Chapitre 31

Je me garai dans un grand parking sur le campus de la faculté. Je marchai jusqu’au grand bâtiment aux pierres claires, devant s’y trouvaient une estrade et des rangées de chaises. Il y avait déjà un nombre important de personnes qui approchait. Les jeunes en toge universitaire se regroupaient devant. J’analysais chaque visage à la recherche de celui de Malia, sans succès.

– Peter ! Entendis-je derrière moi.

Je me retournai pour voir Derek qui me faisait signe, un sourire franc sur le visage. À ses côtés Malia était resplendissante. La tenue de remise de diplôme n’était pas des plus saillante mais sur elle, c’était superbe. Son père adoptif était là aussi, je serrai la mâchoire avant de les rejoindre.

– Bonjour, les saluai-je. Monsieur Tate, c'est un plaisir de vous voir. Derek. Malia, tu es rayonnante.

– Je t’en prie, tu peux me tutoyer et m’appeler Henry, s’exclama joyeusement le père de ma fille. Après tout, on est tous les deux les parents de cette magnifique jeune femme.

J’allais répondre cyniquement toutefois, je croisai le regard emplit d’espoir de Malia. Je ne voulais pas gâcher cette journée, sa journée.

– J’en serais ravi, souriai-je faussement.

Malia soupira, soulagée et Henry paraissait convaincu.

– Joli effort, la barbe, railla mon neveu.

– En revanche, toi, niveau vestimentaire... C’est la remise de diplôme de ta cousine, tu aurais pu faire un effort.

Derek portait un t-shirt noir, son éternelle veste en cuir et un jean moulant. Rien d’exceptionnel. Mais, à en croire les coups d’œil insistant de la gente féminine, le style « badboy » avait encore de longues heures de gloire devant lui.

– Nous prions les jeunes diplômés de bien vouloir se rassembler sur les premières rangées, annonça une voix féminine au micro.

– Bon… Et bien, je vais vous laisser, s’excusa timidement Malia.

– Attends, la retins-je. Ton pompon est du mauvais côté.

J’approchai ma main pour réajuster sa coiffe, elle me fixait avec douceur. Je lui remis en place et elle s'éloigna en courant vers ses futurs collègues. C'était un instant fugace, quelques secondes tout au plus, mais d'une puissance rare. Nous nous dirigions ensuite vers les autres chaises. J'étais entre Henry et Derek.

– Bonjour à tous, nous allons officiellement débuter la cérémonie, déclara solennellement la femme sur l’estrade.

Elle déblatéra un discours long et ennuyeux. Je prenais mon mal en patience, les yeux rivés sur le dos de ma fille. Une pointe de regret se déversa en moi, Chris aurait dû être avec moi pour ce jour. Il se serait sûrement moqué devant mon visage impassible qui cachait mes émois. Derek était sûrement dans le même état que moi, son regard vert était perdu dans le vague. Henry, quant à lui, ne cachait pas sa joie. Tate et Hale, deux noms qui se ressemblaient et pourtant aux antipodes l'un de l'autre. Les personnes qui nous entouraient applaudissaient, je les imitais.

Puis, ce fut au major de promotion de se lancer dans un récit qui ne m'intéressait pas. Comment un gosse pouvait avoir autant de choses à dire ? Le sosie spirituel de Stiles. Enfin, les jeunes furent appelés par ordre alphabétique afin qu'un vieil homme leur donne un bout de papier. C'était sûrement le directeur de l'université. Les têtes défilaient, me perdant un peu plus dans mes réflexions. Il y a quelques mois, je n'aurais jamais imaginé avoir la chance d'être ici, à la demande de Malia. Avant Christopher, avant qu'il ne chamboule dans ma vie, avant qu'il ne me montre un nouveau chemin, avant qu'il n'y laisse un vide béant. J'avais les yeux brumeux.

– Malia Tate.

Malia s'avança et monta sur l'estrade, je pouvais ressentir son stress d'ici. Avec un petit sourire en coin, je chuchotai « Montre leur à quel point les Hale sont inestimables. », elle s'arrêta quelques secondes avant de bomber le torse et de récupérer son morceau de papier la tête haute. J'étais fier d'elle, de son parcours, de sa force. Elle qui était partie de loin, sans famille et sans base scolaire, franchissait dignement toutes les étapes. L'adversité ne lui faisait pas peur. Ma fille imposait le respect. Elle s'inclina légèrement face au vieil homme et répartit s'asseoir.

S'en suivit des bavardages fades et, enfin, la libération, le lancé de chapeau traditionnel. Ils nous invitèrent à partager un buffet à l'intérieur de l'université. Derek alla féliciter Malia et prit congé. Il avait sûrement dépassé son quota de sociabilité. Tout en entrant dans la salle indiquée, Henry et moi partagions un silence gênant. Je lui proposai un verre de champagne qu'il accepta. Nous conversions sur la cérémonie, en accord sur la lenteur des événements. Malia nous rejoignit, le bonheur se lisait sur son visage. Son père adoptif la serra contre lui, légèrement en retrait, elle lui tapota le dos. Une fois relâchée, elle se tourna vers moi et hésita légèrement. Je me penchai sur elle afin de l’enlacer à mon tour.

– Merci, susurrai-je les larmes aux yeux. Merci pour aujourd'hui. Je suis si fier de toi.

– Et moi de toi, papa, me répondit-elle.

« Papa », pourrais-je m'y habituer un jour ou ferait-il encore battre mon cœur à chaque fois qu'il franchissait ses lèvres ? Elle s'écarta, rompant notre contact. La suite de la journée se déroula sans grande surprise. Je fis acte de présence, souriant à chaque fois que l'on me parlait. C'était éreintant, la plupart des personnes était banale et sans intérêt.

Quand ils annoncèrent la fin, je complimentai de nouveau ma fille et quittai cet endroit afin de retrouver mon appartement. Je défis distraitement mon costume et pianotai sur mon écran de téléphone.

« Et voilà Christopher, c'est terminé. Tu aurais vu Malia… Si belle ! Elle m'a encore appelé papa, c'est bien non ?... Merci, sans toi, je n'aurais pas été capable d'affronter tout ça… Tu me manques. Énormément. Mais je vais m'améliorer, je te le promets. Reviens vite, je t'en prie. ». Je lorgnai le bouton envoyer, je voulais avoir de ses nouvelles. J'avais besoin de lui parler. Je me fis violence et, tristement, je regardais le message disparaître petit à petit. Lui laisser du recul, je devais me montrer patient et ne pas céder à mes pulsions. Ça allait devenir mon mantra. Je n'avais plus que ça.

Les jours passèrent, devenant des semaines, puis des mois. J'organisais mon temps entre le travail, les réunions de meute, ma famille et les visites au cimetière. Régulièrement j'allais voir Allison pour lui parler de son père et de mes regrets, j'y déposai des fleurs. Parfois, Scott m'accompagnait, notre relation avait changé. Nous nous considérions comme égal l'un à l'autre. J'avais, pour lui, un immense respect. Sa peine était une douleur sourde qui le persécutait, et pourtant, il restait d'une infinie empathie. C'était peut-être vers ce trait de caractère que je devais glisser.

Hélas, malgré ces changements sociaux, j'avais l'impression de trouver ma place nullepart. Et le soir, ma solitude me rattrapait. Je m'endormais le cœur lourd, écrivant des textos qui resteraient à jamais dans l'oublie. Le souvenir de Chris continuait de me suivre, seulement, il ressemblait de plus en plus à une douce nostalgie qu'à un véritable chagrin. Saint Alpha devait avoir raison, je m'habituais à son absence. Je pensais à Chris régulièrement, quelques fois. Lorsque je me réveillais de mes cauchemars, je n'avais plus le réflexe de jeter ma main sur la place vide de mon lit. Je reprenais alors la suite de mes songes torturés. Le loup était toujours là, j'avais fini par demander pardon à Laura qui m'avait autorisé à avancer un peu plus. Plus je m'approchais du canidé, plus j'étais victime de cette fièvre et de ces douleurs physiques. Mais, je n'y pouvais rien, j'étais inéluctablement attiré par lui. Chaque pas demandait un effort surhumain, me confrontant aux abysses de ma culpabilité. J'avais fait face à Malia, Derek et Chris. J'étais au bord de la forêt prêt à, enfin, y pénétrer. Cependant, le dernier obstacle me paraissait infranchissable. C'était moi, mon double au visage défiguré qui me barrait le passage, me rappelant avec insistance tous mes échecs. Aussi, mes nuits étaient écourtées et l'épuisement était un compagnon bien sombre. Si bien que Suzanne était aux petits soins, inquiète quant à mon état de santé. Elle refusait de me laisser tant que mes cernes entachaient mon visage.

Le temps s'était écoulé plus rapidement que ce que je n'aurais cru. Ce jour-là, mon réveil sonna à six heures. Cela faisait un an. Un an depuis l'hommage de Chris. Aujourd'hui, c'était l'anniversaire de la mort d'Allison, le onzième. Aujourd'hui, mon humeur était des plus maussades parce que c'était un jour terriblement douloureux pour lui. J'avais décidé de passer la voir cet après-midi. De ce fait, j'avais commandé une couronne de fleurs superbe que j'avais récupéré dans la matinée. J'étais habillé de la même façon qu'il y a un an. Ça me le ramenait un peu, c'était grâce à ce costume qu'il avait commencé à me regarder autrement. J'étais pathétique de me raccrocher comme cela au passé, mais ça me faisait du bien.

À quinze heure trente, je déposais mon présent sur la pierre tombale où le triste nom d'Allison Argent reposait. Une petite pluie s'abattit sur mes épaules. Je n'en avais que faire. Au mieux, elle était la représentation de mon état interne. Je baissais la tête, me recueillant auprès de la chasseuse.

« Salut…, pensai-je. C'est encore moi, Peter. Tu dois en avoir marre de moi. De ton vivant, tu avais du mal à me supporter et je pousse le vice jusqu'à venir te voir dans ta mort. Égoïste n'est ce pas ? Tu nous manques. Enfin, je ne suis pas légitime à dire ça… Disons que tu manques à plein de gens. Surtout à Scott et Christopher. Onze ans… Onze ans et ton souvenir reste toujours aussi douloureux. Tu étais différente, tu as fait tellement pour tout le monde. Grâce à toi, les chasseurs ne nous tuent plus sans motif valable. Plus que ça, ils peuvent même nous protéger, regarde Alexis, ou Alexandre… J'en sais rien. Mais plus que ça, grâce à toi, ton père a changé sa vision sur nous. Grâce à toi, j'ai eu un petit aperçu du bonheur. Allison, merci pour tout. Merci d'avoir été toi. Tu sais, j'aurais échangé ma vie avec la tienne si cela avait été possible… Je… Désolé. ».

L'eau qui me trempait cessa de me tomber dessus. Je compris pourquoi lorsque, derrière moi, résonna un seul mot :

– Peter.

Je fermais les yeux. Cette voix, grave et rauque. La sienne. Cela faisait une éternité que je ne l'avais pas entendu. J'avais même oublié à quel point elle pouvait être belle, surtout quand c'était mon prénom qui l'animait. Il était là. Ne pas céder à mes pulsions. Ne pas faire volte-face et ne pas l’emprisonner dans mes bras sans les rouvrir. J'avais changé.

– Christopher.

– Tu es noyé.

– Tu vas subir le même sort si tu t'obstines à me protéger avec ton parapluie.

– Merci d'être là aujourd’hui.

– Je n'avais rien à faire.

– J'ai croisé le gardien en arrivant. Apparemment, il y a un homme d'âge mûre, cheveux grisonnants et propre sur lui qui vient toutes les semaines. Et qui s'inquiète de l'entretien de cette tombe.

J'inspirai pour me donner du courage et fis demi-tour. J'eus le souffle coupé. Il était habillé avec un long pardessus noir faisant ressortir la clarté de ses yeux. Une apparition divine, un miracle. En un instant, il balaya mes certitudes, je l'aimais toujours aussi profondément. Ne pas céder à mes pulsions.

– Un bon samaritain, articulai-je difficilement.

– Qui a choisi ma fille…

J'haussai les épaules, ne trouvant rien à répondre. Sa bouche s'étira me montrant, à nouveau, ce sourire que j'avais imaginé tellement de fois. Ses lèvres qui appelaient les miennes. Ne pas céder à mes pulsions.

– Il va falloir qu'on parle Peter… Mais avant, j'ai… J'ai besoin d'avoir une discussion avec Alli, seul à seul. Je peux te rejoindre chez toi ?

– Aujourd'hui ou dans un an ? Demandai-je froidement.

– Haha, je le mérite, j'imagine. Je ne partirais pas cette fois. J'arrive dans une heure… Oh encore une chose, j'aimerai que tu n'écoutes pas ce que je dis à Allison. S'il te plaît.

– Je ne suis plus comme ça. Bien. Je te laisse, à toute à l'heure Chris, si tu retrouves le chemin jusqu'à chez moi… Au revoir Allison.

Je passai à côté de lui, reniflant discrètement son odeur qui était restée la même. Je serrais le poing. Ne pas céder à mes pulsions. Il me regarda sortir du cimetière. Au moment de monter dans ma voiture, ma curiosité me poussa à prêter l'oreille. J'entendis un petit rire « Peter, je t'ai demandé de ne pas écouter. », je grognai et conduisis jusqu'à mon immeuble. Une fois la porte passée, je cachai mon visage dans mes mains, étouffant ma joie. J'avais quarante minutes pour redonner un semblant d'ordre à ce lieu. Je m'activai, rangeai les vêtements laissés à l'abandon, ouvris les volets restés fermés et passai l'aspirateur. Mon intérieur avait repris du cachet. Satisfait, je m’assis sur le canapé. Qu'avait-il à me dire ? Qu'il avait réfléchi et que nous, nous étions qu'une erreur ? Qu'il avait trouvé quelqu'un en France ? Sept longs mois. Tout pouvait se passer en sept mois. La vision de Chris à côté d'une femme me donnait la nausée et mes envies meurtrières refirent surface. Non, il ne fallait pas. Si jamais c'était ce qu'il s'apprêtait à m'apprendre, il fallait absolument que je reste de marbre. Ne pas… Je fus coupé par la sonnette. C'était lui. Je me levai pour ouvrir la porte.

– Salut Chris, lançai-je froidement. Je ne te fais pas visiter, tu connais.

– Merci !

Il entra, je le guidai jusqu'au salon.

– Tu veux quelque chose à boire ? M'enquis-je.

– Ce que tu as.

– OK.

Je fuyais, terrorisé parce qu'il avait à m'annoncer. Je versai deux verres de whisky. Le jour s'y prêtait. Je lui tendis, il me remercia encore avec son doux sourire. Il s'assit sur le canapé, la mine grave. Il paraissait chercher ses mots. Cette fois, je n'avais pas envie de l'aider.

– Je suis désolé Peter, murmura-t-il enfin. Je…

– Qu'est ce que tu as à me dire ? Le coupai-je. Sept mois, je n'ai pas envie d'entendre des formules de politesse.

– Tu dois te demander pourquoi je suis parti…

– Tu es adulte. Je n'ai rien à dire.

– C'est à cause de toi…

Il but d'une traite son verre et enchaîna :

– Parce que j'avais peur, peur de toi. De n'être qu'une passe dans ta vie, de n'être qu'un amusement qui prenait fin. D'être comme Délia ou je ne sais qui d'autre. Ce que tu as dit à William ce soir-là n'a fait que le confirmer. Je me suis senti si seul, je n'avais pas la force d'affronter ton indifférence, parce que ça m'aurait détruit une fois de plus. Je ne pouvais tout simplement pas…

– D'accord.

Je terminai moi aussi ma boisson et débarrassai les deux verres. Je pris l'éponge pour les laver, ou faire comme si. Je devais me calmer, prendre du recul. Ses paroles m'avaient profondément remué. J'étais tiraillée entre plusieurs sentiments contradictoires. J'avais envie de le réconforter et de le renvoyer chez lui. Il se rapprocha de moi, posa sa tête contre mon dos et ses mains sur mes hanches. Chaque endroit qu'il touchait me brûlait. Ne pas céder à mes pulsions.

– Dis quelque chose, supplia-t-il. N'importe quoi, même si tu dois m'envoyer chier. Je suis prêt à tout…

– Alors, pourquoi tu es revenu ?

Il me lâcha, je déglutis en attendant sa réponse.

– Pour elle… Et pour toi. Peter, j'ai essayé tellement fort de tout oublier. J'ai essayé de te détester, j'ai trouvé mille raisons mais elles ont eu l'effet inverse. Je ne veux plus fuir. Si je dois souffrir, je préfère que ça soit avec toi.

– Stop, ça suffit.

J’éteignis l'eau du robinet et je lui fis face. Il recula jusqu'à tomber sur mon canapé. Je le surplombais. J'avais cédé.

– Peter, murmura-t-il.

– J'en ai marre de ce petit jeu, Christopher. Je suis fatigué de tout ça… Je veux juste que tu me dises que tu as cru mourir de chagrin lorsque tu es parti. Dis-moi que tout te rappelait à moi. Dis-moi que chaque jour était un calvaire. Dis-moi que mon souvenir te hantait. Dis-moi que la solitude était insupportable. Dis-moi que le monde était fade sans moi et que tu n'aspires qu'à me garder près de toi. Dis-moi que tu me cherchais la nuit.  Dis-moi que tu ne veux voir que le bleu de mes yeux. Dis-moi que mon sourire est la plus belle chose qu'il t'ait donné d'observer. Dis-moi que tu ne penses qu'à moi. Je t'en supplie, Christopher, dis-moi que ce que je ressens, tu le ressens aussi… Dis-moi que tu m'aimes. Dis-moi moi que je suis ton unique obsession autant que tu es la mienne. S'il te plaît…

Ma voix se brisa malgré moi. Il me regarda surpris, puis, détourna les yeux. Il couvrit son visage avec son avant-bras. Son cœur tambourinait presque aussi fort que le mien.

– Oui, marmonna-t-il.

– C'est-à-dire ?

– Oui, c'est réciproque.

– Je vais me contenter de ça, pour l'instant.

Je rapprochai mon visage du sien, nos nez s'effleuraient.

– Tu m'as manqué, susurrai-je. Tu sais, j'ai fait des efforts pour changer, pour me contrôler et devenir celui qui te correspondrait le mieux. J'ai vraiment essayé. Mais, j'ai craqué, tout s'est écroulé depuis ton retour.

– Tant mieux, je préfère quand tu es toi.

Sa paume se cala contre ma joue. Sa chaleur, je pensais ne plus jamais la ressentir. Mes lèvres retrouvèrent les siennes. Elles étaient fraîches et fines. J'avais l'impression de rêver, je me réappropriai ce dont on m'avait privé. Nos langues s'enlacèrent avidement. Mes doigts remontaient sa chemise pour toucher la peau de son ventre. Il stoppa notre échange sulfureux pour soupirer.

– Christopher, grommelai-je. Je suis encore en colère, ne crois pas que cette discussion soit terminée. Toutefois, là, j'ai affreusement envie de fêter nos retrouvailles.

– Je suis désolé…

Je fis sauter tous les boutons de sa chemise, découvrant son torse. J'inspectai rapidement son corps, rien ne s'était ajouté. Pas de nouvelles cicatrices.

– Encore une chemise de foutue, rit-il. Tu m'en dois trois.

– Tu es mieux sans.

Je fondis sur sa chaire à coup de baisers et de mordillements. Je n'avais pas oublié. J'avais parcouru longuement son corps lors de notre séparation, le dessinant mentalement pour combler l'absence.

– Je ne te laisserai plus partir aussi facilement, maintenant que tu m'as accepté, assurai-je. Je ne me lasserai jamais de toi. Christopher, mon cœur ne bat que pour toi.

Il frémit sous le poids de mes mots, m'arrachant un rictus victorieux. Un point sensible que je ne connaissais pas encore.

– Tu aimes les mots doux ? Me moquai-je gentiment. Mon chasseur est romantique.

– Ferme-là Peter.

Je pouffais de rire, il me frappa l'épaule. Ses yeux pétillaient comme rarement auparavant. Ils étaient dirigés vers moi, personne d'autre que moi. Je perdis ma bouche sur son cou et sa mâchoire. Ses doigts jouaient avec mes cheveux, il poussa des gémissements timides.

– Ne retiens pas tes cris, ordonnai-je. Ça fait si longtemps que j'en rêve.

Il susurra mon prénom langoureusement. Il jouait avec les nerfs. Je détachai sa ceinture et me débarrassai de son pantalon. Je pris quelques secondes pour le détailler, son charme n’avait pas son pareil. Ses muscles se dessinaient sous sa peau blanche.

– Tu n’as pas pris beaucoup de soleil en France, tiquai-je.

– J’avais d’autres choses en tête.

– Comme ?

– Toi.

Je souris à cette révélation, alors, j’avais été au centre de son attention. Rien ne pouvait me faire plus plaisir. Mes doigts se baladèrent sur son torse, soulignant chacun de ses reliefs. Sous mes frôlements, des frissons s’emparaient de son épiderme. J'étais subjugué.

– Tu es si sensible, remarquai-je.

– Ça fait longtemps.

– À qui la faute ?

– Je sais.

Je descendais petit à petit, profitant de chacune de ses réactions. Il se mordit la lèvre. Je me remplis de ses mimiques, je pensais avoir apprivoisé l’espace qu’il avait laissé. Je m’étais lourdement trompé, ce n'était qu'une illusion. Toutes ses expressions m'étaient essentielles, je respirais à nouveau.

– Merci d'être revenu, murmurai-je. Je… J'avais tellement peur de ne plus te revoir.

– Je dois te surveiller, tu es mon sociopathe.

– Chris Argent qui se sacrifie pour le bien commun. Quel homme.

– Ton sarcasme m'a manqué.

– Seulement lui ?

– Non, toi entièrement.

Cette tendresse nouvellement acquise me rendait encore plus envieux, je le voulais maintenant. Je glissai à terre les tissus qui nous séparaient. Il posa sa main sur mon torse, je tressaillis. Il enroula ses bras autour de mon dos et me tira jusqu'à sa bouche. Il l’explora, la respiration haletante. Nous partagions le même feu. Sentir son excitation exacerbait la mienne. Je tremblais d'impatience.

– Je n'en peux plus, expirai-je. J'ai besoin de toi…

– Moi aussi.

Je me pressai contre son intimité. Il grimaça. Je déposai ma paume sur sa joue et mes veines se noircirent. L'idée même qu'il puisse ressentir la moindre douleur me révulsait. Je me contrôlai encore un peu alors, autant le soulager. Tout en plantant son regard électrique dans le mien, il tourna son visage vers ma main et la mordit. Je perdis les dernières traces de ma raison face à cette vision érotique. Je n'écoutais plus que mon désir dévorant. J'entrepris de petits mouvements de va-et-vient. Il gémissait à chaque fois, sa voix déformée par le plaisir m'encourageait. Il finit par se détendre entièrement. Je pris de la hauteur, saisit sa jambe et accentua le rythme de notre ébat. Je voulais le voir. Il se cambrait à chaque fois, répétant à quel point il aimait ça.

– Tu me pousses vraiment à bout Christopher, grognai-je.

– Si tu savais… Le bleu de tes yeux, je l'aime… Je suis heureux… Que tu l’aies encore.

Je plongeai sur lui, le couvrant de caresses avec mes lèvres. Je n'avais plus que lui en tête, plus que son odeur, plus que ses ongles qui s’enfonçaient dans ma peau, plus que le son de sa voix grave, plus que le goût épicé du whisky sur sa bouche. Je m'enivrai de lui, recouvrant mon entièreté.

– Peter, soufflai-t-il. Je ne vais pas tenir à ce rythme là.

– Christopher, je suis à toi.

Nos lèvres connectées, nous nous égarions loin de la réalité, dans notre monde, nous nourrissant juste de nous. Les derniers élans passionnés nous ouvrirent les portes voluptueuses d'un des plaisirs les plus intenses.

La respiration saccadée, je laissai tomber mon nez dans son cou. Je sentais son sourire contre moi.

– Tu n'as pas perdu la main, blagua-t-il.

– Ce qui veut dire que tu as aimé.

– Ça ne se voit pas ?

Je me dégageai afin de l'examiner. Il était beau et rayonnant, ses traits exprimaient une détente profonde. L'extase passée, j'avais encore du mal à accepter tout ça. Je me rassis sur le canapé en remettant mon boxer. Chris trouva à tâtons le sien et l'enfila. Il se blottit contre moi, j'enroulai mes bras autour de lui. Tout semblait trop beau, comme si j'étais dans un rêve.

– Je pensais que tu allais t'énerver, avoua-t-il doucement.

– Mmh. Je suis attristé par ce qu'il s'est passé… Perdre mon sang froid avec William et lire ta peur dans tes yeux... Je me suis détesté pour ça.

– Non ! Ça n'a rien à voir ! Je n'avais pas peur de toi, Peter. Je sais qui tu es et c'est parfait comme ça… Je veux dire, j'accepte ta part de lumière et ta part d'ombre.

– Tu as bien du courage… Je me suis résigné, j'ai appris à vivre malgré ton absence.

– Oh, ajouta-t-il tristement. Et c'est une bonne chose ?

– ... Tu sais ce qu'un loup peut ressentir sans son ancrage ? C'est un vide qui ne peut pas se combler. Une bonne chose… Bien sûr que non. J'étais sérieux Chris. Je ne te laisserai plus partir sans avoir d'explications.

– Ancrage ? Se redressa-t-il surpris.

– J'ai encore trop parlé. J'imagine qu'il fallait bien que tu l'apprennes un jour. Peu avant que tu ne disparaisses… Je me suis rendu compte que c'était toi, oui. Je ne savais pas trop comment gérer tout ça.

– Parce que tu sais maintenant peut-être ? Ricana-t-il.

– Très drôle, soupirai-je exaspéré. Ce que je sais, cher chasseur, c'est que je suis ta dernière cible. Les autres mourront avant même de te croiser.

– Je retire ce que j'ai dit. Tu es flippant.

– Trop tard. Tu es un homme d'honneur, non ?

– Je suis obligé de rester avec toi. Quel dommage.

– Tes talents d'acteur sont à revoir, Christopher.

– Alors que les tiens… On les a vu, hein.

– Désolé. Je devais être convaincant.

– Je sais. N'empêche que je suis l'ancrage du grand et unique Peter Hale.

– Ouais. J'en suis le premier surpris…

– J'aime ça.

Nous restions un moment dans cette position, jusqu'à ce que son estomac nous rappelle à l'ordre. Je me dévouai pour préparer le repas pendant qu'il me regardait avec insistance. Mon appartement n'avait pas été aussi vivant depuis une éternité.

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