Chapitre 6

- De quoi veux-tu parler ? Siffla Christopher Argent.

- Je sais que j'ai sûrement dépassé les bornes la fois où nous avons... Enfin, je t'avais prévenu, donc c'est autant ta faute que la mienne dans un sens...

- Où veux-tu en venir ?

- Hum... Chris, je suis désolé, hésitai-je tout bas.

- Pourquoi tu t'excuses ?

- Et bien, on a couché ensemble et depuis, c'est devenu gênant entre nous. Ce n'était pas mon intention. J'ai juste laissé parler mes pulsions. Mais n'oublies pas qu'au final, si tu m'avais écouté ce soir-là, rien de tout cela ne serait arrivé.

- Je vois que tu es doué pour demander pardon. Ça saute aux yeux.

- Je ne fais pas ça tous les jours... Presque jamais à vrai dire. Je fais un effort surhumain pour toi, j'espère que ça te fait plaisir ! Quelqu'un de très avisé m'a dit que les gens le faisaient pour entretenir une relation amicale saine. Je tente le coup.

Il ricana légèrement avant de sortir un plat du frigo et de le faire réchauffer. Il disposa sur la table des couverts et deux assiettes.

- Lasagnes, dit-il simplement.

- D'accord...

Je ne savais pas si mes excuses avaient été suffisantes, ni si elles avaient atteint leur but. Elles m'auraient été destinées, je me serais sûrement moqué devant tant de sentimentalisme. J'imaginai donc que cette absence de réponse n'était pas si mal. De longues minutes passèrent durant lesquelles aucun de nous ne prononçait le moindre mot. Je n'avais pas envie de briser ce semblant de paix qui nous entourait et lui, il fixait le sol de sa cuisine. Soudainement, il se retourna pour prendre avec prudence le plat chaud du four. Il le posa à côté des assiettes et s'assit sur une chaise en poussant un soupir de soulagement. Je le rejoignis, toujours dans un silence parfait et nous commençâmes à dîner. C'était délicieux.

- Je ne suis pas en colère, articula-t-il enfin.

- Alors pourquoi ai-je l'impression que tu m'évites ?

- Parce que c'est le cas, j'imagine ? ... Je ne suis pas à l'aise avec toute cette situation.

- Tu regrettes ?

C'était une question difficile à poser, je déglutissais douloureusement. Je connaissais déjà la réponse mais l'entendre de sa bouche allait la rendre réelle. Étais-je vraiment prêt pour m'y confronter ? Je n'en avais pas la moindre idée. Je fermai les yeux pour recevoir la sentence, une pointe au cœur.

- Non, murmura-t-il.

Je rouvris les paupières, surpris par ce "non" qui faisait écho en moi. J'avais du mal à respirer, empli d'un espoir imprévu.

- Tu peux me le dire, je comprendrais parfaitement... Lui dis-je en essayant de contrôler la chaleur qui se déversait sur mes joues.

- Tu veux bien me laisser parler pour une fois ? Je sais que tu aimes particulièrement ta voix mais j'ai des choses à dire, moi aussi.

- Je vais faire de mon mieux.

- Super ! Bon... alors, j'en étais où. Non, je ne regrette pas. C'est juste que c'était... inattendu... Et je ne savais pas comment réagir. Me réveiller à côté d'un homme, ça a bousculé mes habitudes. Si toi tu es très ouvert sur ta sexualité, moi, c'était la première fois que j'expérimentais ce genre de chose. J'ai dépassé la cinquantaine, je pensais être totalement en phase avec mes choix et voilà que TU débarques dans mon univers. C'était largement plus facile de fuir la réalité, de simplement faire comme si de rien n'était. Tu vois ?

- Oui.

- Je sais bien qu'à tes yeux ce n'était qu'une nuit parmi tant d'autres mais ce n'est pas le cas pour moi...

- Tu te trompes. J'y pense souvent.

- Arrête. Je t'ai déjà dit que je ne t'en voulais pas, pas la peine d'essayer d'enjoliver la chose. Tu n'as pas à prendre de pincettes avec moi.

- C'est la vérité. Je fais tout pour oublier, malheureusement, je n'y arrive pas.

- Ne dis pas ça alors que tu as quelqu'un dans ta vie...

Il rougit et baissa la tête pour éviter de croiser mon regard. Il était vraiment sexy. Comment résister à ce genre d'expression ? Tout ce que j'avais essayé d'étouffer était de retour. Son corps, ses mouvements, ses supplications, j'en voulais encore. Je n'étais pas rassasié et ma faim me consumait à petit feu. Une petite voix dans ma tête essayait de m'en dissuader pour rester correct envers Délia, je la fis vite taire. Il respirait l'érotisme et il avait, de nouveau, baissé sa garde. Qui serais-je si je ne sautais pas sur l'occasion ? Je me levai et me rapprochai de lui doucement. Je lui caressai la joue, il releva la tête pour me montrer ce regard si bleu et si intense. C'en était trop. Je déposai mes lèvres sur les siennes. Leur rugosité m'avait manqué. Au début, une légère résistance puis, un abandon. Nous échangeâmes un baiser sensuel cassant tous les doutes que nous pouvions ressentir. J'aurais voulu que ce moment dure plus longtemps, hélas, il rompit le contact, essoufflé.

- Peter...

- Désolé, je n'arrive pas à me retenir quand je te vois comme ça.

- Tu... Si tu ne le fais pas pour elle, penses un peu à moi. Je ne veux pas être un obstacle dans ta relation. Je ne veux pas être l'autre, le laisser pour compte.

J'entendis des bruits dans la cave, signe que notre « ami » était réveillé. Refusant de laisser planer cette conversation, j'omis d'en parler à mon interlocuteur. De toute façon, il était attaché, il pouvait bien attendre quelques minutes ou heures de plus, en fonction du déroulé de cette discussion.

- Qu'est ce que tu souhaites alors ?

- Moi qui pensait que tu étais intelligent, me répondit-il le coin droit des lèvres relevé.

Pourquoi était-il si envoûtant ? Je donnerai presque tout pour pouvoir goûter encore et encore à sa bouche sèche.

- Je le suis ! Mais je n'arrive pas à te suivre ! Explique-moi, je t'en prie.

- ... Tu n'as pas entendu quelque chose... ?

- De ? Non, ce n'est rien. Tu disais ?

- Me dis pas que tu... Peter !

- Ouais, ouais... Il s'est réveillé il y a peu. Mais c'est plus intéressant ce qu'il se passe ici. On a déjà bien été gentil de lui sauver la vie...

- On ?

- Vous, soulignai-je en levant les yeux au ciel.

- Je vais le voir.

- Mais...

- Libre à toi de me suivre ou pas, trancha-t-il.

Je lui fis comprendre mon désaccord en soufflant bruyamment. Décidément quand il avait quelque chose en tête, c'était dur de le lui enlever. Je le suivais en traînant des pieds. Le loup était allongé en croix, ses blessures étaient totalement guéries et, sur son visage, flottait un air d'angoisse. Bien, il savait ce qu'il risquait.

- Vous ! Je vous reconnais ! S'exclama-t-il. Le chasseur... Accompagné... d'un lycan... Génial, je passe la meilleure soirée de ma vie !

- Estime toi heureux, tu es encore vivant... Remercie-le, il s'est porté garant pour toi, le recadrai-je.

À mon grand étonnement, Argent s'approcha du prisonnier pour lui enlever ses attaches. À ce niveau, je ne savais plus si c'était de la naïveté ou de l'idiotie. Le connaissant, je pencherai plus pour la première solution, après tout, il était celui qui s'était obstiné à devenir ami avec un psychopathe.

- Ce n'est pas parce que je te libère que je ne reste pas sur mes gardes. De plus, derrière-moi, il y a un ancien alpha très expérimenté, sûrement l'un des plus puissant que j'ai rencontré, il est légèrement sociopathe. Tu fais un seul geste agressif et tu meurs instantanément.

- J'ai compris.

- Bien. Nom, prénom ?

- Martins Aleks.

- Oméga ?

- Malheureusement.

- Pourquoi ?

- C'est compliqué...

- On t'écoute.

- Je... Je suis un loup de naissance, mon père était un alpha. J'ai deux frères. Nous habitions en Australie et on était bien là-bas. On avait nos habitudes. On était une famille de lycans respectable et respectée. Mon père était même en lice pour devenir maire...

- Abrège, on ne te demande pas ton arbre généalogique, râlai-je méchamment.

- Vous voulez savoir, non ? Alors ne m'interromps pas !

- Je crois que tu n'as pas bien saisi à qui tu t'adresses, grognai-je

- Un ancien alpha déchu ? Ça ne me fait pas peur.

- Pourtant, tu devrais, crois-moi, reprit Argent. Maintenant, s'il te plaît Peter, laisse le terminer.

- Si tu veux...

- Le petit toutou qui écoute son maître ? C'est mignon, ironisa l'autre.

- Tu veux vraiment mourir ce soir ? Lui demanda Chris.

Il commençait sérieusement à m'énerver le blondinet. Il parlait de choses qu'il ne connaissait pas. Bon, il était vrai que j'écoutais plus mon « ami » ces derniers temps. Peut-être un peu trop d'ailleurs, mais si j'avais envie d'arracher sa petite tête d'oméga prétentieux, ce n'était pas les supplications d'un chasseur qui me retiendraient longtemps.

- Hum, désolé. Donc...

Il se perdit un instant, les yeux dans le vague. Sa lèvre inférieure tremblait légèrement, toutes les couleurs de son visage s'étaient éteintes. Je ne connaissais que trop bien ce genre de mimiques faciales, il était en train de revivre des événements passés très douloureux. Cela aurait pu me faire ressentir un brin de compassion ou, au mieux, m'attendrir, heureusement j'étais dénué de toute forme d'empathie. Je le considérais plus comme un obstacle gênant dont je voulais me débarrasser.

- Je suis l'un des derniers survivants de ma famille. Quelqu'un a commandité notre mort... J'ai fui dans l'espoir de me sortir de cette avalanche morbide. Beacon Hills m'a attiré...

- L'un des derniers survivants ? Tiqua l'humain.

- Il me reste un frère. Mais nous nous sommes brouillés avant que je ne quitte mon pays.

- Tu es arrivé quand ?

- Il y a un mois à peu près.

- Je crois que votre meurtrier t'a suivi... Tu as des informations à son sujet ?

- Non. Je ne l'ai pas vu, pas senti... Juste des sueurs froides dans le dos...

- Bon... Je vais t'aider.

- Vraiment ?

Les yeux de l'australien prirent une lueur d'espoir flamboyante, ses yeux noirs brillaient sous la pâle lumière du néon.

- Oui, je protège ceux qui ne peuvent se protéger. Quoi qu'il en soit, maintenant on sait que cette chose connaît tes habitudes... Tu es en danger.

- Ça va aller, je sais me défendre !

- On a vu ça, du grand art, remarquai-je avec sarcasme.

- Je resterais sur mes gardes à partir d'aujourd'hui.

- Reste ici cette nuit, tu es en sécurité, sourit Chris. Je préviens Scott et les autres demain. Qu'on mette en place un plan d'action.

- Je peux rentrer chez moi hein...

Le blondinet essaya de se remettre debout mais il vacilla pour se rattraper de justesse à la table derrière lui.

- Tu n'es pas en état. J'ai des chambres de libre.

Avant que le chasseur ne puisse s'approcher de son invité, je me précipitai au côté de celui-ci pour qu'il puisse s'appuyer contre moi. Ils me regardèrent surpris devant ma dévotion. Argent avait un petit sourire en coin. L'autre hésita un fragment de seconde, puis il posa son bras sur mes épaules et je sentis son poids m'alourdir. Il était plus grand que moi et à travers notre contact, je pouvais ressentir toute sa musculature puissante. Il disait vrai, il devait avoir une capacité certaine au combat rapproché. Nous nous rendîmes dans une chambre à la décoration simple, un lit double, une commode et une penderie. Je déposai le loup sur la literie, il me souffla un « Merci. » à contre-cœur. J'allais rétorquer une réponse cinglante mais l'hôte m'invita à sortir de la pièce. Il lui souhaita une bonne nuit avant de fermer la porte.

- Tu sais que tu héberges un parfait inconnu chez toi ? Sifflai-je agacé devant tant de candeur.

- J'ai l'impression qu'il est sincère.

- Mais tu te rends compte qu'à tout moment il peut sortir de la chambre et venir t'égorger ?

- Tout le monde n'est pas comme toi, Peter.

- Et bien imagine cinq minutes que si, imagine que c'est un fin manipulateur...

- Si tu es tant inquiet que ça... Tu n'as qu'à rester dormir à la maison aussi.

Je restai sans voix. Après m'avoir repoussé, il se tenait, là, devant moi, les poings serrés, les sourcils relevés et, ses yeux si transperçants me toisaient. Que voulait-il à la fin ? Un jour je te voulais, l'instant d'après je te fuyais. Cela n'avait pas de sens. Je représentais quoi pour lui ? D'ailleurs qu'est ce que, moi, j'attendais de cette liaison tumultueuse ? Mon corps entier n'appelait qu'à me retrouver contre lui, qu'à ressentir encore ce moment d'évasion que nous avions partagé tantôt. Jamais une de mes relations n'avait été aussi simple et complexe à la fois. Il me reparlait et me souriait comme avant, par contre, il me regardait avec plus de force. Ce n'était rien, mais ces petites choses avaient soulagé mon inquiétude et je retrouvai une joie qui s'était trop longtemps égarée. Je voulais juste être à ses côtés encore un peu, que toute cette douleur que je portai depuis plus de quinze ans s'évanouisse. Il n'y avait que lui qui m'apportait cette paix. Délia cachait ma souffrance et lui la guérissait. Je n'étais pas naïf, je savais bien que je ne méritai pas le salut qu'il pouvait m'offrir mais quoi que je puisse faire, tout me ramenait désespérément à Christopher Argent. J'aurais bien aimé faire preuve de mon égoïsme naturel, celui que l'on me connaissait, et profiter allègrement de la situation, le garder jalousement pour moi, mais je n'apportai que destruction. C'était pour cela que je devais m'éloigner de lui, pour son bien.

- Aaah, tu n'es pas obligé de le faire hein, c'était une proposition comme une autre, murmura-t-il gêné. Je sais me défendre après tout. J'ai des années d'expérience...

Oui, je devais le laisser retrouver sa vie de chasseur, sans intervenir. Pour une fois, je devais laisser tomber.

- ... Canapé. Il y a des draps et des oreillers. Je comprends que ça soit étrange entre nous, mais tu me manques. Légèrement. J'aimais bien quand on se retrouvait... je ne te demande rien, ne t'inquiète pas...

Qu'est ce que, moi, Peter Hale, je pouvais bien lui apporter ? Il avait plein de gens autour de lui. Mister alpha parfait, Mélissa, le bavard compulsif et son père.

- ... ça que je suis prêt à faire tous les efforts possibles...

Je n'étais qu'une coquille vide dénuée de sentiments. Un vieux loup meurtri qui courait après une rédemption impossible. Il lui fallait bien mieux. Rester loin de lui, de son regard bien trop pétillant, de son sourire bien trop tendre et de sa voix bien trop suave. Il était le soleil et moi la lune.

- Peter ? Ça va ?

- Oui. Tu as raison, tu es un homme d'expérience, je vais te laisser.

- Ça, je veux bien. Mais pourquoi tes yeux sont larmoyants ? J'ai dis quelque chose qui ne fallait pas ?

- Merde. Non ce n'est rien, il se fait tard et je suis fatigué.

- D'accord. Je te laisse partir alors. Fais attention à toi.

- Au revoir, Chris.

- On se revoit bientôt.

- Mmh.

Sans attendre, je franchis sa porte d'entrée, je montai dans ma voiture et je laissai mes yeux se perdre quelques secondes sur sa silhouette qui se dessinait devant son entrée. Puis, je partis rapidement. C'était mieux ainsi, pour lui, pour moi. J'allais retrouver mon bel appartement, le laissant seul avec un inconnu. Il y avait peu de chance que l'oméga ait menti, son rythme cardiaque n'avait pas augmenté une seule fois lors de son récit. En plus on l'avait retrouvé blessé. Mais... Et si, c'était lui le meurtrier. Et si le blondinet était assoiffé de sang, et si Chris n'avait pas le temps de s'armer. Et si c'était la dernière fois que je le voyais vivant. Alors que je me perdais dans mes pensées, un bruit terrible retentit dans mon habitacle. Je perdis momentanément le contrôle du volant. J'arrivai de justesse à retrouver un semblant de stabilité et je stoppai mon véhicule sur un petit renfoncement du bas-côté. Je descendis de mon petit trésor et découvris avec stupeur que mon pneu avait explosé. C'était bien ma veine. Quelle journée de merde ! Cette situation m'énervait au plus haut point. Qu'est qu'il y avait eu sur cette putain de route pour que je finisse par crever au milieu de nulle part ? Je détestais cette ville d'abrutis ! Ils avaient tous décidé de me faire chier, Scott avec son grand cœur de benêt, Stiles avec ses capacités de réflexion digne du grand Sherlock Holmes, l'espèce de loup déglingué qui avait surgi d'on ne sait où et... Chris qui me perturbait profondément. Je laissai ma colère se déverser sur un arbre qui n'avait fauté que par sa présence. Une fois ma crise passée, je passai honteusement ma main dans les cheveux et pris le temps de réfléchir. Idiot comme j'étais, je n'avais pas de roue de secours. J'entendais encore la voix de Derek me tanner pour que j'en achète une. Il avait raison, pour une fois. Appeler une dépanneuse à cette heure-ci, elle mettrait du temps à venir mais je n'avais guère le choix. J'allais composer le numéro lorsque l'image du cadavre du chasseur apparut dans mon esprit. Rah, je me détestais, toujours à imaginer le pire. Soit je m'occupais de mon petit bébé à moteur, soit je la laissai là pour la nuit et je rejoignais Chris pour m'assurer de sa survie. J'aimais profondément ma voiture et mon ami pouvait se défendre lui-même, non ? J'écrivais de nouveau les chiffres pour contacter le dépanneur, en imaginant son corps sans vie, la gorge tranchée et le sang qui s'en écoulait.

- Centre de dépannage de Beacon Hills, comment puis-je vous aider ? Demanda la voix monotone d'une femme. Allô ?

- Faux numéro, grognai-je avant de raccrocher. Tu fais chier Peter !

Sans m'en rendre compte, c'était maintenant le prénom de Christopher qui s'affichait sur mon écran. Je n'eus aucune réponse. Forcément ! Je fermai ma voiture et je m'élançai vers la maison de mon ancien amant. Une marche soutenue, je voyais parfaitement bien ses yeux à demi-clos vides de toute vie. Une marche rapide, sa bouche ouverte qui expirait son âme. Une course lente, ses mains immobiles baignant dans un liquide rouge et chaud. Mes jambes bougeaient toutes seules. Je courais à en perdre haleine. Heureusement mes dons surnaturels me permettaient d'avoir une bonne endurance, seulement, je n'allais pas assez rapidement. Et si j'arrivais trop tard ? Et si l'autre était déjà passé à l'action ? Et si je ne voyais plus son air narquois ? Et si... ? Hors de question. Avec une énergie que je ne me connaissais pas, ma vitesse avait encore augmenté. Le chemin me paraissait extrêmement long mais je finis par apercevoir la maison des Argent, les lumières étaient éteintes, un sommeil profond semblait l'entourer. J'étais enfin devant sa porte, je tendis la main pour essayer de l'ouvrir. Hélas, une barrière invisible m'empêchait d'atteindre mon but.

- Sorbier à la con, grondai-je derrière mes dents.

Que faire ? Je n'allais tout de même pas hurler son nom sous sa fenêtre. Quand, dans ma panique, je me rappelai que la technologie avait du bon. Mon téléphone, son numéro et le bruit insupportable de l'attente avant qu'on ne décroche.

- Bonjour, vous êtes bien sur le téléphone de...

Tremblant, je recommençais la manœuvre en le suppliant tout bas de répondre. Je n'en pouvais plus de ne pas savoir.

- ... Allo ? Peter ? Qu'est ce qu'il se passe ? Ça va toi ?

Sa voix résonnait dans mes oreilles, quel soulagement. Je voulais le voir, juste savoir qu'il allait bien.

- Peter ?

- Je suis devant ta porte.

- Hein ?

- Ouvre-moi.

- Mais... ?

- S'il te plaît.

Un cliquetis s'éleva dans le silence angoissant de la nuit et la porte s'ouvrît. Il se tenait debout, une main portant son téléphone à l'oreille, l'autre sur la poignée. Son visage était mué d'une incompréhension totale. Mais il était toujours bel et bien vivant. C'était bien tout ce qui m'importait. Nous nous faisions face, le temps s'était arrêté. Nous nous regardions fixement, j'étais légèrement essoufflé par ma course, lui essayait de comprendre pourquoi j'étais revenu. Un moment suspendu, un doux flottement que je ne voulais pas rompre. Une fois terminée, j'allais sûrement... Quoi ? J'allais quoi ? Rentrer chez moi ? Veiller sur lui ? Avant que je ne puisse prendre une décision, il brisa la barrière d'un coup de pied.

- Qu'est ce que tu fais là ? Me questionna-t-il doucement.

Je n'avais pas envie de lui répondre, pas tout de suite. Il avait supprimé l'obstacle qui nous séparait, alors, je fondis immédiatement sur lui, l'entourant de mes bras, le serrant autant que je le pouvais sans pour autant lui faire mal. Il n'était pas parti, il ne m'avait pas laissé seul à son tour. Je ne supporterai pas l'idée de le perdre, lui aussi. Non, plus jamais je ne laisserai quelqu'un qui m'est proche mourir. Peu importe les conséquences ou les doutes qui me tomberaient dessus. Merde, je tremblai, prisonnier entre mes souvenirs douloureux et la réalité.

- Peter... Qu'est ce qu'il t'arrive ? Viens, entre.

Il me rendit mon étreinte et d'une gentillesse extrême, il m'attira dans son antre avant de refermer la porte sur nous.

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