23. Retour à la vie normale
La seconde où Eren posa les pieds hors de l'hôpital, il retrouva sa détermination impérissable. Il était plus motivé que jamais à saisir cette chance unique et à profiter de la vie. Je n'arrêtais pas de dire à mon amour à quel point je le trouvais fort et courageux, ce qui lui mettait toujours un sourire aux lèvres. Mon copain, lorsqu'il prit une profonde bouffée d'air, saisit ma main et il me dit qu'il allait rester à mes côtés jusqu'à ce que la mort nous sépare pour de vrai. Je lui avais souris et je lui avais répondu que même la mort n'allait pas pouvoir nous séparer.
Je ne lui avais pas encore dit ce que je prévoyais faire pour le futur, car j'avais la curieuse impression qu'il pensait la même chose. Sans se consulter, nos esprits se rencontraient. J'avais le profond désir de passer le reste de ma vie avec lui, de m'installer officiellement et d'élever une petite famille : cependant, je n'étais pas encore prêt. J'étais encore trop sous les émotions fortes que la greffe de cœur nous avait procurées et je ne voulais pas gâcher le repos d'Eren. Je tenais à profiter du temps tranquillement avec mon amoureux avant de plonger dans la vraie vie. Je devais discuter avec lui de nos plans de vie.
Depuis sa sortie de l'hôpital, Eren me forçait, chaque jour, à faire un petit jogging avec lui. C'était sa façon de tenir la promesse de celle qui lui avait donné son cœur. Je ne refusais jamais, lui démontrant - lui prouvant - que j'allais toujours être là pour lui. Rester actif et bien manger étaient de nouvelles habitudes que nous avions ajoutées à notre horaire. Non pas que nous mangions n'importe quoi avant ; j'insistais toujours pour cuisiner quelque chose de bien, ce qu'Eren appréciait grandement.
Les premiers temps d'adaptation avaient été ardus, mais rapidement, nous avions repris goût à la vie. Les jours coulaient paisiblement : pendant que je travaillais avec acharnement au café, mon amant reprenait graduellement son rôle de directeur-adjoint à la compagnie de son père. Tranquillement, les vieilles habitudes reprenaient. Eren venait me chercher à mon boulot, le soir, pour qu'on puisse cuisiner ensemble dans l'un de nos appartements. Comme avant, nous entretenions une alternance qui nous plaisait. Cependant, je remarquais que mon amoureux se concentrait plus à nous trouver un logement convenable pour deux. Je lui assurais à chaque fois que ça ne pressait pas, que ce rythme de vie me plaisait bien. De plus en plus, les biens de l'un traînaient chez l'autre ; il n'y avait plus aucune gêne.
Également, j'étais réjoui qu'Eren reprenne contact avec ses amis. Ceux-ci, avertis du drame qui s'était abattu sur nous grâce aux médias, étaient totalement enjoués à l'idée de revoir leur vieux camarade et de me rencontrer. J'étais agréablement surpris de la réponse positive des amis de mon amant : jamais je n'aurais cru qu'ils allaient accepter ma médiocrité et mon sexe secondaire. Au contraire, Eren m'expliquait que c'était ce qui les impressionnait : contrairement à beaucoup d'Oméga qui abandonnaient, je possédais une force qui me poussait à faire de ma vie ce que je désirais. Je ne le croyais pas totalement, mais il est vrai que, comparé aux autres Oméga, je n'acceptais pas mon sexe secondaire et je bougeais mon cul pour être utile à la société. Non pas que je sois le seul Oméga à agir ainsi, mais je dois bien être l'un des rares cas qui ne dépendent pas de subventions gouvernementales pour survivre.
En parlant de mon sexe secondaire, mes chaleurs, bien que présentes, ne me causaient plus autant de problèmes qu'avant. J'avais Eren à mes côtés, alors il pouvait satisfaire mes hormones lorsqu'elles n'en faisaient qu'à leur tête. Cette passe habituellement chiante l'était beaucoup moins depuis que mon Alpha était dans ma vie : il arrivait à me calmer et à satisfaire ce besoin de sexe qui me prenait de temps à autres.
Sans se le cacher, cela était une bonne excuse pour entretenir une vie sexuelle tout à fait normale et saine. Quelques fois, Eren disait même, à la blague, que cet exercice physique gardait son cœur en bonne condition. Certes, nous nous faisions plaisir également lorsque je n'étais pas dans mes chaleurs, mais lorsque cette période arrivait, nous étions prêts.
Cette soirée, là, en particulier, Eren avait senti mes chaleurs arriver avant moi. Après avoir mangé ensemble, nous nous étions isolés dans ma chambre, collés intimement et se caressant tendrement. Nous partagions un doux baiser avant de s'enflammer progressivement. Tandis que les paumes de mon amant tâtaient délicatement ma taille, je glissai une de mes mains sous son chandail, remontant son torse en profitant de chaque relief. Cependant, une fois rendu au niveau de sa poitrine, je sentis la cicatrice que la greffe avait laissée : longue et verticale, elle longeait une bonne partie du sternum. Lorsqu'Eren sentit mon toucher sur sa cicatrice, il rompit le baiser, regardant mes yeux avec une pointe de tristesse. Je poussai un petit soupir.
- Ça ne partira pas, Levi, dit-il soudainement, sa voix aussi douce qu'un murmure.
- Je sais... Mais tu sais très bien à qui je songe...
- Ne t'en fais pas... Ça va bientôt faire un mois de cela, ressaisis-toi, encouragea Eren, attrapant mon visage de ses mains. La vie continue, ne regardons pas en arrière.
- Je me dis... fis-je, soucieux. Je me dis que la vie ne veut pas que nous soyons ensemble... Tu sais, avec toutes ces morts pour pouvoir perpétuer notre bonheur... Est-ce un peu trop d'acharnement...?
- Non, Levi, je t'interdis de penser ça.
D'un coup, je me retrouvai sous mon amant, fixant ces deux prunelles scintillantes dans le noir. Son corps bouillant m'enveloppait de sa chaleur rassurante. Alors que ses genoux pressaient mes hanches, sa main libre vint soulever mon menton. Nos visages étaient si près que nos souffles se mélangeaient. Les yeux d'Eren semblaient me gronder sévèrement.
- Je ne veux pas que tu te sentes coupable de ces morts. Nous sommes tous les deux dans le tort pour chacune d'elles. Si des vies se sont sacrifiées pour que nous vivions notre bonheur, alors remercions-les et vivons sans regrets. Si nous passons notre temps à se morfondre et à se plaindre, à quoi ces sacrifices auront-ils servi? Non, pour leur donner de l'importance, nous devons profiter de la chance qu'ils nous offrent.
Les paroles d'Eren me poignardèrent le cœur. Le voir si déterminé, si sérieux, me désarmait. Je ne pouvais pas répliquer ou encore moins contredire ce qu'il débitait. L'émotion nouant ma gorge, je ne fis que l'écouter en silence, pensant chaque mot qu'il disait. Tout cela faisait tant de sens... Eren avait le don de sortir des discours profonds qui venaient tout droit de son âme. Je ne cesserai de l'admirer pour la belle personne qu'il était.
- Levi, je t'aime, je t'aime plus que tout. Je ferais tous les sacrifices pour toi, pour pouvoir vivre à tes côtés, pour te serrer dans mes bras les matins, pour te voir sourire le jour, pour me coller contre toi le soir... Levi, tu es mon âme-sœur, tu es la personne qui m'a donné tout ce courage pour passer à travers les épreuves qui nous privaient de bonheur et tu seras encore la personne qui me donnera du courage lors des épreuves à venir. Levi, n'aie aucun regret et profite de ce que tu as présentement. Maintenant, tais-toi et laisse-moi te faire l'amour.
Il va sans dire que je n'avais pas pu lui désobéir. Cette nuit-là fut inondée de notre amour éternel, que nous avions prouvé par ce rapport sexuel et par les mots doux qui avaient précédés et suivis.
Eren est si romantique... et sadique. Il adore me voir désespérer de ne pas pouvoir lui retourner toutes ces jolies paroles par d'autres.
Moi, amusant? Pas du tout, je ne suis qu'une grosse merde d'Oméga qui est sous le charme d'un Alpha beaucoup trop bien pour moi.
Le soir suivant, je faisais un peu d'heures supplémentaires, car Eren avait une rencontre très importante avec des gens influents du milieu financier. Au lieu de l'attendre chez lui à ne rien faire, j'avais préféré l'attendre au travail à faire quelque chose que j'aime. Hanji se voyait très excitée de pouvoir passer la soirée à bosser avec moi. Par contre, je n'étais pas prêt mentalement à supporter cette tornade.
Étonnement, tout se déroula comme à l'ordinaire. Les clients venaient et partaient à un rythme qui nous convenait parfaitement bien. Hanji et moi formions une équipe drôlement efficace et performante : les clients n'attendaient généralement pas plus de huit minutes avant que tout soit préparé et réglé.
À la fin de cette journée interminable, ma collègue ferma enfin le café. Je venais tout juste de terminer de nettoyer l'aire de restauration. En synchronisme, nous soupirâmes de soulagement, elle s'adossant à la porte de bois tandis que je reposais mon poids sur le manche de la vadrouille.
- Pfiou! Une belle et grosse journée de terminée! s'exclama Hanji.
- Oui... Quel soulagement...! approuvai-je tout en m'étirant le dos.
- En effet... Hey, Levi, je n'avais jamais pris le temps de te remercier pour tout ce que tu fais ici!
- Hm?
- Oui! Tu sais, Armin et moi avions ouvert cette brasserie sous une impulsion : c'était notre rêve fou et nous avions grandement espoir. Rien n'a été facile et, alors que nous étions au bord du gouffre, tu es arrivé, me raconta-t-elle avec des étincelles dans les yeux. Tu es si productif, si déterminé au travail, que tu as su comment nous aider à progresser à un niveau inimaginable. Merci infiniment, Levi, de faire partie de notre rêve.
Touché face à ce soudain discours, je ne pus qu'hausser des épaules, demeurant modeste comme à mon habitude. Les compliments glissaient sur mes épaules comme l'eau sur les ailes d'un canard. J'affichai, néanmoins, un petit sourire.
- Oh, ça ne fait rien. Moi aussi j'avais le rêve fou de vouloir ouvrir une pâtisserie, alors disons que je réalise ce souhait en travaillant ici. Sans le cacher, j'adore ce que je fais : même si on me proposait un poste plus payant, je refuserais. J'ai enfin trouvé ma place.
- Aw, Levi! Viens ici que je te donne un gros câlin!
Sans avertissement, je fus plaqué dans une étreinte chaleureuse. Je ne m'attendais pas à être prisonnier de ses griffes affectueuses, mais je finis par fondre et lui retourner le geste sincèrement. Une petite séance d'aveux aussi brusque m'avait, étonnement, fait beaucoup de bien. Extérioriser une fois de temps en temps était plaisant.
Rapidement, je brisai l'étreinte. J'avais cruellement envie de retourner chez moi et de passer la nuit avec mon amoureux.
- Bon, c'est pas tout, je vais aller saluer les gars avant de partir, dis-je.
- Bonne idée! Perso, je suis si épuisée que je vais retourner directement chez moi... À plus, Levi!
- Bye Hanji!
Après qu'elle fut partie, je retournai à l'arrière-boutique afin de me changer et de prendre mes effectifs. Cependant, je réalisai que les affaires de Mike avaient disparues ; quel grand timide, celui-là, il ne voulait pas nous saluer à la fin d'une journée. Il n'y avait rien de plus habituel.
Par contre, les biens d'Erwin étaient toujours là. Celui-ci adorait nous donner une accolade avant de se quitter, mais je ne l'avais pas vu depuis des heures. Où pouvait-il bien être? Les fourneaux étaient éteints et je venais de fermer l'aire de restauration.
Sans trop me soucier de lui, je pris mon sac et je me dirigeai vers le bureau d'Armin dans l'intention de le saluer avant de partir. Je le voyais rarement et j'avais développé cette caprice de soirée à vouloir lui adresser un petit mot avant de retourner chez moi. Sans réfléchir, j'ouvris la porte de son bureau, faisant un pas dans la pièce.
- Hey, Armin, à-
Je me figeai en voyant mon patron et mon collègue s'embrasser langoureusement. Erwin soulevait le plus petit par les cuisses, le maintenant fermement contre le mur. Le patron approchait le visage de son amant secret vers le sien, leurs mèches blondes se mêlant doucement. Cependant, à ma venue, ils s'arrêtèrent, pris en flagrant délit. Leurs vêtements étaient en bataille : sur le point d'être arrachés. La vue de leurs regards terrifiés me fit sourire de l'intérieur.
- Bon, désolé du dérangement, je vais partir. Passez une bonne soirée.
Sur ce, je fermai la porte derrière moi. Ce duo était invraisemblable, mais plutôt adorable.
Tout en attendant Eren sur le trottoir, je songeais, souriant, à ce joli couple qui venait de se former.
Ce que la vie est belle.
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