27. Jour heureux
- Non, non... Eren, je n'y arriverai pas! paniquai-je.
- Mais oui, aller... Je sais que tu peux le faire! m'encouragea-t-il tout en prenant mes deux mains.
- Non, c'est impossible... Je ne suis qu'un simple Oméga, tout le monde va me trouver ridicule! Je vais me payer la plus belle honte de ma vie, encore pire que celle de la présentation orale en première!
J'étais terriblement angoissé à l'idée de faire un discours pour Petra et Auruo le jour de leur mariage. Dans quelques heures, la cérémonie allait débuter et, malgré tout les efforts que j'avais déployés pour pondre un texte digne de ce nom, je ne me sentais aucunement prêt à le réciter devant une centaine de personnes. Devant Eren, rien ne m'inquiétait, mais parler devant de nombreux inconnus qui n'avaient rien à faire d'un pauvre type comme moi, ça me faisait paniquer comme jamais. Adresser un discours à une foule n'a jamais été mon fort : j'étais toujours celui qui avait la pire note de la classe lorsque venait le temps de faire un exposé oral, car je stressais à un point tel que j'en perdais tous mes moyens.
Bien qu'Eren tentait de m'apaiser, mes pensées terrifiantes nourrissaient mes craintes puériles. J'imaginais tous ces regards hautains rivés sur moi, attendant que je leur fournisse le plus beau discours du monde avec un parler impeccable. Je pouvais entendre le silence de l'audience, réponse à la nullité de mon éloge, ou les murmures mauvais qui soufflaient des commentaires péjoratifs.
Minable Oméga...
Inutile...
Lâche et faible...
Ne mérite pas de vivre...
- Levi, non, je t'interdis de te dénigrer.
Soudainement, Eren saisit mon visage de ses deux mains, le redressant afin de me fixer dans le blanc des yeux. Alors que je le regardais avec un regard terrifié, entendant en échos mes souvenirs lointains, je me laissai transpercer par le regard autoritaire et déterminé de mon amant. Je me noyais dans son petit speech improvisé.
- Levi, tu n'es pas un lâche. Tu possèdes une force extrêmement puissante que tu as su démontrer dans les pires moments. Tu es mon pilier sur lequel je peux m'appuyer lorsque je ne me sens pas bien. Je sais que tu es capable de leur fournir ce discours. Il est merveilleux, alors ne doute pas. Tu es beau, tu es bon et tu es capable de le faire! Dans quatre heures, tu vas leur prouver que tu es un vrai homme! Tout le monde mérite de connaître la personne formidable que tu es!
- Mais... Mais s'ils n'aiment pas? I-Ils seront presqu'une centaine! Je ne pourrai jamais m'adresser à une telle foule sans flancher! m'inquiétai-je.
- Levi, tout à l'heure, il n'y aura que moi, Petra et Auruo dans la salle, okay? Imagine que nous ne sommes que trois, fixe-moi pendant ton discours. Fais comme lorsque tu te pratiquais dans le salon. Ainsi, tout va se passer pour le mieux d'accord?
- D'accord...
- Je suis fier de ton, mon amour.
Eren déposa un fort baiser sur mon crâne avant d'ajuster ma cravate. C'était un samedi ensoleillé, un doux jour de septembre. C'était la température idéale pour se marier : les feuilles commençaient tout juste à rougir, alors les panoramas dévoilaient tranquillement de nombreuses palettes de couleurs aussi éclatantes les unes que les autres. Une petite brise rafraîchissait juste assez l'éclat d'aplomb du soleil, ce qui rendait la température extérieur extrêmement agréable. Un peu plus et j'étais convaincu que les demoiselles d'honneur, dans leur petite robe à bretelles et à la jupe arrivant à la cheville allaient être plus confortables que nous, les hommes, tous emmitouflés dans un costume noir et épais - suffoquant durant les chaleurs de l'été. Habituellement, je déteste me sentir à l'étroit dans mes vêtements, mais si c'était pour montrer une preuve de respect envers mon amie et son fiancé le jour de leur mariage, j'étais prêt à sacrifier quelques heures de confort.
En ce jour unique, Petra avait accepté que je fasse une petite folie ; en fait, c'était Eren qui avait insisté pour que je revêtisse le veston du style SteamPunk qu'il m'avait acheté l'année d'avant. En déménageant, nous avions déterré de vieux trucs, dont l'ensemble SteamPunk que mon amour m'avait généreusement offert. Au début de son argumentation, j'étais peu friand à l'idée de porter l'ensemble, car je ne voulais pas ressortir du lot trop intensément ; si je pouvais ne pas détonner du lot tout court et redevenir le fantôme que j'avais toujours été, ça aurait été le comble du bonheur.
Alors, mon habit total se composait de ce veston unique, d'une chemise crème, d'une petite cravate bleue royale pour aller avec le ton des robes des demoiselles d'honneur, d'une paire de pantalons sombre et de souliers de ville tout à fait charmants. J'hésitais sérieusement à revêtir le veston supplémentaire, de peur de suffoquer, donc j'avais prévu de l'amener au cas où le temps se rafraîchirait durant la cérémonie.
Eren, lui, était absolument merveilleux en ce jour. Il portait un ensemble classique, donc l'uniforme « pingouin », mais avec la même chemise de couleur crème et la cravate foncée. De plus, afin de s'assortir avec mon veston SteamPunk, mon amant avait glissé une vieille montre du début du XIXe siècle dans la poche avant de son veston, laissant la petite chaîne argentée apparente. En somme, il était totalement classe, avec son visage radieux, ses cheveux naturellement emmêlés et son corps magnifique souligné par la ligne du complet. À le contempler alors qu'il ajustait ma cravate, je me convainquis qu'il allait voler la vedette au marié.
Enfin, lorsque 10h sonna, nous partîmes en direction de l'église. Le mariage était prévu pour 15h30 et, immédiatement après, nous irions célébrer un magnifique repas champêtre dans un restaurant que les époux avaient réservé pour l'occasion. Dans la voiture, je tapais du pied nerveusement, craignant que personne n'aime mon veston ou mon discours. Je tenais, entre mes mains le petit bout de papier qui renfermait ma future honte, jouant avec un coin anxieusement. Afin de me détendre, je regardais à l'extérieur, répétant mon discours dans ma tête tout en me questionnant sur les intonations que je devais prendre. Je soupçonne Eren de m'avoir jeté un discret coup d'œil et d'avoir souri alors que mes lèvres bougeaient au rythme des paroles que je débitais dans ma tête.
Rapidement, nous arrivâmes à l'église. Il y avait des tonnes de gens inconnus, en cette journée, rassemblés devant les grandes portes de l'endroit sacré. En observant la stature majestueuse du bâtiment, je me souvins que, dans l'ancienne mentalité, les couples homosexuels n'étaient pas admis dans les églises. J'eus un soupir profond à cette pensée, mais lorsque je sentis la main de mon amour serrer la mienne, je lui souris légèrement. Son regard provocateur disait clairement « allons défier la religion ».
Bref, une fois que nous descendîmes de la voiture, nous allâmes rejoindre tous les autres à l'avant de l'église. Plusieurs se trouvaient dans le petit jardin d'à côté, gentiment baignés des rayons du soleil, alors que d'autres discutaient sur les marches de béton qui menaient aux grandes portes de bois. À cet endroit, je fis la connaissance du père de mon amie, la seule famille qui lui restait. Celui-ci, contrairement à ce que je m'imaginais, m'avait immédiatement intégré dans une conversation agréable comme si je faisais dorénavant partie de la famille. Monsieur Ral m'avait même complimenté pour mon veston. J'étais très flatté ; je pense même avoir légèrement rougi. Il s'en suivit d'une interminable discussion à propos des objets d'antan, comme la montre de poche d'Eren.
Puis, au bout d'un instant à discuter avec le parent de mon amie, le prêtre vint ouvrir les portes. Une douce mélodie jouait à l'orgue, qui se trouvait sur la mezzanine au-dessus de nos têtes. Nous nous laissâmes bercer par cette symphonie mielleuse tout en suivant religieusement la voie formée par les bancs. Enfin, lorsque nous vîmes nos noms sur de petites inscriptions, Eren et moi prîmes ces places qui nous étaient destinées. Sans surprise, j'étais en bout de rangée, puisque, durant la cérémonie, j'allais devoir me lever pour prononcer un discours exemplaire. Je voyais, sur l'autel de velours, un lutrin de bois massif où tous ceux qui allaient s'adresser à l'immense foule allaient se faire ridiculiser - à moins qu'ils ne possèdent ce don divin de ne pas être effrayés par les regards des autres. Me sentant tendu, mon amant me prit doucement la main, la portant à ses lèvres afin d'en embrasser le revers. Ses yeux profonds me firent chavirer dans les abysses infinies de l'amour éternel. Je me sentais flasque dans son emprise tendre.
Puis, devant nous, la famille Bossard prit place. J'avais été surpris de les voir aussi nombreux ; visiblement, Auruo était l'aîné des enfants. Les parents de cette joyeuse ribambelle, affectés par le temps, se montraient plus calmes, mais non pour le moins fébriles. Avec eux se trouvait la petite Léna qui, du haut de ses quatre mois, dormait profondément. Elle était blottie dans les bras du plus âgé des nombreux garçons - après Auruo -, aussi sage qu'une image. J'avais brièvement croisé le regard de la vieille dame, mais je n'avais pas osé leur demander comment se portait le nouveau-né. Eren fut plus courageux que moi : il n'hésita pas à leur demander des nouvelles de Léna. Le frère d'Auruo lui racontait à quel point elle ne faisait que dormir depuis le début de sa vie alors que les grands-parents la comparaient à un petit ange. En effet, ils devaient être heureux de voir leur premier petit-enfant de leurs propres yeux. Je parlais peu, à l'exception de la fois que je m'étais présenté à eux afin de leur expliquer qui Eren et moi étions pour leur fils. Mon amant, remarquant clairement que je n'allais pas le faire, leur avait raconté que nous avions été les chanceux à voir la petite Léna durant les premiers instants de sa vie.
Malheureusement, la conversation se coupa lorsque l'orgue, qui jouait doucement alors que les invités remplissaient l'église, se stoppa afin de laisser la parole au maître de cérémonie. Durant de longues minutes, cet homme vénérable avait parlé lentement, proférant des paroles saintes, des passages du Nouveau Testament et d'autres trucs ennuyants. Sans le vouloir, mes paupières se fermaient d'elles-mêmes : deux fois, Eren m'avait tapé sur la cuisse afin de me ramener à moi. J'avais été si anxieux durant les dernières nuits que j'avais eu un sommeil peu réparateur.
- Enfin, levez-vous pour la venue des mariés.
À ces paroles, la fameuse mélodie de mariage se mit à résonner dans l'église. Obéissant sagement au prêtre, la foule se leva et elle se retourna vers les grandes portes qui s'ouvraient. Puisqu'Eren et moi nous trouvions dans les rangés près de l'autel, il eut un délais avant que nous puissions les admirer.
Auruo, en ce jour, brillait. Son visage était garni d'un large sourire qui témoignait de son niveau de joie inimaginable. Il était soigneusement habillé d'un complet tout à fait charmant qui modelait à la perfection son corps. Il avait un style très masculin, tout en étant doux et posé malgré cela. Il s'agençait avec harmonie avec la pureté de la robe de Petra ; celle-ci revêtait une somptueuse robe d'une blancheur presque aveuglante, s'étendant gentiment derrière elle comme si elle était suivie de la lune. Une petite tresse rousse bordait son visage souriant teinté de rose et une adorable fleur immaculée se tenait, brave, sur sa tête afin de maintenir le voile.
À les voir aussi beaux, j'en eus le souffle coupé. Sous mes yeux, je les voyais déjà comme étant unis pour la vie, rien qu'à voir le regard amoureux qu'ils s'échangeait lorsque leurs yeux nerveux se croisaient. Ce sourire commun renforçait leur complicité. Ils semblaient en si parfaite harmonie que j'en eus la larme à l'œil. J'avais l'impression d'être dans un rêve simplement pour l'admirer à distance ; je vivais le rêve des mariés avec eux. C'était tout un honneur.
Lorsque les époux nous remarquèrent, ils nous sourirent. La paume sur le cœur, je n'avais pu que leur retourner une expression semblable. Eren, cependant, leur avait envoyé la main comme un gamin. Petra avait rit silencieusement.
Lorsque le couple fit enfin réuni devant l'autel, le prête débuta enfin son discours interminable. Il parlait de la fidélité, de l'amour, du bonheur d'un foyer heureux, etc. Cependant, ce qui rendait cet homme âgé plus intéressant que précédemment, c'était qu'il avait laissé la Bible de côté et il s'annonçait d'âme à âme. On pouvait voir, dans ces yeux, cette petite étincelle brillante qui témoignait de sa passion pour l'art oratoire.
Enfin, après un certain temps à s'étendre sans cesse sur les belles valeurs que l'union du mariage soudait, le prêtre s'adressa une dernière fois à la foule avant de prendre une pause.
- Maintenant, je vais laisser la parole aux proches de nos deux tourtereaux. Que Levi Ackerman se présente au lutrin sous un tonnerre d'applaudissements.
Ça va être à moi...
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