Chap 3.2 : Vendredi 24 avril 2015

*******EMMA*******

Je suis à nouveau face à lui, incapable d'endiguer les larmes qui coulent allègrement sur mes joues. Je suis touchée par ses mots, par le fait qu'il parle de mes parents en ces termes. Oh moi aussi j'aurais adoré pouvoir les présenter. Je suis intimement convaincue que mes parents auraient adoré Henri et qu'ils lui auraient fait de la place dans notre famille, comme ils ont su le faire pour Rébéka.
Je dois pourtant faire une chose avant de pouvoir sincèrement répondre à ses attentes, sans que l'ombre d'un doute ne subsiste entre nous.

Je me lève rapidement du canapé pour aller dans ma chambre. En revenant je tends vers lui une enveloppe, toute froissée. La lettre que mes parents m'ont laissée. Je veux qu'il la lise. J'ai besoin qu'il la lise avant d'envisager d'aller plus loin. Je ne veux pas qu'il prenne de décision sans avoir appris la nouvelle comme moi je l'ai apprise. Je sais que Brock lui a dit que j'étais née d'un viol, mais je ne sais pas s'il connaît tous les détails, l'identité de mon géniteur et son lien avec ma mère biologique.

— Henri avant d'aller plus loin, je veux que tu lises la lettre de mes parents, je veux que tu saches exactement à quoi t'attendre.

— D'accord. Je vais la lire, mais ça ne changera strictement rien pour moi. C'est toi que mon cœur a choisi.

— Lis-la s'il te plaît.

Il saisit la lettre, ancre son regard au mien m'assurant ainsi qu'il est confiant en l'avenir. Notre avenir. Ses doigts touchent les miens. Décharge de plaisir mais aussi peur irrépressible que ça soit la dernière fois. C'est à cet instant précis que je me fais la promesse de croire en nous et de toujours lui faire confiance pour l'avenir, si apprendre cette terrible chose ne le chasse pas loin de moi. Si on survit à cela on survivra à tout. Dieu m'en est témoin.

Ma Chérie,

Si tu lis cette lettre aujourd'hui c'est que ni ton père, ni moi ne sommes de ce monde... Nous sommes partis rejoindre notre créateur, un peu trop tôt on dirait, mais ce n'est pas à nous de faire ce choix, ce n'est pas nous qui décidons de notre fin. Quoi qu'il en soit nous partons avec l'assurance d'être auprès de lui.

N'oublie pas que tu es et tu seras toujours notre petite fille adorée. Nous t'avons aimée à chaque seconde de notre vie et nous avons toujours, toujours eu à cœur ton bonheur. Nous t'avons, avec la grâce de Dieu, donné tout ce que des parents aimants peuvent donner à leur enfant. Tu as été, dès ton arrivée dans notre vie, notre rayon de soleil. Je ne t'ai pas portée en mon sein, mais jamais femme n'avait été plus heureuse que moi, le jour où je t'ai eu dans mes bras. Désirée... voilà avant tout ce que tu as été pour nous.

Ton père, ton frère et moi t'avons désirée, chérie et, que Dieu me pardonne ces paroles, adorée même !

Nous t'avons donné le meilleur de nous. Une éducation civique, intellectuelle et spirituelle selon nos valeurs et nous souhaitons du fond de notre cœur qu'elle sera toujours la base de ta vie et qu'un jour tu les transmettras à tes enfants.

Emma ma chérie, ne doute jamais de ta valeur... Tu es ce que tu es aujourd'hui par ton éducation et l'amour que nous te portons et non par ta naissance. Chaque mot, chaque câlin, chaque action, tout ce que nous avons fait n'avait qu'un seul but te rendre heureuse et je crois que nous y sommes arrivés non ?

Tu es belle, drôle, intelligente, vive d'esprit et tellement bonne... Des qualités que ton père et moi étions toujours fiers de te voir mettre à profit. Tu nous rendais parfois dingue quand tu rentrais à la maison avec un inconnu pour qu'il soupe avec nous... et quand nous t'en faisions le reproche, tu nous sortais inlassablement la même réponse : « Peut-on refuser le couvert à un enfant de Dieu... Jésus se cache en chacun de nous et il serait dommage de lui fermer notre porte » Que pouvions nous répondre à cela ? Il nous a fallu de la patience pour que tu acceptes que le monde qui t'entourait n'était malheureusement pas celui que nous aurions voulu pour vous nos enfants... Tu as compris et tu as été triste pendant quelques temps... tu ne ramenais plus personne à la maison.
Nous ne savions pas ton père et moi quoi faire, nous avons simplement prié pour que Dieu te donne le discernement et que tu puisses faire sa volonté.

Quelques mois après tu nous as demandé de te confier un budget qui te permettrait de nourrir ces personnes sans avoir à les ramener à la maison ou te mettre en danger en faisant route avec eux. Tu nous as expliqué tout ce que tu pensais mettre en œuvre pour ta sécurité en précisant que c'était pour nous rassurer et ne pas nous faire souffrir. Sur le coup ton père n'était pas d'accord, il pensait que tu te ferais avoir d'une façon ou d'une autre et que tu étais bien trop jeune pour te promener seule dans les rues... C'est là que tu as embarqué Brock et ensuite Nick pour être ton garde du corps et eux ne pouvaient rien te refuser.

Tu ne peux pas imaginer comme nous étions fiers de toi ma chérie, là où certains se seraient découragés, tu as cherché et trouvé la solution pour satisfaire tout le monde... C'est là à 9 ans que ton père a déclaré que tu serais avocate comme lui. Il n'a eu de cesse de te pousser à envisager cette profession. L'idée de travailler en famille a suffi à te convaincre... Les Scott-Hallyway aux services des autres, c'était cela ton credo, ton leitmotiv.

Y'a aussi ce jour où tu as pris conscience que la différence pouvait faire peur aux gens. Tu avais alors 6 ans, tu revenais du centre commercial avec ton frère, vous étiez allés voir un film. En rentrant on te trouvait particulièrement silencieuse et une Emma qui ne parle pas n'est jamais bon signe. Nous avions questionné ton frère mais lui nous assurait qu'il ne s'était rien passé d'anormal. Que tu t'étais amusée mais que dans la voiture de votre père qui vous avait récupérés devant le centre commercial tu étais étrangement triste, il avait mis cela sur le compte de la fatigue.

Une fois à la maison personne n'arrivait à te faire dire quoi que ce soit. Alors au moment du coucher ton père qui t'avait bordée t'a dit que quoi qu'il se passe nous serions toujours là pour toi et que le rôle d'une famille c'est d'être toujours présent les uns pour les autres et que tu ne devais jamais oublier cela.

A 2h30 du matin nous avons eu la surprise de te voir débarquer dans notre chambre. Tu nous as raconté ce qui t'était arrivé après le cinéma pendant que tu étais partie aux toilettes. Mon cœur se serra... nous savions qu'un jour nous aurions à faire face à cela, mais nous ne nous attendions pas que ça soit aussi tôt dans ta vie : Le racisme... Nous avons discuté longuement et à la fin tu nous as pris dans tes bras ton père et moi et tu nous as dit : Je vous aime pour tout ce que vous êtes, pour tout ce que vous faites pour moi et pour votre protection contre les méchancetés de ce monde. Tu nous avais bluffés cette fois encore.

Emma tu es une des personnes les plus fortes qui soit... Nous avons compris que Dieu t'aimait par-dessus tout et qu'il nous avait choisis pour te garder à lui.

Tu as toujours su que tu étais une enfant adoptée. Mais nous n'avons jamais cherché à te cacher qui était tes parents biologiques. Petite nous t'avions simplement expliqué que certaines femmes portent des enfants dans leur ventre comme je l'avais fait pour Brock et que d'autres décident d'adopter un enfant mais que l'amour dans les deux cas était le même. Cela avait eu l'air de te convenir et même si nous t'avions dit que tu pourrais nous demander des détails plus tard sur tes parents biologiques quand tu serais prête, tu ne l'as jamais fait.

Avec ton père nous nous sommes posé la question de l'utilité de te révéler les circonstances de ta conception. Nous avons priés Dieu qu'il nous donne le courage de le faire et nous avons pris la décision d'attendre que tu sois une femme accomplie et capable d'accepter l'inacceptable avant de tout te dire... nous avons décidé que nous te dirions ces choses pour ton 25 anniversaire...

Aujourd'hui ma chérie nous ne sommes plus là, ni ton père, ni moi pour te le dire et nous sommes d'autant plus tristes de voir que nous n'avons pas eu plus de temps avec toi. Le temps de te voir accomplir ta destinée, te marier, avoir à ton tour des enfants... La vie en a décidé ainsi : Dieu a donné, Dieu a repris que le nom de l'Eternel soit béni !

Ce n'est pas facile ce qui va suivre et cela risque d'être un vrai choc pour toi mais garde en tête, toujours, l'amour que nous te portons, l'amour que toute ta famille te porte.

Nous t'avons adopté alors que tu n'avais que 2 jours.

A l'époque j'étais en mission humanitaire en Haïti avec Espoir Sans Frontières. Un jour j'ai reçu une jeune fille de 15 ans qui était enceinte. Je l'ai suivi pendant toute sa grossesse et dès le début elle m'avait dit ne pas vouloir garder son bébé, que c'était trop dur. J'ai essayé au début de l'accompagner, lui faire accepter sa grossesse, de lui faire changer d'avis, lui disant qu'on pourrait l'aider et qu'elle pourrait garder son bébé. Mais elle était complètement hermétique à toute aide et à l'idée de garder le bébé. Une relation de confiance s'est installée entre elle et moi et au bout de quelques mois elle m'a raconté son histoire. Ce que j'ai appris m'a presque brisé le cœur. Je savais l'Homme méchant et sans limite dans la cruauté, mais ce que j'ai appris ce jour-là, je n'étais pas prête à l'entendre et à l'accepter... personne sain d'esprit n'est prêt à entendre cela.

La mère de cette jeune fille était morte lors de l'ouragan Allen, qui avait dévasté le sud de l'île et plus particulièrement la région des Cayes et fait 200 morts. Elle avait aussi perdu sa sœur aînée et son frère cadet. Il ne lui restait que son père que la douleur avait rendu presque fou. Quand elle eut dix ans son père l'a mise dans son lit, lui disant qu'elle avait maintenant l'âge de prendre la place de sa mère. Il commença à abuser d'elle régulièrement. Elle n'avait personne vers qui se retourner pour demander de l'aide. Elle est tombée enceinte et c'est là qu'elle a commencé à venir au dispensaire. Elle ne voulut pas porter plainte. Depuis qu'elle était enceinte son père la laissait tranquille, mais je devais lui faire comprendre qu'il recommencerait aussitôt qu'elle serait délivrée. A force de persuasion et la peur de revivre tout ça, elle finit par accepter de porter plainte. Son père fut mis en prison.
Quatre mois avant son accouchement, elle me demanda si je voulais adopter son bébé et lui donner une meilleure vie que ce qu'elle avait eu et surtout hors de l'île. Je ne l'avais pas envisagé mais ce fût comme une évidence. J'en ai parlé à ton père qui a tout de suite accepté l'idée. Nous nous étions dit, que si l'occasion se présentait un jour, nous adopterions un autre enfant. Nous avions eu la chance d'avoir un enfant biologique mais il y avait tellement d'enfants malheureux sur cette terre, nous voulions donner une chance à d'autres d'avoir une belle vie.

Ton père fit les démarches pour l'adoption et obtint entre-temps, un visa pour cette jeune fille. Cela commençait à être limite pour voyager mais avec l'assurance de le faire en avion sanitaire, nous avons pu la ramener au Canada. Officiellement, 2 mois avant l'accouchement, nous avions les papiers attestant que l'adoption était autorisée. J'ai continué à la suivre jusqu'à ta naissance.

Tu l'auras compris, tu es cette enfant Emma... oui tu es née d'un viol incestueux mais cela ne définit pas qui tu es.

Ma chérie, mon cœur saigne de te dire ça, et de pas être à ton côté, tu sais combien nous t'aimons ton père, Brock et moi, nous t'aimons de tout notre cœur tu n'as pas le droit d'en douter... Tu nous en voudras peut-être, mais au fond de ton cœur tu sais que nous avons toujours agi dans ton intérêt. Une enveloppe aura été remise à Brock, elle contient l'identité de ta mère biologique et d'autres détails sur l'adoption même, nous ne voulions pas te l'imposer en l'écrivant ici. Nous ne savons pas si elle voudra te voir, mais tu as le droit de savoir qui elle est.

Nous t'aimons tellement, tellement fort ma chérie et sommes tellement, tellement désolés de ne pas être là avec toi mais surtout désolés que tu aies à apprendre une chose pareille. Tu es et seras toujours notre petite fille adorée. Le soleil de notre vie. Ton père et moi t'aimons si fort Emma.

Gayle et Richard Scott-Hallyway
Cornwall le 04 Janvier 2012

Pendant sa lecture je reste à l'affût du moindre mouvement sur le visage d'Henri. Du moindre sourcil froncé, du moindre, plissement d'yeux, du moindre tressaillement de lèvres mais son visage reste impassible. Aucune émotion ne transparaît et je commence à sentir le sang quitter mon visage. J'ai la gorge sèche, l'estomac noué, je sens mes membres inférieurs pris d'un léger tremblement mais en fait il ne doit pas être si léger que ça puisque Henri pose fermement la main sur mon genou m'intimant ainsi de cesser.

Voir Henri lire cette lettre me replongeait dans l'état dans lequel j'étais en lisant ces lignes, quelques semaines plus tôt pour la première fois.

Le sang avait quitté mon visage et mes jambes avaient menacé de céder sous le poids qui m'assaillait. J'étais l'enfant d'un viol... l'enfant non désiré d'une jeune fille... encore une enfant elle-même, à qui on avait arraché son innocence. L'enfant d'un monstre car il n'y a qu'un monstre pour faire ça à sa propre chair... l'héritière de ça !? Oui je me suis demandé si j'étais moi aussi un monstre en devenir.

Les larmes roulaient toujours silencieusement sur mes joues. Henri allait tout savoir, il avait ce droit et celui de prendre sa décision en ayant toutes les cartes en main.

J'observais cet homme merveilleux qui était entré dans ma vie depuis un peu plus d'un an avec pertes et fracas. J'avais lutté contre lui, j'avais lutté contre mes sentiments, mais à un moment je n'ai plus eu la force et le désir de lutter : Henri s'était imposé à moi, il était devenu mon tout, celui qu'au fond j'attendais sans l'espérer vraiment, sans même être consciente de l'attendre d'ailleurs. Celui que j'aimais tout simplement.

A cet instant précis – irrationnellement – je ne peux m'empêcher d'en vouloir à mes parents... mon beau petit monde vole en éclats et ils ne sont même pas là... pas là pour me rassurer, me dire que tout va bien, que tout ira bien... ils ne sont plus là... Qu'est-ce que je dois faire maintenant ? Oui, qu'est-ce que je dois faire ? Et si Henri se rendait compte après la lecture de cette lettre qu'il ne voulait pas de moi parce que mon histoire familiale était trop lourde à accepter, trop lourde à imposer à sa propre famille ? Ou il pourrait persister parce que je sais que ses sentiments sont vrais et forts mais si à cause de cela, il était frappé d'anathème par sa famille ? Je ne pourrais jamais l'accepter, je ne pourrais jamais vivre avec ça !

*******HENRI*******

Je replie la lettre avant de la glisser dans son enveloppe et la déposer sur la table basse. Emma me regarde, les joues mouillées de ses larmes, attendant ma réaction. Je suis en colère de voir que ça la perturbe autant et tellement frustré de ne pas réussir à l'apaiser. A qui dois-je en vouloir de lui faire subir ça. Cette garce de Lizzie bien sûr. Sans son intervention, Emma n'aurait jamais cherché à savoir d'où elle venait. Elle a été tellement blessée par toute cette histoire. Il est vrai que d'apprendre qu'on est l'enfant d'un viol incestueux n'est pas facile mais la réaction d'Emma est directement reliée à son altercation avec Lizzie au salon de thé le mois dernier.

Je pose ma main sur sa joue et elle ferme les yeux avant de pencher la tête vers ma main pour accentuer notre contact. Ce petit geste me remplit de bonheur, elle ne me rejette plus, je fais à nouveau partie de son monde et quel bonheur. Mon cœur n'est qu'allégresse et une autre partie de mon corps s'échauffe de ce doux contact.

— Mo chridhe, tu sais que ça ne change rien à qui tu es... ça ne change rien pour moi.

— Tu ne peux pas dire que ça ne change rien pour... pour toi... Tu l'as lu... tu...

— Oui je l'ai lu et je te le redis, ça ne change rien à qui tu es, ça ne change absolument rien pour moi. Ce que cet homme a fait à sa fille est impensable et ignoble, mais tu n'y es pour rien, tu dois le comprendre.

— Je suis l'héritière d'un monstre, son ADN est en moi, ta famille...

Je prends fermement son visage entre mes mains, la forçant à me regarder, il faut que j'arrête rapidement ses pensées moroses

— STOP ! Je t'interdis de penser ça. Tu n'as rien à voir avec cet homme. Je ne veux pas que tu t'identifies d'une façon ou d'une autre à lui dis-je plus durement que je ne le voulais.

— Henri...

— Emma tu dois me croire, tu n'as rien à voir avec lui fis-je plus doucement et tu n'auras jamais rien à voir avec lui. Ce que tu ne connais pas ne peut influer sur ta vie.

— Mais justement je sais maintenant !

— Une information. C'est juste une information que j'aimerais que tu prennes pour ce que c'est et que tu ne décides pas que cette dernière devienne la chose la plus importante de ta vie.

— Henri, tu ne comprends pas que cette information comme tu dis n'engage pas que moi, elle influera forcément le reste de ma vie...

— Seulement si tu laisses faire.

Je lui laisse le temps d'intégrer ma dernière phrase. C'est une femme intelligente et la raison finira par prendre le dessus sur l'affect et je serai présent pour l'y aider. Les yeux toujours plongés dans les siens, mon bleu couvrant avec amour son miel.

— C'est à cause de moi n'est-ce pas ? Tu penses que ça changera quelque cho...

— Ça changera forcément quelque chose. Et si ça n'est pas pour toi ça sera pour... ta famille...

— Pour ma famille ? froncement de sourcils... Elle n'a jamais rien eu à dire sur mes fréquentations et cela ne va pas commencer aujourd'hui et encore moins avec toi.

— Lizzie dit que la filiation est très importante dans votre milieu.

Ma mâchoire se contracte sous la colère... je savais bien que c'était le cœur du problème. Emma s'était lancée dans cette quête pour savoir qui étaient ses parents biologiques après sa rencontre au salon de thé avec cette garce de Lizzie. Elle avait toujours vécu sans le souhaiter. Tout était parti de là et si je n'étais pas qui je suis...

— Elle... m'a dit que ta famille ne pourrait jamais accepter notre union et que je n'avais pas le droit de m'imposer surtout si je ne savais pas d'où je venais. Il semblerait que... que ma couleur de peau soit aussi en cause. Elle a parlé des... des enfants que nous pourrions avoir et qui seraient une aberration.

Les larmes perlent à nouveau à la lisière de ces yeux, me serrant le cœur.

— Tu connais ma famille, ils sont tous sous ton charme. Ils t'apprécient sincèrement...

— Parce qu'ils ne savent pas Henri, ils ne savent pas ce que je suis...

— C'est faux. Ils savent qui tu es, ils savent que tu es celle que mon cœur a choisie et ça c'est le plus important.

Elle lève ses yeux voilés de larmes retenues vers moi, un timide sourire sur le visage.

Je suis en colère que tu aies dû vivre ça. En colère de n'avoir pas pu te protéger de tout cette souffrance. Mais c'est fait maintenant et on ne peut pas revenir en arrière mais là on doit avancer. Je veux retrouver la jeune femme, pétillante, intrépide, impétueuse que j'ai connue. La même qui m'avait surprise en me traitant de triple con ce jour-là dans un parc. Celle qui m'avait renversé son verre de Spritz sur la chemise dans un Bar de Genève. Celle qui se faisait un devoir de me tenir tête, me résister pour cacher ses sentiments naissants. Dès cette rencontre et sans en être conscient, j'étais tombé sous ton charme. Je suis avec toi et je n'ai l'intention d'aller nulle part sans toi. Je ne m'explique pas ce qui se passe, mon âme t'a choisi, comme la tienne m'a choisi. Laissons tout cela derrière nous et vivons ce que nous avons à vivre. Je sais que notre mariage n'est pas celui dont tu avais rêvé mais je te promets que notre vie sera merveilleuse. Oui laissons tout cela derrière nous car cela n'aura aucune incidence sur la suite de notre destinée. Je... Je t'aime Emma, je t'aime comme je n'ai jamais aimé personne. Je suis le premier surpris, mais très agréablement surpris.

Je lui souris et elle le fait elle aussi en retour. Mon cœur se gonfle d'amour pour ce petit bout de femme qui a volé mon cœur, mon âme et bientôt mon corps... j'espère. Je lui ouvre mes bras et elle vient s'y blottir. Nous restons ainsi un moment savourant la douceur de cet instant. Elle se détache de moi plongeant ses yeux dans les miens.

— Merci pour tout cela.

Elle sourit, pose sa paume chaude sur ma joue me tirant un frisson de plaisir. Ses yeux brillent d'une lueur nouvelle, plus confiante, plus assurée. Je ne résiste pas et me penche vers ses lèvres pulpeuses. Nos lèvres se joignent d'abord timidement avant de s'enflammer dans un baiser langoureux. Les gémissements émis par Emma me font un effet immédiat. Je sens le désir gonfler mon sexe. Je la serre plus fort encore, voulant faire qu'un avec elle mais je n'irai pas plus loin. Je ne la crois pas encore prête pour cette étape. Bientôt, très bientôt j'espère.

C'est à regret – et à bout de souffle – que je finis par me détacher d'elle.

— Il est tard. Je vais rentrer. Tu as besoin de te reposer.

— Tu n'es pas obligé Henri...

Que veut-elle me dire par là ? Est-ce qu'elle souhaite que... je passe la nuit ici avec elle ? Que... Non je ne dois pas penser à cela, pas tout de suite. Elle est encore sous le choc de toute cette histoire, il faut laisser passer du temps, je ne veux pas qu'elle regrette quoi que ce soit.

— On se voit demain si tu veux bien, je préfère que tu te reposes.

— D'accord.

Elle a l'air déçue, cela me rassure – ça me fait même très plaisir – mais je sais pourquoi je le fais. La soirée a été intense nerveusement. Je veux que le jour où elle se donnera à moi, qu'elle soit pleinement réceptive et consciente. Qu'elle soit autant en demande que moi. Elle a pensé que ma famille ne serait pas d'accord avec mon choix, que notre milieu la rejetterait, mais moi je me moque bien de tout ça, de ce que peuvent penser les autres. Je sais de toute façon qu'ils aiment Emma, qu'ils l'apprécient sincèrement. Et moi, moi je la veux comme elle est. Avec ses forces et ses faiblesses, ses failles, ses blessures, sa joie, sa sagacité, sa bonté et son intelligence. Je n'aurais jamais pensé avoir des sentiments aussi forts pour quelqu'un et Emma n'est pas le type de femme que je fréquentais habituellement, mais c'est elle et elle seule qui a ravi mon cœur. Qui aurait pu dire que cette rencontre dans ce parc allait prendre cette tournure ? Sûrement pas moi. Et dire que je pensais que la baiser me la sortirait de la tête pour reprendre le cours de ma vie. Rien ne s'est passé comme je l'avais imaginé, j'ai été bien naïf. Mais je n'ai absolument aucun regret.

Je me lève du canapé, l'invitant à en faire autant, désireux de la serrer contre moi. Elle se laisse faire pour mon plus grand plaisir. Son corps souple se moule au mien avec un naturel déconcertant.

— J'ai passé une excellente soirée comme toujours. Merci pour le dîner.

— Je t'en prie. Moi aussi j'ai passé une excellente soirée et... Merci à toi pour... pour tes mots de réconfort. Ça m'a fait du bien de discuter de tout cela avec toi.

— Donc plus de malaise, par rapport à ma famille ?

— Je crois oui. Je suis désolée de...

— Ne le sois pas. Ce n'est pas rien ce que tu as appris. Nous en discuterons aussi longtemps et aussi souvent que tu en auras besoin pour passer à autre chose mais surtout pour ne pas laisser cela grever notre avenir.

Notre ? s'amuse-t-elle sourire en coin, la tête légèrement penchée sur le côté, lui donnant un petit air espiègle.

Notre oui ! Tu es ma femme après tout.

Je la sens frémir à ces mots et couler son corps voluptueux contre le mien. Je durcis un peu plus, le signal du départ, avant de ne plus être en mesure de me contrôler.

— Bonne nuit mo chridhe.

Je dépose un dernier baiser rapide sur ses lèvres avant de fuir la tentation qu'elle représente pour moi.

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