_ « T'es une sacré cachotière ! »
_ « Mais pas du tout, n'importe quoi, il m'a seulement fait la morale. »
_ « C'est qu'il s'intéresse à toi, on dirait. »
_ « C'est juste un signe de loyauté envers mon frère, c'est comme ça entre mecs, ils surveillent leurs arrières. Il n'y a rien de personnel. »
_ « Tu l'aimes plutôt bien, alors pourquoi tu refuses de croire que lui aussi peut t'apprécier ? »
_ « Je préfère qu'on arrête d'en parler s'te plait. »

Janina est au courant que Sayfeddine me plait, mais elle ne se doute pas de la profondeur de mes sentiments.

Elle démarre la voiture à nouveau et on prend la route en direction de chez elle.

Je me démaquille, me lave les dents puis je me met en pyjama et je vais me coucher.

Demain est un jour nouveau, et j'espère que cet incident s'évanouira en même temps que cette journée désastreuse.

Lundi

Je presse le pas pour ne pas être en retard pour mon premier jour de travail.

Je me rend compte que Sayfeddine a tenu parole. Il n'a pas fait part de ma petite escapade à mon frère et je lui en suis reconnaissante.

Avec un peu de recul je me rend compte que je n'aurais pas dû mentir à mon frère.

J'arrive dans le cabinet médical, j'entre et salut le docteur. Il m'apporte une blouse et je vais dans la pièce qui se situe à coter pour me changer.

Je dépose mes affaires dans mon casier et je vais m'installer dans le hall où se trouve mon bureau.

De nombreuses personnes ont défilé durant cette journée qui fut bien chargée, les appels pour les rendez-vous ou les annulations n'arrangeaient rien.

Après m'être changée, je salue le médecin et quitte les lieux. Cette première journée m'a particulièrement fatiguée, j'espère m'habituer à ce rythme rapidement.

J'avance en direction de l'arrêt de bus, mes pieds sont en compote alors que j'ai passé la majeur partie de mon temps assise, c'est assez paradoxale. De plus la sensation est réellement déplaisante.

Je lâche un soupir quand j'aperçois que le bus est plein à craquer. Je souffle un bon coup et monte.

J'ai bossé toute la semaine de cette façon jusqu'à samedi soir.

Samedi

Je viens d'arriver chez moi. J'ai très faim donc je me précipite dans la cuisine comme une morfale.

Une fois que j'ai fini, j'ai débarrassé et je suis allée me couler un bain.

Ça m'a fait un bien fou.

Un peu plus tard dans la soirée, Janina m'a appelé en FaceTime.

_ « Salut ma biche. »
_ « Coucou ma beauté, t'as l'air exténuée. »
_ « C'est le cas.» soupirais-je.
_ « Moi qui voulais que tu viennes dormir à la maison, je pense que ce sera pour une autre fois. »
_ « C'est préférable sinon je risque de m'endormir pendant qu'on discutera, tu me connais... » plaisantais-je.
_ « C'est clair, aller vas te reposer ma belle. Je t'appelle demain. »
_ « Ça marche. »

On raccroche et je décide d'aller me coucher pour pouvoir profiter pleinement de ma journée demain.

Dimanche

Les rayons de soleil qui passent à travers la fenêtre me réveille, rien de mieux pour se lever de bonne humeur.

Je me lève et pars accomplir ma toilette matinale après laquelle je file dans la cuisine me préparer un bol de céréales que j'emporte avec moi dans le salon.

Je m'installe sur le canapé et allume la télé avant de mettre les dessins animés.

J'aime trop faire ça le matin pour me réveiller en douceur.

Mon téléphone était sur la table basse. Pendant que je prenais des cuillères de céréales, il s'est mis à vibrer. J'ai donc posé ce qui occupait mes mains et j'ai saisis mon téléphone par la suite.

Janina m'avait envoyé un message.

« On fait quoi aujourd'hui ? »

Je lui réponds.

« Je ne sais pas, tu veux faire quoi ? »

Quelques secondes après elle réplique.

« Passe à la maison puis on improvisera après. »

Je repose mon téléphone et termine de prendre mon petit déjeuner.

[...]

Aux alentours de quatorze heure, je suis prête et donc je quitte mon appartement pour celui de Janina.

Je sonne et elle m'ouvre la porte assez rapidement.

Je salue sa mère car il n'y avait qu'elle qui était présente puis on file dans la chambre de Janina.

Elle termine de se préparer tout en discutant avec moi.

_ « On va se poser au Starbucks du coup, comme ça on aura le temps de discuter tranquillement. » m'annonça Janina.
_ « Comme si c'était pas possible de commencer à discuter maintenant. » ripostais-je.
_ « Non mais t'as compris quoi, on sera plus à l'aise là-bas. »
_ « T'façon ça tombe bien, j'ai faim. »

Une fois qu'elle fut prête on est allé saluer sa maman et on est descendu.

On y est allé à pied, premièrement parce que c'est pas trop loin et deuxièmement parce qu'après c'est galère pour trouver un endroit où se garer.

Une fois sur place et après avoir pris notre commande on va s'asseoir dans un coin plutôt tranquille.

_ « T'aime trop les Cheesecake toi. »
_ « Faut bien un accompagnement pour ma boisson. » me défendais-je.
_ « T'aurais dû prendre un brownie. »
_ « Me fais pas regretter sinon je vais m'en prendre un. »
_ « Avec ton petit estomac, je suis sûre qu'il y aura pas la place. » ria-t-elle.

J'ai décidé d'ignorer sa remarque et d'entrer dans le vrai sujet de notre venue ici.

_ « En vrai tu voulais me parler de quelque chose en particulier ? » la questionnais-je.
_ « Oui, je voulais t'annoncer quelque chose. »
_ « Dis-moi. »
_ « C'est à propos de Jûnayd, on s'embrouille beaucoup en ce moment. »
_ « Pourquoi ? »
_ « Bah, tu sais j'aimerai bien qu'on passe le cap supérieur, je voudrais le présenter à mes parents, et qu'il me présente les siens... Mais lui, il ne voit pas ça du même œil. Il m'a clairement dit qu'il avait peur que ça bloque au niveau de sa famille parce que je ne suis pas musulmane. »
_ « Ah... C'est vrai que ça doit être compliqué pour toi, mais pour lui aussi je pense. Prends ton mal en patience, tu verras ça paiera. »
_ « In sha Allah. »
_ « T'es sûre que t'es pas musulmane toi ? » la taquinais-je en riant.

Janina depuis le temps que je la connais, elle a toujours cherché à en savoir plus sur l'Islam.

À chaque fois qu'elle voyait quelque chose ou entendait quelque chose en rapport avec la religion, elle me posait des questions.

Puis j'ai remarqué au fil des années qu'elle était en accord avec beaucoup de principes et de valeurs de notre belle religion.

C'est pour ça que je prie secrètement pour qu'un jour elle aussi, fasse partie de cette communauté.

J'aimerais qu'elle soit ma sœur fi'Allah, j'aimerais pouvoir aller prier avec elle à la mosquée. J'aimerais aussi qu'elle puisse se ménager une place au paradis. Que Dieu lui facilite sa conversion... Je vois bien que parfois elle en a envie mais qu'elle hésite encore.

Une fois alors que je dormais chez elle, elle m'a vu prier.

Elle m'avait demandé mon accord pour pouvoir regarder comment je m'y prenais. C'est avec plaisir que j'ai accepté.

Je récitais mes sourates à voix basse, mais de façon à ce qu'elle puisse tout de même distinguer mes paroles. Puis une fois ma prière finie, je me suis tournée vers elle et j'ai observé sa réaction.

Elle pleurait, rare sont les fois où je l'ai vu dans cet état, mais je peux vous dire que j'ai rapidement pu déceler la sincérité de ses larmes.

Lorsque je lui ai demandé pourquoi est-ce qu'elle pleurait, elle m'a répondu qu'elle n'avait jamais entendu d'aussi belles et douces paroles sans même les comprendre.

À ce moment j'ai compris qu'Allah ouvrait le cœur et guidait les personnes qu'Il souhaitait. Des personnes ayant un cœur bon, un cœur pur qui puisse détecter la Vérité.

[...]

Nous rentrions chacune chez nous, parce que demain je reprends le travail. Et oui ma voiture ne tombera pas du ciel.

Je marchais sous un ciel qui laissait disparaître la lumière du jour peu à peu, lorsque j'entendis une voix m'interpeller.

C'était la sienne, oui, je la reconnaîtrais entre milles. C'est la seule personne qui peut me procurer cette sensation étrange, celle que j'essaie d'enfouir au plus profond de mon âme. Sayfeddine.

_ « Où est-ce que tu vas comme ça ? Ne me dit pas que tu retournes à la chicha ? »

Je ne sais pas pourquoi il a prit à cœur le fait de m'avoir trouver dans cet endroit, j'ai l'impression qu'il veut me piquer intentionnellement.

_ « Non. Puis, tu sais, j'aurais pu te poser la même question. Qu'est-ce que tu faisais là-bas ? »

Son regard a laissé paraître de la surprise, je me suis aussitôt rendue compte de mon comportement et je me suis mise à regarder mes pieds, honteuse.

_ « J'y étais pas pour m'amuser moi, je faisais une livraison pour dépanner mon oncle. » se justifie-t-il.
_ « Je... Heu. Désolée. »
_ « Non, y a pas de mal et puis si t'as mal pris ce que je t'ai dis j'en suis désolé aussi. » me dit-il en m'adressant un sourire.

J'avais honte de moi, j'avais osé essayer de lui reprocher quelque chose alors que ses intentions n'étaient pas blâmables.

C'était plutôt mon attitude à moi qui était déplorable.

J'étais vraiment dégoûtée qu'il m'ait vu là-bas parce que ce n'était pas en accord avec ma personne.

Je sais bien que certains individus y vont avec des arrières pensées mais ce n'était pas mon cas.

Je voulais simplement m'amuser avec mon amie.

_ « Il commence à faire sombre, je vais t'accompagner un peu. »
_ « C'est pas la peine, j'arrive bientôt et puis je voudrai pas te déranger. »
_ « Ça me dérange pas, et Imad serait pas content si je te laissais rentrer seule avec tous les zoulous qui traînent ici. »

Et paf, la réalité me rattrape. S'il s'intéresse à moi, c'est pour mon frère, pas pour moi. Qu'est-ce que j'ai été idiote de croire qu'il m'accompagnerai juste pour pouvoir mieux me connaître.

Le trajet c'est fait en silence, j'étais mal à l'aise d'éprouver quelque chose pour l'ami de mon frère... Ce n'était pas correct mais je n'arrivais pas à ensevelir cela.

Puis clairement, mon attirance n'était pas réciproque. Ça me brûlait de l'intérieur de savoir que jamais il ne me verrait comme je suis, et qu'il s'arrêtait au fait que je sois la petite sœur de Imad.

Arrivés près de mon immeuble, il s'arrête et je fais de même.

_ « Merci. » le remerciais-je timidement.
_ « Tranquille, bon Salem. »
_ « Aleykoum Salem. »

Je me suis ensuite précipitée dans mon hall avant de parcourir les escaliers à toute vitesse.

Une fois seule dans ma chambre et à l'abris de tous les regards, je me suis laissée tomber sur mon lit.

J'avais eu ce sentiment étrange, celui de l'avoir tout près de moi mais aussi très loin à la fois...