Chapitre 1


Olivia:

Le cimetière de Seattle était baigné d'une lumière grisâtre en ce jour sombre. L'enterrement se déroulait quelques jours après le nouvel an. Les arbres dénudés de feuilles nous entouraient comme les  témoins de notre douleur incommensurable. La pluie tombait comme un rideau rajoutant une note de tragédie à cette journée déjà horrible. J'étais plantée là emmitouflée dans mon manteau noir, les yeux fixés sur le cercueil où reposait ma petite sœur, descendre  lentement dans la terre froide. Ma tête bourdonnait, le cœur aux bords des lèvres, j'avais le vertige, j'avais l'impression d'être morte aussi.

Le cercueil d'Ella était en acajou, sombre et élégant, orné de roses blanches qui se détachaient  sur le bois foncé. Chaque détail semblait avoir était choisi avec réflexion, reflétant la beauté et la grâce de ma sœur. Les roses blanches, symboles de pureté et d'innocence tout ce qui la représentait, étaient alignées avec soin, apportant une douceur poignante à cette image cauchemardesque.

Je ne pouvais pas parler. Depuis sa mort je n'avais pas prononcé un mot. Je m'étais murée dans un silence pour mon protéger. La seule personne avec qui je voulais échanger n'était plus là. Je ne voulais plus parler. Les paroles que je voulais énoncées pour elle pour lui rendre hommage ne voulaient pas franchir mes lèvres.  La mort d'Ella était tellement injuste. Elle était pure douce, innocente. Elle n'avait jamais fait de mal à personne, et pourtant, elle nous avait été arrachée si sauvagement. Sa vie s'était arrêtée comme une page qu'on tourne. Cette pensée m'emplissait de rage, un feu brûlant sous la surface de ma douleur.

À côté de moi, mes parents étaient aussi murées dans leur propre chagrin. Ma mère, les yeux rougis par les larmes, serrait un mouchoir dans sa main tremblante. Mon père, d'habitude si fort, semblait soudain avoir pris  dix ans. Ses épaules voutés sous le poids de sa peine. Leur tristesse ravivait encore plus mon chagrin, nous liant dans une tristesse commune.

Autour de nous, des amis, des membres de la famille et des voisins s'étaient rassemblés, chacun portant le poids de la tragédie. Des pleurs discrets se faisaient entendre, le son mélancolique se mêlant au bruit de la pluie. Des collègues de mes parents, des professeurs d'Ella, et même des connaissances plus lointaines étaient venus rendre hommage. Chacun semblait marqué par la perte, et le murmure des prières et des condoléances emplissait l'air.

Le pasteur engagé pour la cérémonie se  tenait près de la tombe, sa voix douce et rassurante tentant d'apporter un semblant de réconfort à l'assemblée.

Pasteur : Nous sommes ici pour dire adieu à Ella Cooper, une jeune fille qui a touché nos vies de tant de façons. Sa lumière et sa joie de vivre resteront à jamais gravées dans nos cœurs.

Mon père, d'un pas hésitant, s'approcha près de la tombe et parla pour ma mère et pour moi. Aucune de nous n'avait voulu faire un discours. Il s'était donc proposé en tant que chef de famille de le faire. Il essuya ses larmes et prit la parole, sa voix résonnant dans le silence tranquille du cimetière.

Père : Ella était une fille extraordinaire. Sa détermination, sa créativité, son amour pour les autres étaient des qualités qui nous inspiraient tous les jours. Elle avait tant de rêves, tant de projets... Nous continuerons à les honorer en vivant nos vies pleinement, comme elle l'aurait voulu.

Je sentais chaque mot comme une lame dans mon cœur. Noah se tenait à mes côtés, son visage ravagé par le chagrin. Ses yeux étaient rouges et gonflés de larmes qu'il tentait de retenir. Noah, le meilleur ami d'Ella depuis leur enfance, je le connaissais depuis toujours également, il avait mon âge, il venait souvent à la maison pour jouer de la musique avec Ella, d'habitude souriant à ce moment il semblait prêt à s'effondrer.

Thérésa, ma meilleure amie debout non loin de moi, était là pour me soutenir. Ses épaules étaient secouées de sanglots, et elle tentait de contenir son chagrin. Thérésa aimait profondément Ella et l'appelait affectueusement "la fée solaire". Elle était accompagnée de ses parents adoptifs, un couple de deux hommes qui la tenaient chacun par une épaule, partageant sa douleur et lui offrant un soutien silencieux.

Peter se tenait en retrait, une expression impassible sur le visage. Il regardait fixement le cercueil, évitant les regards des autres. Son comportement distant et fermé était le même qu'il montrait en public mais il semblait nerveux également. Je ne pouvais m'empêcher de me demander ce qu'il pensait réellement. Il avait été mon petit ami pendant des années et comme un grand frère pour Ella mais là devant sa tombe il ne semblait pas touché., 

La cérémonie se termina par une chanson qu'Ella avait composé et qu'elle chantait, diffusée à travers des haut-parleurs. Les paroles parlaient d'espoir, de renouveau, de fleurs et de lendemains meilleurs. La voix d'Ella, douce et mélodieuse, résonnait dans l'air humide, apportant une touche de beauté à cette scène de deuil. La musique avait toujours été une partie intégrante de la vie d'Ella. Elle aimait chanter, jouer de la guitare, et ses rêves étaient remplis de mélodies. La musique était son âme, et entendre cette chanson, c'était comme ressentir une part de son essence une dernière fois.

Les invités se levèrent et commencèrent à sortir lentement du cimetière, chacun jetant une rose blanche sur le cercueil, un dernier adieu à une jeune fille partie trop tôt.

Je restai là un moment, regardant les roses blanches se poser délicatement sur le cercueil. La pluie tombait plus fort maintenant, mais je ne bougeai pas. Je voulais rester ici avec elle, juste un peu plus longtemps. En ce moment, je sentais qu'une partie de moi était enterrée avec elle. Ella n'était pas seulement ma sœur, elle était une partie de moi-même. Sa mort laissait un vide béant dans mon cœur, une douleur que rien ne semblait pouvoir apaiser.

Après les funérailles, le trajet de retour à la maison fut silencieux. La pluie s'intensifiait ajoutant de la mélancolie à l'air ambiant dans la voiture. Personne n'osait briser le silence pesant. En arrivant devant la maison, tout semblait étrangement calme, comme si le monde lui-même avait arrêté de tourner en même que Ella avait cessé d'exister.

En entrant, je fus prise de malaise. Chaque recoin de la maison, chaque objet semblait crier la présence d'Ella. Je m'attendais à la voir descendre les escaliers en riant mais rien. Ses chaussures préférées étaient encore posées près de la porte, et sa doudoune rose qu'elle adorait accrochée à la patère. La maison, autrefois remplie de vie et de rires, semblait désormais oppressante et silencieuse.

Mère : (d'une voix brisée) Je vais préparer du thé. Ça nous fera du bien.

Ma mère se dirigea vers la cuisine, ses mouvements lents et mécaniques. Mon père alla s'asseoir dans le salon, et alluma la télévision pour avoir un semblant de bruit. Je montais directement dans ma chambre. Une fois devant le palier je me figeais la porte de la chambre d'Ella était grande ouverte comme une invitation à y entrer.

En entrant dans sa chambre, l'odeur familière de son parfum m'enveloppa, un mélange de jasmin et d'orange. Les murs d'un jaune joyeux étaient tapissés de posters de ses artistes préférés, et sa guitare posée près de la fenêtre. Je m'assis sur son lit. J'enfouis mon visage dans son oreiller et hurlais. J'étais en colère, perdue et je fondis en larmes. Tout n'avait plus de sens pour moi sans elle.

Noah, Thérésa et Peter étaient restés un moment après les funérailles, mais ils étaient maintenant partis, chacun leur tour. La maison semblait encore plus vide sans leur présence.

Ma mère monta avec une tasse de camomille fumant et s'assit à côté de moi. Nous restâmes silencieuses un moment, partageant une intimité douloureuse.

Mère : (doucement) Ella aimait tellement cette chambre. Elle y passait des heures à jouer de la guitare et à écrire dans ses carnets.

Je hochai la tête, pris une gorgée de la tasse qui me brula la langue. Je grimaçais, ma mère entoura mes épaules dans une étreinte pleine de réconfort. Je me remis à pleurer. 

Mère : Nous devons nous rappeler des bons moments, Olivia. Ella voudrait que nous continuions à vivre et à sourire, même si c'est difficile pour le moment

Olivia : (avec émotion) Je sais, maman. Mais pour l'instant je ne peux pas et je pense plus pouvoir pendant longtemps.

Nous restâmes ainsi, enlacées dans notre chagrin, jusqu'à ce que la fatigue nous gagne. Le thé refroidit dans ma tasse, le soir tombant sur la maison qui s'emplit d'une tristesse silencieuse.

Le soir venu, nous nous rassemblâmes autour de la table pour un dîner que personne n'avait vraiment envie de manger. Chaque bouchée était un effort, chaque silence un rappel de la perte. Mon père tenta de briser la glace.

Père : (avec un soupir) Ella aurait voulu que nous soyons forts. Elle détestait nous voir tristes.

Olivia : (d'une voix douce) Oui, papa. Elle était toujours la première à nous remonter le moral.

Après le dîner, je me réfugiais dans ma chambre. L'idée m'endormir me semblait impossible, alors j'ouvris le journal d'Ella que j'avais trouvé quelques jours avant les funérailles. Je cherchais juste une photo de nous deux pour la cérémonie et j'étais tombée dessus dans un tiroir de sa penderie. C'était un carnet en cuir usée. Les pages étaient noircies et remplies de ses rêves, de ses pensées, de ses peurs. Je lus quelques lignes, sentant sa présence à travers ses mots.

Journal d'Ella : "Aujourd'hui, Noah et moi avons travaillé sur une nouvelle chanson. J'adore ces moments, juste nous deux et la musique. Ça me donne de l'espoir pour l'avenir."

Les larmes recommencèrent à couler. Je fermai le journal et m'allongeai sur mon lit, le serrant contre moi. La douleur était encore palpable, mais lire ses mots me donnait l'impression de me rapprocher un peu d'elle.

Alors que je m'endormais enfin, une pensée persistait dans mon esprit : je devais découvrir toute la vérité sur ce qui s'était passé dans la vie d'Ella. La police chargée de de l'enquête avait dit que c'était un acte délibéré. La voiture n'avait pas freiné. Pour elle je découvrirais la vérité. Pour elle, pour moi, et pour notre famille.

Noah:

Je rentre chez moi, le cœur lourd et l'esprit tourmenté. L'appartement  que je partage avec ma mère, Emily, est plus sombre que jamais. Chaque pas que je fais résonne dans l'entrée. Nous habitons un petit appartement dans un quartier populaire de Seattle. Ma mère travaille beaucoup sauf quand elle est au bar d'à côté en train de boire pour oublier sa vie et ses échecs sentimentaux donc celui avec mon père.

En franchissant le seuil, je claque la porte avec force, faisant trembler les murs. Je suis dévasté, en colère, et incapable de retenir les larmes qui brouillent ma vie

Emily : (s'approchant doucement et empestant l'alcool) Noah, mon chéri, comment tu te sens ?

J'hausse les épaules, évitant le regard de ma mère. Je dépose mes clés sur la table de l'entrée et me dirige vers le salon, m'effondrant sur le canapé.

Noah : (d'une voix rauque) Je ne sais pas, maman. Je ne sais pas comment je me sens.

Je la vois se diriger directement vers le placard et se resservir un verre de whisky d'une main tremblante.

Emily : (doucement) Je sais que c'est difficile. Ella était une amie précieuse pour toi. C'est normal de se sentir perdu.

Je serre les poings, luttant contre mon envie de taper dans les murs. La colère monte en moi comme un volcan prêt à exploser.

Noah : (avec colère) Ce n'est pas juste, maman. Ella ne méritait pas ça. Elle était gentille, douce, innocente. C'était comme une petite sœur pour moi. Pourquoi elle ? Pourquoi tu n'étais même pas là pour moi aujourd'hui ?

Emily tente de me prendre dans ses bras, mais je me dégage brusquement.

Noah : (criant) Pourquoi tu n'étais jamais là pour moi ? Pourquoi tu n'étais pas là aujourd'hui ? J'avais besoin de toi et tu étais ivre morte, incapable de te lever ! Peut-être que si tu avais été plus présente, j'aurais pu être présent plus pour Ella!

Emily recule, blessée par mes mots. Elle prend une profonde inspiration, essayant de rester calme malgré l'effet de l'alcool.

Emily : (d'une voix tremblante) Noah, je fais de mon mieux. Je travaille dur pour subvenir à nos besoins. Ce n'est pas facile pour moi non plus.

Noah : (sarcastique, furieux) Travailler dur ? Toujours absente, toujours au boulot ou avec un verre à la main. Tu n'as jamais été là quand j'avais besoin de toi. Ella... Ella avait besoin de quelqu'un, et je n'ai rien vu. Parce que tu étais trop occupée à boire !

Ma mère, déstabilisée par mes accusations, serre le verre de whisky plus fort, ses jointures blanchissant.

Emily : (hurlant) Je fais ce que je peux, Noah ! Tu crois que c'est facile pour moi ? Tu crois que je n'ai pas de regrets ? Je suis ta mère, et je t'aime, mais je suis humaine aussi !

Je me lève, la rage brûlant dans mes yeux.

Noah : (hurlant) Aimer ? C'est ça aimer ? Regarde-toi ! Tu es toujours en train de boire ! Tu ne m'as jamais vraiment soutenu, et maintenant Ella est morte, et je n'ai même pas pu l'aider parce que je devais gérer tes conneries !

Emily, en larmes et incapable de répondre, se laisse tomber sur le canapé, sa tête entre les mains.

Emily : (sanglotant) Je suis désolée, Noah. Je suis tellement désolée. Je sais que j'ai échoué. Mais je t'aime, et je veux être là pour toi. S'il te plaît, laisse-moi t'aider maintenant.

Je respire lourdement, sentant la colère se dissiper, remplacée par une profonde tristesse. Je regarde ma mère, effondrée devant moi, et sens un mélange de pitié et de désespoir.

Noah : (murmurant) J'ai perdu ma meilleure amie, maman. Et je ne sais pas comment vivre avec ça. Je ne sais pas comment te pardonner non plus.

Emily, toujours en larmes, tend la main vers moi.

Emily : (d'une voix brisée) Nous pouvons essayer de guérir ensemble, Noah. Je vais essayer de changer. Pour toi. Pour nous.

Je hoche la tête, les larmes coulant librement sur mes joues. Je me laisse finalement tomber dans les bras de ma mère, trouvant un peu de réconfort dans son étreinte, malgré la douleur de notre relation compliquée.

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