20. Vérité

Debout, au milieu de séjour, je faisais face à Eren qui, la tête baissée, cherchait sans doute une façon de m'expliquer les atrocités qu'il avait commises. J'avais la gorge nouée, le coeur meurtri et les larmes qui menaçaient de couler sur mes joues.

Que m'arrive-t-il? Pourquoi je n'arrive pas à filer le parfait bonheur avec celui que j'aime? Pourquoi faut-il toujours qu'il ait anguille sous roche?

Je voulais connaître la vérité, je voulais savoir ce qui se passait dans la vie d'Eren. Un soupir poussé par mon amant dirigea mon attention vers lui.

- Levi... Je t'aime inconditionnellement, tu ne sais pas à quel point... Depuis... le tout premier jour...

Je ne répondis pas, incapable. J'avais peur de lancer, une nouvelle fois, une parole mal placée qui signerait l'arrêt de notre si bel amour. Prudemment, Eren leva sa tête afin de rencontrer mes yeux. Mon cœur se serra douloureusement. Doucement, le brunet tapota la place à côté de lui.

- Je vais tout te raconter. Je suis terriblement désolé de ne pas l'avoir fait plus tôt...

M'attendant au pire, je pris place, le regardant intensément. Je désirais l'encourager à parler par la force du regard, comme si, par ce moyen, je pouvais communiquer avec lui par la pensée. Rassemblant son courage, Eren me raconta le début de sa vie.

- Tu sais... Avant de rencontrer Mikasa, j'avais beaucoup d'amis. De bons amis avec qui je sortais, avec qui je passais mes fins de journées à jouer... On faisait même nos devoirs ensemble le week-end. C'était de belles années... Mais lorsque j'ai connu Mikasa, j'avais tant aimé sa façade. Elle était gentille, polie et jolie, je dois l'avouer... Elle semblait avoir toutes les qualités pour elle... J'étais convaincu que c'était elle, mon âme-soeur. Rapidement, nous avions mis sur pied une relation amoureuse, mais... Ce fut au bout d'un certain temps que je réalisai le malheur qui s'était abattu sur moi. Sans m'en rendre compte, Mikasa m'avait lentement éloigné de ma famille, coupé de tout contact, enfermé dans notre appartement, pour que seule elle ait accès à moi. Quand j'avais réalisé cela, je m'étais immédiatement emporté et nous nous étions engueulés pour la première fois... Ce n'était vraiment pas beau à voir... Le soir même, j'étais parti coucher chez mes parents tellement que j'avais peur. J'avais peur que Mikasa ne ruine ma vie ; elle devenait complètement psychopathe... Un peu plus et elle allait m'enchaîner au lit pour être sûr que je ne quitte plus jamais le logement! J'avais peur, terriblement peur... J'avais été si intense dans cet amour futile que j'en étais devenu aveugle, que je ne comprenais plus ce qui était bon ou non... Après cette dispute, Mikasa était venue me voir, piteuse, pour s'excuser. J'avais compris que, pour elle, m'isoler du monde était la seule façon pour que je lui appartienne entièrement. Malgré tout, je lui avais laissé une dernière chance, mais mon amour pour elle s'était volatilisé. Je ne l'aimais plus ; j'avais perdu toute confiance en elle. Je ne vivais que de l'artificiel pour lui faire plaisir. Au bout de six mois, j'en eus marre et je mis réellement fin à notre relation. Après un bon quatre ans à vivre avec elle, j'étais enfin libéré de mes chaînes... Mais quand j'eus goûté à la liberté, je compris que j'avais manqué beaucoup de choses. J'étais maintenant un homme, sans emploi ni logement, qui devait recommencer sa vie à zéro, car il était dépouillé de tout ce qu'il était. Heureusement, mon père m'avait aidé à me remettre sur le droit chemin. Je suis chanceux d'avoir des parents aussi aimables qui m'ont accompagné après cette relation difficile. À cette époque, c'était devenu que dormir seul, dans un lit simple, m'angoissait. Ma vie ne se résumait plus à rien sans quelqu'un à aimer... Ce n'était pas facile, les premiers temps, à me parler intérieurement et à reprendre une vie normale, mais j'ai finalement réussi. J'ai surmonté tous mes problèmes d'émotion et, d'un coup, je me suis senti tellement bien... Alors, j'ai pensé que renouer avec mes vieux amis était une bonne idée. Au moment que je faisais les démarches pour entrer en contact avec eux à nouveau, le destin t'a mis sur mon chemin... J'étais si hypnotisé - enivré - par toi que j'en avais presqu'oublié mes amis... Aujourd'hui, j'essaie de consolider les deux, mais... s-si ça ne te fait pas plaisir...

- Non... Non! m'exclamai-je, prenant la main qu'il avait tendue pour saisir la mienne. Eren, je comprends, maintenant... Je suis terriblement désolé d'avoir douté de toi... Vas-y, va voir tes amis... Je peux comprendre à quel point c'est douloureux de perdre tout ce qu'on est...

Eren me fit part de sa reconnaissance en me serrant fortement dans ses bras. Je retournai l'étreinte, poussant un long soupir de soulagement. Comme il était satisfaisant de connaître la vérité...! Après ce discours sortit tout droit de son cœur, je n'avais plus aucune raison de douter d'Eren. J'avais parfaitement foi en lui et je voulais le croire sur parole. Je savais qu'il était de nature très intense, pourtant fragile, et son récit venait confirmer tout ce que je connaissais de lui.

Il n'y avait plus aucun vide, plus aucune place pour les soupçons. Mikasa pouvait bien aller se faire foutre après tout ce qu'elle avait fait à mon Eren chéri. J'étais si offusqué que, à cet instant, j'avais peur de ne pouvoir me contrôler si je venais à la rencontrer à nouveau.

Jamais je ne lui pardonnerai d'avoir détruit mon amoureux et de m'avoir menti avec une telle franchise.

Je ne voulais pas rompre le doux câlin que je partageais avec Eren, mais une question me brûlait tant les lèvres que je ne pus faire autrement que de la poser. Je me distançai donc, observant le regard tendre de mon copain avec des yeux impatients.

- Dis, tu vas me les présenter, ces amis? S'ils veulent bien d'un Oméga comme moi, évidement...

- Mais bien sûr! rit Eren, retrouvant son sourire enfantin si mignon. Tu sais, sur la conversation de groupe qu'on a créée, je parle souvent de toi! C'est une chance que tu tiennes à les rencontrer, car c'est ce que je rêve de faire depuis le tout début! Imagine le beau repas qu'on pourrait partager, tous ensemble...!

- Ce serait génial... J'aimerais que tu me dises comment ils sont.

- D'accord!

Alors, durant le reste de l'après-midi, nous avions discuté des amis d'Eren et des anecdotes croustillantes que comportaient son enfance. Paraît-il que, du temps qu'il était au collège, les garçons avaient joué à « action ou vérité » pendant toute une semaine et que l'un des défis consistait à se déguiser en fille une journée complète. Mon amoureux m'avait fait rire comme seul lui était capable de le faire alors qu'il me racontait les fois où il s'était blessé pour aucune raison, les fois où il avait bravé ses peurs et les fois qu'il avait presque frôlé la mort. Je me plaisais à l'écouter et à observer ses yeux perdus dans la mélancolie et les souvenirs d'antan.
De mon côté, je n'avais pas beaucoup de choses à raconter sur mon passé, mis à part que c'était mon oncle qui m'avait élevé. Eren avait été témoin de la lecture de la lettre de ma mère, alors il connaissait tout de moi, ou presque. Rapidement, j'avais effleuré le sujet de Petra, mon amie et mon ancienne collègue de travail, et mon amant s'était vu très heureux pour moi d'avoir une camarade si précieuse. En apprenant que j'allais probablement être le parrain le son enfant, Eren débordait de joie. Il semblait avoir hâte de pouvoir tenir un petit dans ses bras et de le gâter. En pensant à ça, je culpabilisais encore à propos de l'avortement ; mon conjoint était prêt, mais pas moi. J'avais honte de ralentir sa vie. En remarquant mon air sombre, mon amant m'avait doucement embrassé et il m'avait assuré que nous avions toute la vie pour fonder une famille. Rassuré, je m'étais laissé bercer dans ces propos si apaisants. J'avais posé la question à Eren concernant sa santé, mais il m'avait assuré que tout était en bon état, qu'il devait, toutefois, ménager ses forces, comme à l'habitude.

En soirée, après un repas cuisiné ensemble, nous nous étions collés en silence. J'étais bien, blotti dans ses bras, à écouter son cœur battre et à sentir sa respiration contre mes cheveux. Évidement, nos petites séances d'amourettes se terminèrent dans la chambre, où nous avions conclu la journée de manière féérique.

Le lendemain, je m'était éveillé avant Eren. Alors, j'avais décidé de jouer les romantiques à mon tour et je m'étais sournoisement faufilé à la cuisine afin de préparer des gaufres. Avec un bon café moulu à la main, il n'y avait rien de mieux pour commencer une journée. Je voulais rendre ce matin exceptionnel, inoubliable, afin de choyer l'homme que j'aimais plus que tout.
Alors que j'étais affairé à cuire les gaufres, j'entendis mon amant se lever. Le matelas grinça un peu lorsqu'il se redressa et ses pas lents se déplacèrent jusqu'à la salle de bain. Alors que je tournais la gaufre, je me convainquis qu'il devait sans doute prendre sa médication. Le cœur en paix, je déposai la gaufre sur les autres afin de former une petite montagne ; c'était bientôt prêt.

Lorsqu'Eren apparut dans la cuisine, j'eus un petit rire à le voir si endormi. Ses cheveux étaient en bataille, ses petits yeux peinaient à demeurer ouverts et son corps s'appuyait contre le mur pour rester en position verticale. De plus, je me rinçai un peu l'œil en observant son torse bien moulé, sur lequel l'absence de chandail était délicieuse. Observant mon amant avec un regard doux, je préparai la dernière gaufre avec un petit sourire.

- Bon matin mon amour. Comment ça va? saluai-je gentiment.

- Hm... Je... J-Je me sens engourdi...

- Tu y as été trop fort hier soir? ricanai-je doucement.

- N-Non, c'est... ç-ça fait vraiment mal...

À ce propos, je me figeai, soudainement inquiet. Honteux de m'être moqué de son état, je me détournai vivement vers Eren, qui, tenant de me rejoindre, vacillait, une main sur sa poitrine. Soucieux, je me dirigeai vers lui.

- Eren, que...?

Cependant, avant que je n'aie la chance de le rejoindre, il s'écroula au sol mollement. Je me pétrifiai, choqué par la vue de lui étendu de tout son long sur le plancher de la cuisine. Profondément terrifié, je me précipitai vers lui, le secouant un peu.

- Eren! Eren, répond-moi! Eren!

Il ne réagissait pas. J'avais peur que c'était son cœur qui lui jouait un mauvais tour : un mauvais tour possiblement mortel. Paniqué, je me jetai sur le téléphone, appelant les urgences. Alors que j'attendais qu'on me réponde, je retournai auprès de mon Eren inconscient, le mettant sur le dos, la tête reposée sur mes genoux. En larmes, je tentais d'expliquer la situation à la réceptionniste.

Jamais je n'avais eu aussi peur : pas même les nombreuses fois où je risquais de me faire violer, pas même de donner naissance à un enfant dont je ne pourrais pas prendre soin...

Ma plus grande crainte était de perdre Eren.

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