03

Après une nuit assez mouvementée suite aux nombreux cauchemars que j'ai fais, je me lève sans réellement en avoir l'envie.

Je fais ma petite routine matinale avant d'aller travailler.

Je sors et referme la porte derrière moi en prenant soin de ne pas faire trop de bruit.

J'avance d'un pas las vers l'arrêt de bus et j'attends que celui-ci arrive.

[...]

À la fin de la journée, mon frère est passé me récupérer à la sortie de mon boulot.

J'étais contente, j'allais esquiver le bus et le monde qui s'y trouve à cette heure-ci habituellement.

Je monte dans la voiture d'Imad, lui embrasse la joue après l'avoir salué.



_ « Ça c'est bien passé ton taf ? »
_ « Oui, au début j'appréhendais mais finalement tout se passe bien. »
_ « Tant mieux, si y a quoi que ce soit tu me dis. »
_ « Ça marche. »
_ « T'as faim ? » me demande-t-il.
_ « Pas qu'un peu ! »
_ « Ça tombe bien moi aussi. » me répond-t-il en riant.



Il roule en direction du tacos pas loin de chez nous et s'arrête devant.



_ « Tu viens ? » me questionne-t-il.
_ « Non, je préfère attendre ici. »
_ « Comme tu veux, je te prends comme d'habitude ? »
_ « Comme d'habitude. » répétais-je en souriant.



Il ferme la portière et entre à l'intérieur du restaurant.

J'attends patiemment dans la voiture une bonne dizaine de minutes avant qu'il fasse son come-back.

Mon cœur bat plus vite quand j'aperçois que Sayfeddine sort en même temps que mon frère.

Ils sont tout près mais pas assez pour que je distingue leurs paroles. J'ai peur qu'il change d'avis et qu'il décide de tout dire à Imad.

Je suis stressée, je n'assume pas d'avoir mis les pieds dans cet endroit.

Alors que mon frère arrive vers moi, je distingue que Sayfeddine me fait un clin d'œil comme pour me rassurer et me faire comprendre qu'il n'a rien dit.

Je suis vite soulagée et je peux être plus sereine.

Je ne laisse pas le temps à mon frère de s'asseoir que j'attrape mon tacos et y fait un croc tout en le remerciant.

Il rit et me dit d'y aller doucement.

En arrivant en bas de chez moi je vois qu'Imad ne descend pas de la voiture.



_ « T'as tes clés ? »
_ « Oui pourquoi ? »
_ « Les parents sont pas là, et moi je rentre tout à l'heure. »
_ « Ah, d'accord... À tout à l'heure alors. »
_ « À toute. »



Vendredi

Je suis contente de me dire qu'on sera bientôt dimanche et que je serai en repos parce que j'en ai bien besoin.

Je triais quelques papiers jusqu'à que j'entende la voix de Sayfeddine.

J'ai alors relevé la tête brusquement, et nos regards se sont croisés. Il avait l'air surpris de me voir ici, et j'aurai pu tout aussi l'être.

Je l'ai vu s'approcher de moi avec un petit garçon qui saignait légèrement de l'arcade.


_ « Salem Aleykoum, tu travailles ici ?
_ « Aleykoum Salem, oui. » lui répondis-je timidement.
_ « J'ai mon petit cousin qu'a fait une chute, il s'est ouvert, tu penses qu'il y a moyen que le médecin le prenne rapidement ? Aux urgences c'est galère et en plus y a trop de monde. »
_ « Heu, oui, bien-sûr, installez-vous, je vais le prévenir. »


J'ai réussi à m'arranger pour que le médecin prenne le petit entre deux rendez-vous.

En sortant du cabinet Sayfeddine s'approche de moi et vient me remercier.



_ « Merci Isma, tu gères. »



Puis en s'en allant je l'entends marmonner quelques mots.



_ « Pas aussi immature finalement... »



Je ne comprenais pas le sens de sa phrase, que voulait-il dire par là ?

Alors que je fronçais les sourcils en essayant de déchiffrer son message il s'était éclipsé avec le petit.

Une bonne semaine s'est écoulée dans une routine des plus normales, je travaillais tous les jours et j'avais mon dimanche pour moi.

Plus que deux semaines et je finissais ma mission, la femme qui se tenait à ce poste avant moi sera bientôt de retour.

Ce qui n'est pas pour me déplaire, j'aimerai pouvoir profiter du peu de vacances qu'il me restera.

Je n'ai pas revu Sayfeddine jusqu'au mardi de ma dernière semaine de travail.

Alors que je rentrai chez moi, il passait à quelques mètres de moi.

Je ne l'avais pas vu jusqu'à ce qu'il s'arrête à mon niveau et s'interpose devant moi.


_ « Ah tu tombes bien. » m'avoue-t-il.


À sa vision mon cœur s'est mis a accéléré ses battements, il me fait toujours ce même effet, il a cette emprise sur moi que moi même je ne comprends pas.

Je l'interroge des yeux puis il s'exprime enfin.



_ « Ton frère est chez toi ? » me questionne-t-il.
_ « Je sais vraiment pas, je rentre justement. »
_ « Tu peux m'suivre jusqu'au coffre de ma voiture, j'vais te passer un truc pour ton frère. »
_ « Heu, je sais pas je suis pressée... » m'inventais-je une excuse.
_ « S'te plait, ça me rendrait service parce que sinon je le vois pas avant 3 jours au moins. »
_ « Bon, d'accord. » rétorquais-je naïvement.



Je marche derrière lui, j'ai l'impression qu'il marche d'un pas rapide sûrement à cause de ses longues jambes.

Je me dépêche pour suivre le rythme et on arrive près de sa voiture. Il ouvre son coffre et en sort un petit sac de sport.



_ « Tu veux que je te dépose ? » me demande-t-il.
_ « Non, t'inquiètes pas c'est à même pas 5 minutes. Je vais me débrouiller. »
_ « Sûr, sûr ? » insiste-t-il.
_ « Oui. »
_ « Si c'est parce que t'as honte, c'est rien et je connais bien Imad t'as pas à avoir peur, je vais pas te jeter dans un lac. »

Je réfléchis à sa proposition puis je me dis qu'il n' y a pas de mal à ce qu'il me raccompagne.

On monte et il met le contact avant de démarrer en trombe.



_ « Ah, et au fait, merci de n'avoir rien dit à Imad. » dis-je, hésitante.
_ « J'ai qu'une seule parole. » rétorque-t-il un léger sourire aux lèvres.



Arrivés en bas de chez moi je m'apprête à descendre de la voiture mais je me cogne contre le haut de la portière en me levant.

Je l'entends rire, ce qui me fait me sentir encore plus ridicule.



_ « Ça va ? Tu t'es pas fait mal au moins ? » m'interroge-t-il.



Je lève le pouce en l'air afin de lui faire croire que tout va bien sans même me retourner, et lui bredouille un merci avant de m'en aller le plus rapidement possible.

Je l'entend me rappeler, je me retourne et il secoue le sac de sport de façon à me faire comprendre que j'ai oublié de l'emporter.

Je lève les yeux en ciel, j'ai eu ma dose d'absurdité aujourd'hui.

J'ai vraiment l'air stupide des fois, surtout quand il est près de moi, il me fait perdre mes moyens.

Il me tend le sac en souriant et je l'attrape avant de repartir d'où je suis venue.

Je m'avance jusqu'à chez moi, et me met à réfléchir. J'aime une personne qui m'est interdite d'aimer. C'est dans les codes, y a des personnes qui ne nous sont pas destinées.

J'y arrive pourtant pas, j'aime tout chez lui. Ça fait des années que j'essaie de le chasser de mon âme, mais il y est encré.

J'ai l'impression que le destin veut nous rassembler, mais qu'en est-il de lui ?

Peut-être qu'il ne ressent rien.

Je me torture une fois de plus, mais c'est le cas depuis des années déjà.

Aimer sans être aimer en retour c'est destructeur.

En entrant chez moi je remarque que mon frère n'est pas encore rentré.

Je dépose le sac dans ma chambre, j'ai presque envie de regarder ce qu'il y a dedans mais au même moment j'entends ma mère qui m'appelle.

Je laisse tomber en pensant que ce n'est pas plus mal finalement car ça ne me regarde pas.

Je rejoins ma mère et l'aide à préparer le dîner de ce soir.

Quand mon frère est rentré, je lui ai donné le sac que Sayfeddine m'avait confié. Il m'a regardé d'un mauvais œil avant de l'attraper et de filer dans sa chambre.

[...]

Samedi

Dernier jour de travail, je ne peux que me sentir libérée.

Je ramasse mes quelques affaires et m'en vais dans le cabinet du docteur.

Je toque à la porte avant d'entrer.



_ « Entrez. »




J'entre dans la pièce.



_ « Ça a vraiment été un plaisir de vous avoir eu dans mon équipe, vous avez fait du bon travail Isma. Au plaisir de vous revoir et que de bonnes choses dans votre vie, je l'espère ! »
_ « Merci beaucoup monsieur, moi également. »


Ça a été un très bon patron, il a été de toute gentillesse avec moi.

Je lui fais un dernier sourire avant de lui serrer la main et de m'en aller.

Le fait d'être enfin en vacances m'a mis de très bonne humeur.

Je marchais joyeusement jusqu'à mon arrêt de bus.

Comme à son habitude, il était blindé, ce qui m'a tout de suite fait redescendre de mon petit nuage.

[...]

J'arrive devant la porte de chez moi, je parcours mon sac à la recherche de ma clé.

Impossible de mettre la main dessus.

Je souffle un bon coup avant d'attraper mon téléphone.

Il est complètement déchargé.

Je m'assois sur les marches et glisse ma tête entre mes mains avant de me masser légèrement les tempes.

Ce genre de choses n'arrive qu'à moi.

Je sais que mes parents ont prévu de sortir tous les deux ce soir donc je ne les verrai pas avant minuit.

Quant à Imad, c'est clair qu'il n'arrivera pas de sitôt non plus. Il doit être avec ses potes comme à son habitude.

Je réfléchis à ce que je pourrai faire, il est déjà assez tard donc je ne me vois pas débarquer chez Janina et interrompre leur dîner.

Je décide de rester attendre qu'un membre de ma famille arrive dans la cage d'escalier. De toutes manières je n'avais pas réellement le choix.

Environ un quart d'heure plus tard, j'ai entendu des bruits de pas provenant de l'étage du dessous. J'espérais que c'était pour moi, mais ce ne fut pas le cas. C'était simplement un de mes voisins qui devait rentrer à son domicile.

Je décide de sortir tout ce qu'il y a dans mon sac, en prenant soin de tout déposer au sol, sur ma gauche.

Comment j'ai pu faire pour sortir sans ma clé un soir où il était évident que personne ne serait chez moi ?

Alors que je rangeais mes affaires dans mon sac, un raclement de gorge me fit sortir de ma concentration et de mon désespoir.

Pensant que c'était un voisin qui souhaitait que je le laisse passer, je relevais la tête, blasée.

Mais ce fut un visage plus familier qui s'offrait à moi, un visage que j'aimais contempler.

Ses yeux plongés dans les miens m'ont fait oublier tout mon malheur, le temps de quelques secondes.

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