Chapitre un - Keily
J'avoue que si Lara et sa bande de pimbêches pouvaient mourir d'ici demain, je ne m'en plaindrais pas.
Je me fiche pas mal de leurs moqueries ou de leurs manies exaspérantes... j'aimerais juste qu'elles lâchent Sinn. On a beau être frère et sœur et se ressembler physiquement - mêmes cheveux bruns épais, mêmes grands yeux gris, même taille élancée - nous sommes diamétralement opposés au niveau du mental.
Ma mère dit que je suis timide, mon père que je suis asociale. Aucun des deux n'est vrai : j'ai simplement l'habitude d'ignorer les gens et ça m'a sans doute coupée du monde. Reste que ça me rend beaucoup moins sensible à... tout. Les émotions, les blessures, les remarques. Contrairement à Sinn, qui les grave dans sa mémoire au scalpel.
Bref, comme je le disais, je veux qu'elles laissent mon frère tranquille. Et, généralement, j'obtiens ce que je veux. Pour y parvenir, il suffit de glisser quelques papiers de menace dans les casiers de ces idiotes et, si ça ne marche pas, de répandre leurs données personnelles un peu partout dans le collège. Ce n'est pas compliqué, de les connaître. Elles parlent de leurs histoires d'amour, de leurs parents, de la nouvelle marque de maquillage qui vient de sortir. Oups, Lara n'a pas pu utiliser ledit maquillage, quelqu'un avait barbouillé ses cahiers de rouge à lèvres et vidé son blush dans sa trousse. On se demande qui c'est.
- Oh, Lara !
Elle ne se retourne même pas. Peut-être à cause du bruit, peut-être que c'est parce qu'elle sait qu'il n'y a que moi pour lui parler comme ça.
- Lara !
J'aurais essayé. Si elle ne veut pas me parler maintenant, j'attendrais qu'elle soit hors du collège. Seule. Et distraite.
Pas de problème.
***
Les cours ont passé vite. Tant mieux.
Sinn est loin devant moi, mais je le vois. Il prend son vélo. Il s'en va. Bien.
Lara est juste là. Parfait.
Elle n'habite pas très loin de chez moi. Ce qui la rend facile à suivre, puisque je connais bien le quartier. Et, de toute façon, je suis déjà allée chez elle. Pour récupérer mon téléphone, qu'elle avait volé. Et lui prendre le sien, je l'avoue. D'ailleurs, il attends toujours dans un tiroir de mon bureau. Je ne sais pas ce que je vais en faire.
Deux minutes. Il me reste maximum deux minutes pour agir. Sauf qu'il y a un idiot de gamin qui traverse la rue, hors personne ne doit voir ce qui va advenir. Allez... vas-t'en...
Une minute trente. Non ! J'allais le faire, je n'avais que deux pas à faire pour atteindre Lara. Et l'autre débile est revenu. Et repartit. Et revenu. Je ne sais pas où il va mais il me tape sur les nerfs.
Une minute. C'est bon, il semble que le gosse ait fini par trouver sa direction. À moi de jouer.
Quarante-cinq seconde. Je la pousse et la plaque contre le mur. Je couvre ses yeux avec ma manche - elle ne doit pas se douter que c'est moi - et m'approche tout près. C'est à ce moment-là que les gens ont le plus peur.
- Tu ne me connais pas, mais moi je sais qui tu es, je lui souffle à peine une seconde plus tard, pour ne pas lui laisser le temps de dire quelque chose avant moi
Elle sursaute et se crispe. Je dois me retenir de sourire - sinon, ça transparaît dans la voix.
- Mais je crois que tu as déjà rencontré Sinn. Tu vois qui c'est ?
Elle hoche la tête, tremblante.
- C'est bien. Maintenant, tu ne va plus jamais t'approcher de lui. Plus jamais lui parler. Ne le regarde même plus. Je me suis bien fait comprendre ?
- Mais je...
Mmh. Ce moment où ils croient qu'ils vont s'en sortir d'un tour de main. C'est toujours la même chose. "Mais". Ils le disent tous. Au début, j'attendais qu'ils finissent leur phrase, je leur lançais une dernière menace et je m'enfuyais. Lara ne mérite pas qu'on écoute ce qu'elle a à dire, alors j'enfonce mes ongles dans son bras. Trop fort ; du sang coule sur sa peau et ça se verra forcément quand elle rentrera chez elle. Tant pis. Autant aller au bout des choses.
Je me rapproche encore, jusqu'à sentir une de ses mèches sur ma joue. Quant à elle, elle perçoit sans doute mon souffle. Mais ce n'est pas avec ça qu'elle va me reconnaître.
- Tu as compris ?
Elle hoche la tête de nouveau et cette fois, je peux sourire.
- Très bien. Je te conseille de tenir ta parole.
Et je cours, et j'entends ses pas derrière moi - normal - mais elle est nettement moins rapide que moi et je la sème facilement.
Quand je rentre, je souris à Sinn, mais ce n'est pas le même sourire. C'est plus tendre. Il me saute pratiquement dessus et je le porte jusqu'à sa chambre avant de le poser par terre et de lui ébouriffer les cheveux.
- Elle ne t'embêtera plus, dis-je
Je n'ai pas besoin de préciser qui c'est, nos conversations sur les gens qui embêtement mon frère sont assez restreintes.
- Comment tu le sais ? demande Sinn
Je réfléchis. Je ne veux pas lui mentir - il est la seule personne sur cette planète qui compte pour moi - mais je ne peux pas lancer "Je l'ai menacée et si elle réitère je lui planterais un poignard dans le cœur". Ce n'est pas très adapté. Alors je... contourne.
- Elle me l'a promis. Et si elle recommence, elle aura affaire à moi !
Il ne sait pas à quel point c'est vrai.
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