Je restai de nombreuses minutes immobile après la lecture de la lettre de Kuchel. L'instant où j'eus tout assimilé, je ne pus me retenir de fondre en larmes. Eren me serrait contre lui, caressant mon dos afin d'apaiser les émotions fortes qui me torturaient, qui me déchiraient.

J'en avais toujours voulu à ma mère de me garder dans l'ignorance, mais lorsque j'appris les motifs qui l'avaient poussée à ainsi m'élever... Si seulement j'avais su... Je réalisai, à cet instant, dans la chambre de Carla, que je n'avais jamais appris à aimer ma mère, encore moins à la connaître. Depuis le tout début, je m'étais largement mépris sur elle.

Tant de révélations étaient trop nombreuses et trop puissantes pour un seul être. J'avais besoin de mon copain pour éponger mon surplus d'émotion. Celui-ci ne bronchait pas et il me cajolait doucement, en silence. Je n'arrivais pas à calmer mes pleurs. Ils en devenaient hystériques. La mère d'Eren reprit la lettre de Kuchel, que j'avais vulgairement laissée sur mes genoux, repliant les pages comme elles l'étaient initialement. Mon amant embrassa gentiment mes cheveux alors que je sanglotais toujours dans ses bras.

- Ne t'en fais pas, Levi, murmurait-il doucement. Je comprends, ça ne doit pas être facile...

- Oh, Eren... Comme si tu savais à quel point je m'en veux! braillai-je.

- Levi... Nous sommes là pour toi...

Carla, de sa gentillesse inégalable, me tendit une boîte de mouchoirs. Je me forçai à me calmer, prenant volontiers un tissus doux. J'essuyai mes joues humides et je me mouchai. Gardant le mouchoir avec moi, j'appuyai mes coudes sur mes cuisses, sentant de nouvelles larmes se former dans mes yeux douloureux.

- Je ne savais pas... Si seulement... Oh, ma mère possédait tant de courage... E-Elle avait la force de faire... ce dont je n'ai pas eu le courage de faire...

Je jetai un bref coup d'œil à Eren, qui me répondit par un air triste. Ne pouvant soutenir son regard, je baissai à nouveau ma tête. Je me sentais si honteux ; ma mère était tombée enceinte dans une pire situation que moi et elle avait eu le courage de me garder malgré tout! En guise de comparaison, j'avais été si trouillard que j'avais tué cet enfant sans même réfléchir. J'avais agi de manière si égoïste... Si j'avais su que j'allais donner naissance à un mini-moi et que la santé d'Eren ne lui permettait qu'un seul enfant, je l'aurais probablement gardé... À cet instant, nous aurions été parents...

Ma mère avait été largement plus courageuse que moi. Pourquoi n'avais-je pas eu cette même détermination alors que j'étais enceinte?

- Levi, ne dis pas ça... Tu n'as pas le droit de te comparer à elle...! intervint Eren.

- Hm?

- Eren et moi... Comment dire... Nous... bredouillai-je, hésitant à expliquer à Carla.

- Disons que nous avions eu un accident durant les chaleurs de Levi... compléta mon copain, se grattant la nuque timidement.

- Ah, je vois... Dans ce cas, mon fils a raison, Levi. Les situations que toi et ta mère aviez vécues ne sont pas du tout pareilles. Ne mélange rien, me rassura madame Jaeger de sa voix calme.

- Mais ce que ma mère avait vécu est encore plus horrible... Alors que moi... je ne voulais simplement pas m'engager tout de suite... Ma mère, elle, s'était faite violer, merde! Et elle m'a quand même gardé! Je mérite moins de vivre que l'enfant que j'ai abandonné!

- Calme-toi... fit tranquillement Eren, me reprenant contre lui, alors que je me mis à sangloter à nouveau. Disons que... les situations n'étaient pas pareilles, Levi...

- Levi, dit Carla, sérieuse. Si ta mère t'a gardé, c'était parce que je lui avait ordonné. Tu ne serais pas parmi nous si je n'avais pas autant insisté. Tu sais, comme Kuchel l'a mentionné, elle ne te désirait pas, aucunement! Mais parce que c'était moi, parce que je lui avais demandé, elle t'a donné naissance. Évidement, elle t'a aimé dès le premier instant, mais sache qu'elle avait les mêmes craintes que toi.

- Et moi, Levi, ajouta Eren, je n'étais, malheureusement, pas là pour toi. Je n'ai pas pu te soutenir alors que tu en avais cruellement besoin. Et puis, je comprends la raison de ton choix, alors ne t'en veux pas, okay? Ce qui est fait est fait, regardons le futur...

Je ne me sentais pas avoir le courage de leur répondre après qu'ils m'aient si gentiment remonté le moral. Ils marquaient tous deux un point, mais, au fond de mon cœur, je me sentais toujours aussi coupable. Ma mère aurait dû avorter, ainsi, ça aurait évité de nombreux problèmes. Alors pourquoi m'avait-elle gardé? Pensait-elle obtenir l'amour de Carla en se pliant à ses désirs?

Voulait-elle croire que j'étais l'enfant qu'elle et Carla auraient eu dans le meilleur des mondes?

Dans n'importe quel cas, je devais sans doute représenter un espoir renouveau. Dans un certain sens, j'étais sans doute la force qui avait encouragé le choix de ma mère de me garder.
Eren, qui me serrait toujours contre lui, se dégagea un peu afin de me regarder. Une triste lueur traversa ses yeux alors qu'il les déviait sur le côté. Je me demandais ce qui le rendait si malheureux.

- Levi, sans doute qu'on ne le t'a jamais dit, mais... marmonna-t-il. L'embryon était mal accroché à l'utérus... Il lui manquait beaucoup de nutriments... Même si tu l'avais mis au monde, il aurait été mort né... J'imagine que c'est pourquoi ta grossesse n'était pas de tout repos... Désolé, Levi, je... je n'ai jamais voulu te le dire avant aujourd'hui... Ç-Ça m'avait tant choqué, sur le coup... Je ne voulais pas croire les médecins... Mais voilà...

J'interrompis Eren alors que les larmes lui venaient aux yeux. Je plaçai un petit baiser sur ses lèvres afin de le faire taire. J'en avais presqu'oublié que Carla était témoin de notre échange. Les magnifiques prunelles de mon amant scintillaient avec confusion.

- Merci, Eren... Vaut mieux tard que jamais...

Ce que mon copain venait de m'annoncer me rassurait beaucoup. Cela venait confirmer que je m'étais sauvé la vie en avortant. Bien que cela ait été précipité et légèrement impulsif, mon choix avait, finalement, été nécessaire. Je voyais la compréhension, mêlée à un léger soulagement, dans les yeux turquoise d'Eren. Un mince sourire apparut même sur son visage angélique.
Afin de changer de sujet, Carla se redressa un peu, rejoignant ses mains dans un petit « clap ». Elle avait un air malicieux.

- Eren, si tu es pour me donner des petits enfants, ne perds pas de temps!~

- Maman! Nous ne sommes pas prêts, encore! se défendit le jeune homme, les joues virant au vermeille. On soit s'établir et-

- Eren, du calme, intervins-je tout en lui serrant la main. On fondera une famille quand nous nous sentirons prêts, pas vrai?

Je l'avais senti paniquer. Je savais qu'il s'en faisait beaucoup pour moi, mais je ne voulais pas qu'il tienne un discours qu'il n'approuvait pas. Mon amoureux parut désemparé alors que, lorsque je consultai Carla du regard, elle me donna un sourire compréhensif.

- C'est la meilleure chose à faire. Tu as parfaitement raison, Levi, approuva-t-elle.

- Voilà. Eren, aimons-nous et prenons le temps de vivre notre jeunesse. Nous avons encore toute la vie devant nous.

- C'est vrai...

- Ah, vous êtes là!

Soudainement, Grisha apparut dans le cadre de porte. Il nous regarda un à la fois et il nous sourit gentiment. Je le soupçonnais d'avoir capté quelques bribes de nos conversations.

- Je suis désolé, j'avais commencé à lire un article dans le journal pas mal intéressant, se justifia-t-il.

- Sur la médecine, je suppose? demanda Calra.

- Presque. C'était une entrevue avez des scientifiques qui avaient vu la mort, qui l'avait étudiée. C'était très passionnant, répondit l'ancien docteur.

- Vous ne l'aviez pas vu alors que vous pratiquez, monsieur Jaeger?

- Non, pas dans mes souvenirs... Ces scientifiques décrivaient la mort comme étant une lueur bleue... Mais je n'ai jamais été témoin d'un tel phénomène!

- C'est intrigant, en effet... songea Eren, retrouvant un sourire plus détendu.

Enfin, après que nous ayons conclu notre visite chez les Jaeger par cette conversation instructive sur la mort, Eren et moi retournâmes tranquillement à mon logement. Après avoir vécu tant d'émotions en si peu de temps, nous étions crevés ; nous ne voulions que s'étendre dans le lit tout en se câlinant. C'est ce que nous fîmes une fois de retour dans l'un de nos cocons douillets.

Curieusement, je revins à moi en fin d'après-midi. Je m'étais assoupi, d'une quelconque manière, dans les bras d'Eren. Cependant, lorsque je m'éveillai, il n'était plus à mes côtés. Pourtant, j'avais le souvenir récent de l'avoir longuement embrassé avant de m'endormir. Je m'étirai légèrement en m'extirpant - malheureusement - d'un sommeil bienvenu avant de regarder mes alentours. J'étais seul dans mon lit étroit, cherchant tout de même pour Eren. Alors que j'étais en train de me redresser légèrement, baîllant, j'entendis des pas s'approcher. Une tête brunette apparut soudainement.

- Ah, tu es réveillé! fit Eren tout en souriant.

- Oui... répondis-je, encore un peu endormi.

- Ça tombe bien! Ne bouge pas, je reviens avec ta surprise~

- Une surprise?

Je n'obtins pas d'éclaircissements de la part de mon copain. Il avait disparu avant que je ne puisse lui soutirer une quelconque parcelle de son plan. J'attendais donc le retour d'Eren, appuyé contre le mur. Je profitai de ce moment où je ne faisais rien pour replacer correctement les draps froissés.
Enfin, mon amant revint. Doucement, il poussa la porte à l'aide de son dos. Décidément, il prenait de grandes précautions pour me cacher sa fameuse surprise. Lorsqu'il se retourna, je remarquai qu'il transportait un plateau sur lequel reposaient des craquelins, des morceaux de fromage et d'autres bouchées de ce genre. Le sourire radieux, mais légèrement timide, que m'offrait mon doux compagnon me réchauffait le coeur.

- Qu'est-ce que c'est? questionnai-je.

- C'est notre collation amoureuse!

Je ne pus refouler un rire à la vue de cette moue mignonne. Comme Eren ressemblait à un gamin...! Ces attentions charmantes étaient si simples, mais en même temps si irrésistibles. Il parvenait, à toutes les fois, à me faire fondre. Ne sachant comment réagir à mon ricanement, Eren s'approcha du lit, déposant le plateau sur la table de chevet, et il se pencha afin de m'embrasser tout doucement.

- Quoi, tu n'aimes pas? plaisanta-t-il tout en tirant sa lèvre inférieure.

- Mais non... Au contraire, c'est trop adorable comme attention... Je ne te mérites pas ; tu es bien trop bon pour moi...

- Mais non... Je t'aime, c'est tout~

Mon amoureux prit place à mes côtés, se montrant doux afin de m'enjamber, et une fois qu'il fut assis à mes côtés, il me serra dans ses bras. Je me laissai fondre dans cette étreinte chaleureuse, souriant. Je pouvais presqu'entendre Eren ronronner de bonheur.

- Bon, on la prend, cette « collation amoureuse »?