Chap 1 : Mercredi 22 avril 2015
*******EMMA*******
Dimanche ça a été très dur de dire au revoir à Brock. L'avoir toute la semaine avec moi, rien que pour moi avait été d'un grand réconfort. Il m'a accompagné dans la prière et il n'y a pas à dire, prier avec quelqu'un, quelqu'un qui vous aime autant est très apaisant et édifiant. J'ai pris du plaisir beaucoup de plaisir à sa présence, même si parfois il avait tendance à me pousser dans mes derniers retranchements. Au final c'est exactement ce qu'il me fallait. Je crois qu'au fond de moi je voyais les dégâts que je causais. A Henri. A notre relation. A moi aussi par extension du coup mais malgré cela je persistais. Brock m'a fait comprendre que tout cela était une ruse du malin pour me faire chuter, échouer là où Dieu mettait une bénédiction pour moi et que si je ne luttais pas contre cet abattement, je le laisserai gagner la partie.
« Crapautte tu sais bien que le mariage est le début des tribulations. Alors si tu ne commences pas ton combat spirituel maintenant, c'est perdu d'avance ! »
Les ruses du malin. Les tribulations. Mon combat spirituel. Je n'avais pas vu le problème sous cet angle, focalisé que j'étais sur le viol et ma honte de l'apprendre. Je donnais moi-même les armes à l'autre pour me détruire. Je m'étais complètement laissé submerger par la douleur et la peine et j'avais mené le mauvais combat. Mais mon père céleste ne m'avait pas abandonné pour autant. A l'instar de mon entourage. J'ai été soutenue. Les anges de Dieu campaient tout autour de moi.
Je devais encore lutter contre moi, même malgré mon constat et mes bonnes résolutions. Je m'en suis rendu compte quand j'ai conduit Brock à l'aéroport. Henri était présent et je me suis raidie. Je crois même que j'ai paniqué. Quand j'ai dit à Brock que je ne voulais pas le voir, il m'a simplement embrassé en me serrant fort dans ses bras et m'a demandé de rentrer chez moi, qu'Henri allait lui tenir compagnie jusqu'à son départ. J'étais dépitée et j'ai repris le chemin du parking comme un automate, ne comprenant pas que mon grand frère me virait au profit d'Henri.
Henri qui me manque terriblement.
Pourquoi mon frère ne m'avait-il pas obligé à rester ? Une partie de moi en avait tellement envie.
« Emma je ne vais pas te contraindre toute ta vie, tu dois maintenant prendre tes propres décisions et les assumer quelques qu'elles soient. Tu n'as pas besoin de béquilles. Tu sais marcher. Tu ne voulais pas le voir ? Je t'ai demandé de rentrer. Moi je voulais le voir et je lui avais demandé de venir en ce sens. Je ne pouvais pas t'obliger à rester, même si je suis certain qu'au fond de toi tu en mourrais d'envie et je ne pouvais pas non plus le renvoyer lui. »
Voilà ce qu'il m'avait répondu quand nous nous étions reparlés le lundi. Encore une fois il avait raison. Je voulais d'Henri inconsciemment mais je voulais qu'on me contraigne à le voir. Cela me dédouanait. Mais me dédouanait de quoi exactement ? Le savais-je moi-même ?
« Le malheur à son terme, et les vertus ont leur récompense sur la terre*. » J'avais reçu ce message de matante Ruth dimanche soir, me faisant encore comprendre, s'il était nécessaire, à quel point mon entourage pensait à moi et me soutenait. Je suis entourée de tellement d'amour et pourtant je laisse l'obscurité envahir ma lumière.
Le mariage ? Je n'avais finalement fait aucune démarche pour l'annuler. J'étais juste contente de mon sort en étant lié à Henri avant le fait – non moins important – que cela équivaudrait à un divorce. Les ruses du malin ! Je suis contre le divorce parce que je partais du principe que nous devions nous battre pour sauver notre couple quand l'adversité nous tombait dessus. Il se trouve que cela arrivait bien plus vite que je ne le pensais et pas comme je le pensais. Je suis surtout consciente maintenant que ce mariage avait été possible grâce à Dieu. Il l'a permis. Dieu répond toujours à nos prières, mais il le fait selon son dessein et ce qu'il pense être bon pour nous, même malgré nous parfois et quand on n'est pas butée ou qu'on ne se laisse pas aveugler, on constate qu'il fait toujours le bon choix pour nous.
« Pardon papa pour ne pas avoir vu les choses, cette bénédiction que tu m'accordais. »
Pleine de reconnaissance et forte de mes nouvelles et bonnes résolutions, j'ai repris le travail lundi et j'ai beaucoup à faire pour rattraper le boulot en retard. Cela va me faire le plus grand bien de me plonger dans mon quotidien. Faire quelque chose que je maîtrise, ma routine, quelque chose pour laquelle je suis douée et qui n'appartient qu'à moi. C'est le fruit de mon travail, de mon labeur qui m'a conduite jusqu'ici et rien ne saurait me l'enlever. Je suis douée dans mon domaine, oui, une des meilleures, grâce à Dieu.
Davyn m'a bien secondé en prenant en charge mes dossiers, lui-même aidé par mon assistant Benjamin. A eux deux, ils ont pu répondre, assurer et rassurer. Les clients n'ont donc pas eu à souffrir de mon absence mais j'ai quand même beaucoup d'actes officiels à rédiger et de nouveaux dossiers à étudier et à résoudre. Nous avons déjeuné les deux premiers jours ensemble dont une fois à l'extérieur, dans le but de continuer à faire le point, mais il n'a pas été une seule fois question de travail.
— Alors c'était comment ces vacances ?
Dans ce cabinet nous savons être très discrets. Les associés ont simplement été prévenus, par Brock, d'un problème familial m'obligeant à rester un peu plus longtemps, sans autre précision du pourquoi ou de la durée et du fait que ça ne soit pas moi qui prévienne en personne. Ils ont dû supposer que je n'étais pas en mesure de le faire et que ce problème familial me concernait directement, d'autant plus qu'ils savent que mes parents sont décédés. Mon travail étant très apprécié je suppose que ça joue quand je m'absente comme ça, sans que cela soit prévu. Il est vrai que je ne compte pas mes heures, alors ils savent qu'ils ne sont pas perdants.
— Ce n'était pas vraiment des vacances Davyn. J'y étais pour l'anniversaire du décès de mes parents... disons que cela m'a pris juste un peu plus de temps que je le pensais pour m'en remettre. Je n'avais pas pu y aller l'année dernière et du coup cette année j'ai eu un trop-plein d'émotions on va dire.
Je ne disais pas tout, je n'allais pas lui raconter l'étape adoption et séjour à Las Vegas... encore moins le mariage...
— Oh je suis sincèrement désolé de l'apprendre Emma. Ça va mieux maintenant ? J'imagine qu'il n'est pas évident de perdre ses parents, aussi jeune.
— En effet. Mais oui ça va mieux. La vie doit suivre son cours.
— Tu es une jeune femme très forte. Tu y arriveras à t'en sortir j'en suis certain. Et si tu as besoin de moi pour quoi que ce soit, je serais là !
— Merci Davyn mais tout va bien. Entre ma famille et Henri, je suis bien entourée. Tout ce beau monde prend grand soin de moi.
Je ne voulais surtout pas qu'il se fasse des idées, l'incident dans mon bureau et la réaction d'Henri, quelque temps avant mon départ, était encore bien vivace dans mon esprit. Je ne voudrais pas m'avancer en disant que Davyn ne me voit pas comme une simple collègue et je ne voudrais pas être trop naïve non plus. Quoi qu'il en soit je devais faire attention. Après tout c'est un collègue et donc je me dois d'observer une certaine distance. Et j'étais mariée maintenant donc mentionner Henri mettait, je l'espère les choses au clair. Davyn n'avait fait aucun commentaire, suite à ma déclaration, se contentant de sourire sans que je puisse interpréter ce dernier. Pas grave de toute façon, c'était le cadet de mes soucis.
J'avais ensuite dirigé la conversation sur lui et de ce qu'il envisageait pour les vacances d'été, même si nous en étions encore loin, enfin pas tant que ça, finalement. Dans un peu plus de deux mois nous y serions. C'est la seule chose que j'ai trouvée pour détourner l'intérêt sur lui. Il ne s'était d'ailleurs pas fait trop prier. Il était heureux d'en parler et tout particulièrement d'un rapprochement qui avait l'air de s'opérer avec ses filles, la cadette du moins. Cette dernière avait fini par répondre à ses messages. Il en laissait un tous les mois pour demander des nouvelles et en donner des siennes. C'était encore timide pour reprendre ses mots mais tellement plus que ce qu'il avait eu ces dernières années. Quand il relatait la chose, son visage rayonnait, ses yeux brillaient d'intensité, de bonheur. Il espérait du coup pouvoir passer un peu de temps avec elles cet été et n'avait donc fait aucun plan, afin de rester flexible et disponible pour elles.
Et oui. Il y avait d'un côté des pères comme Davyn qui voulait offrir le meilleur à leur progéniture et de l'autre il y avait mon géniteur qui détruisait une vie en créant une autre de la pire des manières qui soit. J'attendis la chape de plomb sur mes épaules et la pointe au cœur, qui ne manquait pas de m'éteindre à chaque fois que mon esprit effleurait sa pensée mais rien de vint. La prière m'avait sincèrement aidé, allégé d'un fardeau que je ne pouvais pas porter seul. La prière m'avait libérée. Plus je priais, plus je me dédouanais de toute colère, culpabilité, vengeance ou autre sentiment négatif et destructeur. Je restais aux commandes de mon destin sous la houlette de mon Seigneur et dorénavant je vivais, regardais même cette scène du point de vue du spectateur. Oh bien sûr j'avais encore parfois mal mais ça ne durait pas. La présence de mon grand frère toute la semaine dernière avait été d'un tel réconfort et d'une aide infiniment précieuse. A tous points de vue. J'avais eu du mal à le laisser repartir dimanche mais je savais qu'il le devait. Pour sa famille, pour son travail. Et j'allais vraiment mieux, il m'avait tout au long de la semaine, armé pour mieux combattre. Cette épreuve nous avait encore plus rapprochés et j'étais étonnée mais super fière d'arriver aussi vite à refaire surface après l'état lamentable dans lequel tout ceci m'avait plongé.
« Ma lumière combattait les ténèbres. »
Aujourd'hui mercredi, c'est avec les filles que je déjeune et j'ai hâte, même si j'appréhende un peu les questions de Paola. Nous nous étions déjà vus Olly et moi au dîner de famille et même si nous n'avions pas franchement discuté de tout cela, elle était au courant des grandes lignes. Il n'était pas question que je leur cache ce que j'avais découvert sur ma naissance, cela ne devait pas être ma honte mais celle de mon géniteur. Mais je ne tenais pas à parler du mariage. Pas encore. Seul Brock, Beck et Nick étaient au courant... de mon côté en tout cas. J'espérais qu'Henri n'en avait pas parlé à Edward ou du moins lui avait demandé de ne pas en parler à Paola. Mary était au courant pour le viol mais je n'avais aucune idée de ce qu'elle savait de plus. Quoi qu'il en soit je ne dirais rien et je verrai très vite si elle sait quelque chose ou pas. Paola sera tout bonnement incapable de garder une telle info pour elle. Je lui fais entièrement confiance, elle ne divulguerait jamais un secret qu'on lui confie, mais elle ne manquerait jamais non plus de vérifier les infos. Donc si Edward lui a dit quelque chose elle m'en parlerait à coup sûr.
J'arrive au restaurant alors qu'elles sont déjà installées à une table. Je leur fais la bise rapidement avant de prendre place sur la banquette en face d'elles. Une belle nappe blanche, des serviettes de tables vert forêt, des verres à pieds pour l'eau et le vin et des couverts rutilants constituaient la mise en place de notre table. Une bouteille d'eau pétillante attendait d'être servie et l'eau plate avait déjà remplie les verres de mes cousines.
— On vient juste de passer la commande et tu as exactement ce que tu voulais précise Olly. Pas d'apéritif, de l'eau gazeuse comme tu as demandé continue cette dernière tout en me servant un verre.
Pour gagner du temps, je leur avais dit au téléphone ce que je voulais. Je n'avais qu'une heure trente ce midi pour déjeuner, car je devais impérativement être de retour au bureau pour 14h30.
— Bon comme tu n'as pas beaucoup de temps entre vite dans le vif du sujet. Qu'est-ce qui s'est passé ?
Paola et son franc parlé habituel ne tourne pas autour du pot et ça me va pour cette fois. Plus vite tout cela sera de l'histoire ancienne, banale ou du moins une histoire connue, plus vite les choses reviendront à la normale. Autant que cela puisse être possible.
— Ben tu veux savoir quoi exactement ? Pourquoi j'ai pété les plombs ?
— Oui... commence par ça !
— Je ne sais pas vraiment trop quoi te répondre. Disons qu'apprendre certaines choses, surtout quand vous ne vous y attendez pas du tout, déstabilise un peu.
— Oui c'est vrai. Ça doit être terrible d'apprendre que notre mère a été violée pour qu'on naisse. Je ne sais même pas comment je réagirais à une nouvelle pareille. J'aurais probablement pété les plombs moi aussi.
— En l'occurrence ce n'est pas vraiment sa mère. Emma ne la connaît pas.
Paola regarde Olly, semble réfléchir à ce qu'elle vient de dire avant de me faire face à nouveau.
— Je crois que j'aurais disjoncté bien plus que toi. Tu m'épates n'empêche.
On voit qu'elle n'est pas au courant de tout et je me garde bien de lui dire, cette discussion pourrait m'emmener là où je ne souhaite pas aller.
— As-tu le désir de la connaître ? Enfin je veux dire tu sais qui elle est ?
— Je ne connais pas son nom mais j'ai l'information dans une enveloppe scellée. Je ne sais pas si je veux la rencontrer mais il est clair que je veux savoir qui elle est maintenant.
— Il y a un truc qui m'échappe tout de même. Tu es partie pour l'anniversaire de la mort de tante Gayle et oncle Richard, comment es-tu venue à chercher et découvrir tout ça ? Tu n'avais jamais eu envie de connaître les circonstances de ton adoption, avait enchaîné Olly, qu'est-ce qui a changé ?
— Lizzie !
— C'est qui déjà celle-là ? Demande Paola
— La fille avec qui est sorti Henri quand il était jeune.
— Ah oui, celle que tu as rencontrée au bal et que tu as remise à sa place. Mais comment... pourquoi ? Elle n'est pas à Genève n'est-ce pas ?
— Je crois qu'elle veut récupérer Henri. Emma, tu l'as revue lors de ton dernier séjour ? Il s'est passé quelque chose ?
— Disons qu'elle m'a fait comprendre que je n'étais pas à ma place. Pas la bonne couleur et pas assez vieille Angleterre pour faire honneur à M. McEverty qui selon elle serait trop poli pour le dire ouvertement.
— La garce !
Et oui Paola n'a pas sa langue dans sa poche et même si je ne le disais pas, je n'en pensais pas moins sur le qualificatif employé.
— Du coup tu t'es mise en tête de savoir d'où tu venais ? Tu pensais trouver que tu étais la fille cachée d'une descendante directe de la cour royale d'Angleterre qu'on avait fait adopter pour éviter un scandale retentissant et ainsi clouer le bec de cette Lizzie ?
— Ah ben pour lui clouer le bec c'est bien le genre d'histoire qu'il faudrait. Je devrais prouver une filiation remontant au moins jusqu'au seizième siècle.
— Mais vraiment, ça existe encore ce genre de chose ? Dans ce cas, tu pourrais être une descendante d'un grand roi africain qu'on aurait arrachée à son peuple pendant la traite des noirs ?
— Oui mais je ne pense pas que ça serait bon pour Lizzie. L'Afrique pour les gens comme elle, c'est non significatif. Je ne suis même pas certaine qu'elle soit en mesure de la situer sur la carte du monde.
— Henri n'a pas l'air tellement pédant ou prêt à faire étalage de son pédigrée conclue Paola.
— Et ce n'est pas le cas. Et je ne pense pas que sa famille le soit non plus.
— Tu es la mieux placée pour nous le dire, ajoute Olly, me faisant comprendre ainsi que j'avais moi-même la réponse à certaines questions.
Je lui souris comprenant son intervention. J'avais passé du temps dans cette famille, je leur avais parlé, j'avais partagé avec eux. Mais je ne peux pas m'empêcher de penser que c'était avant. Avant de savoir.
Ensuite il fut question de la lettre de mes parents et donc de ma naissance. Olly et Paola me sermonnèrent sur ma réaction me disant que j'étais nulle de penser que ça changerait quelque chose à ce qu'elles ou d'autres pourraient penser de moi. Bien sûr tout le monde avait le même discours mais ça ne m'enlevait pas mon malaise d'avoir découvert ça. Ma culpabilité, même si je n'y étais pour rien.
« Ma lumière combattait les ténèbres. »
— Bon et toi ? Comment ça se passe avec Edward l'interrogea Olly.
Je lui suis reconnaissante de détourner l'attention sur quelqu'un d'autre. Je suis de plus en mal en réalisant ce que toute cette histoire provoque en moi, ce que je fais supporter à mon entourage... à Henri, bien malgré moi. J'ai l'impression d'être une autre depuis quelques semaines et je n'aime pas du tout la personne que je vois dans le miroir. Mes réactions sont hors de contrôle, comme si j'étais une autre. Je me rabroue mentalement pour rester présente avec les filles.
— Moi ?
— Oui, dis-nous ! Vous vous voyez toujours non ? Demandai-je.
— Quand on a le temps oui. Il est plutôt occupé comme mec.
Et il a passé du temps avec Henri pour me retrouver. Paolo ne dit rien à ce sujet, elle ne m'en veut pas, ne me fait pas de reproche. Je suis la seule à le faire en fait.
— C'est sérieux entre vous non ? Audric m'a dit que vous étiez ensemble lors du dernier déjeuner chez Henri.
— Sérieux ? Tu veux dire comme pour Emma et Henri ? Non ce n'est pas le genre de la maison. On se voit quand on veut, on se fait plaisir et ça s'arrête là.
Olly et moi échangeons des regards sous-entendus pendant le discours de Paola... On sentait bien que les choses n'étaient pas comme avant. Elle ne tarissait jamais sur ses exploits au lit avec ses conquêtes et là, avec Edward elle restait vague, elle était avare de tout détail... On comprenait bien ce que cela voulait dire mais nous nous sommes bien gardés de faire des commentaires.
Le reste de l'après-midi se passe plutôt rapidement, ce qui me convenait parfaitement. J'avais hâte d'aller me dépenser au sport ce soir. J'avais besoin de me vider l'esprit.
Juste avant de partir pour la salle d'armes, je reçois un message d'Audric. Nous avions parlé de la situation entre Henri et moi lundi soir. J'en avais pris plein la tronche. J'espère que je fais l'unanimité dans la famille d'Henri, comme c'est le cas pour lui dans la mienne. C'est impressionnant : Tout le monde aime Henri !
Audric : Cc cousine, alors tu as revu ton homme ?
Emma : Je n'ai pas d'homme !
Audric : Pardon... ton chéri alors ?!
J'aimais faire bisquer Audric et comme il prenait vraiment à cœur cette histoire, j'avais envie de rire – gentiment – à ses dépens... juste un peu.
Audric : Pas de réponse ?
Emma : Je suis oqp !
Audric : Qu'est-ce que tu fous Emma ? Franchement ?
Emma : Je me prépare pour l'escrime.
Audric : Oué, fait celle qui ne comprend pas !
Emma : Audric stp ! Tu sais que c'est compliqué !
Audric : Non ça n'est pas compliqué... Toi tu compliques tout. Bordel !
Emma : T'arrêtes oui ?? Je ne complique rien du tout... c'est comme ça, je n'ai rien demandé tu sais, j'aurais préféré ne jamais rien savoir de tout ça. Maintenant je dois le gérer et ce n'est pas facile
Et c'était vrai ! Malgré le ton léger que je voulais donner à cet échange, cette vérité s'imposait à moi tout le temps et je devais juste apprendre à vivre avec. Je sais aussi que mon cousin, quoique parfois maladroit dans son approche, a à cœur que les choses s'arrangent entre Henri et moi.
Audric : Trouillarde !!!!
Emma : P'tit con !!!!
Audric : Peureuse !!!!
Emma : Grand con !!!!
Audric : Je sais et j'assume, mais c'est aussi pour ça que tu m'aimes non ? Je rentre à Genève jeudi dans la matinée. Je serais chez toi pour dîner. Je m'occupe de tout. Tu peux laisser ta mauvaise foi à ton bureau stp. Merci
Je tire la langue à mon téléphone comme si Audric pouvait le voir. Je l'aime beaucoup mais qu'est-ce qu'il peut m'agacer quand il s'y met !! Je sais qu'il aime bien Henri, tout le monde l'aime bien d'ailleurs. Avoir un petit ami qui fait l'unanimité dans sa famille et faire soi-même l'unanimité dans la sienne... n'est-ce pas une chose merveilleuse ?
J'arrive au club et me mets tout de suite en tenue. J'ai besoin de me défouler et l'espace de quelques heures, penser à autre chose. J'intègre une poule et c'est parti pour 3h30 de défoulement. Comme à mon habitude je gueule fort, j'ai besoin que ça sorte. Mes coéquipiers ont l'habitude même si je sens que ce soir je ne fais vraiment aucun effort pour me retenir.
Il faut que ça sorte, un exutoire, une soupape de sécurité.
Il faut que je me libère de cette culpabilité qui ne devrait pas être la mienne.
Il faut que je me lave de cette honte car rien n'est de ma faute.
Il faut que ça sorte pour que je puisse revenir vers Henri, vers l'homme que j'aime... mon époux.
A la fin de mon 3ième assaut j'ai une drôle d'impression, celle d'être observé. Je me tourne vers les gradins mais il n'y a personne. Je crois que je prends mes rêves pour la réalité. Bien sûr qu'il n'est pas là, pourquoi y serait-il d'ailleurs ? Je n'arrête pas de lui dire ou de lui faire comprendre que sa présence n'est pas requise. Non seulement je ne l'avais pas revu depuis le départ de Brock, mais nous n'avions pas non plus échangé un seul message. Il avait fini par abandonner parce que je ne répondais plus aux siens ou parce qu'il me laissait le temps nécessaire de me retrouver et revenir vers lui ? Je pencherais pour la seconde option. Il me connaît bien plus que je ne voudrais le croire. A moi de prendre mes responsabilités !
Je regarde encore une dernière fois les gradins avec le fol espoir de le voir...
(*) Les proverbes et adages des Latins (1757)
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