Chap 15 : Lundi 21 avril 2014
******EMMA******
Je me réveille dans ma chambre d'enfant dans notre maison de Cornwall. Le soleil est déjà haut dans le ciel et entre à grands flots par la fenêtre sans pour autant réchauffer la pièce. On annonçait du -15° pour la journée et je me réjouissais de goûter à nouveau à nos températures polaires. Je reste encore étendue à parcourir des yeux cette chambre où j'ai connu tellement de petits et de grands bonheurs – quelques pleurs aussi mais si peu – Les rideaux fleuris dans les tons de mauve et de rose que ma mère avait cousus avec ma grand-mère. Ma bibliothèque remplie de livres, de cahiers de note, de médailles et de trophées. Mes peluches sur mon coffre à jouet en bois sous l'une des fenêtres et mon vieux fauteuil club en cuir – patiné par le temps – récupéré lors d'une vente de garage, dans lequel j'adorais me vautré pour lire ou écouter de la musique. Je ferme les yeux un instant et j'imagine les odeurs et les bruits de mon enfance. Ma mère en bas en train de préparer le brunch, mon père en train de couper du bois avant de le rentrer dans la maison. Brock et sa petite famille qui arrivent. Les odeurs de saucisses, de bacon, de pain grillé, du café, fraichement préparé et des pancakes. J'entends les pas de Noham et Sarah-Lee qui montent les escaliers pour me surprendre dans mon sommeil....
Je ne connaitrai plus ces petits bonheurs simples. Les larmes coulent le long de mes joues sans que j'en sois réellement consciente.
J'ai insisté pour que Brock me laisse à la maison. Il n'était pas très chaud mais il m'y a déposée quand même. J'ai besoin d'être là, j'ai besoin d'être seule un moment avec mes souvenirs.
Je sors de ma chambre, repasse dans chaque pièce de l'étage et les souvenirs continuent d'affluer : la chambre de mes parents, la chambre de Brock. Les escaliers avec les photos de notre famille, des portraits de Brock et moi à tout âges, nos photos de finissant au secondaire et à l'université, celle du barreau des avocats de l'Ontario. À l'étage d'en dessous, le salon avec l'immense cheminée et encore des photos sur le large linteau. La cuisine, le bureau de mon père, la bibliothèque, la salle à manger... cette maison renferme tellement de souvenirs, d'heureux souvenirs... j'avais vraiment été bénie pour avoir une famille comme ça. Oui Brock et moi avons eu beaucoup de chance d'avoir Gayle et Richard Scott-Hallyway comme parents, vraiment beaucoup de chance.
J'entends une voiture entrée dans l'allée qui mène à la maison. Les portes claquent et très vite des cris d'enfants remplacent le silence.
-Oh mais c'est qui ces petits montres qui me dérangent dans mon antre ? J'avais à peine dis ça que je me suis retrouvée avec deux tornades dans les bras.
-Matante Emma, matante Emma !!!
-Tu vas t'en sortir ? me demande Brock moqueur
-Bien sûr ! Ce ne sont pas deux petits monstres de rien du tout qui vont me faire peur et qui vont venir à bout de moi voyons
-Bon vous laissez Emma respirer un moment ? les réprimandes gentiment Rébéka
-Mais on ne la voit pas souvent maman réplique Noham
-Ce n'est pas une raison pour l'étouffer répondit Rébéka
-Alors qu'est ce que vous faites là ?
-On n'allait pas te laisser prendre ton premier petit déjeuner de retour, toute seule voyons...
-Et pour l'occasion on a même fait de ce jour un jour férié. La famille Scott-Hallyway au grand complet à pris sa journée annonce avec emphase Brock
Sur ces mots je vois débarquer Mamie et Papy Scott, je les prends dans mes bras, tellement heureuse qu'ils soient là avec nous. Mes grands parents sont tellement formidables. Je sais que mon départ les a peinés, eux aussi je les avais abandonné quelque part... je suis partie parce que je pensais n'avoir plus de famille et pourtant ils sont bien là me démontrant que ma famille est toujours là pour moi. Je leur dis combien je les aime et combien je suis désolée. On pleure, on rit, on s'embrasse et on pleure encore.
-Vous êtes des grands fous !! Mais ça me fait super plaisir de vous avoir avec moi pour cette journée... surtout mes petits monstres !
-Allez !! Venez vous installer à table, je vais faire le petit-déjeuner. J'ai pris tout ce que tu aimes Emma, bacon, saucisse, ton thé préféré : orange pekoe, des œufs, du pain complet et je vais faire des pancakes. Ton frère a pensé à prendre le sirop d'érable des Tremblay.
-Ok. Vous avez décidé que j'avais trop maigri c'est ça ?
-Tu es très bien comme ça Emma. Tu es resplendissante.
-Merci grand frère... je me sens mieux comme ça je dois dire, retrouver mon poids d'avant ça fait du bien.
-Et ton boulot ? Le cabinet où tu bosses à bonne réputation j'ai vu
-Tu t'es renseigné sur le cabinet ?
-Ben oui, c'est normal non ?!
Je regarde Rébéka et elle hausse les épaules en signe d'impuissance.
-Je lui ai dis qu'il devrait peut-être pas mais il a prétexté vouloir savoir si tu étais bien tombé et que c'était son rôle de grands frère !!
-Donc tu as été rassuré n'est ce pas ? Tu sais aussi que nous avons un gros dossier sur le feu, l'Europe ayant le désir de « sauver » la Grèce, une grande banque Suisse est en train de racheter une banque de là bas. Je travaille sur ce dossier et c'est intense !!
-Intense ? me demande Rébéka... c'est drôle que tu emploie ce mot pour parler de ce dossier
-C'est le mot qui m'est venu... désolée
-Maman je peux avoir un chocolat chaud ?
-Brock tu leur sers le chocolat qui est dans le thermos s'il te plait ?
Mon frère se lève dépose un baiser dans le cou de sa femme avant de servir les enfants. Je les avais toujours vu aussi amoureux, une parfaite entente. Mon frère prenait soin de sa femme, tout comme papa l'avait fait avec maman et papy avec mamie avant eux. J'avais toujours rêvé moi aussi, de rencontrer un homme comme les hommes de ma famille, papy, papa et Brock, sans vraiment chercher. En fait je ne me suis jamais vraiment projetée dans le futur avec mari et enfants... Je pensais à réussir mes études, ma carrière professionnelle et le reste était secondaire. Avant que mes parents ne meurent j'avais dans l'idée de partir 3 mois en Australie, c'était le petit cadeau que je voulais me faire. Je bossais déjà dans le cabinet de mon père, mais avant d'être trop prise je voulais faire ce voyage.
-Allo la terre ?
Je souris à Brock, j'étais vraiment contente d'être là avec eux. Au cours de la soirée d'hier nous avions pris le temps de discuter. Ça n'a pas été simple pour moi mais je savais que je devais le faire. Nick avait raison, je m'étais montée la tête toute seule... rien n'avait changé... j'avais tellement eu peur d'être rejetée, que j'ai rejeté avant. C'est fini maintenant : J'ai retrouvé ma famille.
Les choses avaient repris leur place et c'était très bien comme ça. Brock essayait de me convaincre de revenir, mais j'avais envie de continuer un peu en Suisse. J'aimais ce que j'y faisais, je voulais voir aboutir les dossiers sur lesquels je bossais et je crois bien qu'un certain Henri McEverty me retenait aussi là bas.
Il est 14h en Europe, qu'est ce qu' "il" pouvait bien faire ? Probablement en train de finir un quelconque déjeuner d'affaires. Pensait-il à moi lui aussi en ce moment même ? Est-ce que je lui manquais comme à la fin de semaine dernière ? Il est certain que là, je ne risque pas de le voir débarquer à Cornwall !!
-Matante Emma tu viendras avec nous au parc cet après-midi ?
-Ça va dépendre de si vous faites ou pas une sieste après le brunch et si vous êtes sages entre !
-On est toujours sage, répondent-ils en cœur. Ils sont vraiment adorables.
Une fois la tonne de nourriture, préparée par Beck, installée dans nos petits bedons repus, nous prenons la direction du salon, thé en main, pendant que Noham et Sarah-Lee montent – sans se faire prier – se reposer dans l'ancienne chambre de leur père.
-Alors ma chérie ta nouvelle vie là-bas te plait ?
-Oui grand-père, beaucoup. Le cabinet où je bosse est très réputé et l'ambiance y est bonne...
-Pas de discrimination à ton égard ? D'aucune sorte ?
Je sais qu'il faisait allusion à ma couleur de peau. C'est une des choses qui leur avait fait peur quand j'avais annoncé mon départ pour l'Europe quelques mois plus tôt. Nous avions cette vision de cette partie du monde plutôt raciste et les événements qui s'y déroulaient ne défendaient pas leur cause.
-Non grand-père. Ni dans mon boulot, ni à l'extérieur. Je suis plutôt chouchoutée par mes collègues et les associés du cabinet sont très satisfaits de mon travail.
-Tu vas à l'Eglise se renseigne grand-mère
-Sincèrement ?! Pas autant que je le devrais... je... je
-Tu lui en veux de t'avoir pris trop tôt tes parents n'est-ce pas ? Mais tu sais que cela fait partie du cycle de la vie. Nous naissons pour mourir. Il nous incombe pendant le laps de temps que nous avons à passer sur cette terre, de faire au mieux pour mériter notre paradis. Faire le bien autour de nous, nous aimer les uns les autres, rendre la justice, voilà le plus important.
Ils avaient perdu leur fils et ils étaient là à croire encore, là à me rassurer. Des parents ne sont pas censés vivre la mort de leur enfant. Ça n'est pas dans l'ordre des choses et pourtant ils restent forts.
-Ne te renferme pas sur toi surtout. As-tu trouvé un lieu de culte là-bas ?
-Oui grand-mère. Un de mes voisins y va aussi...
-Un voisin ? Un charmant jeune homme célibataire j'espère.
Tout le monde éclate de rire devant la mimique comique de grand-mère, me faisant rire à mon tour.
-Grand-mère non. Enfin si il est célibataire et charmant si on aime ce... Enfin moi ce n'est pas ce que je veux...
-Et tu veux quoi demande aussitôt grand-père.
-Je ne sais pas exactement mais je sais que ça n'est pas lui. Je veux en tout cas d'un homme comme toi. Comme l'a été aussi papa et comme l'est Brock. Un homme qui prends soin de sa femme, de sa famille et qui révère Dieu mais ne soit pas un religieux forcené. Je veux vivre une passion dévorante, forte, qui me bouleverse, me transporte, je veux...
Je m'arrête dans ma diatribe quand je vois les sourires en coin fixés sur moi. Ça n'a jamais été un secret dans la famille que Nick et moi étions des passionnés pour qui épouser, un autre chrétien n'était pas une priorité. Bien sûr que c'était important que notre moitié croit en Dieu, histoire que cela ne soit pas un frein dans notre relation, mais c'était tout.
-Bon pas la peine de vous moquer.
-On ne se moque pas crapautte... maman n'était pas chrétienne. Cela n'a pas empêché qu'elle épouse papa. Moi je suis chrétien et je pense faire vivre la passion que tu décris à ma femme et plus encore. N'a-t-elle pas l'air épanouie ? Voyez comme l'amour la rends belle, chaque jour un peu plus.
Rébéka papillonne des yeux, exagérément avant que son mari lui capture les lèvres sous nos regards attendris. Oh oui ils ont l'air heureux. Mais ce qui me fait peur c'est le côté parfois trop coincé de certains chrétiens. Pourtant la religion n'interdit pas le sexe, bien au contraire il l'encourage vivement même. Je me tourne vers mes grands-parents.
-Vous n'avez jamais été contre cette union ?
-Quand votre père est revenu de ce camp d'été dans le Texas, nous parlant toute les deux secondes de la merveilleuse jeune fille qu'il avait rencontré, nous avons tout de suite compris que cela ne s'arrêterait pas là. Votre grand-mère en a fait un sujet de prière tout de suite et nous avons laissé venir les choses. Nous avions confiance dans le discernement de votre père. Gayle est venue faire ses études à Québec et nous avons appris à la connaitre. Le fait que votre père soit l'homme était aussi probablement plus facile. Il n'allait pas exiger d'elle plus qu'il ne le devait, si vous voyez ce que je veux dire. Pour une fille par contre c'est un peu plus compliqué quand l'homme qu'elle désire n'est pas chrétien... la tentation est plus forte quand il y force de proposition en face
Force de proposition... en voilà une façon originale de décrire les choses. Automatiquement mes pensées vont vers Henri. Force de proposition. A coup sûr c'est ce qu'il est Monsieur McEverty... une force de proposition. Pourrais-je résister ? Pourrais-je lui faire comprendre que pour moi ça ne se passe pas comme pour lui ? Probablement qu'il n'aura aucune envie de s'embarrasser de mes principes. Et pourquoi ça serait plus les miens que les siens qui devraient régir notre relation ?
« - Pardon ?? J'ai bien entendu ?? Régir votre relation ?? Il y a relation donc ?
-Arrête ça n'est vraiment pas le moment !!
-Ah ben je croyais utile de préciser certaines choses pour...
-Pas maintenant. Chuttt !!! »
-Y'aurait-il un jeune homme, non chrétien, qui te donnerait envie de vivre l'amour ?
-Et si vous laissiez Emma respirer un peu ? Elle ne vous a pas dit qu'elle avait envie de se marier. Quand ça sera le cas, elle nous le dira.
Ma chère Belle-sœur vient de mettre fin à une conversation que je ne suis pas prête à avoir. Je n'ai pas le temps de répondre de toute façon. 1h30 après le début de leur sieste, mes deux petits montres sont de retour dans le salon prêt pour la promenade promise.
*******
Maintenant qu'ils sont repartis, j'entreprends de mettre un peu d'ordre dans mes papiers. Emballer les choses que je veux expédier en Suisse, jeter ce dont je n'ai plus l'utilité, histoire de faire un peu le vide. Une fois tout cela fait, je m'installe sur le canapé avec l'intention de regarder une vieille série québécoise dont je raffole et qui ne prend pas une ride avec les années : La petite vie*. Mon meilleur ami m'avait offert le coffret pour mes 15 ans en pensant me faire une blague. Il n'avait pas prévu que je le forcerais à regarder avec moi. Le pire c'est qu'on est devenu accro à cette série qu'on a dû voir un nombre incalculable de fois.
Sept épisodes plus tard, je me lève pour mettre des bûches dans la cheminée, et mes pensées partent vers le dernier feu de cheminée que j'ai vu. Je chasse très vite ces idées de ma tête pour me concentrer à nouveau sur ma série.
A 22h n'arrivant plus à garder les yeux ouverts, je vais prendre ma douche et file me glisser dans mon lit. La tête à peine posé sur l'oreiller, Morphée me cueille dans ses bras.
(*) La petite vie est une série télévisée humoristique québécoise diffusée entre 1993 et 1998.
******* Un très long chapitre pour vous faire patienter jusqu'au prochain.
Le chapitre précédent vous a bien fait réagir, avec le comportement d'Henri, du coup celui-là est un peu plus calme.
Maintenant leurs visages !!!!
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top