29. Un ange s'invite
Qu'est-ce qui m'a pris...?
Pourquoi? Pourquoi ne suis-je jamais capable de lui refuser quoi que ce soit?
Petra et Auruo, pour leur voyage de noces, s'étaient payés un séjour en Espagne. Ils devaient partir à la mi-novembre et revenir au tout début de décembre. Suivant mon conseil d'« entretenir la flamme et de maintenir la passion », ils avaient pris la résolution de se concentrer un peu sur leur relation amoureuse, comme elle commençait à s'effacer tranquillement avec la présence de Léna. Puisque les parents des mariés n'étaient pas disponibles pour garder la petite, la tâche nous revint donc.
J'hésite à dire si c'était le meilleur moment de ma vie ou le pire d'entre tous.
Déjà, le premier jour, ça débutait en beauté : les jeunes parents nous avaient laissé tout l'attirail du bébé, qui était assez impressionnant en soi, et une importante liste détaillant la routine de Léna. Cette énumération interminable comportait tout, carrément, allant de son régime jusqu'aux heures précises de sommeil, en passant par les activités à faire avec elle. En tant que débutant en la matière, je ne savais plus du tout où donner de la tête. Heureusement qu'Eren était là pour m'encourager et pour veiller au bien-être de la petite, car tout seul, je n'y serais jamais arrivé.
Le plus difficile était de changer sa couche. Nous étions deux et la tâche était affreusement pénible. Évidemment, après les premiers jours, nous avions trouvé une stratégie d'attaque digne des lieutenants-chef de l'armée, ce qui nous encourageait à faire de notre mieux afin de prendre soin de cette minuscule et fragile vie.
Pour ce qui est des repas, il était rare que c'était moi qui nourrissais la petite. À chaque fois qu'elle mangeait, elle se salissait de la tête aux pieds. Comme je ne pouvais pas résister à la tentation de lui donner un bain après chaque bouchée, Eren se chargeait de nourrir Léna et de la nettoyer. Au moins, ça me donnait un coup de main et ça répartissait les efforts.
En effet, Eren et moi nous arrangions afin que l'un de nous demeure toujours à l'appartement. Lors des courses ou des heures de travail, un restait près de Léna pour veiller sur elle. Quelques fois, j'avais réellement l'impression d'être immergé dans le rôle d'un parent. Maintes fois, durant la nuit, je m'inquiétais de ne rien entendre, alors je me précipitait vers le bureau - où nous avions installé Léna - afin de vérifier qu'elle respirait toujours. Il va sans dire qu'Eren venait toujours me rejoindre pour me détendre et pour m'assurer que tout allait bien. Les premières nuits furent pénibles, mais je m'accoutumai graduellement à un rejeton.
Disons que je dois m'habituer avant de fonder une famille...
Par une belle journée, Eren et moi allâmes nous balader au parc avec le carrosse de la petite. Prendre l'air nous détendait et nous faisait voir autre chose que les quatre murs de notre logement. Alors que je poussais le carrosse, Eren regardait autour de lui avec des yeux brillants ce parc changé par les couleurs froide du début de l'hiver. Jamais il ne perdra cette étincelle gamine de ses yeux, à mon plus grand bonheur.
Soudainement, une vieille femme nous apostropha. Elle parut émue de nous voir nous balader avec un petit enfant.
- Oh, ça alors, quelle magnifique petite fille... soupira la dame tout en portant sa main à sa bouche. Vous faites de jolis parents.
- Oh, vous vous méprenez! répondit Eren, virant au rouge. C'est l'enfant d'un couple d'amis qui est parti en voyage de noce, cet enfant n'est pas le nôtre!
- Ah, j'aurais bien cru... sourit la vieille femme avant de poser son regard sur moi. Vous savez, avant la grande guerre, un couple comme vous n'aurait pas été accepté. Je suis si heureuse que les temps ont changés!
- Nous aussi, approuvé-je.
- Je vous envie tellement... souffla la dame tout en regardant tendrement Léna. Je n'ai pas eu la chance incroyable d'avoir un enfant de l'homme que j'aimais, alors à chaque fois que je vois un couple comme le vôtre, je m'émeus...
- Oh, chère madame...
En voyant la femme avoir les yeux larmoyants, Eren, de sa bonté débordante, vint la câliner dans ses bras. La vieille dame parut surprise et reconnaissante de ce geste, ce qui la pressa de chasser ses larmes. Je ne pus m'empêcher d'avoir le cœur serré en me rappelant de toutes les mésaventures qui nous avaient entravé dans notre bonheur.
Il est vrai que la mort est plus attrayante qu'une vie sans Eren.
- Ne pleurez pas, madame, consola mon amant. Nous sommes heureux et nous le serons toujours, alors gardez le sourire! Ne pensez pas à ce que vous avez perdu et songez à ce que vous pouvez avoir!
- C'est vrai... Que de belles paroles sages, approuva la dame, se séparant de l'étreinte d'Eren, tout en essuyant ses yeux avec un petit mouchoir.
- Désolé, madame, furent les seules paroles que j'arrivai à formuler afin de transmettre mes pensées.
- Ne vous en faites pas pour moi, m'assura l'inconnue. Pour compenser, j'ai travaillé toute ma vie en pouponnière à l'hôpital de la ville. Cependant, j'imagine qu'il n'y a rien de tel que de porter son enfant, de le chérir avant même qu'il ne vienne au monde et de le voir grandir à chaque jour...
- Ça, madame, nous pourrons vous le dire lorsque nous serons prêts, répondit Eren tout en me regardant.
Je rougis alors que la dame rit légèrement. Ses rides au niveau des yeux s'accentuèrent et sa main se leva devant sa bouche, comme si elle était timide de ses manières. Sans savoir pourquoi, je me dis que ses cheveux grisonnants portaient la marque de sa sagesse et des dures épreuves qu'elle avait vécues. J'avais un immense respect envers cette dame.
- Ah, merci infiniment pour ce moment agréable... Au plaisir de vous revoir bientôt, mes amoureux, salua-t-elle. J'ai le pressentiment que vous ferez de bons parents.
- Au revoir! Et merci à vous, dit Eren avec respect.
Or, contrairement à mon partenaire, je n'arrivai pas à répondre quelque chose de concis et de clair alors que je regardais cette dame s'éloigner. De nombreuses émotions me prenaient à la gorge et de multiples craintes envahissaient mon esprit.
Pouvons-nous réellement être de bons parents?
Sur l'heure du dîner, la routine du soir s'installa. Je cuisinai une bonne soupe chinoise alors qu'Eren s'amusait avec Léna dans son petit parc à jouer - qui avait dominé le séjour. À chaque fois que je me retournais pour les voir faire, mon cœur se réchauffait. Léna semblait si heureuse avec un papa de remplacement comme Eren ; en retour, celui-ci retombait en enfance en se prêtant au jeu. Ses rires contaminaient la petite - il m'était impossible de ne pas sourire devant cette scène adorable. Comment pouvais-je me concentrer à cuisiner alors qu'Eren était si mignon avec un enfant?
Pour la première fois depuis une semaine, j'insistai auprès de mon amoureux pour nourrir Léna. D'une certaine manière, je voulais tester mes capacités à prendre soin d'un enfant sans l'aide d'Eren. C'était un test strictement personnel et non une insulte. Deviant ma manigance, mon amant m'avait laissé faire et il m'observait avec le sourire. Contrairement à lui, je ne faisais pas l'avion avec la cuillère ou aucun autre jeu de la sorte à table ; heureusement pour moi, Léna ne bronchait pas et elle mangeait tranquillement comme toute bonne enfant. Je m'appliquais à ne pas salir le visage de la petite même si je comptais lui faire prendre un bain par la suite.
Je n'avais même pas remarqué que ma soupe refroidissait tant j'étais concentré à nourrir prudemment Léna. Ce fut Eren qui me fit réaliser que je ne mangeais pas en levant ma cuillère vers ma bouche. En détectant l'objet du coin de l'œil, je sursautai avant de donner un air confus à mon amoureux. Celui-ci me souriait tendrement.
- Fais « ah », mon amour~
- Tch. Je ne suis pas un gamin, contrairement à toi, rétorquai-je tout en tournant ma tête.
- Mais tu dois manger! chiala-t-il faussement. Fais vite avant que je n'aille faire chauffer ta soupe et que je nourrisse la petite moi-même.
Ne voulant pas qu'il m'enlève ce petit plaisir, je lui lançai un regard sombre avant de prendre à contrecœur la bouchée qu'il me tendait. Se tirant vainqueur, Eren afficha un sourire radieux alors que, à côté de moi, Léna rit d'une manière trop adorable. Offusqué qu'elle rigole de la sorte, je la regardai avec de grands yeux abasourdis.
- Et tu oses rigoler, toi? accusai-je gentiment.
- Lili! Hi hi, Lili!~
- Elle reconnait ton nom, comme c'est chou! chantonna Eren, sous le charme.
- As-tu vu l'attitude de mademoiselle ci-présente? demandai-je tout en l'accusant du doigt. Elle rit de ma gueule, cette sournoise!
- Laisse-la donc, c'est une enfant qui n'a même pas encore de conscience, soupira mon compagnon tout en roulant ses yeux. Lorsqu'elle sera adolescente, elle ne se souviendra même plus de ce moment.
- Moi oui, en tout cas, fis-je d'un ton menaçant alors que Léna rigolait toujours.
- Mon amour, ce que tu peux être drôle quand tu veux!
Les deux se mirent à rire de moi. Heureux que ma fausse frustration les ait faits rire, je souris doucement et je tapotai la tête rousse de la petite. Celle-ci me donna un regard innocent rempli d'étincelles marron. Il est vrai que Léna est le portrait craché de sa mère. Cependant, ses boucles me font penser à celles de son père.
Tandis qu'Eren faisait la vaisselle, je donnais un bain à l'enfant avant de la préparer pour la nuit. Malgré moi, je perdis la notion du temps en m'amusant avec le petit canard en plastique et la mousse. C'était de la faute de Léna! Elle n'était pas concentrée à son bain avec ces jouets flottants autour d'elle. J'avais beau la frotter et la rincer avec attention, elle gigotait tant que j'avais peur de lui faire mal si je n'arrivais pas à prédire ses gestes. Alors, j'avais en quelque sorte « abandonné » et je préférais la laver alors qu'elle donnait son attention au canard. Curieusement, elle adorait le mordiller et pincer son bec. Sur le coup, je la trouvais cruelle, mais je me rassurai en me rappelant que Petra m'avait averti que, à cet âge, les dents de bébé commençaient à pousser. Mordre le canard en plastique la calmait, alors je saisissais cette occasion pour la nettoyer.
En tout, tout cela m'avait pris presqu'une heure et demie, en comptant la période de séchage et d'habillage. Dans son petit pyjama une pièce pour bébé trop adorable, Léna ressemblait à un petit ange. Tout comme les parents l'avaient indiqué sur la liste de tâches, j'allai ensuite m'installer sur le sofa afin de lui lire une histoire. Pendant ce temps, Eren travaillait avec détermination sur son ordinateur, ses écouteurs dans les oreilles, et il rédigeait d'interminables rapports et courriels. Décidant de l'oublier un instant, je dévouai mon temps à Léna.
Installée sur mes genoux, la petite adorait toucher les pages en carton du petit livre qu'Auruo m'avait laissé : c'était le compte de Blanche Neige et les Sept Nains. Apparemment, Léna adorait cette histoire, surtout la protagoniste principale. Elle zozotait lorsqu'elle voyait une image de la princesse et la petite y tendait sa main pour la toucher. Je souriais en la voyant admirer ce personnage à un si jeune âge. Avec entrain, je lus cette courte histoire à la petite jusqu'à ce que celle-ci ne s'endorme contre mon torse. En remarquant qu'elle dormait paisiblement, je fermai le livre et je pris la petite dans mes bras. Je la berçai un instant avant d'être hypnotisé par ces allures d'ange endormi.
Tout à coup, je sentis le poids de la petite s'envoler. J'ouvris mes yeux et je vis Eren, penché vers moi, qui reprenait Léna. Il la tenait tel un père expérimenté contre lui. En constatant mon éveil, mon amant me sourit et il vint déposer un baiser sur mon front.
- Je.. Je me suis endormi? bredouillai-je.
- Oui. Je vais coucher la petite, ensuite ce sera ton tour~
Eren... Mon amour... Je t'aime tant...
Quand demanderas-tu ma main, espèce d'abruti?
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