Chapitre 9
Le réveil affichait sept heures trente, mais cela faisait une heure que je fixais le noir devant moi, tenant dans mes bras Délia qui dormait à point fermé. Je m'étais réveillé sans aucune aide, une nuit paisible. Hier nous avions dîné, puis nous étions rentrés chez elle. S'en étaient suivi des caresses indécentes et des sensations physiques intenses. Elle semblait avoir apprécié, d'après les différents signaux qu'elle m'avait envoyés. Cependant, je devais bien avouer que lorsqu'elle m'avait effleuré, j'avais visualisé quelqu'un d'autre, quand elle m'avait griffé le dos, ce n'était pas son contact que j'avais ressenti. À chaque instant c'était lui qui prenait possession de mon esprit. Plus j'essayais de chasser son image, plus elle s'ancrait en moi. Et ce matin, malgré la belle chevelure dorée qui se perdait sur moi, il me manquait. L'heure précédente n'avait fait qu'asseoir mes certitudes. Je l'aimais réellement et depuis plus longtemps que je ne le croyais. Du moins, il ne me laissait pas indifférent, rien que lorsque j'avais instauré cette compétition sordide, ça n'avait jamais été pour elle. Je ne voulais pas qu'on l'approche, les regards de Délia m'avaient énervé parce qu'ils étaient dirigés vers lui. À ce moment, il m'était impossible de l'accepter, que je sois attiré par Chris Argent ? Impossible, il était largement plus simple de me cacher derrière cette fierté qui me dévorait. Maintenant que j'avais conscience de mes sentiments, il serait d'autant plus difficile de l'oublier, pourtant, il le fallait et quoi de mieux que de remplacer une obsession par une autre ?
- Mmh...
- Bien le bonjour merveilleuse créature.
- Pff, Peter. Je ne ressemble à rien au réveil.
- Moi je te trouve magnifique quelles que soient les situations.
- Ça ne fonctionne pas avec moi, les belles paroles.
- Pourtant, même dans le noir, je peux voir tes joues rougir.
- Mmh, tu es partant pour un nouveau round ? Sourit-elle envieuse.
- Ce n'est pas l'envie qui m'en manque mais j'ai des choses à faire aujourd'hui.
- Tu ne peux pas les repousser ?
- Non, je dois voir une connaissance et j'ai une course à faire pour un ami.
- Mr Argent ?
- Décidément, ta perspicacité est aiguisée.
- Je n'ai vu que lui dans tes amis... Tu vas faire quoi ?
- J'ai malencontreusement abîmé quelque chose qui lui appartient, je dois réparer mes torts.
- D'accord...
- Ça ne va pas ?
- Je n'ai pas l'habitude de te voir aussi dévoué pour quelqu'un, tu es plus attentionné que je ne le pensais avec tes amis.
- Je n'aime pas avoir de compte à rendre.
- Ou... Tu prends soin des gens que tu aimes.
- Je n'apprécie pas grand monde.
- C'est pour ça qu'on se sent si spécial à tes côtés. Je crois que je comprends pourquoi Mr Argent est proche de toi.
- Il est trop naïf, surtout.
- Moi aussi alors.
Elle rit et me déposa un baiser sur la joue. Elle avait acheté du café le samedi après sa journée de travail, belle intention lourde de sens. Elle commençait à s'attacher. Elle chantonnait en buvant sa tasse de thé. Je préférai encore un silence pesant, sa voix était mélodieuse mais le début de journée était un moment spécial où ma tranquillité comptait plus que tout à mes yeux. Je la remerciai pour la soirée et la quittai rapidement. Une fois dans ma voiture, je regardai mon téléphone portable. Il était huit heures et demi, parfait.
- Allô, Mr Hale ?
- Suzanne, Suzanne, la meilleure !
- Haaa, je vous écoute, que puis-je faire pour vous ?
- Vous me connaissez si bien... Je cherche à joindre un de mes employés. Al... Quelque chose...
- Je ne vais pas aller loin avec cette information.
- Attendez... Alexis... Non, Aleks je crois... Mais j'ai oublié son nom de famille. Il est blond avec des cheveux longs, barbu et ses yeux sont marrons il me semble, vous pouvez me le retrouver ?
- Laissez-moi deux minutes...
J'entendis les touches de son clavier d'ordinateur s'affoler à travers le téléphone. Nous avions une plateforme avec les noms et les photos des personnes travaillant dans la boîte. Suzanne était exceptionnelle pour retrouver quelqu'un.
- Mr Martins ?
- Sûrement... Bref, convoquez-le dans mon bureau d'ici une heure, s'il vous plaît.
- Je m'en occupe.
- Vous êtes géniale !
- A tout à l'heure.
Je n'aurais pas pu trouver mieux comme secrétaire, pointilleuse comme il le fallait. Je me dépêchai afin de me débarbouiller et enfiler un costume de travail. Chemise blanche, gilet et veste noire cintrée avec le col satiné, le tout agrémenté d'une cravate noire. C'était légèrement trop mais j'avais besoin d'imposer ma présence face à l'oméga. Une fois apprêté, je pris la route et une demi heure après, j'étais dans mon bureau. J'entendis un petit toquement à ma porte.
- Entrez.
- Mr Hale ! Je vous apporte un café.
Suzanne apparut joyeusement avec une tasse à la main.
- Merci !
- Vous avez l'air absent.
- Mmh, disons qu'il y a des choses qui me tracassent.
- Vous avez pu vous excuser auprès de votre ami ?
- Oui, excellent conseil comme toujours, j'ai de la chance de vous avoir ! Malheureusement, je crois que j'arrive à la fin de ma relation avec lui...
- Ah, je suis sûre que vous vous montez encore la tête tout seul ! Vous savez, Mr Hale, quand vous m'avez embauchée, vous m'aviez peint un tableau assez terrible de vous-même. À vous entendre, je faisais face à l'être le plus détestable au monde. Toute personne saine d'esprit serait partie en courant. Vous savez pourquoi je suis restée ?
- Deux choix, soit vous êtes aussi atteinte que moi mais vous le cachez plutôt bien, soit le salaire vous a donné envie de rester ?
- Parce que derrière ce visage fermé et cette attitude hautaine, j'ai vu un profond mal-être. Quelqu'un d'aussi malveillant que ce que vous pensez être ne serait pas capable de ressentir la moindre once de remords. Et je pense que la culpabilité qui vous habite est un poids lourd à porter.
- Si cela vous amuse de vous bercer d'illusions.
- Ayez confiance en vous, en ce que vous pouvez apporter aux autres. Depuis que j'ai la chance d'être votre secrétaire, ce que je vois en vaut vraiment la peine.
- Je n'apporte que désolation autour de moi. Je suis désolé Suzanne, mais je crois que cette fois-ci, vous vous fourvoyez terriblement.
- Et si vous laissiez un peu le choix aux gens ?
- De ?
- S'ils veulent être à vos côtés ou non ? Ne décidez pas de tout à leur place, ça vous allégera.
- Mais...
- Oh je crois que votre rendez-vous est arrivé monsieur, je vous laisse. Bon courage !
Elle s'éloigna avec un clin d'œil rempli de malice. Cette discussion imprévue m'avait remué. Elle avait la capacité d'exposer avec une justesse implacable des arguments irréfutables. Peut-être avait-elle raison après tout. Christopher était un adulte et un chasseur de renom il combattait un deuil tellement profond avec une force incroyable. Il était peut-être la personne qui avait assez défié la mort pour pouvoir rester à mes côtés.
On frappa à ma porte, Alexis était là, je secouai la tête pour recentrer mes pensées.
- Entrez, articulai-je à nouveau d'une voix grave.
- Bonjour, vous m'avez fait demander monsieur ?
Il regardait à terre, son cœur battait fort, sûrement le stress soudain d'être appelé par le dirigeant. Je jubilai d'avoir l'ascendant.
- Assieds-toi.
Surpris par ce tutoiement, il releva la tête et fit les yeux ronds.
- Toi... !
- Ferme la porte.
Il s'exécuta et se plaça sur le siège en face de moi.
- Tu... ?
- Oui.
- Mais, tu...
- Je sais.
- Pourquoi... ?
- Comme tu l'as remarqué, quelques-unes de mes... connaissances ont la langue bien pendue. Si elles venaient à l'apprendre, ça serait fâcheux. Très fâcheux.
- Je ne dirais rien.
- Bien. Je ne t'énumérais donc pas les conséquences d'un tel acte sur ta vie professionnelle et personnelle.
- Du coup... ?
- Je t'ai fait venir parce qu'il faut qu'on discute. J'ai quelque chose à te proposer.
- Je t'écoute.
- Christopher Argent.
- Oui ?
- Ne l'appelle pas.
- Comment ça ?
- Je veux que tu le laisses en dehors de tout ça. Il a un espèce de syndrome du héros, il veut sauver tout le monde.
- Même toi ?
- Donc il viendra à la moindre alerte, et c'est précisément ça que je veux éviter.
- Pourquoi ?
- Je vais te donner mon numéro, c'est celui-ci que je veux que tu composes si tu en as besoin.
- Tu m'entends ?
- Seulement si c'est nécessaire, je n'aime pas être dérangé pour rien. Et ça serait de moi dont tu aurais le plus à te méfier.
- Tu sais, ce n'est pas parce que tu es mon patron que je vais t'écouter sans réfléchir. Si tu ne réponds pas à mes questions, je ne ferai pas ce que tu me demandes. À toi de voir.
- Je vais recommencer. Toi et moi, on ne s'aime pas, depuis notre rencontre. Je dirais même qu'on doit se tolérer par la force des choses. Mais tu apprécies le chasseur. Il est expérimenté et puissant toutefois, et tu le sais très bien, il n'égalera jamais la force d'un loup. Surtout la mienne. Tu arriverais encore à te regarder dans une glace si ton sauveur se faisait tuer devant tes yeux ?
-...
- C'est bien ce que je me disais.
- Tu y gagnes quoi ?
- C'est personnel.
- Alors désolé mais ça ne va pas être possible. Je ne me lance pas dans un marché sans en connaître toutes les lignes.
Il était plus intelligent que je ne le pensais, peut-être l'avais-je mal jugé.
- Ton assaillant a peut-être quelque chose que je convoite depuis quelque temps maintenant.
- Donc tu me proposes un deal pour une hypothétique récompense sans en être sûr et certain ?
- Si mes doutes s'avèrent exact, j'y gagne plus que tu ne le crois.
- Tu sais, je t'ai bien observé et je crois qu'en fait, tu veux juste protéger Chris.
- Oh me voilà démasqué, me moquai-je. Tu es trop intelligent pour moi, tu m'as eu.
- Tu peux essayer de te cacher derrière ton ironie, je ne suis pas autant aveugle que les autres.
- Tu ne me connais pas et je n'ai pas à me justifier. Ce que je veux savoir c'est si tu acceptes notre petit arrangement ?
-... Oui, je pense que ça peut être intéressant.
Un rictus satisfait prit possession de ses lèvres, une expression qu'il avait gardée secrète jusque là.
- Bien, j'aimerai que tu me donnes plus de détails sur ton frère Alexis, quelque chose me dérange dans cette histoire.
- Je m'appelle Aleks.
- Super ! Et ton frère ?
-... William.
- Ah enfin des informations intéressantes. La dernière fois que tu as eu de ses nouvelles, il habitait où ?
- Cowaramup.
- Vous n'avez pas plus simple comme nom de ville ? Enfin, merci pour tes réponses.
- De rien, patron.
- J'aime quand tu m'appelles comme ça.
- C'est officiel, mon boss est sadique, rigola-t-il.
- Tu n'as pas l'air de détester ça.
Nous échangeâmes un regard qui se voulait complice. Alexis... Aleks avait du répondant, j'aimais bien ça. Par certains côtés, je trouvais qu'il me ressemblait. Il enregistra mon numéro et quitta la pièce après m'avoir fait un signe de la main. Bien, William Martins, à nous. Je composai le numéro de téléphone d'une de mes connaissances qui m'était bien utile.
- Peter ?
- Steven !
- Tu veux quoi, encore ?
- Contrôle toi, je sens ta joie d'ici.
- J'ai pas que ça à foutre d'écouter tes conneries, merde.
- J'ai besoin que tu trouves des infos pour moi.
- Qui ? Où ?
- William Martins, Cowaramup, Australie.
- Tu veux savoir quoi ?
- Tout.
- Budget ?
- Je couvre tous tes frais dans la mesure du raisonnable et tu seras, bien entendu, grassement rémunéré, comme d'habitude.
- Mmh. J'accepte.
- Je savais que je pouvais compter sur mon petit Steven !
- Je te déteste toujours autant.
- Je t'en prie ! Il y a prescription !
- À cause de toi, j'ai failli y rester.
- Failli, là est toute la nuance !
-... Va te faire foutre. Tu connais mes tarifs, j'attends l'argent et j'y vais.
- Bonne journée à toi aussi !
Il me raccrocha au nez dans sa bienveillance naturelle. J'avais peut-être légèrement mérité cette haine. Officiellement, il était chasseur de prime mais effectuait de petites missions annexes lorsque l'on déboursait assez. Je l'avais rencontré par l'intermédiaire de relations personnelles. Il m'avait tout de suite plu de part sa dureté et son détachement émotionnel. J'avais fait appel à lui après que l'un de mes débiteurs ait subitement disparu. À force de se cotoyer, nous avions fini par entretenir des relations intimes un peu plus poussées. Malheureusement, pendant son enquête, il avait été confronté à des histoires illégales. Il m'en avait fait part et avait voulu prévenir les autorités. J'avais refusé, ça ne m'arrangeait pas financièrement parlant. Je voulais récupérer ce qui me revenait de droit et, en passant par la police, je n'aurais pas pu tout recouvrer. Nous nous étions donc chargés de ce problème nous-mêmes. Les choses en entraînant d'autres, il s'était retrouvé avec des balles dans le ventre. Dès lors, il avait quelques réticences à se retrouver impliqué dans mes problèmes, néanmoins, il savait pertinemment que je le payais bien et il ne pouvait pas résister à l'appel de l'argent. C'était donc plutôt facile de le convaincre, heureusement parce que j'avais besoin de lui, c'était l'un des meilleurs. Le virement pécunier fait, ce n'était qu'une question de temps avant que je ne puisse découvrir les petits secrets de la famille Martins. Je souris de contentement, pour l'instant tout se déroulait selon mes plans. Je n'avais plus qu'à gérer le cas de Christopher et tout serait bouclé.
Le reste de la matinée s'exécuta sans accrocs majeurs, des documents à signer, des dossiers à accepter. En travaillant rapidement, j'avais l'après-midi de libre et je pouvais donc gérer les couvre-lits d'Argent. Plus vite je m'en chargeais, plus vite je pouvais le fuir. Je sortis de mon bureau, Suzanne s'affairait sur son ordinateur.
- Bon, et bien, je vais y aller !
- Votre rendez-vous s'est bien passé ?
- Plutôt oui, je dirais que les choses filent comme je l'espérais.
- Tant mieux, tant mieux...
- Dites, vous avez l'air épuisée, ça va vous ?
- J'ai ma fille à la maison avec ses enfants, ce n'est pas de tout repos !
- Mmh. Je vous donne votre après-midi.
- Mais monsieur, j'ai encore du tra...
- Suzanne !
- Et vous vous dites égoïste ?
- Exactement. Une employée reposée en vaut deux et puis vous me rendez assez service comme ça. Profitez de votre famille, le temps passe vite.
- Merci, Mr Hale.
- J'espère qu'un jour, vous finirez par m'appeler Peter.
Elle rit avant d'éteindre son outil de travail et de me suivre jusqu'à la sortie de l'immeuble. Elle me tapota l'épaule en me rappelant la conversation que nous avions eu plus tôt. Je la regardai s'éloigner. Les reflets grisonnants qui brillaient au soleil et sa démarche enjouée qui trahissait l'excitation qu'elle pouvait ressentir de rejoindre sa famille. Elle devait être une mère et une grand-mère aimante. De mon côté, j'eus la possibilité de porter les tissus tachés au pressing, ainsi, ils seraient prêts demain matin. J'essayai d'appeler Chris sans avoir de réponses, sûrement avait-il mieux à faire. Je soupirai avec une légère déception, j'aurai aimé l'avoir de vive voix.
« Bonjour Christopher. Es-tu disponible demain dans la journée pour que je te rende tes draps ?
P.S. : j'espère que tu t'es remis de ta séance de sport intensive. » - Envoyé.
Je n'attendais pas de réponse avant un moment. Il ne me restait plus qu'à rentrer chez moi et me détendre avant que tout ne s'accélère. J'optai pour un film dramatique dont l'intrigue était plutôt décevante mais cela me permettait de calmer mes réflexions sur les événements de la journée. Je tombai dans un demi sommeil lorsque je vérifiai l'heure sur mon téléphone, vingt-deux heures douze et un message. L'adrénaline m'avait réveillé d'un coup, sûrement des nouvelles de Chris.
« Salut Peter ! C'est toujours bon pour jeudi midi ? » - Reçu de Malia.
Bon, ce n'était pas ce que je voulais mais c'était tout de même une bonne nouvelle. Ma fille qui s'inquiétait pour notre rencontre. Comment espérer mieux ?
« Malia ! Je n'ai pas oublié, je serais présent. Bonne soirée. » - Envoyé.
Je mis mon portable en sonnerie, à contre-coeur, au cas où Aleks venait à avoir besoin de moi. Le sommeil me reprit dans ses bras sans que je puisse y résister. Mes rêves étaient plutôt réussis pour une fois, j'étais redevenu un alpha respecté de tous et j'avais enfin réussi à être le propriétaire de toutes les parcelles de Beacon Hills. Scott allait enfin reconnaître ma supériorité lorsque je fus coupé par une musique désagréable. Quelle merde.
- J'espère que ça vaut le coup de me réveiller en pleine nuit, grognai-je.
- Salut le sociopathe.
- Es-tu devenu suicidaire, Chris ?
- J'ai pas peur de toi.
- Parle. Pourquoi tu m'appelles ?
- Je voulais te répondre.
- Un message, c'est trop te demander ?
- Je ne pensais pas que tu étais du genre à laisser ton téléphone allumé.
- Je vais raccrocher.
- Je suis dehors et j'observe les étoiles.
- Je m'en fous.
- Il y a d'anciennes légendes qui disent qu'une personne décédée se transforme en astre céleste.
- Des conneries.
-... Allison aurait été l'une des plus brillantes.
- Pour toi sûrement.
- J'ai peur.
- De quoi ?
- Je suis seul. Affreusement seul. Tu peux me dire pourquoi je continue à me battre ?
- Parce que tu es en vie, l'instinct est plus fort que tout.
-...
- Et parce que tu veux honorer la mémoire de ta fille, t'es comme ça. Un homme au grand cœur. Tu veux sauver tout le monde.
- Et si je n'arrive pas à me sauver, moi ?
- Chris...
- Ah, je n'ai plus le droit à la version longue ?
- Pff.. Je ne suis pas doué pour réconforter les gens, pourquoi c'est moi que tu appelles ?
- Je sais pas... Je... J'ai pensé à toi.
- Tu arrives à supporter les autres en plus de ta peine, tu fais de ton mieux, les gens se tournent naturellement vers toi. Moi, j'ai pas ce problème, on me laisse tranquille.
- Sauf quand on t'appelle à trois heures du matin.
- Ouais, c'est odieux, j'espère que tu en as conscience hein ?!... Christopher, pour Scott, pour Aleks, heureusement que tu ne renonces pas.
- Ah, tu as réussi à retenir son prénom finalement.
- À force.
- Je me suis habitué à tes attentions, c'est con. Je sais que du jour au lendemain tu peux radicalement changer, mais tu sais toujours me faire sourire. Même là, j'étais dans ma maison remplit de souvenirs plus douloureux les uns que les autres. Dès que je croise une photo d'elle, je saigne intérieurement mais j'ai besoin de les voir, je suis terrifié à l'idée d'oublier son sourire. Je suis sorti pour souffler et je me suis rendu compte que je n'étais rien. Un grain de poussière dans l'univers... T'entendre me réconforte.
Sa voix était chevrotante, je pouvais largement imaginer son visage remplit de larmes. Le poids qu'il portait sur ses épaules était trop lourd pour un seul homme. Sa détresse me touchait, je la comprenais. Lui, ne la méritait pas. Il avait perdu les personnes qui lui étaient chères et il se battait encore pour les autres.
- Bon, je vais te laisser, reprit-il. Je suis désolé de t'avoir dérangé, je vais rentrer chez moi.
- Christopher, tout le monde tient à toi. Tu n'es pas seul, tu ne le seras jamais.
- Quand tu dis tout le monde, tu t'inclus dedans ?
- Je t'ai répondu au milieu de la nuit et je t'ai écouté me parler d'étoiles. Une autre personne m'aurait fait ça, elle les aurait rejointes.
- Woah ! Tu as un cœur finalement ?
- Je dis ça pour que tu me laisses dormir en paix.
- Je suis disponible à partir de dix-sept heures.
- Enfin, ce que je voulais savoir. À toute à l'heure.
- Ouais ! Bonne nuit, ricana t-il.
- Hilarant Christopher.
L'appel se termina. Merci les crises existentielles nocturnes, la prochaine fois, je ne répondrai pas. Sérieusement, me réveiller pour bavarder sur l'astrologie, il n'y avait que lui pour faire ça. Je relevai, avec un mélange entre joie et agacement, que j'avais été le premier visage auquel il avait pensé. Sûrement parce qu'on avait une relation de confiance mais j'aimais bien passer en priorité malgré l'heure avancée. Je luttais désespérément pour essayer de me rendormir, sans succès. J'abdiquai, un livre à la main, en maudissant Christopher Argent pour tous les chamboulements qu'il avait apportés dans ma vie. Quand je relevai la tête, le soleil pointait le bout de son nez, une nouvelle journée pouvait commencer et mes cernes étaient les témoins de mes insomnies.
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