythme, j'étais aux anges.
Sentant l'orgasme arriver à grand pas, je l'arrêtais dans sa tâche avant de l'aider à se relever pour sauter sur ses lèvres l'instant d'après. Elles avaient un léger goût amer mais ce n'était pas ça qui allait me déranger. Je voulais le sentir contre moi, en moi, goûter à ses délicieux coups de rein qui m'avaient tant manqué et surtout, je voulais avoir sa présence autour de moi, un moyen comme un autre pour m'assurer que tout ceci était bien réel.
" Tae... fais-moi l'amour, maintenant. " suppliais-je contre ses lèvres.
J'avais eu mal au début, mais cette douleur n'était rien comparé à celle qui m'avait broyé le cœur pendant des mois. Elle était temporaire, beaucoup plus supportable.
J'alternais bientôt entre halètement et gémissement. Taehyung s'employait à respecter à la lettre près ce qu'il m'avait suggéré quelques minutes plus tôt et je ne pouvais que nager en plein bonheur.
Ses hanches roulaient divinement bien contre les miennes, de même que les muscles de son dos sous mes doigts. C'était bon, c'était fougueux, c'était passionné. C'était un mélange de ce qu'avait été notre vie.
Je finis par atteindre mon premier orgasme au bout de quelques minutes. Une fois que le noiraud eut trouvé ma boule de nerf, il s'était acharné à la pilonner, m'envoyant au septième ciel après quelques allers et retours entre mes chairs dilatées.
J'étais exténué mais Taehyung m'avait promis une nuit de liesse alors je comptais bien en profiter jusqu'aux petites heures du matin. Il me porta jusqu'à sa chambre après avoir jouit en moi et je m'écroulais de fatigue à peine je fus déposé sur le matelas. Il faut dire que les émotions n'avaient pas aidé non plus. J'entendis vaguement ma moitié se glisser sous les draps à mes côtés et m'attirer contre son torse, déposant un tendre baiser sur mon front où de la sueur perlait encore.
Je me sentais enfin complet et cette sensation était si satisfaisante que je m'endormis comme un bébé dans les bras du noiraud. J'eus tout juste le temps de lui souffler une dernière phrase avant de sombrer complètement :
" Prépare tes fesses Kim, après le civet c'est le félin qui passe à la casserole. "
Voici aujourd'hui ce quatrième destin !
En espérant que cette histoire vous ai plu ~
A demain pour la suite !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top