Chap 5.1 : Vendredi 01 mai 2015


*******HENRI*******

Ce soir Emma vient dîner à la maison. Penny est toute heureuse quand je lui ai appris la nouvelle. Elle va très vraisemblablement préparer un festin en son honneur.

Emma devait passer le début de semaine à Lucerne. Je ne voulais surtout pas d'une séparation qui mettrait à mal ce qu'on construisait, surtout après le beau week-end que nous avions eu. Et puis aller la rejoindre par surprise là où elle se trouve commence à être assez récurrent pour parler de marque de fabrique de notre couple non ? Je voulais rester présent à son esprit à tout moment pour ne pas lui donner trop d'occasions de ruminer. Bien sûr je comprenais les réticences d'Emma quant à la réaction de mes proches quand ils apprendraient toutes les circonstances de sa naissance. Des réticences qui avaient pour unique filtre ou raison d'être, les propos de cette folle de Lizzie Bornstein.
Je suis certain que sans cela, sans cet enjeu entre nous, les choses auraient été plus simples. Si tant est qu'apprendre qu'on est un enfant né d'un viol incestueux ne soit jamais une chose simple.
De toute manière ma famille n'a pas besoin de savoir cela. Ce n'est pas une volonté de ma part de le cacher, c'est juste que c'est de l'ordre de l'intime et qu'Emma a le droit de ne pas vouloir partager cela avec tout le monde. En plus, ça ne fait aucune différence pour moi, mes sentiments ne se sont pas altérés depuis que je sais, bien au contraire. J'ai plus que jamais envie de la protéger, de la chérir, de l'aimer – on dirait des vœux de mariage tiens.
Je lui fais confiance, elle est bien plus forte qu'elle ne le pense. Elle est dotée de cette résilience, forgée dans l'amour que lui ont prodigué ses parents et sa famille. La nouvelle ne l'a fragilisée qu'un temps et j'espère que cette résilience et notre amour combinés lui donneront assez de force pour occulter ce passé douloureux et pour avancer.

Pendant ce séjour à Lucerne en début de semaine donc, nous avons longuement discuté de nous. Il n'a plus été question une seule fois d'annulation de mariage. Je ne lui aurais jamais donné satisfaction sur ce point de toute façon et j'aurais laissé traîner toute demande allant dans ce sens de sa part, ad vitam aeternam. Mais Dieu merci, je crois n'avoir plus besoin de m'en faire pour cela. Nos échanges étaient tendres, intenses et sensuels. Ni elle, ni moi ne cachions plus ce que la proximité de l'autre déclenchait. Le mercredi matin, nous nous étions réveillés, surpris, dans les bras l'un de l'autre. Du moins la surprise était plutôt pour elle car j'avais pleinement eu conscience d'avoir Emma dans mes bras, toute la nuit. Cela avait été un mélange de bon et de mauvais. Comment en étions-nous arrivés là ? Après le dîner nous étions montés à sa chambre et nous avions continué à discuter, assis sur le canapé. Ne voulant pas la quitter, j'avais proposé de regarder un film et au bout d'une heure, les yeux papillonnant, elle avait commencé à montrer des signes de fatigue. Je l'avais attirée contre moi, sans qu'elle proteste, reposant la tête au creux de mon épaule et elle avait fini par s'endormir. Je n'ai pas voulu la coucher plus confortablement – égoïstement – me faisant ainsi vivre le supplice de tantale. Je n'avais pas un seul instant pensé à sa réputation, à sa réaction si on voyait un homme sortir de sa chambre pendant la nuit ou au petit matin : Emma est ma femme même si à ce stade peu de personnes sont au courant. Brock, Rébéka et Nick de son côté et Edward du mien à qui j'ai demandé de garder l'info secrète, même à Paola. Je veux que ça soit Emma qui le dise aux autres, quand elle en aura envie, quand elle sera prête. J'irai à son rythme.

18h. La sonnerie de l'entrée retentit dans la villa. Je n'ai pas le temps d'aller ouvrir que Penny est déjà à la porte.

— Bonjour Mlle Scott-Halliway

— Emma, Penny, appellez-moi Emma s'il vous plaît. Bonjour !

— Entrez donc, Monsieur Henri vous attend.

— Merci Penny.

— Donnez-moi votre manteau.

— Ça sent drôlement bon dites-moi.

— J'espère que ça sera aussi bon, que ça sent bon alors.

— Si c'est vous qui avez préparé le repas, je suis certaine que ça l'est.

— Ce qui sous-entend que si c'est moi, ça ne serait pas le cas ? interviens-je. Je croyais cette vieille histoire loin derrière nous.

Emma tend son manteau à Penny tout en souriant. Je suis certain qu'elle se remémore ce premier dîner chez moi.
Elle porte une petite robe prune zippée sur le devant sur toute la longueur, arrivant au-dessus des genoux, avec des petites manches et au décolleté sage. Des collants noirs ou peut-être des bas et des escarpins noirs pour parfaire sa tenue. Ses cheveux sont retenus par une queue-de-cheval haute. Elle est juste magnifique. Elle se tourne vers moi, me faisant le plus beau sourire qui soit avant de répondre.

— Monsieur McEverty, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit...

— Je ne fais que poser une question, Damoiselle !

— Damoiselle ? Oh ! Ça sort d'où ?

Elle s'approche de moi, tout sourire et je me penche vers elle, comme pour lui faire la bise mais lui glisse à l'oreille.

— J'ai décidé, en bon gentleman que je suis, de vous faire la cour.

Je la sens tressaillir à mes mots et je laisse volontairement courir mon souffle dans son cou et sur sa joue. En me redressant je plonge dans le miel de ses yeux et perçois déjà une certaine dilation de ses pupilles ce qui me procure un plaisir immense. Je la vois déglutir, sa délicieuse bouche entrouverte, maquillée et scintillante m'attirant comme un papillon de nuit par la lumière. Je dépose un baiser léger sur ses lèvres tentatrices.
Penny s'est discrètement éclipsée en cuisine. Je prends Emma par la main pour l'inviter à me suivre dans le salon.

— Attends ! – Elle passe ses doigts sur mes lèvres – Tu as du rouge à lèvres

Son geste déclenche des frissons qui me mettent en émoi... oui ce simple geste !
J'ai l'impression d'être un adolescent à son premier rendez-vous... ridicule ? Je confirme. Faut que je me ressaisisse.

— Je te sers quelque chose à boire ? Alcool fort ? Jus de fruit ou vin rouge ?

— Si le repas est accompagné de vin, j'en prendrai dès maintenant pour éviter les mélanges.

— Alors un verre de vin rouge.

Je me dirige vers le bar ou j'avais déjà mis le vin à décanter et j'en profite pour me servir un single malt.

— Monsieur Henri, Mademoiselle Sc... Emma, je vous souhaite une excellente soirée.

— Merci, répond Emma, j'ai été ravie de vous revoir Penny.

— Oh croyez bien que moi aussi... Emma. Vraiment

Je suis content que Penny apprécie Emma. Cela change de mes anciennes petites amies qu'elle n'a jamais pu accepter.

— Bonne soirée Penny et profitez de votre week-end.

Je dépose les verres que j'ai en main pour aider Penny à mettre son manteau. Après un dernier sourire, je referme la porte derrière elle et rejoins Emma sur le canapé, lui tendant son verre de vin.

— Voilà, je t'ai tout à moi maintenant.

— Pour me... comment tu as dit déjà ? « Me faire la cour ». C'est bien ça ?

— Oui. Parfaitement ! Des objections ?

— Une observation plutôt ; Je suis déjà ta femme. Séduire me paraît plus... juste, plus opportun.

Je reste coi devant ses mots alors qu'elle éclate de rire. Sans me laisser le temps d'analyser plus en avant, elle lève son verre vers moi, me faisant comprendre qu'elle est prête à trinquer.

Nous entrechoquons donc nos verres et je la regarde porter le sien à ses lèvres avant d'en faire autant.

« Te séduire ? Oh mais tu ne perds rien pour attendre, la soirée ne fait que commencer. Tu veux jouer mais c'est toi qui risques de vouloir arrêter le jeu avant »

Je préfère pour l'instant et stratégiquement, faire un pas en arrière. N'allons pas effrayer la belle biche, laissons-lui croire qu'elle est celle qui mène le jeu. Non laissons-lui plutôt croire qu'il n'y a aucun jeu ou enjeu. Ce n'est qu'un dîner. Un simple dîner sans prétention, sans perdre l'objectif principal de vue trop longtemps : La séduire.

— Alors cette semaine ? Pas trop épuisante ?

— Nous l'avons quasiment passé ensemble tu sais ? Nous nous sommes parlé tous les jours. Plusieurs fois par jour même. Echanger des messages, tous les jours et là encore plusieurs fois par jour aussi et pour finir tu es venu me rejoindre, mardi chez mon client à Lucerne, énumère-t-elle sur ses doigts. Je crois qu'on peut dire que c'était une bonne semaine.

— Seulement bonne ?

Elle sourit faisant pétiller le miel de ses yeux comme des milliers d'étoiles dans le ciel. Son ton est léger et mon Dieu que ça fait du bien de l'entendre et de la voir aussi... apaisée après les tourments de ces dernières semaines.

— Non tu as raison : Elle était magnifique cette semaine. Même si j'ai eu très peur vendredi dernier...

Le jour où elle m'a fait lire la lettre...

— Emma, ne puis-je m'empêcher de la couper, je t'ai promis que je serai toujours dispo pour en parler avec toi, à chaque fois que tu le voudrais. Mais pour l'instant je veux que tu mettes cette histoire de côté assez longtemps pour qu'y revenir ne soit plus aussi douloureux. Tu as besoin d'une pause, de couper complètement avec ce passé qui est trop présent en ce moment. Tu as promis !

— Oui. J'ai promis et je vais me tenir à cette promesse. Tu es mon garde-fou.

— Attention je ne le serai pas toujours et pour tout dis-je d'un ton plus léger.

Petit sourire de mon invitée, mon message est bien passé. Tant mieux. Nous avons besoin de poursuivre sur le ton léger de notre semaine qui vient de s'écouler. Pas de tension, juste du bon temps pour qu'on se retrouve au diapason. Cette histoire nous a bousculés. Emma bien plus et je sais que c'est à cause de moi, du moins à cause de ce qu'elle pense que je suis supposé représenter.

— Je suis heureux de t'avoir ici ce soir, avec moi... tout à moi.

— Et je suis très heureuse d'être là Henri, avec toi... tout à toi.

Ses propos me troublent. Profondément. Je crois mener le jeu et pourtant elle me déstabilise parce que je ne sais pas à quel point ce qu'elle dit est sérieux ou pas. Pourtant c'est à cet instant précis que, je décide qu'il n'est pas question que je la laisse partir ce soir de chez moi et que ce n'est pas non plus dans la chambre d'amis qu'elle dormira. Mais je vais la jouer fine comme j'ai dit, pour ne pas effrayer ma belle. Il faut qu'elle soit complètement détendue et à l'aise. La soirée ne fait que commencer de toute façon.

Je suis assez proche d'elle pour étendre la main et prendre une mèche de ses cheveux qui lui retombe sur l'épaule. Elle regarde ma main, mes doigts qui glissent le long de cette mèche.

— Tu ne lâches pas souvent tes tresses...

— Locks, ce sont des locks pas des tresses

— C'est vrai, pardon. Tu me l'as déjà dit en plus. Mais quelle est la différence exactement ?

— Les tresses sont faites de trois branches, alors que les locks sont des twists.

— Tu dois trouver mes questions stupides non ?

— Pas du tout. Sans vouloir te vexer, tu es un homme alors ce genre de chose n'est pas vraiment de ton domaine d'expertise

— Vrai. Et... et je n'ai jamais fréquenté de noire non plus.

— Je ne suis jamais sortie avec un homme... Nous sommes donc tous les deux sur... sur quelque chose de nouveau.

On se regarde un long moment avant que je rompe le silence en lui proposant de passer à table pour calmer les choses. A moins que ça ne soit pour avancer plus vite dans la soirée ? C'est qu'elle serait capable de me déstabiliser plus que de raison cette petite joueuse.

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