Chap 39.1 : Samedi 27 décembre 2014

*******EMMA*******

- Vous êtes prêts ?

- Oui matante. Sarah-Lee met ses bottes et on y va.

Nous avons décidé de jouer dehors. La déneigeuse est passée au petit matin, après une nuit de tempête, nous gratifiant d’une belle montagne de neige toute fraîche devant la maison. Au programme des festivités : Bonhomme de neige et tunnel.

C’est du fond du tunnel que j’entends Noham me crier de sortir, parce que j’ai de la visite. Dennys ! C’est demain qu’il repart et je me doutais qu’il passerait me dire au revoir mais je ne m’attendais pas qu’il le fasse aussi tôt. Bien sûr nous gardons contact mais je lui ai dit de ne rien espérer. Sa bouche m’a assuré avoir compris, mais ses yeux tenaient un tout autre discours. Ça prendra peut-être un peu de temps, mais il finira par trouver la femme qui lui correspond. Je sais dorénavant et avec certitude que ce n’est pas moi.

Le soir du réveillon, Nick et moi avons longuement discuté : Henri est juste perdu et je ne l’ai pas aidé en restant campée sur mes positions, me cachant derrière ma colère. De l’orgueil pour Nick. Il est vrai que je ne lui avais jamais accordé le bénéfice du doute, n’écoutant que cette colère, refusant obstinément le dialogue : J’aurais su que la brune n’était autre que sa sœur. Mon comportement n’a rien eu de chrétien je le conçois maintenant. J’irai voir Henri à mon retour à Genève. Une vraie discussion s’impose maintenant. Plus de fuite. Je veux savoir où je vais et surtout si j’y vais avec lui.

Je m’extirpe rapidement du tunnel tâchant d’éviter qu’il ne s’écroule au passage. Une silhouette que je reconnaitrai entre mille, se dessine devant moi. Elle est nimbée par les rayons du soleil, se trouvant pile poil derrière lui, lui conférant une aura particulière. Quelque chose de doux et chaud, quelque chose d’impérieux même. Je ne distingue pas encore ses traits, mais je devine aisément le sourire plaqué sur ses lèvres. Les battements de mon cœur pulsent partout dans mon corps et un frisson me parcourt l’échine. Sa voix chaude m’enrobe aussitôt de douceur.

- Bonjour Emma !

- Henri ?

Il me tend la main pour m’aider à me relever. Je la lâche aussitôt debout sur mes deux pieds.

- Mais qu’est ce que vous faites ici ?

- Je suis en vacances avec ma sœur et sa famille.

- A Cornwall ?

- En fait nous sommes à Big Ben Ski, pas très loin d’ici.

- Oui je sais où se trouve Big Ben, ne pus-je m’empêcher de répondre sèchement.

« Attention Emma. Pas de colère. Tu sais que ce n’est pas l’attitude à avoir et en plus Noham et Sarah ne sont pas loin. »

Je les cherche des yeux. Noham n’est plus dans mon champ de vision, probablement rentré pour prévenir ses parents que j’avais de la visite et Sarah est debout prêt du bonhomme de neige, ses yeux d’un bleu pâle, braqués sur Henri.

- Emma, je suis désolé d’être parti comme ça de la fête, j’ai été un peu surpris et…

Je me penche légèrement vers lui, ne voulant être entendue que de lui.

- Vous avez été surpris ? Mais que devrais-je dire moi ? Vous vous êtes permis de m’embrasser de force et…

- Et je crois que, vous comme moi avons apprécié ce baiser Emma finit-il se rapprochant lui aussi.

Sur le coup j’ai envie de l’étrangler. Il assène cette terrible vérité, là comme ça. Mais c’est vrai. J’ai adoré ce baiser. Il était différent de celui de Dennys, à mon grand dam. Il m’a transportée dans une autre dimension. Depuis, à chaque fois que j’y pense, mon ventre se tord douloureusement de plaisir et… de désir. J’en ai voulu plus, beaucoup plus. Je sens mes joues chauffées à la simple évocation de ce souvenir.

Mais je reste en colère contre lui parce que j’ai peur. Peur qu’il ne soit pas fiable. Peur qu’il chamboule tout, comme il le fait depuis le début et prenne ensuite la tangente.

- Matante Emma, c’est qui ce monsieur demande Sarah-Lee, qui s’était rapprochée de nous, le regard plissé. Interrogatif. C’est ton ami ?

Ma colère reflue un peu. Sarah est une vraie éponge, surtout avec moi. Je me dois d’être prudente dans mes propos et attitudes devant elle.

- Sarah-Lee Scott-Hallyway, je me trompe où tu es en train d’interrompre ta tante en pleine conversation ?

- Pardon matante, dit-elle toute penaude avant d’aller rejoindre sa mère.

Rébéka, appareil photo en main, est sur le perron de l’entrée. Il était question d’immortaliser  notre bonhomme de neige. Je ne sais pas quoi faire. Si j’avais pu imaginer un seul instant que je me retrouverais nez-à-nez avec Henri, devant chez moi, à Cornwall, je m’y serais probablement préparée.

- Bonjour, je m’appelle Henri McEverty, je suis un collaborateur d’Emma.

- Bonjour Mr McEverty, je suis Rébéka, la belle-sœur d’Emma.

- Et moi je m’appelle Sarah-Lee, Emma est ma tante et lui c’est mon frère Noham.

- Bonjour Sarah-Lee, bonjour Noham.

Je regarde machinalement les poignées de mains que se donne ce petit monde ne réalisant toujours pas qu’Henri est là et qu’il est entrain de parler à ma famille. Il a toujours eu le chic de s’imposer naturellement finalement. Brock sort à son tour et se présente lui aussi à Henri. Devant mon silence et mon manque de réaction, il l’invite à entrer. Il n’a pas perdu son savoir vivre lui au moins.

- Emma, ça va ? me demande alors Rébéka.

- Oui oui tout va bien ! m’empressais-je de répondre, ne voulant pas montrer à quel point la présence d’Henri, ici, est déstabilisante, perturbante pour moi.

Raté. Je prends conscience à ce moment-là que je n’ai quasiment pas quitté Henri des yeux. Ce dernier me fait un sourire avant de m’inviter, le plus naturellement du monde, à le précéder dans MA maison. Beck me sourit elle aussi, avant de rentrer, Noham et Sarah, la précédant.

Nous sommes, dans le hall les enfants et moi, en train d’enlever nos tenues de ski quand je prends conscience que je suis encore en pyjama. Henri m’observe un sourire moqueur étire ses lèvres à la vue des motifs bonhommes de neige sur mon pyjama… Je grimace.

- Désolée, je… nous n’avions pas prévu d’avoir de la visite ce matin et nous devions faire notre bonhomme de neige.

Mon ton est toujours sec mais il n’y prête pas attention et continue l’air de rien.

- Il est très réussi en tout cas. C’est ton bonnet qu’il porte Sarah-Lee ?

- Comment tu sais ça?

- Il est rose, je suis certain que c’est ta couleur préférée.

- Ouiiiiiii  c’est ma couleur préférée.

- Je vais me changer, je reviens tout de suite.

- Vous êtes très bien comme ça Emma, c’est moi qui m’impose...

- Je crois que je commence à en avoir l’habitude avec vous, ne pus-je m’empêcher de dire. Je ne serai pas longue.

Au moment de grimper les escaliers pour aller passer quelque chose de plus adéquat, je vois Brock revenir dans le hall d’entrée et s’adresser à Henri.

- Passons au salon pendant qu’Emma se change. Un chocolat chaud, un thé ou un café ? l’entends-je proposer, juste au moment où je referme la porte de ma chambre.

De retour en bas cinq minutes plus tard, je prends le temps depuis l’entrée du salon, d’observer discrètement la scène qui s’offre à mes yeux : Henri, assis sur le canapé, entouré de Noham et Sarah-Lee, cette dernière le dévorant des yeux. Brock et Beck sont sur le canapé d’à côté. Tout ce beau monde à l’air très à l’aise.

Je suis toujours aussi sensible à la beauté d’Henri. Il porte un col roulé noir sous sa veste en tweed, couleur ocre et un jean noir lui aussi. Une mèche lui tombe sur le front, lui donnant un air décontracté qui lui va à ravir.

- Matante Emma, ton ami est avec ses nièces et son neveu à Big Ben. On pourra skier avec eux demain ?

Les regards convergent vers moi… Oups !! Prise en flag.

- Euhhh je ne sais pas ma puce, on verra.

- Mr McEverty nous a parlé de sa fin de semaine avec toi à Montreux chez matante Ruth et mononcle Marcus, tu ne nous en avais pas parlé me dis Brock.

- Cela m’est probablement sorti de la tête. Je vais me servir un café, je reviens.

Je préfère fuir, retardant de me retrouver au côté de Mr McEverty. Je suis de retour au salon juste quand Brock se lève pour prendre congé.

- On va te laisser avec ton ami. Nous allons rentrer, je dois aider Noham à monter son train électrique. Tu passes dîner à la maison tantôt ? Et se tournant vers Henri, il rajoute : Mr McEverty vous êtes le bienvenu si le cœur vous en dit.

- Appelez-moi Henri s’il vous plait. Mon beau frère a réservé dans un restaurant pour le dîner de ce soir, désolé.

Je comprends la méprise d’Henri, mais je me garde bien de lui expliquer. Manquerait plus qu’il se tape l’incruste chez mon frère aussi.

- Dîner chez nous c’est le midi, je vous invitais pour ce midi, le déjeuner si vous préférez, lui explique finalement Brock.

- Oh pardon. Ben écoutez, j’ai ma journée de libre donc je verrai avec Emma si elle n’y voit pas d’inconvénients.

Quoi ? Sa journée de libre ? Il plaisante j’espère ? Il pense passer la journée ici avec moi ?

- Matante Emma tu viendras avec lui hein dis ? Il est gentil ton ami.

- Sarah-Lee Scott-Hallyway la réprimande encore une fois sa mère.

- Pardon maman répète-elle de son petit air de repentance.

Je n’ai pas envie de la décevoir mais c’est au dessus de mes forces d’accéder à sa demande. Oui j’avais décidé d’aller le voir à mon retour sur Genève mais là il est trop tôt. Je n’ai pas eu le temps de me préparer à affronter tout ce que cela implique.

- Bon allez chercher vos sacs, on va rentrer. Sentez-vous libre de venir dîner mais si vous préférez rester ici tranquillement pas de problème. On se verra demain Emma si tu es toujours partante pour aller skier.

- Ok Beck, je vous tiens au courant.

Je leur fais un bisou à tous et ils partent, me laissant seule et un peu paniquée, je dois avouer, face à Henri. En fermant la porte j’attends la main sur la clenche, un court instant. Une envie irrépressible de rouvrir cette porte et de partir en courant…
Bien sûr je n’en fais rien. En me retournant je retrouve Henri debout dans le hall, entrain de m’observer, les mains enfoncées dans ses poches, un air indéfinissable sur le visage.

- Vous vouliez fuir Emma ?

- Non ça c’est vous Henri !

- Touché !  Il prend une grande inspiration avant de poursuivre. Je suis là maintenant pouvons nous discuter ?

- Je n’ai pas vraiment le choix ? Là aussi c’est votre truc de vous imposer dans ma famille lui lançai-je acerbe.

Henri ne relève pas. Il me suit dans la cuisine et nous nous installons autour de la table, j’ai besoin de mettre de la distance physique entre nous donc le canapé n’est pas envisageable.

- Emma. Je suis conscient que mon attitude a été lâche. Il baisse brièvement la tête avant de me  regarder à nouveau. Depuis notre première rencontre je n’ai pas pu vous chasser de ma tête une seule journée. J’ai tout fait pour vous connaitre mieux. Plus je m’approchais de vous et plus vous vous éloigniez. Quand je vous ai accompagnée à l’aéroport et que je vous ai dit de me revenir, je le pensais sincèrement Emma, vraiment j’étais sur un petit nuage.
J’avais l’impression que vous commenciez à vous ouvrir à moi et j’en étais très heureux. Au cours de la semaine par contre je réalisais ce que je faisais. Pétra est revenue de ses défilés. Le temps que j’avais passé avec vous, m’avais complètement déconnecté de la réalité. Je ne suis pas un salaud, même si je vous l’accorde que ça n’était pas très visible au vu de mon comportement. Je me suis senti coupable vis-à-vis de vous et d’elle aussi. De vous parce que je m’étais comporté comme si j’étais libre de toute attache. Dans l’absolu c’était le cas, Pétra et moi, nous ne nous sommes jamais rien promis. Nous étions ensemble, c’était pratique mais nous n’étions pas un couple à proprement parler. Nous n’avions aucun contact quand elle n’était pas à Genève.

Le week-end que j’ai passé dans votre famille était une première pour moi, je n’avais jamais fait cela avant. Je ne connais aucun membre de la famille de Pétra, je ne les ai jamais vus en 8 mois. Elle a rencontré ma sœur Mary lors de son séjour, parce que c’était ma façon de me racheter et de me dédouaner de ma culpabilité. Ce week-end là j’ai aussi compris qui vous étiez, vos valeurs, votre foi et j’avoue que ça m’a fait peur parce que, vous l’aurez compris, je ne suis pas un pratiquant. Je n’ai jamais rencontrée une femme comme vous Emma, jamais !! Je ne savais plus quoi faire et j’ai fui. Je ne voulais pas vous corrompre car c’est vraiment l’impression que j’ai eue. J’ai lutté chaque jour pour ne pas craquer et venir vous enlever. Ironiquement la vie se chargeait pourtant de nous mettre en contact. Encore et encore. Il marque une pause sans me quitter des yeux. Je garde le silence, je sens qu'il n'a pas fini.

J’ai quitté Pétra au mois de juin parce que nous n’étions plus deux dans cette relation… vous étiez constamment entre nous Emma.
J’ai compris aussi, le soir de la fête, que je venais de perdre : J’avais espéré que vous annuleriez et si ça n’avait pas été le cas, je m’étais promis de ne pas vous adresser la parole comme vous me l’aviez expressément demandé, de ne même pas vous regarder. Sur ce dernier point dès votre arrivée ça m’a été impossible. Vous rayonniez. Il était vraiment impossible de ne pas vous voir. Mais je résistais à l’envie de venir vers vous et je m’en sortais plutôt bien. Mais quand je vous ai vu sortir sur la terrasse je vous ai suivie. Je voulais juste vous parler, vous expliquer, mais vous ne vouliez rien entendre et quand vous vous êtes emportée contre moi, je vous ai trouvée belle, agaçante aussi, mais surtout belle. Je n’ai pas pu résister plus longtemps.

« Le baiser »

Je regarde Henri, totalement interdite par tout ce qu’il m’avoue. Je vis l’histoire de son point de vue et bien sur je n’avais pas vu les choses comme ça. Je ne sais plus trop quoi penser. Est-il en train de me dire qu’il a des… sentiments pour moi ?  Je me lève pour déposer ma tasse dans l’évier, je voudrais même un court instant échapper à son regard.

- Emma, ce que j’ai ressenti à ce moment là, m’a complètement pris au dépourvu, je n’avais pas imaginé un seul instant que… que

Il se lève, fait le tour de la table pour se planter derrière moi.

- Emma regardez-moi ! Je ne veux pas vous faire peur, je veux juste vous expliquer la situation.

Il me prend le coude pour m’obliger  à lui faire face.

- Est-ce que je vous fais peur Emma ? Parce que ce n’est pas du tout ce que je veux, vous savez ?

- Non Henri, vous ne me faites pas peur. Je suis juste surprise par ce que vous dites.

- J’en suis le premier surpris Emma croyez-moi. Et même si je sais que je ne suis pas bon pour vous, je m’obstine à vouloir vous voir. Je ne peux pas concevoir de ne plus avoir cette chance. Et si on pouvait changer qui on est, je le ferais pour vous Emma… je le ferais. Mais je sais cela impossible.

- Rien n’est impossible quand on le veut vraiment.

Il me sourit tendrement en secouant la tête. A-t-il une si mauvaise image de lui ? Ma colère tombe comme un soufflet. Tout cela part d’un malentendu. Je le crois sincère. Audric a vainement essayé de m’expliquer les choses, mais je m’y suis toujours refusée, comme si j’avais besoin de continuer à nourrir ma colère par du ressentiment. Etait-ce de la peur, peur de ne pas être à la hauteur d’une relation avec lui ? Peur qu’il ne soit pas fait pour moi et qu’il me fasse souffrir ? Et si j’avais été l’artisan de mon propre malheur ? Je me rends compte que lui aussi a eu peur. Lui aussi pense ne pas être fait pour moi. Je ne l’aurais jamais imaginé !

Je dépose les armes. Je suis fatiguée de toute façon.  Lui comme moi sommes sur quelque chose de nouveau et qui nous dépasse. Lui comme moi pensons ne pas être la bonne personne pour l’autre. Si Henri est celui qui m’est destiné, autant le savoir rapidement non ?


*******Et voilà. Emma et Henri enfin face à face.
Ce chapitre est hyper long... un peu plus de 8000 mots du coup il sera découpé mais publié assez rapidement.

Dslée pour le retard... ma fin de semaine a été quelque peu bousculée.

Merci pour vos étoiles toujours plus nombreuses et vos commentaires que je prends plaisir à lire et à y répondre avec le même plaisir.

Hésitez pas à  faire découvrir DCIABU en parlant autour de vous.

A bientôt mes p'tits 🐬

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