Chap 37 : Mardi 23 décembre 2014

******HENRI*****

- Tu as bien dormi mon chéri ?

- Oui maman, ça va ! mentis-je

Je n'ai pas bien dormi. En fait je ne dors plus depuis vendredi soir. Ce vendredi où mes lèvres se sont posées sur celles d'Emma. Un feu est né m'embrasant tout le corps et je n'arrive plus à l'éteindre.

- Menteur me lance Mary, qui entre à ce moment dans la cuisine. Je t'ai entendu te lever à 2h du matin

- Parce que tu ne dormais pas à 2h du matin toi ?

- Je suis allée nous chercher une bouteille d'eau.

Elle rougit délicieusement et je percute.

- Je comprends... ça donne soif !!

Elle me lance un torchon, récupéré sur le plan de travail et j'éclate de rire devant son air contrit, heureux de l'avoir percée à jour.

- Vous arrêtez vos chamailleries tous les deux ? Henri ta sœur a droit à une vie heureuse et épanouie. Beaucoup d'hommes aimeraient que leur épouse soit encore, après autant d'années de mariage, aussi amoureuse et disponible

- Mère vous n'avez pas tort et comme je sais que des femmes comme Mary et vous on en fait plus, je suis bien décidé à rester célibataire pour ne pas connaître de funeste destin et...

- ...Mon fils c'est bien ce que je vous reproche, intervient mon père qui rentre à son tour dans la cuisine.

Je sens revenir le sujet sur le tapis et je n'ai vraiment aucune envie qu'on s'éternise dessus. Mon père et sa lubie du mariage.

- Père nous n'allons pas reprendre cette discussion s'il vous plait fis-je agacé

- Et pourquoi donc ? Vous êtes ici c'est le moment d'en profiter non ?

- Non Georges, Tu me l'avais promis lui rappelle notre mère. Je veux que nous passions de bonnes fêtes de Noël. Aucun sujet qui fâche.

- Je ne comprends pas pourquoi ça devrait en être un. Un père a bien le droit de vouloir voir son fils prendre épouse ? Mais soit je ne dirai plus rien, puisque tout le monde est contre moi finit-il par conclure.

Ma mère l'embrasse et il se détend instantanément.

- Je t'aime Georges !

- Je t'aime Livern !

Mes parents sont complices et s'aiment comme au premier jour. J'en suis plutôt fier et très heureux pour eux, mais je ne crois pas que nous puissions tous avoir cette chance et je veux surtout qu'il respecte mon choix.

Les enfants de Mary déboulent dans la cuisine tout excités et en criant :

- C'est vrai maman ? C'est vrai qu'on va skier ?

- Qui a vendu la mèche hein ? demande Mary faussement en colère à son mari Stuart qui fait son entrée à ce moment là.

Ce dernier hausse les épaules en signe d'impuissance un sourire aux lèvres. C'est un vrai papa gâteau et heureusement que Mary est là pour compenser et sévir parfois. Il s'approche de sa femme pour la prendre dans ses bras.

- Tu sais comment ils sont parfois ma chérie et c'est le seul moyen que j'ai trouvé pour les calmer un peu.

- Ah oui tu as raison ! Ils sont bien plus calmes maintenant ironise ma soeur.

- Alors vous allez skier où ? leur demandai-je tout en savourant mon café, riant sous cape de la situation.

- Au Canada m'annonce Stuart.

J'en recrache mon café de surprise... Décidément je ne peux rien faire sans que quelque chose ne me ramène à Emma

- Ça ne va pas ?

- Si, si, désolé !

Ma mère s'empresse d'essuyer les dégâts que j'ai causé sur le plan de travail. Je l'en remercie, avant de sortir avec mon café sur la terrasse où Mary me suit...

- Tout va bien Henri ?

- Pourquoi ça n'irait pas Mary ?

- Ben à toi de me le dire... tu as fait une drôle de tête quand Stuart a parlé du Canada

Mary est très perspicace en plus de me connaître par cœur. Elle ne sait pas grand chose d'Emma. Elle l'a vue lors de son séjour chez moi, quand Emma avait débarqué ce soir là mais elle ne sait rien d'autre, ni son prénom et ni qu'elle est Canadienne. Et dire qu'Emma m'en voulait parce qu'elle l'avait prise pour une de mes maitresses. Je secoue la tête, comme pour chasser l'image de son beau visage empreint de tristesse, quand elle avait démarré sa voiture ce soir là. Je n'aurai jamais pensé qu'elle puisse avoir ce grief contre moi.

- Mary... il s'est passé beaucoup de choses depuis que tu es venue me voir à Genève

- Je m'en doute un peu. Avril ou août ? Souhaites-tu qu'on en parle ou tu veux encore laisser le mystère s'épaissir autour d'elle ?

Je lui souris, quand à son choix de mots... Mystère !!

- Je crois en effet que ça me ferait du bien d'avoir ton point de vue... tu as souvent été de bon conseil pour moi.

- Viens, allons plus loin, sous le grand chêne. Je crois que tu as besoin d'être tranquille pour me dire les choses. Il ne s'agirait pas d'être dérangés par un de mes petits monstres.

Le grand chêne est doublement centenaire. Un peu en contre bas de la propriété, il est le lieu de beaucoup d'événements de notre famille. On y a l'intimité souhaitée. De plus en été le feuillage et le cours d'eau dispensent ombrage et fraicheur et l'hiver nous sommes abrités du vent. On s'y installe, sur une couverture que Mary a pris soin de prendre au passage. Je suis plutôt anxieux à l'idée de tout lui raconter, mais je suis aussi conscient que c'est la meilleure chose à faire si je veux un point de vue avisé ! Je commence donc mon récit par la rencontre au parc, les mots d'Emma et ce que j'avais en tête ce jour là quand plus tard je fis l'amour à Pétra ; Le bar sa lèvre fendue une seconde fois et sa boisson renversée sur moi ; A son bureau quand j'ai découvert qu'elle était avocate sur un dossier que je traite et comme j'ai tout fait pour bosser avec elle ; Le week-end à Vevey... enfin la fin de semaine comme elle dit ; Mon changement de cap ; Sa visite le soir chez moi ; Les dîners ; Torgon ; L'escrime ; Le baiser vendredi dernier pour finir et son départ pour les fêtes chez elle au Canada dimanche dernier.

Mary ne m'interrompt pas une seule fois, m'écoutant attentivement. A la fin du récit je la regarde attendant qu'elle me dise ce qu'elle en pense.

- Tu sais combien je t'aime Henri, n'est ce pas ?

- Euhh je crois le savoir, oui, répondis-je me demandant ce qui allait me tomber dessus.

- Tu es un sot, un idiot...

- Un con ? Enfin je veux dire un triple con ?

Nous éclatons de rire de concert, ce qui a pour effet de détendre les muscles de mes épaules et de ma nuque que je sentais un peu crispés, en relatant les faits.

- Henri il est évident comme le nez au milieu du visage que tu es amoureux de cette fille !!

Je reste interdit devant les mots de Mary et tente de relativiser les choses. Il y a des mots que je ne suis pas prêt à entendre et auxquels je ne veux surtout pas donner crédit... «Amoureux» en fait partie !!

- Ohh comme tu y vas sœurette, nous n'en sommes pas là voyons. Je suis attiré par elle, ce n'est peut-être pas faux, mais de là à parler d'amour...

- Henri je suis désolée de te décevoir mais pour moi, ça c'est de l'amour ! Elle et toi c'est comme une évidence... vous n'arrêtez pas de vous croiser, comme si vos destins étaient scellés.

- Tu ne crois pas sérieusement à ça Mary, rassure moi !

- Henri... j'aimerais que tu analyses ça de ton côté, sans préjugé ou parti pris. Cela ressemble à quoi tout ça ? Vos rencontres, le fait que tu fasses pour elle des choses que tu n'aurais jamais fait pour une femme... comme cuisiner. Pétra, as-tu jamais cuisiné pour elle ? Combien de fois es-tu allé la rejoindre quelque part en dix mois ? La seule fois où tu le fais, tu tombes sur Emma... Mon chéri si nous étions dans un livre ou un film ça s'appellerait le destin !!

Je ne réponds pas tout de suite et tente effectivement de comprendre, d'analyser tout ça... Se pourrait-il que la chose pour laquelle je ne pense pas être fait, est exactement la chose qui est entrain de m'arriver ?

- Et tout ça arrive au moment où père s'est mis en tête de me marier ?

- En plus !

- Mary, ce que je vais te dire est sincère... Je ne veux pas me marier, je ne veux pas d'une vie à deux à «peu près» et le mariage c'est souvent le cas, rare sont ceux qui réussissent leur mariage. Je veux vivre comme je l'ai décidé et si je suis malheureux je saurai pourquoi, mais je refuse de l'être avec quelqu'un pour le restant de mes jours.

- Pourquoi veux-tu être malheureux avec elle si vous êtes faits l'un pour l'autre ? Et pour ta gouverne mon mariage est très heureux, comme tu as pu t'en rendre compte pas plus tard qu'hier soir... à moins que Stuart t'ait dit quelque chose ?! ironise t-elle

- Non non il ne m'a rien dit...la rassurai-je en souriant. Je ne dis pas que TOUS les mariages sont malheureux, mais la plupart le sont... mère et toi êtes des exceptions et quand à Margareth... ben c'est Margareth... je crois que même dans leur façon de vivre, Thomas et elle, ils sont heureux et grand bien leur fasse.

Mary rit en m'entendant parler du couple que forme notre frère ainé et son épouse. On ne peut pas faire plus anglaise coincée qu'elle. Je la soupçonne d'ailleurs de ne toujours pas se montrer nue devant son mari... Je ne sais pas comment Thomas fait, mais il a l'air de bien s'en accommoder... de toute façon il est assez coincé dans son genre lui aussi. Je suis encore sur ces considérations quand Mary enchaîne.

- Tu devrais venir au Canada avec nous !

Je reste un moment à la regarder, surpris de ce qu'elle vient de me proposer : Partir au Canada avec eux...

- Tu n'es pas sérieuse là ?

- Ben quoi ? Tes neveux et nièces seraient très heureux de pouvoir skier avec toi. Je n'ai pas dit que tu devais y aller pour autre chose, me dit-elle avec un clin d'œil

- Mais bien sûr, tu ne parlais pas du tout du fait que je pourrais sur place tomber par hasard sur Emma n'est ce pas ?

- Euhh faut quand même pas pousser Henri. C'est grand le Canada et le ciel vous a déjà suffisamment aidés, à vous de bosser un peu tu ne crois pas ?

- Si tu me dis que vous allez en Ontario, là je te promets d'y croire à ton histoire de destin, parce que justement si le pays est si vaste, il pourrait au moins s'arranger pour qu'on soit dans la même province ce Dieu dont tu parles !

- Et tu ne veux pas aussi qu'il fasse ta demande et tout le reste ?

- Arrête de parler mariage tu veux, m'agaçais-je. Je n'ai pas l'intention de me marier je te le répète.

- Ok, Ok !! conclut-elle, les mains levées en signe de reddition. Nous allons au Québec, mais je ne sais pas où précisément, c'est Stuart qui s'est occupé de tout, c'est notre cadeau de Noël aux enfants et moi.

Nous restons encore un moment à discuter sous le chêne avant de rentrer.

*******

Nous sommes installés dans la véranda pour le repas du midi. Tout le monde au grand complet dont mes grands parents paternels, venus spécialement d'Ecosse pour les fêtes. Comme à son habitude, mon grand-père fait tourner ma grand-mère en bourrique, mais elle sait bien le prendre donc elle ne se laisse pas faire. Ils sont tellement adorables à se taquiner sans cesse et les clins d'œil que mon grand-père lancent après chaque pique ne sont pas inconnus de ma grand-mère, même si elle le laisse croire.

- J'ai cru comprendre que vous partiez pour le Canada, juste après Noël interroge Thomas

- Oui en effet, nous partons vendredi et revenons le vendredi suivant réponds Stu plein d'entrain.

- Vous allez dans quelle province ?

- L'Ontario. Dans une petite station familiale. Je me suis dit que ça serait l'idéal pour les enfants.

Et pour la seconde fois de la journée je recrache de surprise... du vin cette fois. Dieu merci je n'ai arrosé personne. Tous les regards convergèrent vers moi !!

- Henri ?

- Désolé mère, j'ai avalé de travers...

Je ne sais pas si mon explication a convaincu, mais la discussion sur les vacances au ski de Mary et sa famille reprend naturellement. Stuart explique pourquoi il a changé d'avis en choisissant l'Ontario, plutôt que le Québec. Les choses se sont goupillées ainsi voilà tout.

Je surprends le regard de Mary sur moi, l'air de dire «Tu vois ? Je te l'avais dit... Et si avec ça tu ne comprends pas !!! » Je lui fais un demi sourire. Que pouvais-je faire d'autre ?

- Tu pourrais venir avec nous Henri, propose ma sœur, l'innocence incarnée.

- Pardon ?

- Je dis que tu pourrais venir avec nous au Canada. Je suis certaine que ça ferait très plaisir à tes neveux et nièces, n'est ce pas les enfants ?

La traite. Prendre les enfants en otage pour me forcer la main. Elle est vraiment prête à tout. Bien-sûr ça ne loupe pas. Les enfants adhérent à son offre.

- Oh oui, oui oncle Henri, ça serait chouette que tu viennes avec nous, me lance Emily l'un des jumeaux.

- Ah oui je vais pouvoir grimper sur ton dos pour descendre les pistes enchaine Katie la petite dernière.

- C'est une excellente idée, je peux voir avec l'agence pour te réserver un billet sur le même vol que nous Henri, tu serais partant ? M'interroge Stu.

Tout cela va bien trop vite. Partir au Canada ? En Ontario quand je sais qu'Emma s'y trouve ?

- Euhh je ne sais pas du tout, vous me prenez de court là... je pensais rentrer à Genève pendant le week-end. Il n'est pas sûr en plus de trouver un billet à la dernière minute et...

- Stuart se renseignera auprès de l'agence, dis nous juste si tu es d'accord pour faire ce voyage avec nous.

- Mary... je ne peux pas te répondre comme ça... il faut que je vois ...

- Qu'est ce qui pourrait t'en empêcher insiste Mary

- Le travail.

- Henri tu n'es pas censé reprendre le boulot avant le 05 janvier...

Elle le sait parce que je le lui ai dit moi-même, quelques jours auparavant. Dans d'autres circonstances, je n'aurais pas hésité, mais là....

Mary insiste parce qu'elle veut prouver que sa théorie était la bonne. Cette théorie mystique qui tend à dire que le ciel se plie en quatre pour nous réunir Emma et moi... Absurde !? Oui complètement !

- Pourquoi hésites-tu ? Tu aimes skier pourtant ? Et pis le Canada, tu as toujours aimé ce pays non ?

Je sais qu'elle ne lâchera pas le morceau comme ça, donc je finis par accepter surtout pour arrêter cette discussion dont seuls Mary et moi comprenions vraiment les tenants et aboutissants.

- Parfait ! Je vais appeler l'agence tout de suite, pour te réserver le billet et le séjour avec nous.



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