Chap 6.3 : Samedi 02 mai 2015

*******HENRI*******

Je viens de recevoir l'appel d'Emma et je suis surexcité et un peu anxieux. Elle revient alors que je n'avais plus l'espoir de la revoir ce soir. J'ai vite décommandé Ed qui ne s'est pas privé pour se moquer allègrement de moi et de mon comportement d'adolescent à son premier flirt. Je n'en ai pas pris ombrage, parce que d'une part, ça vient de mon meilleur ami et que je sais qu'il n'y a pas une once de méchanceté dans ses propos et d'autre part parce que c'est la triste vérité.

Cela fait maintenant un peu plus d'un an que je connais Emma. Notre relation est passée par bien des épreuves. Aujourd'hui nous sommes mariés et nous avons en plus consommé notre union. Je devrais donc être plus serein, mais comme entre nous rien n'a jamais été normal, je ne sais pas du tout comment me comporter. C'est ma femme mais notre situation donne plus l'impression d'une petite amie. Nous n'habitons pas ensemble et donc à ce titre que dois-je faire ? Une femme qui revient à la maison après une journée de travail, retrouve ses marques mais une petite amie fait quoi ? Elle se comporte comme une invitée. Mais je ne veux pas qu'Emma soit une invitée ici, je veux qu'elle se sente chez elle au même titre que si elle était dans son appartement. Bon, je verrai bien le moment venu. Pour l'instant je dois préparer son arrivée, elle m'a prévenu qu'elle serait là dans une petite heure.

Cinquante minutes plus tard, j'embrasse du regard le salon et je trouve le résultat pas trop mal. Je suis même plutôt fier de moi. Je prends des photos pour immortaliser la scène, même s'il est vrai que pour l'instant personne d'autre que nous ne les verra. Il me reste dix minutes pour prendre une douche rapide et me mettre quelque chose de chic et décontracté. Un col roulé. Je sais qu'Emma adore ça.

Quinze minutes plus tard la sonnerie de la porte retentit dans la villa. Je note mentalement qu'il faudrait que je lui donne un jeu de clés pour qu'elle entre quand bon lui semble. Mon rythme cardiaque s'accélère alors que je me dirige vers la porte. Je lui dis simplement bonsoir ou je l'embrasse ? Et si je l'embrasse ça sera sur la joue ou sur ses lèvres charnues ? Cette seule pensée, les lèvres de ma femme, m'envoie une petite décharge directe dans le bas-ventre avec des images toutes plus affolantes les unes que les autres. La main sur la clenche, une profonde respiration pour m'exhorter à la retenue et j'ouvre la porte. Ma princesse est devant moi, un large sourire lui fendant le visage. Elle porte une jupe en jean sur des collants fin noirs et un pull léger rose poudré, avec un large col roulé, sous un long manteau noir.

J'admire la belle jeune femme qui se tient devant moi et d'un coup toutes mes questions s'envolent. Je tends la main pour saisir la sienne avant de fermer la porte du pied et de fondre sur ses lèvres. Elle ne se fait pas prier pour me laisser caresser le velours de sa langue. Sensation divine. Elle est doucement sucrée, fraîche et chaude à la fois. Une fois séparés, histoire de reprendre notre souffle je lui souris à mon tour.

- Bonsoir mo chridhe

- Waouh ! J'espère que tu me diras encore bonsoir comme ça dans vingt ans.

- Je te promets de te dire bonsoir comme ça dans soixante-dix ans, si je suis encore de ce monde.

- Grand fou va !

- Tu lui as manqué au grand fou tu sais !

Elle me sourit, illuminant mon univers aussitôt. Je récupère son manteau avant de le suspendre à la patère de l'entrée et lui prends la main pour l'inviter à me suivre.

- Waouh ! Henri... c'est... c'est magnifique.

- Ça te plaît vraiment ?

- Mais comment peux-tu en douter. Tu as fait ça tout seul ?

- Euh ce n'est quand même pas très compliqué d'allumer des bougies tu sais...

- Certes mais... tu as fait ça pour moi...

- Je ferais tellement de choses pour toi Emma, si tu savais.

Elle baisse les yeux, légèrement intimidée par mes propos, avant de faire face au salon. Ce dernier est éclairé à la seule force de la cheminée et des bougies que j'ai disposées ici et là. J'ai installé un grand tapis duveteux crème devant l'âtre, avec des coussins partout et un grand plateau, que je ne soupçonnais même pas posséder, sur lequel était disposé un assortiment de makis et de sushis avec les sauces, sucrée et salée, le gingembre confit et le wasabi. Hors du tapis mais juste à côté du canapé une bouteille de vin rouge qui décantait tranquillement était disposée dans un sceau en terre cuite pour éviter que la chaleur distillée par le feu de cheminée, ne le chauffe. Sur le canapé qui nous servira de dossier, j'avais posé un grand plaid pour l'après repas si la dame voulait bien venir se blottir dans mes bras.

- J'adore ces ambiances, bougies et pique-nique.

- Je sais. Et je t'avais promis un jour que ça ferait partie de nos traditions de couple.

Je sentais l'ambiance un brin tendue entre nous et je n'avais pas envie de cela, surtout après la nuit dernière. D'où pouvait venir ce malaise ? Je me rendis à l'évidence : C'était moi qui étais tendu en fait, moi qui me faisais un monde de notre rendez-vous m'imaginant qu'Emma pourrait être mal à l'aise. Comme si elle avait compris le tumulte qui m'agitait, elle se tourne vers moi, lève les mains vers mon visage pour le prendre en coupe.

- Tu vois, je suis là finalement. Nous n'aurons été séparés que quelques heures, rien d'insurmontable n'est-ce pas ?

Je ferme les yeux à son contact, laissant sa chaleur se propager en moi et après un soupir, ouvre les yeux pour les plonger dans les siens. La seconde suivante c'est ma bouche qui fondait sur la sienne. Je m'étais monté la tête en imaginant qu'Emma ne pourrait qu'être gênée de cette nouvelle proximité, cherchant des obstacles là où il n'y en avait pas, tout cela parce que c'était nouveau pour elle. Finalement elle me donnait une bonne leçon, moi et mes a priori. Vierge mais pas coincée.

- Oui tu es là et je ne compte pas te laisser partir de sitôt.

- Lundi matin pour aller travailler, tu penses que tu pourrais consentir à me laisser quitter la chambre ?

Je souris au choix des mots. Chambre et pas maison par exemple. Etes-vous aussi insatiable que moi Mlle Scott ? Je referme possessivement mes bras autour de sa taille et levant un sourcil interrogateur.

- Tu penses donc passer tout ce temps dans ma chambre ?

Elle tourne la tête vers le petit nid que j'ai créé avant de revenir vers moi, un sourire espiègle étirant ses lèvres.

- Ici aussi fera l'affaire, je n'ai pas encore de préférence, du moment que je suis dans tes bras.

Elle resserre son étreinte autour de mon cou, me faisant me pencher sur ses lèvres que je capture dans un baiser gourmand. Mon membre réagit déjà. Tellement envie de la faire mienne encore. Front contre front, je nous exhorte au calme.

- As-tu faim...

- Oui ! Très !

Ses yeux sont brillants de désir et moi j'ai peur de ne pas pouvoir résister à ce petit bout de femme.

- Alors mangeons. Des sushis.

Une lueur de déception passe dans son regard mais très vite le sourire la remplace. J'invite Emma à prendre place sur le tapis, pendant que je me rends en cuisine pour récupérer les baguettes et les coupelles pour les sauces. Quand je reviens, elle est assise en tailleur un coussin entre les jambes sur lequel elle a posé une assiette. Pourquoi pas ? Je prends place à côté d'elle et en fait autant. Je la regarde mélanger les deux sauces dans la coupelle et y rajouter une belle noix de wasabi. Perso, j'ai une préférence pour la sauce sucrée alors je ne prends que celle-là sans y ajouter le wasabi. Je ne crois pas être aussi téméraire que ma femme sur ce point. Elle plonge un premier maki dans le mélange avant de le porter à sa bouche. Le spectacle vaut le détour : Emma dépose ses baguettes et agite les mains devant son visage, comme si elle avait chaud. Des larmes se forment au coin de ses yeux d'où le sourire n'a pas disparu.

- Mais qu'est-ce que tu fais ? Tu ne savais pas que ça piquait ?

Elle peine à me répondre et moi je me saisis de sa coupelle pour lui en donner une nouvelle, mais elle ne l'entend pas de cette oreille, secouant la tête pour me signifier son désaccord.

- Elle est immangeable maintenant. Prends une autre coupelle et mets-en moins.

- Non, non... C'est volontaire. J'adore cette sensation. Ça monte vite au cerveau mais ça ne laisse aucune sensation de brûlure en bouche pas comme le piment antillais dont raffole mon cousin.

Dubitatif devant ses explications et sa main tendue, je lui remets sa coupelle pleine de sa mixture bizarre.

- La première bouchée est toujours plus difficile mais mon cerveau s'y habitue vite, ne t'inquiète pas.

- Tu sais que tu es... bizarre ?

- Merci. C'est bien que tu t'en aperçoives aussi vite.

Elle me fait un clin d'œil, pas le moins du monde vexée par ma remarque avant de continuer.

- Tu n'imagines même pas à quel point je suis bizarre. Non, correction : à quel point je peux faire des choses que d'aucuns qualifieraient de bizarre.

- Comme quand tu te bouches les oreilles et ferme les yeux pour ne pas entendre et voir les annonces des films au ciné ?

- Par exemple. Mais la plupart en disent trop et cela me gâche mon plaisir de découverte donc je ne prends pas de risque et je ne regarde rien.

- Comme quand tu restes lire tout le générique ?

- C'est important de rendre hommage aux gens qui ont bossé sur le tournage pour rendre le film possible et dans certains genres de films, il y a des scènes post-générique, appelé aussi, post-crédits, ou tag ou encore stinger...

- Oh madame montre sa science ?

- Non. Madame t'apprend !

- J'en ai de la chance. Et j'espère que tu as plein d'autres choses à m'apprendre ?

Son regard se fait suspicieux quelques secondes mais elle finit par répondre les yeux ancrés aux miens comme si elle cherchait à déceler quelque chose.

- Tu n'as pas idée de tout ce que je pourrais t'apprendre, tout comme toi tu auras aussi des choses à m'apprendre. Ça va dans les deux sens...

- Bien sûr. C'est important d'apprendre les choses qu'on ne connaît pas...

- C'est d'une logique implacable. Le bon sens même. Et puis apprendre permet d'acquérir des compétences supplémentaires...

- Tellement vrai...

- Oui, tellement vrai...

- Et qui refuserait d'ajouter des cordes supplémentaires à son arc...

- Surtout avec les bonnes leçons...

- Donc d'un bon professeur nécessairement....

- Le meilleur qui soit dans la mesure du possible...

- L'élève n'en sera que plus douée...

- Et le professeur que plus satisfait de son élève...

- Et ô combien fier ce professeur...

- Et que dire de la reconnaissance presque éternelle de l'élève...

- Assurément !

- Assurément !

De concert nous prenons chacun notre verre de vin et trinquons symboliquement avant de boire. Parlions-nous toujours de cinéma ou d'apprentissage basique ? Je n'en suis pas certain mais nous étions clairement sur la même longueur d'onde et ce n'est pas son sourire de coquine qui me fera penser le contraire.
Je ne crois pas à la chance que j'ai d'avoir rencontré une femme pareille. La femme parfaite pour moi : Incisive, piquante, drôle et aussi belle qu'intelligente. Elle a des défauts, j'en ai déjà eu un aperçu et je ne suis pas crétin au point de prétendre le contraire mais ils sont largement compensés par les qualités qu'elle montre. Notre vie ne sera pas toujours facile, je sais que nous aurons à faire face à des moments pénibles comme elle ou moi en avons déjà vécu et comme la vie en réserve tout simplement mais l'idée d'affronter ces difficultés avec elle, rend la perspective plus... rassurante. Emma est une femme droite et solide sur qui je sais pouvoir compter. Une femme de la trempe de ma mère, de Mimie et de Mary. Ce que j'ai toujours voulu sans oser croire que je pourrais l'avoir : La femme sage bâtit sa maison*. Je ne connais pas beaucoup de versets et je suis incapable de donner les références du très peu que je connais, mais s'il y en a un que j'ai toujours aimé c'est celui-là.

- J'ai pensé que nous pourrions mettre à profit notre dîner pour faire un peu plus connaissance. Je suis certain que tu as des questions à me poser. J'en ai pour toi en tout cas.

Son regard se fait soucieux, presque suspicieux et je m'en amuse je dois dire. Je trouve un certain plaisir à la mettre inconfortable, sachant que je ne lui veux absolument aucun mal. Juste envie de lui prouver qu'elle peut me faire confiance en tout temps pour toujours prendre soin d'elle. Envie qu'elle apprenne à lâcher prise. Si elle ne doit le faire qu'avec une seule personne j'aimerais, non j'ai besoin que ça soit avec moi.

- Que veux-tu savoir ?

- Tout ! Ce n'est pas ce soir que je saurai tout, on est bien d'accord, mais je voudrais, aussi bien toi que moi, que nous posions à l'autre toutes les questions qui lui passeraient par la tête. Par exemple un couple marié a déjà eu une conversation sur les enfants, la contraception... D'ailleurs nous avons fait l'amour plusieurs fois et je ne sais même pas si tu en as.

- Je prends la pilule.

Je suis à la fois soulagé et curieux de savoir pourquoi Emma prend un moyen de contraception. Je n'ai aucun doute sur ce que j'ai ressenti en lui faisant l'amour pour la première fois elle était bien vierge.

- Pourquoi ?

- J'ai commencé à la prendre pour les compétitions. Cela me permettait de gérer mes menstruations, d'éviter qu'elles n'arrivent au mauvais moment. Je pouvais donc décaler en fonction. C'est vrai que je n'ai rien dit hier mais je savais qu'il n'y avait pas de risque.

Même si elle parle de moi, je suis choqué de l'entendre dire qu'il n'y avait aucun risque. Il y a toujours des risques et des bien plus graves qu'une grossesse.

- La pilule ne protège que des grossesses, tu oublies le risque des maladies

- Henri je suis au fait de cela. Ma mère était gynécologue.

- Mais tu m'as laissé te faire l'amour sans. Je ne dis pas que tu dois te méfier de moi mais j'aurais pu ne pas être clean.

- Et tu m'aurais fait courir ce risque ? Attends !

Elle lève les mains pour me faire taire avant de prendre une grande inspiration et de continuer.

- Je sais que cela peut paraître naïf mais... je ne te voyais pas me mettre en danger et tu m'as aussi dit un jour que tu n'avais jamais fait l'amour sans condom.

- C'est vrai. Je ne l'ai jamais fait avant toi.

- Alors tu peux m'en vouloir d'avoir trop confiance en toi ?

Que répondre à cela. Je me doute que c'est parce que c'est moi, nous, qu'elle n'a pas eu de doute et je la crois assez intelligente pour ne pas se laisser avoir par un beau parleur. Sa mère était gynéco et Emma est loin d'être sans cervelle. Je me promets tout de même de lui montrer les résultats de mes derniers tests qui datent de sept mois après ma rupture avec Pétra. Et avant-hier soir, je n'avais plus jamais fait l'amour à une femme.
Je suis content que ce point soit éclairci.

- Est-ce que tu veux des enfants Emma ?

- Oui. C'est quelque chose qui est important pour moi. La transmission. Et avoir un enfant c'est une source de joie que j'aimerais avoir la chance de vivre.

- Un seul, deux, trois ? Combien ?

- Huit. Je trouve que c'est un très beau chiffre.

Je manque de m'étouffer avec le vin que je bois. Il me faut quelques secondes entre toux et raclement de gorge pour retrouver la parole. Cela n'a pas l'air d'inquiéter le moins du monde ma tendre épouse. Elle reste imperturbable, me tendant simplement ma serviette.

- Tu plaisantes hein ? Tu veux vraiment avoir autant d'enfants ?

- Ben oui. Une maison toute pleine d'enfants, n'est-ce pas la clé du bonheur ? Bon, il serait plus sympa et facile d'avoir des naissances multiples pour arriver plus tôt au nombre souhaité mais je suis consciente que c'est du bonus. Quoi qu'il en soit je suis prête à mener ces huit grossesses.

Avec son visage impassible, je suis incapable de savoir si elle est sérieuse ou si elle me mène en bateau. Elle porte un maki à sa bouche et ferme les yeux en émettant un délicieux son de gorge qui se répercute directement dans mon bas ventre. Je ne sais plus sur quoi je dois me concentrer. Son envie de huit enfants qui me fait carrément flipper ou l'attitude sensuelle qui m'excite les sens. Sans se rendre compte ou faire cas du tumulte dont je suis en proie, Emma présente à mes lèvres ses baguettes entre lesquelles elle a coincé un maki.

- Goûte-moi celui-là. C'est divin !

*******EMMA*******

Le goût du saumon, concombre et sour cream** se répand sur mes papilles. Le caractère du saumon, la fraîcheur du concombre ainsi que l'onctuosité et l'acidulé de la crème sont un régal pour les papilles. Proposer à Henri de prendre ce maki était tant de l'empêcher de continuer sur le sujet que de lui faire goûter cette merveille. Bien sûr que je le mène en bateau et cela m'amuse de le voir tout gober. Il faut dire que le sérieux que je mets à émettre et défendre mes idées est plus que convainquant. Ça vaut le détour de le voir paniquer. Qui ne le serait pas devant un discours comme le mien. Je suis certaine que le fait que je sois chrétienne participe à rendre mes propos plus que crédibles aux yeux de mon mari. Loin de vouloir mettre fin à son supplice, j'en rajoute une couche.

- Je sais que cela peut faire peur et qu'on a l'impression qu'on pourrait vite être débordés et n'être plus que des parents mais cela fait un moment que je pense à tout ça et j'ai déjà tout envisagé. Et en plus je n'avais même pas prévu la présence de Penny, elle pourrait être d'une aide formidable. C'est elle qui t'a élevé après tout, donc elle s'y connaît en gamin. Tu crois qu'elle sera d'accord ? Bon si elle n'était pas d'accord, il nous suffirait de chercher une autre nounou. Moi je prévois de changer de branche de droit, passer au droit privé, installer mon cabinet à domicile et faire beaucoup de pro bono*** il y a tellement de personnes qui méritent une défense et qui ne peuvent pas se l'offrir. Tu sais comme l'injustice m'insupporte. Nos parents nous ont mis à l'abri du besoin donc je pourrais me le permettre sans mettre en difficulté ma famille. Je n'aurais pas QUE des dossiers gratuits ça va de soi. Et pour ce qui est de l'aspect vie de couple, intimité, je suis certaine que tout ira pour le mieux. Si tu es un bon amant j'aurai forcément envie de toi bon si ce n'est pas le cas, je pense que toi et moi n'aurons aucun mal à espacer nos contacts intimes. Enfin excepté quand il s'agira de faire un nouveau bébé, là on n'aura pas le choix.

Pendant toute ma diatribe, je m'efforce de ne pas le regarder trop longtemps, sous peine de ne plus pouvoir maintenir mon rôle. Je le vois tantôt pâlir, tantôt s'offusquer et tenter de dire quelque chose mais mon flot continu l'en empêche. Je m'amuse comme une folle. Si je n'avais pas été avocate j'aurais pu être comédienne. D'ailleurs, un de mes professeurs à l'université disait toujours qu'être avocat c'est jouer comédie et tragédie : « Alors si vous n'avez pas votre diplôme vous pourrez toujours vous tourner vers le cinéma ».

Toujours pour l'empêcher de parler, je me dépêche de lui fourrer un sushi, cette fois, dans la bouche. C'est connu qu'il n'est pas poli de parler la bouche pleine. J'en profite pour le tourmenter un peu plus. Comment résister devant une victime aussi docile ?

- Bon je t'ai exposé mon point de vue, mais je suis consciente que je ne suis pas la seule à décider. C'est complètement le genre de chose dont on doit discuter pour se mettre d'accord. Si tu en veux plus, c'est négociable, je crois que je pourrais y consentir. Enfin faut voir l'état dans lequel je serai après mes grossesses. Mais hors de question d'en voir plus de quatorze, je veux pouvoir profiter des derniers sans que ça ne soit la fratrie qui s'en occupe. On met des enfants au monde, on fait ce qu'il faut pour eux. Et bien sûr toujours respecter la règle du chiffre pair parce que...

- EMMA !

Son cri me surprend et je m'arrête net, ne m'attendant pas du tout à cela.

- Tu n'es pas sérieuse ?

La tête qu'il fait en ce moment vaut tous les trésors du monde et je suis incapable de garder mon sérieux plus longtemps. J'éclate de rire.

- Mais quelle petite peste !

Tout en disant cela, il amorce un geste en ma direction et je le menace aussitôt de mes baguettes. Un sourcil interrogateur et secouage de tête signifiant la stupidité de ma veine tentative de défense, il attrape mon genou, me faisant sursauter.

- Tu crois vraiment que tes baguettes vont te protéger de moi ?

- Arrête ça tout de suite !

- Arrêter quoi ? Tu me fais tourner en bourrique et moi je dois arrêter ?

- Ça n'est pas beau la vengeance.

- Donc tu estimes qu'il y a matière à vengeance ? C'est un aveu de culpabilité ça non ? Je vois là un très bon moyen de défense : Monsieur le juge, fou de douleur, causée par les dires de sa femme, cet homme a perdu le sens des réalités. Il a comme qui dirait disjoncté. Il faut dire que les propos de la dame avaient de quoi faire perdre la foi à n'importe quel homme sensé, ne croyez-vous pas ?

- Alors pour toi vouloir des enfants de l'homme qu'on aime est insensé ?

- Vouloir autant d'enfants, dans notre situation est insensé oui !

- Notre situation ?

- Nous travaillons tous les deux. Je ne te demanderai jamais de quitter ton travail pour rester à la maison et t'occuper d'eux, je ne le ferai pas non plus et pourtant l'idée que d'autres que nous élèvent nos enfants n'est pas de mon goût.

- Dit celui qui a été élevé par une nounou...

- Justement. Crois bien que je ne regrette pas. C'était comme ça à mon époque. Ma mère ne travaillait pas officiellement et pourtant elle était tout aussi occupée voir plus, que quelqu'un qui bossait. Je ne regrette pas, c'est vrai et je ne peux pas dire que j'en ai souffert mais il est vrai que je souhaite autre chose pour nos enfants.

Henri m'avait tiré par la cheville et j'étais maintenant couchée sur le dos et il me surplombait. Pendant son discours il ne me regardait pas toujours mais maintenant ses yeux étaient ancrés aux miens et un tendre sourire fleurissait sur ses lèvres. Il ne semblait en effet, pas y avoir de regret dans ses propos mais il était pensif.

- Ce n'était pas sérieux tu sais. Je ne pense pas vouloir autant d'enfants.

- Je sais. Tu adores me faire tourner en bourrique. Et je sais que tu trouveras toujours quelque chose en ce sens.

A mon tour je lui souris et lève la tête pour un petit smack.

- Dis-moi toi, combien tu en voudrais.

- Il n'y a pas si longtemps, je ne pensais pas en vouloir. En fait j'étais certain de ne pas en vouloir...

- Et maintenant ?

- Maintenant il me serait difficile de ne pas voir ton ventre s'arrondir avec le fruit de notre amour.

Il scelle cette annonce en m'embrassant plus passionnément et profondément que j'ai pu le faire quelques secondes plus tôt.
Il récupère un coussin sur le canapé et le place sous sa tête avant de se coucher et de m'attirer dans ses bras dans le même mouvement. Je reste un moment la tête posée sur son torse, sentant sa poitrine se soulever au rythme de sa respiration. Le silence qui nous entoure n'est pas lourd bien au contraire. Apaisant serait le qualificatif le plus adapté.

- Si nous avions plusieurs enfants, tu aimerais que j'arrête de travailler pour m'en occuper ? Comme Mary ?

- Non. Tu t'épanouis dans ton travail et tu y es excellente. Je ne peux pas par égoïsme empêcher le monde de profiter d'une avocate de ta trempe.

- Je suis avocate d'affaires hein ? Je ne change pas le monde...

- Un jour peut-être, nous n'en savons rien. Quoi qu'il en soit je t'ai connue comme ça, je suis tombé amoureux de toi comme ça. Je veux avant tout que tu sois heureuse, qu'importe ce que tu feras.

Je me redresse et prends appui sur ma main posée sur sa poitrine. Ses mots m'émeuvent et je mesure la chance que j'ai de l'avoir.

- Nous n'avons pas besoin de décider maintenant. Nous avons le temps de voir venir.

- Oui. Je viens de te trouver et j'aimerais profiter de toi encore un peu avant de devoir te partager.

- Ils seront à toi aussi tu sais ?

- Oh mais je sais. Mais égoïstement je veux pouvoir leur dire que je t'ai eue plus longtemps qu'eux. Et encore heureux qu'ils soient à moi !

Il me fait une petite pichenette sur le nez avant d'y déposer un baiser léger comme une plume.

- On ferait mieux de ranger tout cela avant qu'on ne s'endorme ici.

Dormir n'était pas vraiment ce que j'avais en tête là tout de suite et je le fais savoir d'une certaine façon.

- Ne me dis pas que tu as déjà sommeil ?

- Non mais si on reste là, enlacés comme nous le sommes, nous finirons par sombrer dans les bras de Morphée.

- Nous... Nous pouvons aussi passer le temps à faire autre chose...

Le sourire coquin qu'il arbore ne laisse aucun doute sur ce qu'il a compris. Je sens mes joues s'échauffer légèrement. C'est encore nouveau. Il aurait pu chercher à me faire exprimer clairement les choses mais il est magnanime cette fois.

- Pas ce soir Mo aingeal...

- Tu es fatigué ? Mal de tête ?

Un grand éclat de rire accueil ma remarque. Ma petite pique n'a pas l'effet escompté.

- Non je ne suis pas fatigué. Et je n'ai pas non plus mal au crâne, petite chipie va. Tâche d'imprimer ce souvenir dans ta mémoire, il faudra qu'un jour proche tu y repenses et que tu te rendes compte de ton erreur. Il se rapproche de mon oreille : Tu pourrais regretter cette soirée et son calme relatif. Je te laisse le temps de... t'habituer.

Ses paroles qui ont l'air innocentes, envoient une décharge dans mon ventre. Les promesses qu'elles contiennent sont d'une clarté limpide et exacerbent mon désir. Comment lui faire comprendre que je suis plus que prête pour un nouveau round. Je ne pense plus qu'à cela. Le sentir à nouveau en moi. Je me colle un peu plus à lui, ma jambe gauche prenant assaut des siennes. Je lève la tête vers lui , les yeux suppliants.

- Mo aingeal tu n'imagines pas ce que cela me coûte de te dire non mais tu as vraiment besoin de repos cette nuit. Soyons sages ce soir pour en profiter dès demain et tout le reste de notre vie. Je n'aimerais pas que cela te laisse un mauvais souvenir et que tu n'aies plus envie de moi...

- JAMAIS !

Mes mots sortent avec une telle véhémence qu'il éclate de rire à nouveau.

- Me voilà rassuré sur la suite de notre vie de couple.

Il me serre plus étroitement encore dans ses bras, soupirant et déposant un long baiser sur mon crâne. Je me coule contre lui dans l'espoir qu'il change d'avis mais mes tentatives restent vaines. Il campe sur ces positions. Malgré la frustration que cela déclenche, je comprends et suis heureuse qu'il tienne autant à moi pour faire passer mon bien-être avant son plaisir. Dans une dernière tentative désespérée d'obtenir ce que je veux, je lâche un soupir à fendre l'âme.

- Pas ce soir, mais demain je te réveillerais en te faisant l'amour.

Je souris contre son torse et ferme les yeux. Comme un enfant à la veille d'une fête où il sait qu'il recevra des cadeaux, je prie pour que le sommeil m'emporte vite aux pays des songes et que demain arrive tout aussi vite.

(*) La femme sage bâtit sa maison, Et la femme insensée la renverse de ses propres mains. Proverbes 14:1
(**) Une crème sure, appelé crème aigre en France et crème acidulée en Suisse. Le nom est assez explicite pour comprendre quel goût cela peut avoir.
(***) Ici c'est défendre gratuitement des dossiers et plus largement c'est l'implication dans des initiatives d'intérêt général à titre gracieux.

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