Je presse le pas pour arriver à mon entretien à l'heure, je ne tiens pas à être en retard et à donner une mauvaise impression dès le début.

Il me faut absolument ce job.

J'ai besoin de travailler durant l'été pour pouvoir m'acheter ma propre voiture.

Les transports en commun c'est bien, ça dépanne mais c'est vraiment plus pour moi.

J'arrive enfin devant l'établissement, je me stoppe devant la porte avant de réajuster mes cheveux et j'entre.

_ « Bonjour, je suis là pour passer un entretien, j'ai rendez-vous à 11h30. »
_ « Bonjour à vous. Installez-vous sur un siège je vous prie, en attendant que j'annonce votre arrivée à monsieur. » me répond-t-elle.
_ « D'accord. »

Je prend place et j'attends que le médecin vienne me chercher. En effet, je vais remplacer sa secrétaire qui s'en ira en vacances dans quelques jours.

Il arrive enfin, me serre la main et me demande de le suivre.

Nous allons directement dans son cabinet. Il s'installe sur son siège et je m'assois en face de lui.

_ « Je vous prend entre deux rendez-vous, excusez-moi pour l'attente. »
_ « Ce n'est pas grave. » rétorquais-je.

[...]

L'entretien c'est plutôt bien passé, il m'a posé quelques questions et m'a annoncé que je commencerai dès lundi.

J'étais plutôt contente.

Alors que je prenais mon bus, ce qui était déjà assez déplaisant étant donné que nous étions tous entassés comme des sardines durant cette journée particulièrement chaude, il a fallut qu'un imbécile vienne limite s'appuyer contre moi.

Je le foudroyais du regard en espérant qu'il comprenne qu'il me gênait. Cependant, il était totalement indifférent au regard noir que je m'efforçais de lui lancer. Il ne manque clairement pas d'audace, je lui en mettrai bien une.

_ « Toi, papier ? » me questionne-t-il.

À l'entente de ces mots, je ne savais pas si je devais pleurer ou rire. Et puis son accent n'arrangeait rien. J'étais tout de même stupéfaite par sa question.

_ « Appartement, boulot ? » poursuit-il avec insistance.

Non mais il est sérieux ? Il me foutait clairement la honte. Je faisais mine de ne pas me sentir viser.

_ « Toi vraiment jolie ! »

Il me drague en plus ? Non mais je rêve !

Heureusement pour moi c'était mon arrêt. Je suis descendue très rapidement en laissant cette enflure loin derrière moi.

Je m'avance en direction de chez moi. En bas de l'immeuble je croise mon frère, Imad, je lui balance un simple "Salem" encore abasourdie par le phénomène que j'ai rencontré dans le bus.

_ « Hep hep hep ! T'as pas oublié quelque chose là ? »

Je lui souris, il me tend sa joue et j'y dépose un bisou.

Il me tire la joue et me laisse dévaler les marches.

Il me prend encore pour un bébé.

En entrant, je vais saluer les parents et je file me mettre en djellaba avant de me mettre sous une couette devant Le Roi Lion, l'un de mes préférés de Disney.

_ « Isma, ton téléphone ne fait que de sonner depuis tout à l'heure ! »

Alertée par ma mère, je me lève et vais chercher mon téléphone.

C'est ma meilleure amie, Janina.

Je la rappelle, et retourne m'installer devant la télé.

_ « Isma ?! Ne me dis pas que t'es encore devant Le Roi Lion ?! »
_ « Bah si. » riais-je.
_ « Je vois que tu t'ennuies, je vais y remédier, descends dans 5 minutes j'arrive ! »
_ « J'suis bien devant mon dessin animé ! Tu veux pas te joindre à moi plutôt ? »
_ « Même pas en rêve Isma. »

Je me résigne à aller m'habiller, parce mademoiselle est vraiment têtue et si je lui met un plan elle risque de bouder longtemps. Enfin jusqu'à ce que je la saoule et qu'elle me parle de nouveau ! *rire*

Je préviens mes parents que je vais rejoindre Janina et je descends.

Elle me fait la bise et me tire jusqu'à sa voiture.

_ « T'as fais des cascades avec ta voiture ou quoi ? » lui demandais-je.
_ « Ça se voit autant ? »
_ « Et pas qu'un peu ma biche ! »
_ « J'vais m'en prendre plein la gueule quand mon père verra ça ! »
_ « Et mais maintenant que j'y pense, tu m'emmènes où au juste ? »
_ « C'est une surprise ! »
_ « C'est jamais bon signe avec toi les surprises. » la taquinais-je.
_ « Ma meilleure amie est une connasse, c'est officiel ! »
_ « Janina ? »
_ « Quoi ? »
_ « Ta gueule. »

Elle roule des yeux et grimpe dans sa voiture.

Je fais de même.

Elle ne voulait vraiment pas me dire où elle m'emmenait.

Elle a vraiment de la chance que j'ai une confiance aveugle en elle.

Janina allume la radio, puis elle se met à chanter. Au couplet suivant je la rejoins.

Isma feat Janina bientôt dans les bacs, restez branchés ! *rire*

On arrive enfin à destination, au centre commercial.

_ « C'est ça ta surprise ? J'aurais pu m'en passer ! »
_ « Bah quoi ? Ça te plaît pas d'aider ta copine à être belle pour ce soir ? »
_ « Je vois pas en quoi c'est une surprise. Tu vas où ce soir ? »
_ « La question c'est plutôt, où est-ce qu'on va ce soir ? » dit-elle en me narguant.
_ « Comment ça ? Qu'est-ce qu'il y a ce soir ? »
_ « Ce soir on est invité à l'inauguration de la chicha de mon chéri ! C'est pas super ça ? »

Alors là, je suis partie dans un fou rire. Pardonnez-moi, mais le mot "soir" et "chicha" dans la même phrase, c'est totalement insensé quand je suis en plus impliquée.

_ « Mais arrêtes de rire ! Trouves-toi plutôt quelque chose à mettre. »
_ « Tu crois vraiment qu'on va me laisser venir avec toi ? Tu rêves un peu trop. »
_ « Pourtant ton frère m'a passé son feu vert pour que je t'embarque avec moi ! »
_ « Tu rigoles là ? Comme si il allait me laisser y aller... »
_ « Et pourtant il a même dit qu'il en parlerait à tes parents ! » dit-elle fièrement.
_ « Impossible. Je ne te crois pas. »
_ « Tu devrais pourtant parce que c'est vrai, j'ai juste oublié de lui préciser que c'était dans une chicha et j'ai peut-être aussi dit que c'était pour l'anniversaire d'une de nos copines... » dit-elle en ayant l'air de comprendre le mauvais plan dans lequel elle m'avait embarqué.
_ « Janina ! T'as pas osé faire ça ?! »
_ « Oups, maintenant c'est vrai que si on se fait attraper on est dans la merde. Ton frère me tueras ! Tu penses que je devrai lui dire la vérité ? »
_ « Tu veux qu'il nous étripe sur place ou quoi ? »
_ « Bon, au pire autant aller jusqu'au bout maintenant ? » argumente-t-elle.

Au bout d'une demi-heure de négociations elle a réussit à me convaincre.

Par contre, je lui ai bien précisé que si ça ne se passait pas comme prévu, elle aurait ma mort sur la conscience.

Dans quel bourbier je ne me mettrai pas pour elle putain.

[...]

On a trouvé de quoi être belles sans être vulgaires, puis on a filé chez Janina pour se préparer.

Une fois prête, on prend la route en direction de la soirée d'inauguration.

Arrivée devant les lieux mon téléphone vibre, c'est mon frère, il m'a envoyé un texto.

« Rentres pas trop tard, et me fait pas regretter de t'avoir laisser sortir. »

Son message m'a tout de suite fait culpabiliser. Mais il était trop tard pour rebrousser chemin. Résultat, j'ai passé toute la soirée postiché à notre table, de peur de faire un faux pas et en m'insultant intérieurement de sœur indigne.

Et comme si cela ne suffisait pas, il a fallut que je vois Sayfeddine.

Sayfeddine, depuis aussi longtemps que je me souvienne son prénom raisonne dans ma tête et à chaque fois que je l'aperçois mon cœur bat. Un amour inconditionnel qui va seulement dans un sens, mais que je ne contrôle pas. Je ne sais pas d'où sont nés mes sentiments, pourtant ils sont bien réels.

Maintes et une fois j'ai essayé de me débarrasser de ce surplus d'amour, mais je n'ai jamais réussis à le chasser de ma tête et surtout de mon cœur.

En m'apercevant à son tour, je le vois plisser les yeux.

Il m'a repéré et je me sens vraiment mal à l'aise, que va-t-il penser de moi maintenant ?

_ « Janina prends pas trop tes aises, si t'es ici c'est parce que je suis là et que tout ça c'est sous ma direction. T'habitues pas à ce genre d'événements, ce soir c'est exceptionnel. »

Pendant que le petit ami de Janina lui fait part de son opinion, je décide de prendre les clés de la voiture de mon amie et de l'attendre dans celle-ci.

S'en est vraiment trop pour moi, je n'aurai jamais dû mettre les pieds ici.

Ça ne me ressemble pas, je ne sais pas pourquoi je me suis laissée entraîner.

Je rejoins la voiture de Janina qui m'a dit qu'elle me rejoindrai dans 5 minutes.

Pourtant j'entends des bruits de pas et ce n'est pas le bruit des talons de ma meilleure amie.

J'ouvre la portière sans me retourner mais quelqu'un la referme avant de me tourner vers lui.

_ « Isma ? Qu'est-ce que tu fous ici ?! »
_ « J'ai accompagné ma copine. » répliquais-je avec une once de surprise dans la voix.
_ « Depuis quand tu sors dans des endroits pareils ? »
_ « Je... »
_ « J'pense pas que ton frère apprécierai, s'il savait que t'étais là ! » me coupe-t-il.
_ « Lui en parle pas s'il-te-plait, il le prendrait très mal. »
_ « Seulement si tu me promets de ne plus remettre les pieds dans ce genre d'endroit. »
_ « T'as ma parole. »
_ « Et elle est où ta copine là ? »
_ « À l'intérieur, elle arrive. »
_ « D'accord, dans ce cas j'attends ici avec toi le temps qu'elle se pointe. »

J'hoche la tête en guise de réponse. Un silence c'était installé, ce qui a le don d'être assez pesant.

Je me demandais s'il était resté me tenir compagnie parce qu'il s'inquiétait pour moi...

Je m'emballe trop vite, il doit seulement vouloir vérifier que je ne lui ai pas menti et que je suis bien avec Janina.

Je regardais mes pieds, assez honteuse de m'être mise dans une telle situation.
Sayfeddine ne m'adresse que rarement la parole et dans cette condition, ça en devenait particulièrement gênant.

Mon pouls n'est pas régulier, j'ai l'impression que quelques battements sautent de temps à autre.

J'aimerai m'arracher le cœur, je me déteste de l'aimer secrètement et de me faire du mal toute seule.

Une chose est sûre, cet amour est impossible.

Il me voit seulement comme la petite sœur de son ami, et ne s'imagine pas que pour ma part mes sentiments sont biens plus forts.

Alors que je fuyais le regard de Sayfeddine, Janina a fait son apparition.

En arrivant, elle a haussé les sourcils en guise d'étonnement.

_ « N'oublie pas ta promesse. »

Ce sont les derniers mots de la soirée qu'il a prononcé envers moi avant de s'en aller.

Je grimpe dans la voiture, Janina a fait de même. Elle démarre, mais freine d'un coup.

_ « Tu faisais quoi avec Sayfeddine ? »