Après la naissance de Léna, la vie reprit son court très rapidement. Une semaine s'écoulait en un battement de cils.
Alors que tous nos amis se casaient tranquillement, Eren et moi avions décidé de faire de même ; fiançailles ici, mariage là, cela nous donnait envie de vivre officiellement en tant que couple et cela nous inspirait une meilleure façon de vivre à deux.

Alors, deux mois plus tard, nous avions finalement réussi à acquérir un logement pour deux. Nous nagions dans le parfait bonheur : enfin, nous pouvions nous voir tous les jours, vivre en commun et dormir tous les soirs ensemble. Nous n'étions plus obligés de décider chez qui nous allions manger et de se serrer un peu dans nos lits simples. Je dois avouer que je commençais à déplorer le fait de me réveiller avec le poids d'Eren sur moi, ce qui m'engourdissait à chaque matin. Tout en changeant pour cet appartement plus spacieux, plus lumineux et plus fonctionnel que nos précédents, nous avions convenu de faire le ménage des mobiliers et de nos biens matériels. Les armoires pratiques et esthétiques, au moins, demeuraient. Cependant, les meubles comme ceux des lits disparurent afin de céder leur place à de nouveaux qui allaient nous rendre la vie bien plus facile.

Notre rêve venait enfin de se concrétiser : nous étions en train de le vivre.

Cependant, nous avions dû manger des sandwitchs et des pâtes pendant ces deux mois d'attente : nous devions économiser afin de pouvoir réaliser nos désirs. Je tenais à contribuer en me chargeant de la moitié des dépenses, même si le compte en banque d'Eren était plutôt impressionnant. Je voulais absolument lui prouver que je m'impliquais sérieusement dans cette aventure et que j'étais autonome financièrement ; évidemment, pour économiser, nous devions faire des sacrifices... Donc, plus de restaurants. Nous préférions dépenser notre argent pour de la peinture, du mobilier neuf et des accessoires essentiels. Également, je faisais plus souvent des heures supplémentaires afin de pouvoir ramener un peu plus d'argent à la maison : mes patrons étaient fiers de me voir travailler si durement pour réaliser un rêve. Eren, pendant ce temps, travaillait un peu ou il m'attendait. Lui aussi était heureux de me voir me démener autant. Ça lui prouvait que j'étais réellement à fond.

Enfin, après ces mois interminables, nous pûmes nous installer dans notre nid douillet. Les amis d'Eren avaient été des amours : ils nous avaient aidé à faire les transferts de boîtes, à peinturer les murs et à monter quelques meubles imposants comme la base du lit et les rangements du séjour. En somme, à cinq, nous avions tout réglé en moins de quatre jours. Après que les amis de mon amant nous aient aidés à nous établir, Eren et moi nous chargeâmes sans attendre de décorer les nombreuses pièces. Cela, par contre, ne fut pas la plus simple des tâches : mon amoureux et moi avions des perceptions différentes de nos environnements de vie. Alors, nous avions dû faire de nombreux compromis, surtout en ce qui concernait la chambre et la cuisine, endroits dans lesquels nous allions passer nos plus fréquents moments de couple. Cependant, j'avais insisté pour décorer le salon en entier, alors Eren avait décidé de s'occuper de l'amménagement de la salle de bain. Au final, chacun y trouva son compte et le logement fut adapté à nos goûts. Nous étions satisfaits du produit final.

Un soir où j'eus terminé de faire le ménage de l'appartement en entier, je me laissai effondrer sur le canapé, laissant mon plumeau tomber au sol alors que je fixai le plafond tout en soupirant. Je n'avais pas arrêté de toute la journée ; je voulais que le logis soit parfaitement propre pour le retour d'Eren. Or, je n'avais pas terminé lorsqu'il était revenu à la maison vers 17h, alors j'avais raté mon effet de surprise. Mon amoureux, aussi adorable qu'il l'était, m'avait avoué que cette attention lui faisait extrêmement plaisir et qu'il allait m'aider après le repas pour que ça soit plus rapide. Comme j'avais déjà nettoyé les deux tiers du logement avant son arrivée, dont la cuisine et la salle de bain, il ne lui restait pas beaucoup de choses à faire. Alors, il avait insisté pour me cuisiner un repas digne de ce nom.

Donc, ce fut après avoir terminé épousseter les tablettes des meubles et avoir astiqué le plancher avec fougue que je me permis de prendre une pause bien méritée. Totalement lessivé après cette dure journée de labeur, je laissai mes paupières tomber devant mes yeux, poussant un autre soupir. Je n'avais qu'une seule envie : dormir dans ce nouveau lit spacieux avec ma boule de chaleur personnelle.

- Ça y est! J'ai fini de nettoyer les fenêtres! J'espère que tu seras fier-

Tandis qu'il parlait, Eren se dirigeait vers ma position. Je n'ouvris les yeux que lorsqu'il fut à l'orée du séjour. Il parut surpris un instant avant de sourire doucement.

- Tu es épuisé, mon amour?

- Non... Je suis totalement crevé...! rectifiai-je tout en fermant mes yeux à nouveau.

Eren ricana gentiment avant de venir me rejoindre. Il déposa les guenilles qu'il tenait dans ses mains sur le plancher et il s'approcha de moi. Doucement, il grimpa à quatre pattes au-dessus de moi, ignorant le fait d'être à l'étroit sur le canapé. Je refermai mes yeux sur un automatisme lorsque mon amant vint déposer un tendre baiser dans le creux de mon cou.

- Tout est impeccable, j'espère que tu es content, murmura-t-il d'une voix sensuelle.

- Je suis content de tout ce que tu fais, Eren, répondis-je avec un sourire.

- Hm? Et ça, tu aimes?~

D'une voix rieuse, il vint agacer mes côtes de ses doigts dangereux, venant chatouiller les parties délicates de mon corps. Je ne pus retenir un petit rire et un tortillement involontaire. Je me débattais mollement alors que mon amoureux s'amusait à promener ses mains malicieuses sur mon torse.

- Aw, arrête, chialais-je inutilement.

- J'aime trop t'entendre faire des bruits bizarres... Encore!

- Niaaah! Eren!

Nos rires se mélangeaient alors que la torture infâme de mon amant s'intensifiait. Il fut rendu un stade où je ne pus contrôler mes rires ; c'était du vrai n'importe quoi. Eren se prêtait à cœur joie à cette scéance ouverte de chatouilles, ricanant en me voyant me tortiller dans tous les sens. Je le soupçonnais d'adorer me voir aussi soumis et vulnérable en-dessous de lui...
Alors que je tentais désespérément de reprendre mon souffle, une paire de lèvres chaudes vinrent emprisonner les miennes. Gentiment bercé par ce baiser enflammé, je me laissai porter par la chaleur rassurante de mon amant, m'y accrochant comme un naufragé malchanceux à une bouée miraculeuse. Les chatouilles d'Eren se transformèrent en douces caresses, lentes et sensuelles. Je frissonnais de plaisir sous ses mains étonnement lestes. Nos langues s'enlaçaient dans un ballet rythmé et érotique, voire nuptial. Une puissante vague de chaleur m'envahissait. Lorsque nous rompîmes cet échange pour le moins ennuyeux, nous fixions les prunelles de l'autre avec des yeux avides et, à la fois, soulagés. Toutes les émotions que nous avions retenues en deux mois se déversaient dans nos regards complices : sans avoir besoin de prononcer de mots, nous arrivions à nous parler.

Je le sentais vibrer d'impatience. Il se mordait la lèvre inférieure tout en détaillant minutieusement mon visage. Tout aussi fébrile, je resserrai mon emprise autour de sa nuque, rapprochant ainsi un peu plus son visage du mien. J'adorais quand nos nez se croisaient doucement de cette manière : j'avais l'impression de faire partie de lui, de lui appartenir en entier. J'y percevais, ainsi, que notre amour était impérissable et éternel. Je surélevai légèrement l'un de mes genoux.

- Eren, fis-je contre ses lèvres, veux-tu... un enfant de moi?

Il se redressa un peu, me considérant avec des yeux surpris. Il examina mon regard profondément quelques instants avant d'afficher un sourire tendre. Il se pencha lentement vers moi afin de sceller un doux baiser.

- Levi, je... Laisse-nous le temps de vivre le rêve, de profiter de notre jeunesse... Oui, bien sûr, je veux, un jour, devenir le père de tes enfants, mais j'ai l'impression que je n'ai pas l'étoffe d'un parent maintenant, ou dans une semaine, dans neuf mois, dans un an... Je ne suis pas encore prêt, pour tout avouer... Ne presse pas les choses en pensant me faire plaisir, confessa-t-il avec sagesse, enfouissant son visage dans mon cou.

- Mais... Tu y tenais tellement, pourtant... Pourquoi as-tu changé d'avis...?

- Ah, Levi.

Visiblement ennuyé, mon amoureux se redressa, posant sa main contre on visage afin de me faire regarder droit dans ses yeux. Son regard se voulait sévère, mais à la fois diplomate et concis. Ce soudain sérieux m'avait pris au dépourvu. Je l'écoutai sans rien dire, hypnotisé par ces captivantes prunelles turquoise.

- Levi, regarde-moi bien. Cesse de te soucier de ce qui est passé, ça ne fait que te faire douter sur ton présent et t'inquiéter sur ton avenir. Je t'interdis de te sentir un brin coupable ou pressé, d'accord? Là, présentement, tu vas vivre ta vie avec moi, nous allons habiter ensemble dans cet appartement douillet et faire l'amour comme de véritables amants. Je t'en prie, cesse de t'en faire pour ce qui est passé.

- Eren... Je... Je ne comprends pas comment tu as pu changer si rapidement d'avis... Tu le voulais, cet enfant, non? tentai-je, ne comprenant pas ses motivations.

- À l'époque, je... je ne pensais pas pouvoir contrôler la situation, avoua-t-il tout en posant son front contre le mien. J'étais convaincu que tu allais lui donner naissance et que nous allions devoir vivre ensemble pour l'élever... J'étais prêt à tout, car j'étais persuadé que c'était mon unique chance de voir ma progéniture de mes propres yeux... Mais maintenant, avec cette nouvelle chance qui m'a été donnée, je réalise que le temps n'a plus d'importance, que la vie m'appartient en entier. Je suis maintenant libre de faire comme bon me semble. Et ce qui me semble bon, en ce moment, c'est de vivre tout simplement avec l'homme que j'aime, dans cet endroit absolument propice pour une vie à deux, et lorsque le temps sera arrivé que nous serons prêts à ajouter y des personnes, nous nous laisserons bercer dans le flot de la vie...

Il prit une courte pause avant de me sourire. Il releva son menton afin de déposer un baiser sur ma joue.

- Je ne te sens pas prêt, n'est-ce pas? Tu es encore hanté par le passé?

- Oui, admis-je timidement. Je voulais être prêt pour toi et je me sentais coupable de ne pas l'être, mais... tu as raison, vaut mieux attendre que le moment se présente de lui-même. Nous serons prêts en temps et lieu.

- Oui. Je t'aime tellement, Levi~

- Je t'aime encore plus, Eren~

Sur ces dernières paroles, nous avions conclu cette conversation apaisante et rassurante. Nous avions passé la nuit à se toucher tendrement et à s'embrasser langoureusement, sans pour autant avoir de relation sexuelle complète.
Je me sentais en paix depuis que mon amant avait remis mes pendules à l'heure. Je savais dorénavant ce qu'il ressentait et il était au courant de mes états d'âme. En une soirée, toutes mes craintes d'antan s'étaient effacées afin de laisser place au bonheur présent. Je décidai de saisir ma vie à deux mains et d'y croquer à pleine dent.

Eren m'a enseigné une belle leçon de vie.