25. Nouvelle vie
Eren et moi avions dû quitter à la hâte : je ne pouvais pas manquer l'accouchement de ma meilleure amie, autrement dit, la naissance de mon futur filleul ou de ma future filleule! Non, j'avais la décence de ne pas rater cette occasion unique! Mon amoureux comprenait totalement ce choix, ainsi que ses amis, alors personne ne nous avait retenu. Cependant, Eren avait promis à ses copains de refaire une soirée amusante comme celle-ci un peu plus tard au courant du mois ou des mois à venir.
Ainsi, ce fut après quelques instants que nous fûmes arrivés à l'hôpital, là où Eren s'était fait greffer son nouveau cœur. C'était la première fois que j'explorais le bloc réservé aux poupons et aux personnes enceintes, alors j'étais très fébrile. Je n'arrivais pas à croire que, dans un futur drôlement rapproché, j'allais être un patient ici : ça me rendait anxieux, mais à la fois impatient. Une fois qu'Eren et moi fûmes tout près de la chambre de Petra, nous y vîmes un homme qui faisait les cent pas de manière angoissée devant la porte. Lorsqu'il nous aperçut, ses yeux s'agrandirent et il se hâta à nos côtés. Sans savoir pourquoi, en un simple coup d'œil, je savais que c'était celui qui avait mis Petra dans cet état.
Auruo était plutôt grand : en fait, il avait un bon front de plus que moi. Ses cheveux d'un châtain clair étaient rasés à la nuque, mais ceux du dessus étaient si longs qu'ils bouclaient un peu. Je ne saurais dire si cela était étrange ou si cette particularité lui procurait un certain charme. Son visage drôlement modelé lui donnait un air plus âgé, mais non pour le moins sympathique. En effet, l'émotion dans ses petits yeux noisette étaient cruellement sincères et limpides. Je pouvais lire en lui comme un grand livre ouvert sans que je n'aie besoin de le connaître. Curieusement, il inspirait confiance.
Sans doute est-ce cela qui a charmé mon amie?
- Est-ce vous, Levi, l'ami de Petra, ma fiancée? demanda-t-il avec hâte.
- Oui, c'est moi... Et vous êtes... Petra ne m'avait jamais dit qu'elle s'était fiancée! m'exclamai-je, venant de comprendre leur statut.
- Oui, comment dire... J'ai fait ma demande il n'y a que quelques mois... fit Auruo tout en rougissant, déviant son regard au sol.
- Je suis heureux pour vous, dis-je avec le sourire. Félicitations.
- Merci beaucoup! s'exclama l'homme tout en serrant la main que je lui proposais. Je suis enchanté de faire votre connaissance, également!
- Oui, moi aussi. Oh, et voici Eren, mon copain.
- C'est un honneur, monsieur! fit mon amant tout en serrant amicalement la main d'Auruo.
- Tout le plaisir est pour moi, répondit-il tout en affichant un grand sourire qui déformait son visage. P-Pensez-vous que Petra s'en sortira?
Le pauvre, il faisait pitié. Il jouait nerveusement avec ses doigts en plus de trembler du pied. Ses yeux ne cessaient de bouger dans tous les sens et ils démontraient une inquiétude évidente. Je partageais un peu ses craintes, mais je devais avouer que j'avais foi en Petra : elle allait donner naissance comme toutes les mères exceptionnelles le font. Comme s'il pouvait lire dans mes pensées, Eren vint serrer ma main tendrement.
- T'en fais pas, Auruo, je suis sûr qu'elle va faire ça comme une grande... rassurai-je. Viens, allons nous asseoir sur ces chaises et discutons un peu.
Sur ce, nous passâmes les heures suivantes à discuter doucement en attendant l'accord des infirmières pour voir les deux êtres qui se battaient pour leur survie dans l'autre pièce. Heureusement, Eren et Auruo s'étaient découverts une passion commune pour le foot : cela avait permis au fiancé de mon amie de se détendre un peu lors de ces longues et pénibles heures. Mon amant arrivait avec beaucoup plus d'aisance que moi à entretenir une conversation et à faire oublier que le temps coulait. J'étais heureux de voir naître une si jolie complicité entre eux ; Eren avait tellement de facilité à se lier d'amitié avec d'autres, contrairement à moi. Tandis que mon amoureux distrayait le futur père, j'étais parti nous chercher chacun un café et une galette d'avoine à la cafétéria. Ce petit plaisir chaleureux nous avait réconforté durant les petites heures du matin.
Enfin, ce ne fut que vers 5h30 que la besogne fut enfin terminée. L'enfant était né en pleine santé et Petra l'allaitait déjà. C'était à cet instant que nous avions pu les visiter. Dès que nous eûmes l'autorisation d'entrer, Auruo se précipita aux côtés de sa petite famille, les larmes aux yeux. Les deux parents s'embrassèrent doucement alors que le petit être rose était blotti dans une couverture de la même teinte contre la poitrine humide de sa mère. La salle était silencieuse, ou presque ; l'émotion était palpable. Je ne veux pas me vanter d'être insensible, mais une telle scène avait réussi à me nouer la gorge et à faire mouiller mes yeux. Ça sentait bon la poudre pour bébé.
Sans pouvoir m'en empêcher, j'avais une pensée pour cet enfant à qui j'avais si brutalement enlevé la vie. Si seulement j'avais eu autant de courage que Petra, il serait parmi nous à vivre ce moment. Lorsque cette pensée traversa mon esprit, je baissai ma tête tout en mordant ma lèvre inférieure, retenant mes larmes. Je me sentais, d'un coup, coupable de cette décision fatale. À l'époque, je ne pensais pas avoir le choix, alors pourquoi regrettais-je?
Pourquoi, même après tout ce temps, ne suis-je pas capable de laisser le passé derrière moi?
En me sentant fragile, Eren me prit délicatement contre lui, posant son menton sur mon crâne comme il aimait le faire. Son étreinte chaleureuse me consolait et faisait envoler tous mes remords. Il avait le don, en un seul toucher, de me détendre et de me faire tout oublier. Comme j'étais dos à lui, toujours en train d'observer la nouvelle famille, mon amant put venir entrelacer ses doigts avec les miens. Sa main douce et chaude enrobait la mienne tendrement, la réchauffant tout doucement. Toutes les personnes réunies, à cet instant, gardaient religieusement le silence, profitant de cette atmosphère puissante, mais en même tendre et sereine. On se serait cru dans une église bouddhiste ou durant une profonde séance de méditation. Il semblait planer l'aura d'une puissance astrale, divine, mystérieuse ; celle qui, probablement, a le pouvoir de donner la vie.
Auruo, avec la permission de Petra, put prendre son enfant dans ses bras. Assis sur la chaise à côté de sa fiancée, il tenait la petite chose prudemment, visiblement ému et émotif. Petra avait les mêmes yeux larmoyants d'émotion. Alors que le jeune père berçait tranquillement le nouveau-né, caressant doucement sa peau fragile du doigt, une infirmière eut assez de courage pour nous annoncer la bonne nouvelle.
- C'est une jolie petite fille. Tout s'est parfaitement déroulé : elle est en excellente santé, ainsi que la mère.
- Oh, une toute petite fille... fit Eren avec une voix calme. C'est tout petit, si petit... Comment ça fait pour vivre?
- Ah, ça, c'est le don incroyable de la vie que seules les mères peuvent donner... soupirai-je sans trop réfléchir à mes mots.
- Ou les pères, mon amour, chuchota mon amant dans le creux de mon oreille, caressant mon bas-ventre de sa main de libre.
Alors que je roulais mes yeux au ciel, il sourit contre ma joue et il y posa un petit bisou. Auruo et Petra, pendant ce temps, s'étaient regardés amoureusement et ils s'étaient échangés des paroles douces. D'un hochement de la tête commun, ils s'étaient entendus.
- Nous l'appellerons Léna, dit mon amie, encore toute émerveillée par cette expérience unique.
- Léna Bossard? demanda la plus âgée des infirmières présentes.
- Non, Léna Ral... Je préfère cela, corrigea gentiment Auruo tout en offrant un gentil sourire à sa fiancée.
- Bien.
- Levi...
Le fait que Petra s'adressait directement à moi me fit sursauter. Prudent, je levai mes yeux vers elle, croisant son regard compréhensif et doux. D'un petit geste de la main, elle m'invita à m'approcher. Je dus, alors, délaisser la chaleur de mon copain pour venir aux côtés de mon amie. Elle serra ma main, soudainement émotive.
- Je sais ce à quoi tu penses... commença-t-elle d'une petite voix. Ce n'était pas de ta faute, okay? En plus, je t'y avais encouragé, souviens-toi... Alors ne fais aucun lien entre nos deux situations, d'accord?
Le regard sévère et la voix plus brusque qu'elle avait soudainement employés m'avaient pris au dépourvu. J'étais figé : elle semblait avoir pensé à ces mots depuis très longtemps pour pouvoir les dire avec autant d'assurance et de franchise. Cependant, lorsque nos yeux se croisèrent, elle eut un mince sourire, raffermissant son emprise autour de main.
- Moi, j'ai une maison avec mon fiancé, j'ai un boulot stable qui me plait bien, j'ai un homme parfait qui est là pour moi et qui peut prendre soin de ma fille avec moi... Levi, j'étais décidée depuis longtemps, j'avais les moyens de donner naissance, alors je l'ai fait... Ne te sens pas coupable de rien et prend donc ta filleule dans tes bras...
- Q-Quoi...?
- Oui, tiens. Viens t'asseoir, Levi.
Auruo, serrant la petite contre lui, se leva et il me désigna la chaise sur laquelle il était auparavant assis. Eren, comme s'il était complice, me poussa doucement par les épaules et il m'encouragea silencieusement à prendre place. L'instant d'après, la petite créature m'était offerte, donc j'eus le réflexe de la prendre contre moi. J'avais les épaules tendues et crispées, mais les bras doux, de peur de la serrer trop fort. Généreux comme il l'était, Auruo m'aida à la tenir convenablement et à bien positionner mes bras. Petra me regardait faire avec un sourire rieur et Eren avait les larmes aux yeux.
- Seigneur, Levi qui tient un enfant dans ses bras... Ça mérite une photo!
- Non, Eren...
Il fut inutile de vouloir le retenir. Rapidement, il tira son téléphone de sa poche et il s'amusa à prendre des clichés immortels. Je le laissai faire, portant mon attention à la petite qui s'accrochait à moi. En effet, ses minuscules doigts s'agrippaient à mon chandail, le pressant contre sa petite bouche comme si elle voulait le téter. Je trouvait cela si mignon que j'en avais perdu la voix. Alors que j'observais ses traits délicats, j'étais emprisonné dans cette petite bulle de tendresse séparée du monde environnant. Je n'entendais que des bourdonnements sourds.
Tout doucement, j'eus le courage de caresser la petite tête pâle de l'enfant, réalisant à quel point sa peau était délicate et douce. Sans en avoir conscience, je souris.
Soudainement, je sursautais lorsque, difficilement, la petite souleva ses paupières pour la première fois. Ses deux grosses billes bleues marines se dévoilèrent graduellement, me fixant avec insistance. J'avais été saisi au cœur, le souffle coupé. J'avais eu l'immense honneur d'être la première personne sur qui elle posait ses yeux pour la toute première fois de sa vie. En remarquant ce fait, les parents eurent un grand sourire.
- Oh, elle ouvre ses yeux!
- Merveilleux... Quelle chance tu as, Levi...
- Mais... Elle n'a pas les yeux bruns alors que vous deux avez des yeux bruns... Comment est-ce possible?
- C'est normal, ne vous en faites pas. Les enfants naissent généralement avec les yeux bleus foncés, comme elle, mais la couleur définitive se forme tranquillement durant la première année.
- Ah, d'accord... Merci beaucoup madame!
Je fixais en retour le petit ange rose, surpris de réaliser à quel point il avait l'air humain. J'étais tellement pris dans mes émotions, dans cette bulle de tendresse et de beauté, que seule l'enfant me rattachait au monde réel. Alors que mes yeux soutenaient le regard livide de la petite boule de vie, ma main caressait son petit crâne tout doucement. Mes doigts touchèrent délicatement la peau douce de ses joues ballonnées, puis à ses mains si minuscules et si fines qu'elles pourraient se briser à tout contact. En sentant mes doigts sur sa main, ses petites pattes d'araignées vinrent s'enrouler autour de mon index, y appliquant une force faible, mais totalement adorable.
J'étais complètement ému. La Vie m'offrait un magnifique cadeau indirectement. Elle me disait qu'il y avait encore de l'espoir, en ce bas monde corrompu, qu'il ne fallait jamais cesser de croire.
Je revins à moi lorsque je sentis la chaleur d'Eren s'approcher de moi. Ses mains reposant sur le dossier de la chaise, il se pencha par-dessus mon épaule afin de venir poser un baiser sur ma joue. Gentiment tiré de ma transe, je posai mon regard sur mon amant.
- Tu es magnifique, Levi~
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