Chapitre 27
Ma nuit fut ponctuée de nombreux réveils en sueur. Mon corps entier me brûlait, c'était loin d'être agréable. Plusieurs fois, j'avais lacéré mes draps à coups de griffes. Néanmoins, lors de mon dernier endormissement, j'avais été témoin d'un rêve curieux.
J'étais assis sur le péron de notre ancienne demeure quand je vis une silhouette se rapprocher au loin. A l'orée des arbres, là où la réalité prenait le relais sur l'atmosphère mystique de la forêt, un loup gris clair me regardait. Il était presque blanc. Je ne me souvenais pas de l'avoir déjà vu et pourtant, il m'était étrangement familier. Il me fixa un certain temps avant de faire demi-tour et de disparaître dans l'obscurité, me laissant ainsi seul. Je me levais pour le rejoindre mais, cela incluait de quitter le manoir. Je n'en avais ni l'envie, ni la force alors, je restais là, perdu dans mon indécision jusqu'à ce que je m'extirpe de ce monde onirique.
Après de nombreux échecs pour y retourner, j’avais abandonné, attendant, les yeux ouverts, que les minutes passent. À bout de patience, je m'étais levé, douché et j'avais préparé mon petit-déjeuner. Enfin “petit-déjeuner” était un grand mot. Je n'avais pas faim. Je buvais juste un verre d'eau pour faire passer les nausées qui enserraient mon estomac. Il était sept heures trente, parfait pour aller au bureau sans croiser grand monde. J'enfilai des vêtements sobres et je quittai cet endroit. Les rues s'animaient petit à petit, offrant un divertissement inespéré lorsque je m'arrêtai à un feu rouge. Je laissai mon esprit divaguer sur la vie des passants, l'imaginer était un jeu mental qui me permettait de m'évader quelques instants avant de retrouver mon trajet routinier.
Quand je foulais le sol de mon entreprise, j'avais l'impression de retourner dans mon élément. Il y avait quelques employés arrivés en avance prenant leurs cafés pour échanger des banalités affligeantes. Je me dépêchais de fuir cette ambiance morose et de m'enfermer entre les murs de mon repaire. Une fois assis devant mon ordinateur, je posai ma tête sur mes bras et m'assoupis. Une heure plus tard, je fus réveillé par une douce odeur de viennoiseries. En relevant le visage, je vis un sac contenant un croissant et un pain au chocolat. Je souris devant cette attention signée Suzanne. Je savourais le gâteau français chocolaté en réfléchissant au programme de la journée. Intérieurement, je nourrissais encore l'espoir de voir Christopher débarquer pour le costume. Alors, dans ma naïveté, j'appelai le magasin pour décaler le rendez-vous à seize heures trente. Peut-être arriverait-il à temps. Je ricanais, peu habitué à être aussi optimiste.
Néanmoins, la matiné passée, je mangeais un morceau avec ma secrétaire qui s'inquiétait de mon visage blême. Peu enclin à parler de mes problèmes personnels, je détournai la conversation sur ses futurs projets. Elle y répondit d'un œil suspicieux. La pause repas se termina rapidement et je guettai l'heure, le cœur battant. treize heures trente, quatorze heures moins dix et aucune nouvelle de lui. Plus le temps défilait, plus mon espérance dépérissait. Puis, quinze minutes après l'heure initiale de notre rencontre, je me renfrognai. Il ne viendrait pas. C'était perdu d'avance. Il m'avait oublié et je ne pouvais que le comprendre. Je ravalai ma déception en pianotant sur mon clavier. Un toquement me sortit de ma torpeur.
- Entrez, répondis-je froidement.
- Monsieur Hale ? Demanda doucement Suzanne en passant la tête.
- Dites-moi ?
- Il y a quelqu'un pour vous. Un certain monsieur Argent. Vous le connaissez ?
Je me relevai d'un bon, mes battements cardiaques s'intensifièrent. Il était là. Je ne pus cacher l'immense sourire qui s'emparait de mes lèvres.
- Oui ! Je le connais ! Faites-le entrer !
- Bien monsieur. Vous pouvez y aller.
Il passa la porte, il portait des vêtements noirs, ses yeux fatigués brillaient et les coins de sa bouche se relevèrent, me poussant à retomber instantanément sous son charme.
- Christopher ! M'exclamai-je. Tu es venu !
- Bien évidemment, j'allais pas rater ça…
Sa voix, grave et sensuelle, m'avait manqué. Je fermai les yeux une seconde ou deux pour m'en abreuver.
- Suzanne, je vous présente Christopher Argent, expliquai-je en me tournant vers elle. Un ami.
- Oh enchanté monsieur Argent ! C’est un honneur de rencontrer un ami de monsieur Hale. Il est plutôt secret quant à ses relations sociales.
- Moi de même. Ravi de pouvoir mettre un visage sur un nom.
Ils se serrèrent la main. Je constatai que le sourire éblouissant de Chris se mua en rictus triste. Elle me lança un regard pétillant et nous laissa seuls. Je m'avançais jusqu'à lui, ne sachant pas comment réagir, être distant ou affectueux. Je lui fis face, mes yeux descendirent le long de sa joue légèrement rosée, de sa barbe trop longue, de sa mâchoire serrée et de son cou. Cet endroit qui m'appelait, je voulais y enfouir mon nez et respirer son odeur de poudre à canon.
- Peter ?
Mon prénom prononcé avec tant de douceur. C'en était trop. Je l'entourai de mes bras et posa mon visage contre sa peau. J'inspirai profondément et je sentis ses mains effleurer mon dos.
- Bon retour, murmurai-je.
- Merci… Désolé. Je me suis dépêché mais mon avion avait du retard.
- C'est bon Christopher.
- Mmh. Si on part maintenant…
Je ne le laissai pas finir sa phrase, avide de contact physique, je m'appropriai ses lèvres. Leur rugosité me semblait d'une infinie délicatesse. Le baiser me fut rendu. Je retrouvais cette sensation d'entièreté. Je n’avais même plus le besoin de me battre pour le pouvoir, il était rentré et tout s’apaisa en moi.
- J’ai reporté à quatre heures et demi, lui susurrai-je à l'oreille. Tout va bien.
- Vraiment ? Tu aurais pu me le dire plus tôt !
Il se détacha et s’écroula sur l’une des chaises devant mon bureau. Il frotta ses mains sur son visage.
- Comment voulais-tu que je devine ton retour ? Demandai-je en m’installant sur mon fauteuil.
Nous étions face à face, je pouvais parfaitement le détailler. Ses mains tremblaient légèrement et son teint gris trahissait son état d’épuisement.
- Mmh, je me suis pressé. Je n'ai pas regardé mon téléphone, c’était compliqué. J’avais énormément de choses à régler. Heureusement que Joe m’a aidé, j’aurais été à l’heure si le vol n’avait pas été décalé…
- Tu as dormi Christopher ?
- Un peu dans l’avion.
- Tu as mangé ?
- Je ne pouvais pas tout faire.
- Tiens. Il reste un croissant.
- Je n'ai pas faim.
- Ce n’était pas une question. Il faut que tu te nourrisses et que tu te reposes, il nous reste un peu de temps.
Il m’inspecta du regard, soupira et abdiqua avant de croquer dans la viennoiserie. Il fit attention à ne pas éparpiller les miettes. Attention qui m’arracha un petit rire malgré mon inquiétude.
- Elle est excellente, commenta-t-il.
- Suzanne a un palais très fin concernant la nourriture.
- D’accord.
- Donc, tu as préféré faire l’impasse sur ton sommeil et ton alimentation pour un costume ?
- Mmh. Ce n’est pas n’importe quel costume, c’est celui pour ta fille. Et puis, je pensais qu’on entretenait une relation particulière.
- C’est le cas.
- Des amis avec avantages hein, marmonna-t-il en baillant.
Je combattis ma soif d’en savoir plus pour le laisser se reposer. Il ferma les paupières et reposa sa tête en arrière. Dans cette position, le t-shirt qu’il portait laissait entrevoir le début de son torse musclé. Le voir aussi confiant flattait mon égo, qui pouvait se vanter de voir Chris Argent se laisser aller de la sorte ? Peu de monde. Malheureusement, il sursauta lorsque ma secrétaire frappa légèrement la porte.
- Oui, Suzanne ? Râlai-je.
- Je vous dérange monsieur Hale ?
- Un peu, soufflai-je en croisant les yeux interrogateurs de Chris. Que se passe-t-il ?
- Monsieur Martins demande à vous voir.
- Martins ?
- Aleks Martins.
- Ah oui. Bon maintenant que c'est foutu… Qu'il entre.
Alexis passa la porte, son visage s'illumina en voyant Chris se lever pour le saluer. Il me lança un regard amusé.
- Christopher, tu es là, s'extasia-t-il en l'enlaçant.
J'observais la scène en serrant puissamment un stylo dans ma paume. Il céda sous ma poigne, foutu force surhumaine.
- Salut Aleks. Content de te revoir sain et sauf ! Par contre, c'est Chris, je préfère.
- Une si belle amitié, sifflai-je. Mes nausées sont revenues. Bien, Alexis, Christopher, asseyez-vous.
J'avais consciemment appuyé sur le « Christopher », montrant ainsi que je faisais partie des rares privilégiés à détenir ce droit. Mon chasseur pouffa de rire et se repositionna joyeusement sur la chaise. Alexis, quant à lui, se posta sur l'autre.
- Pourquoi es-tu là ? Repris-je avec un ton de reproche.
- Je ne vous dérange pas très longtemps. J'ai prévenu William.
- William ? Questionna Chris.
Je levai les yeux au ciel et me lançai dans l’explication des événements de la veille. Je restai superficiel dans mon récit, omettant ma blessure et mon implication. Il écouta patiemment puis grimaça.
- J'en rate des choses, grommela Chris. Je serais là pour te protéger cette fois Aleks.
- Je suis bien entouré, ne t'inquiète pas !
- Parfait ! Merci pour tes nouvelles, Alexis. Je te raccompagne.
Je montrai mon plus beau faux sourire et, prenant appui sur mes mains, je me redressai. La pointe de douleur à mon épaule me retint à peine quelques secondes. Par chance, Alexis ne remarqua rien, il quitta la pièce et je me réinstallai confortablement.
- Repose-toi Christopher. Dans une demi-heure on part.
- Tu as mal ?
- Ce n’est rien.
Il se leva, me toisa du regard et se plaça derrière moi. Ses doigts fins se baladèrent sur ma nuque et sur mon épaule souffrante. C’était agréable. Il appuyait sur mes muscles à des endroits précis, soulageant momentanément ma peine. Hélas, ma blessure était plus profonde.
- Merci Christopher.
- Il t’est arrivé quoi ?
- La louve sous stéroïde a été légèrement plus violente que prévu.
- Tu ne cicatrises pas ?
- Si si mais j’ai perdu pas mal de sang et j’avais les os brisés. Demande à Stiles, c’était stressant pour lui.
- Tu aurais dû guérir, rétorqua-t-il alors que ses mains se crispèrent sur mon corps. Tu as été empoisonné ?
- Non.
Le poids sur mes épaules s'alourdit, ses paumes se fixèrent sur mon abdomen et son souffle me chatouilla l'oreille.
- Tu me caches quelque chose Peter ?
- Tu sais bien que je suis un livre ouvert.
- Je pensais que tu avais confiance en moi.
- C'est le cas. Tu es celui en qui j'ai le plus confiance, pour ne pas dire le seul.
- Je suis content d'être rentré. Je pourrais garder un œil sur toi.
Je ris avec enthousiasme avant de pivoter mon fauteuil et de l'asseoir sur mes genoux. Son cœur accéléra, ses yeux se plissèrent sous l'effet de la joie. Je passai ma main sur sa joue, le dévorant du regard.
- Même les deux, du moment que tu me regardes, moi.
- La possessivité de mon sociopathe est de retour.
Je rapprochai doucement nos bouches demandeuses, chaque seconde était un délice dont je me nourrissais. Enfin, nous nous rencontrions de nouveau. Toutes les difficultés me paraissaient dérisoires. Deux jours sans réussir à retrouver cette sérénité, mes douleurs physiques s'envolèrent. J'étais dos au mur, je n'arrivais plus à rejeter l'évidence. Christopher était mon nouvel ancrage. Auparavant, j'étais le seul maître de mes émotions mais voilà qu'une autre personne les régulait. Sans lui, ma colère et mon ambition reprenaient toute leur ampleur. Il me suffisait de voir la délicatesse de son visage et ma tempête intérieure s'amenuisait.
- Je préfère « mon Peter » mais je me contenterai de ça.
- C'était une erreur. Tu vas me le rappeler combien de fois encore ?
- Jusqu'à ce que ce ne soit plus une erreur ?
- Pff… Bon, on y va ? Ça me ferait mal de m'être pressé pour rien.
- Avoue que tu veux me voir en costume ?
- Je tiens mes engagements, je suis un homme d’honneur.
- Bien évidemment.
Il s'éloigna de moi, un air moqueur collé au visage. J’aimais le voir aussi sûr de lui. Je réajustais mes habits, passai ma veste et ouvris la porte. Suzanne nous dévisagea en souriant. Je n’avais pas besoin de lui définir réellement qui était Chris, elle avait tout de suite compris. En fait, il était certain qu’elle avait deviné, bien avant moi, les sentiments romantiques que je pouvais éprouver à son égard.
- Au revoir Suzanne, la salua-t-il de la tête.
- Monsieur Argent, j’espère vous revoir bientôt. J’ai rarement vu monsieur Hale aussi serein, c’est reposant.
- Si jamais il vous ennuie appelez-moi, blagua-t-il.
- Je suis encore là, signifiai-je.
- On le sait, répondirent-ils d’une même voix avant de pouffer de rire.
Qu’avais-je fait dans mon infinie candeur ? Les réunir, c’était créer un duo infernal ayant pour seul but de me tourmenter. Il fallait que je m’évade de cet enfer, j’attrapai la main de Chris, lança un « À demain Suzanne » et le traîna dans l’ascenseur. Une fois à l’intérieur, j’appuyais sur le bouton sous-sol en soupirant.
- Euh Peter ? Tu peux me lâcher maintenant.
- Non.
- Mais si quelqu’un rentre, il se fera des idées.
- Ça m'est égal. Et de toute manière, peu de gens savent quel est mon rôle ici. Beaucoup pensent que c’est Suzanne qui gère tout.
Il passa sa main de libre sur son front et détourna les yeux. Je ne savais pas si c'était dût à sa fatigue mais ses sentiments étaient plus lisibles. Ses pommettes se coloraient de rose et il serra mes doigts légèrement plus fort. Nous gardions le silence, j'avais de nombreuses questions en tête mais la hantise de briser l'intensité de notre échange me stoppa. Si avant, la tension qui nous liait était physique, aujourd'hui, elle était tout autre. J'étais tétanisé par cette peur, jusqu'alors inconnue. Celle qui m'empêchait de lui avouer mon lourd secret. Cette crainte d'être rejeté, encore une fois, par la mauvaise personne. Ou peut-être que le pire était d'être accepté et de le décevoir pour finalement réapprendre à vivre seul. Pour l'instant, rien entre nous n'était concret, j'avais cette distance salvatrice qui me protégeait. Dès qu'elle serait réduite à néant, je m'exposerais à une souffrance que je redoutais.
- Hey, on est arrivé.
Le contact chaud de sa paume sur ma joue me rappela à la réalité. Je relevai la tête et croisai la beauté de ses iris. Je répondis par un sourire triste avant de rompre le contact.
- Oui, désolé, j'étais perdu dans mes pensées. Allons te montrer à quel point je suis merveilleusement beau.
- Je crois que toute la population de Beacon Hills le sait tellement ta modestie t'honneur.
Je roulais les yeux au ciel puis rejoignis ma voiture. Il me suivit, s'installa sur le siège passager, posa sa tête contre la vitre et ferma les yeux. Je démarrai pour conduire prudemment, essayant de ne pas le déranger dans son repos. Le pauvre avait enchaîné les problèmes sans s’octroyer le moindre répit. Tout ça pour notre entrevue, pour ma relation avec Malia, pour moi. Ça me faisait sourire tout en me laissant envisager une réciprocité romantique. Christopher Argent m'appréciait un peu trop ? J’avais longtemps fuis cette possibilité, me confortant dans l’impossibilité de la chose. Si j'étais le seul à l'aimer, je ne risquais pas de tout gâcher. Être spéciale pour son cœur était un miracle auquel je ne pouvais avoir accès.
Le trajet passa incroyablement rapidement, lui dormant et moi, m'égarant dans mes songes. Je me garais doucement et l'observai quelques secondes. Sa respiration était profonde, sa bouche bougeait seule comme s'il était perdu dans une conversation importante. Il fallait que je le réveille. Je lui caressai doucement l'épaule, il ne réagit pas.
- Christopher, murmurai-je.
Il fronça les sourcils et s'agita faiblement. Ses mains tremblaient, sous ses paupières closes ses yeux s'affolaient.
- Hey, mon chasseur, c'est un rêve. Je suis là.
Je lui frôlai le bras mais fus arrêté par sa main qui me serrait le poignet. Il me fixa d'un air absent. Il redoubla de force dans sa prise, si je n'étais pas doté d'une résistance surnaturelle, j'aurais sûrement gémis de douleur.
- Tu ouvres enfin les yeux, ricanai-je.
- Tu le touches, je…
- Tu quoi ?
- Je… Bégaya-t-il. Peter ? Qu'est-ce que ?
- Tu reviens à la réalité.
- Désolé, soupira-t-il en me lâchant. J'ai fait un cauchemar.
- Ça va ? Tu es livide.
- Ouais…
Je captai un affolement de son rythme cardiaque, il mentait. Je le fis basculer sur mon torse et lui caressai l'avant-bras.
- Peter, tu fais quoi ?
- Détends-toi, ordonnai-je.
- Mais…
- Ferme-là et repose-toi… Rah, soufflai-je. Il reste dix minutes et… Tu ne vas pas bien. Je veille sur toi, donc tu peux te relâcher.
- Tu es inquiet ?
- Tu as deviné ça tout seul ?
- Merci, murmura-t-il. Je vais déjà mieux.
Son corps se reposa entièrement sur moi, ses expirations étaient de nouveau calmes. Je priais pour qu'il n’entende pas ce son provenant de ma poitrine, ce tambourinement que je n'arrivais pas à stopper. Je me promis encore et toujours de le protéger quoi qu'il advienne, même au péril de ma vie. De mon côté, sa chaleur me soulagea, comme si toutes mes angoisses étaient vaines. C'était donc ça d'avoir un ancrage différent de soi. Je comprenais toute la profondeur que cela représentait. Être chez soi peu importe où, du moment qu'il était à mes côtés.
- Christopher, chuchotai-je sans avoir de réponse. Il est l'heure.
- Mmh. Déjà.
- J'en ai bien peur.
- Dommage.
Il bailla, s'étira puis se frotta les paupières. Je me surpris à trouver ça adorable. Christopher Argent mignon, ce n'était pas forcément l'adjectif que j'aurais utilisé pour le décrire mais passons. Nous sortions de la voiture et nous nous dirigions vers la boutique de vêtements. Nous fûmes accueillis par un homme d'une vingtaine d'années. Il nous orienta dans une cabine d'essayage spacieuse où mon costume reposait dans son étui. Il nous proposa une boisson, Chris refusa par politesse et j'acceptais volontiers un verre de jus de fruits. Mon chasseur me regarda surpris, je lui souris tout en fermant le rideau. J'ouvris le sac et me changeai. La chemise et le gilet me cintraient un peu plus, quant au pantalon, il flattait mes formes. Je me dépêchai de montrer le résultat à Chris. Il était assis dans un fauteuil devant une petite table où trônait mon verre. Il leva la tête et resta bouche bée.
- Monsieur Hale ! S'éleva une voix à ma droite. Désolé, je n'ai pas pu être là pour vous accueillir !
- Pas de souci.
- Oh vous êtes venu accompagné ! Enchanté, je suis monsieur Lombardi, je gère cet établissement. Vous êtes son…
- Ami, le coupa sèchement Chris.
- Bien ! Monsieur Hale est un très bon client, ses amis sont les bienvenus.
- Merci, votre boutique est magnifique.
- Avec plaisir. Oh monsieur Hale, ce costume vous va à ravir. Les retouches apportent un vrai plus ! N'est-ce pas ?
Le patron était un homme de notre âge, les cheveux grisonnants et une petite barbe taillée avec goût. Il ne portait que des trois pièces de qualité. Ses yeux noirs brillaient d'une intelligence rare. Il n'était jamais avare de compliments. Profitant de la présence de Chris, il chercha son approbation. Le chasseur acquiesça pour le plus grand bonheur de notre hôte qui, pour compléter l'ensemble, me rapporta un nœud papillon à nouer. Puis, il tourna les talons pour nous laisser seuls. J'essayai, sans grand succès, de donner une belle forme aux deux bandes qui entouraient mon cou. Chris soupira, se leva, ferma la cloison de tissu et se planta devant moi.
- Tu n'es pas possible, expira-t-il en passant ses doigts sur mon col. Être aussi doué avec tes mains et ne pas savoir attacher ça.
- Merci pour le compliment, souriai-je. Tu es là pour m'aider non ?
- Aujourd'hui oui.
- Et bien tu n'as qu'à m'accompagner à chaque sortie.
- Tu ne vas pas aller à la cérémonie de diplôme de ta fille avec un « ami », rétorqua-t-il durement.
- Christopher, qu'est-ce qu'il se passe ? Depuis tout à l’heure tu sembles contrarié.
- Je ne suis pas contrarié, juste déçu. J'aurais aimé que tu me présentes autrement à ta secrétaire… Et voilà ! Terminé !
Il s'écarta pour me laisser voir le résultat. C'était parfaitement bien attaché. Il se glissa derrière moi et installa son menton sur moi.
- Tu es vraiment beau, reprit-il tout bas. J'aime beaucoup.
- Chris…
- Malia va être fière de son père.
- Je ne voulais pas te mettre mal à l'aise. J'ai été maladroit. Tu n'es pas un ami, je ne couche pas avec mes amis. Enfin… Je n'en ai pas mais ce n'est pas le sujet.
- Ce n'est rien, ne t'inquiète pas. Je vais m'en remettre.
- Et c'est moi qui suis exaspérant, grommelai-je. Si tu n'aimes pas ce que je vais faire, repousse-moi.
Je me tournai pour le voir, je postai mes paumes autour de sa mâchoire, fondis sur sa bouche et nos langues entreprirent un ballet dont elles seules connaissaient la chorégraphie. Je tentais désespérément de le réconforter à travers cet échange. Ses doigts se crispèrent sur mon bassin et il se colla un peu plus à moi.
- Monsieur Hale ? S'enquit le directeur. Vous y arrivez ?
Je me reculai légèrement, un demi-sourire aux lèvres et, sans quitter des yeux l'homme qui faisait battre mon cœur, je répliquai calmement :
- Chris m'aide à mettre le nœud papillon. C'est un enfer cette chose. Vous l'avez amené pour me torturer, avouez-le.
- Haha, je n'oserai jamais, vous nous êtes précieux monsieur Hale. Je vous laisse réfléchir, je reviens.
Je le remerciai sous les yeux amusés de mon chasseur.
- Quel enfer, répéta-t-il doucement.
- Si tu savais le nombre de fois où je leur ai montré mon mécontentement… Enfin maintenant, tu es là.
- Peter…
- Je sais, ce n’est pas l'endroit. Enfin, il se marie bien avec mes vêtements, je vais le prendre.
- Bon choix.
- J'ai très bon goût, tu devrais le savoir.
Nous rigolions et il sortit de la cabine afin que je puisse me changer. Il discuta légèrement avec le patron. Enfin habillé sobrement, je retournai à ses côtés. Il ajusta son manteau sur ses épaules en me rappelant qu'un verre plein m'attendait. Je lui expliquai que je n'en voulais pas et qu'il pouvait en profiter. D'abord surpris, il finit par comprendre qu'il lui avait toujours été destiné. Il le but d'une traite, il devait être assoiffé. Je passai ensuite en caisse pour régler le supplément puis nous regagnions mon véhicule.
- Qu'est ce qu'on fait maintenant ? Marmonnai-je.
- J'ai faim.
- On commande ?
- J'ai envie de pizzas.
- À vos ordres. Mais je paye, pour te remercier d'être revenu à temps.
- Quel honneur, invité par monsieur Hale en personne.
- Peter sera suffisant.
- Haha, j'en ai de la chance.
Son rire remplit l'espace de l'habitacle, c'était beau à entendre et à voir. Peut-être que ce son mélodieux arrivera à chasser mes ténèbres pour une soirée. J'avais le désir de tout oublier et de profiter de lui, de son visage radieux qu'il m'offrait naïvement, de son calme rassurant et de sa gentillesse. Ce soir, c'était lui et moi, nous.
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