Chapitre 3 - Constance
Cris. Douleurs.
Le bâton ne cesse de s'abattre sur moi. Attachée, suspendue au plafond d'une pièce lugubre, emplie de mes hurlements de terreur et de souffrance, je ne peux que subir la cruauté de cet homme qui ne cesse de tempêter : « Tu me dois obéissance ! »
Il frappe. Plus fort. N'importe où.
Mes hurlements n'arrangent rien, cela donne même la sensation que ça l'encourage à continuer.
Le temps est interminable.
Il défait mes liens, je m'écroule sur le sol, sans force, brisée. Mon corps brûle, il est comme déchiqueté de l'intérieur.
Il n'en a pas fini. Il m'attrape les cheveux, me tire hors de ma « cellule ». Il me traîne jusqu'à une pièce. J'écarquille les yeux en la reconnaissant. Je n'ai pas la force de me débattre. Il me jette sur le lit.
Effarée, je le regarde se délester de quelques vêtements sans toutefois se déshabiller complètement.
Il me surplombe, enserre ma gorge de ses doigts. J'étouffe. Je ne peux plus respirer.
—Tu vas faire exactement tout ce que je t'ordonne. Tu m'appartiens.
***
Dans un sursaut, je me réveil, mon cri coincé au fond de ma gorge. Je tremble de la tête aux pieds, mon cœur cogne contre ma cage thoracique ; de peur, de terreur, d'angoisse.
Tu m'appartiens. Tu m'appartiens. Tu m'appartiens.
Je claque mes paumes contre mes oreilles. Je veux faire taire sa voix, celle qui me hante, me terrorise et me dégoûte.
Non ! Non ! Non ! Je ne suis pas à lui !
Mes sanglots me secouent. Je me craquelle un peu plus intérieurement.
—Hey ! Constance !
Je sursaute, mon pouls court le marathon. Deux bras m'encerclent. Fins. Sécurisants. Apaisants.
Et je pleure. Sans discontinuité. Laissant ma peine m'envahir complètement.
—Chut, ça va allez. Vous ne craignez rien auprès de moi.
La voix d'Antoinette me berce, me ramène à la surface. Cette femme, si gentille, qui m'a accepté à bras ouvert dès l'instant où elle a posé les yeux sur moi.
Puis-je vraiment m'y fier ?
***
Lorsque je me réveille un peu plus tard, je me sens déboussolé. Pas de cauchemar cette fois, mais je me sens toujours tant fatiguée !
Le bateau tangue. Assise sur ma couche, j'agrippe les draps.
Que se passe-t-il ? Pourquoi tangue-t-on autant ?
Antoinette sort de la salle d'eau, fraîche comme une rose, souriante.
—Bonjour !
—Bonjour, murmuré-je.
—Vous avez faim ? Notre cuisinier est un fin gourmet et ce qu'il nous a concocté est succulent !
—Je... euh...
On tangue à nouveau et cette fois, je faillis tomber du lit.
—On est attaqué ?
—Non, ne vous inquiétez pas. Nous passons quelques eaux turbulentes, rien de bien méchant. L'équipage et mon frère ont la situation bien en main ! Venez !
Je me lève et m'assois à la table où Antoinette me désigne une place.
Elle a raison, le déjeuner est délicieux, mais je peux à peine avaler quelques bouchées, car mon ventre se contracte. Honteuse, je baisse la tête. Tant de générosité de la part d'Antoinette et son frère, et je ne peux même pas y faire honneur !
Antoinette pose une main sur la mienne. Je relève mon visage et croise son regard toujours aussi doux et son sourire bienveillant.
—Il n'y a aucun souci, Constance. Mangez à votre aise et ce que vous pouvez. Mais ne vous privez pas, vous devez reprendre des forces.
Je hoche la tête et tente de lui sourire pour la remercier.
Elle ne cesse de parler ensuite. Je l'écoute, subjuguée par ses paroles. C'est un vrai moulin à parole, mais cela me fait beaucoup de bien.
Elle me raconte les pays qu'elle a visités, ce qu'elle y a vu et ce qui a retenu son attention.
J'apprends par là qu'on se rend en Irlande et que l'on fera escale chez l'un des amis du Duc.
Léonard.
Je ne le vois pas beaucoup, mais son regard intense de la veille, son affirmation que je suis en sécurité. Il me l'a promis sur son honneur. Cet homme me désarçonne complètement. Il ne semble rien attendre en retour, mais je peux très bien me tromper.
Après s'être restauré, je me lave dans la salle d'eau.
Antoinette m'aide ensuite à me sécher et à m'habiller. Je suis un peu désarçonné qu'elle fasse cela, étant donné son rang. C'est une duchesse ! Et elle s'occupe de moi comme si elle était ma dame de compagnie...
La robe qu'elle m'aide à enfiler est d'un beau bleu ciel. Pas trop épaisse, ni trop légère ou lourde et ne m'irrite en rien la peau.
—Avec cette toilette, pas besoin de corsaire. J'en ai quelques une dans mes malles, ça permettra à vos blessures de guérir sans que vous ne souffriez davantage.
Les battements de mon cœur s'accélèrent.
J'avais oublié qu'elle les avait vus. Les marques. Celles que le Marquis a imprimées sur mon épiderme. Je déglutis. Chasse les images le concernant qui se glissent dans ma tête. Je bats des cils pour repousser les larmes qui s'y glissent.
Antoinette se poste devant moi, glisse ses doigts avec douceur sur mes joues. Elle me sourit. Encore.
—Vous êtes magnifique, Constance.
—Merci pour votre gentillesse, dis-je, une boule au fond de la gorge.
—C'est normal. Je vais vous coiffer !
Face au miroir, je la regarde s'agiter sur ma chevelure. Elle se remet à parler, tente plusieurs coiffures sur ma tête. Elle arrive même à m'arracher un rire !
Je me sens un rien plus légère dans ce moment si simpliste.
Des souvenirs s'amoncellent dans ma tête, celles d'Oliver et moi.
Oliver qui me coiffe.
Oliver qui tente de me maquiller.
Un vrai désastre ! Mais cela nous faisait rire à chaque fois.
Oliver...
Il me manque... J'espère qu'il va bien...
***
Le temps est long sur ce navire qui pourfend les eaux, mais c'est le seul endroit où je m'y sens le plus en sécurité, enfermée dans la cabine d'Antoinette. Je n'y sors pas, peu importe combien de fois le soleil se lève et se couche.
Mon corps me fait encore souffrir, mais c'est moindre. La fatigue ne me quitte cependant pas. Les cauchemars sont récurrents, me volant mes heures de sommeil et le repos paisible. J'avale un peu plus de nourriture, mais à peine. Mon estomac se tord à chaque fois.
Ce soir, je suis seule pour faire ma toilette. Je n'en reviens toujours pas qu'Antoinette m'aide chaque jour ! Elle semble y mettre un point d'honneur.
Vêtue d'une des longues chemises de nuit de ma hôte, je tente de démêler mes longs cheveux bruns tout en regardant le hublot. Il n'y a pas grand-chose à voir, il fait noir, mais je peux percevoir le reflet de la lune sur les vagues. Je suis sûre que du ponton, la vue doit être merveilleuse.
Je me retourne et sursaute en apercevant Léonard dans l'encadrement de la porte. Mon cœur bat soudainement très vite.
—Veuillez excuser mon impolitesse, j'ai frappé plusieurs fois, mais vous n'avez point répondu.
—Oh... ce n'est rien...
—Permettez ?
Je le dévisage sans comprendre. Il s'approche, mes pulsations s'affolent. Je recule d'un pas, mais avec tendresse, ses doigts glissent sur mon poignet. À peine un effleurement qui me fait frissonner. Il attrape ensuite ma brosse et me retourne. Lentement, avec douceur, il me coiffe.
Mon cœur cogne si fort contre ma cage thoracique !
Sous sa douceur, je ferme quelques instants les paupières. Je ne devrais pas baisser ma garde, mais la gentillesse de cet homme, sa tendresse, ses prévenances, tout m'émeut.
Quand il a fini, il me les tresse. Je me retourne ensuite et le dévisage. Il m'offre un ravissant sourire qui me déconcerte davantage.
—Ma sœur réclame souvent mes services pour ce genre de petit détail.
Il fait donc avec Antoinette ce que je partageais régulièrement avec Oliver.
—Je vous remercie, Sir.
Je me penche légèrement pour une petite révérence, l'appelant comme son équipage. Ses mains glissent sur mes bras, ses doigts frôlent mon menton qu'il relève. Un long frisson me saisit.
—Non, vous n'avez point à faire cela, Constance. Et appelez-moi simplement Léonard.
—Comme il vous plaira.
Je courbe des jambes, il sourit et me caresse la joue. Si tendrement que je l'impression que je vais défaillir.
—Vous n'avez point besoin de vous courber devant moi, douce Constance.
Mon cœur pulse plus fort. J'agrandis mon regard.
Il s'écarte, attrape un châle sur la couche d'Antoinette et m'entoure avec. Ensuite, sa main glisse dans la mienne.
—Venez.
Il se dirige vers la porte, m'entraînant avec lui, mais je m'arrête, l'obligeant à faire de même. La peur court subitement sous ma peau et me broie les entrailles. Mon angoisse doit se lire dans mes yeux, car à nouveau, il caresse ma joue.
—N'ayez crainte.
—S'il vous plaît, non... je... tous ces marins...
—Vous n'avez point à avoir peur, ils ne vous feront rien et la moitié de l'équipage est à l'entrepont. Vous êtes en sécurité avec moi.
Ma lèvre inférieure tremble, ma respiration se saccade. J'angoisse tant !
Léonard se rapproche de mon corps et bizarrement, je ne suis pas oppressée comme avec le marquis. Je me perds dans ses magnifiques yeux d'un bleu si unique. Ils font penser aux eaux si claires, pures. Son pouce caresse ma pommette, je remarque à peine le frisson qui s'écoule dans tout mon être tant je suis happée par ses lagons bleus.
—Vous pouvez me faire confiance, rien ne vous arrivera en ma compagnie. Plus rien.
J'ai envie de croire à ces deux petits mots. Ils me transpercent, tout comme son regard.
Il serre mes doigts ensuite à l'aide des siens. Je lui offre un minuscule hochement de tête et il m'emmène avec lui, jusqu'au ponton. Au va jusqu'au bord, je me retiens d'une main au bord, l'autre resserre le châle autour de moi.
Le vent caresse ma peau, fouette mes cheveux. Le ciel noir, parsemé d'étoiles nous surplombe. Le bruit des vagues ravit mes oreilles. Je ferme les yeux, savourant tout ce qui m'entoure, un sourire aux lèvres.
Que ça fait du bien ! Je me sens subitement mieux, plus légère.
Je rouvre les yeux et les tourne vers Léonard, posté à côté de moi. Il me sourit et entoure mes épaules de son bras.
La bienséance me pousse à le repousser, mais je n'en fais rien. Je ne me sens pas menacé, au contraire, il crée, par sa présence, un sentiment de sécurité et je me laisse aller à ce moment si délicieux.
L'horreur de la réalité me rattrapera bien assez tôt...
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Coucou mes chatons ♥ Nous sommes de retour auprès de Constance! Un chapitre qui démontre l'état de l'esprit de Constance et un moment apaisant pour elle grâce à Léonard.
N'hésitez pas à me laisser vos impressions.
Des bisous ♥
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