13. Journée de shopping

- Levi, je te sors!

- Quoi?

- Je te sors, t'as pas le choix!

Eren entra soudainement chez moi comme s'il était invité et il me donna un regard enjoué, mais également insistant. Je le regardais faire sans comprendre la situation.

La veille, je lui avait dit par messages textes que je devais sans doute aller magasiner des vêtements d'été puisque ceux que j'avais étaient désuets et vieux ; je portais les mêmes depuis presqu'une dizaine d'années. De son cœur en or, Eren avait sûrement prit cela pour un appel à l'aide et il avait décidé de me faire bouger, même si cela allait être contre mon gré.

C'était un dimanche matin légèrement nuageux, mais plutôt chaud pour une fin de printemps. Les vagues de chaleurs arrivaient en masse, signalant l'arrivée proche de l'été. Je n'aime pas particulièrement cette saison, mais elle est toujours bienvenue après un rude hiver.

Eren restait planté dans le vestibule, attendant ma réponse. Quand je fixais ses prunelles scintillantes, je ne pouvais m'empêcher de constater fois après fois à quel point il était beau. Seul Eren avait le pouvoir de faire battre mon cœur plus rapidement. Sans toutefois démontrer mon inconfort, je fermai la porte de mon logement derrière moi, regardant toujours aussi confusément mon ami.

- Tu sais que le téléphone existe? demandai-je, lui faisant face.

- Bien sûr, mais tu aurais trouvé un prétexte pour que je ne vienne pas! pleurnicha Eren tel un gamin. Et puis, je t'oblige à sortir parce que ça fait maintenant 18 jours que nous ne nous sommes pas vus!

Je devais avouer qu'il marquait un point. Depuis que je travaillais à nouveau, le temps me manquait pour rencontrer Eren. Je m'en voulais de toujours être occupé avec le boulot, ou encore embêté avec mes chaleurs, mais je n'avais pas une grande liberté de choix sur ces plans-là. Cependant, jamais le jeune homme ne se plaignait ; il semblait avoir patiemment compté les jours jusqu'à ce que l'occasion rêvée se présente. Sa témérité inépuisable me touchait beaucoup.

Avant que je ne puisse placer un mot, Eren alla chercher en vitesse mon porte-feuille et mes clés avant de m'empoigner hâtivement par le bras. Il ouvrit la porte et il nous engouffra dans la cage d'escalier.

- Aller, on y va!

- Eren, minute!

Pourquoi?

Pourquoi je n'arrive jamais à lui refuser quelque chose?

Pourquoi j'agis comme une véritable guimauve avec lui?

En deux temps trois mouvements, je m'étais retrouvé assis dans la belle Tesla d'Eren. Celui-ci conduisait paisiblement vers le centre-ville, où il comptait faire les boutiques avec moi. Je voyais l'impatience et l'innocence briller dans ses yeux émeraude : il avait vraiment hâte de passer cette journée en ma compagnie. Un sourire en coin apparut sans autorisation sur mes lèvres.

Eren prit la résolution de laisser sa voiture dans un stationnement souterrain au centre-ville, même si cela allait lui coûter un joli 28€ pour la journée. Ensuite, en compagnie de mon fidèle ami, j'allai explorer ces endroits qui étaient, habituellement, « interdits » pour moi. En effet, jamais un Oméga aurait pu se permettre d'acheter des vêtements de grande marque. Eren me faisait découvrir des boutiques dont je n'avais jamais entendu parler. Parfois, le magasin portait un nom reconnu, d'autres fois, nous entrions dans de petites boutiques chaleureuses. Ces dernières étaient mes favorites.

Eren m'avait posé une question que j'eus du mal à répondre : « quel est ton style vestimentaire? » Mon style vestimentaire... Disons que ça se résumait par des t-shirts simples sous des chemises, avec une paire de pantalons propres et des souliers de ville. J'aime le style classique, mais en même temps un peu rétro ; j'ai toujours caché mon admiration pour le style SteamPunk. En apprenant ce fait, Eren s'était emballé : enfin, mon côté extravagant ressortait!

Il avait donc insisté pour qu'on créer, ensemble, un habit entièrement dans l'esprit SteamPunk. On avait trouvé un long manteau brun, un petit chapeau adorable, des bottes en cuir munies de plusieurs ceintures, etc. En plus, les morceaux de cet habits, vêtus séparément, se portaient bien à la vie de tous les jours. J'adorais, en particulier, un petit veston léger qui me donnait un « look » distingué. Eren me suppliait toujours de faire litéralement une parade de mode lorsque je voulais essayer un vêtement.

Rapidement, nous nous retrouvâmes les mains encombrées de sacs. En tout, il m'avait offert l'ensemble SteamPunk, deux paires de pantalons légers pour l'été et quelques t-shirts plus au goût du jour. De mon côté, j'avais tenu à payer moi-même une jolie chemise d'un bleu pâle qui m'allait à la perfection. Lorsque je l'avais essayée, j'avais remarqué que les yeux d'Eren n'avaient jamais été aussi étincelants.

Puis, comme nos emplettes nous avaient creusé l'appétit, nous avions décidé d'aller porter les sacs à la voiture avant d'aller se remplir la panse.

Devinez où nous nous sommes arrêtés.

Lorsqu'Eren prit place en face de moi sur la terrasse du Subway (nous devions être les premiers qui mangions sur cette terrasse), il lâcha un grand soupir de satisfaction.

- Ah! C'était de beaux achats! s'exclama-t-il, semblant plus joyeux que moi.

- En effet. Je ne te remercierai jamais assez, Eren.

- Ce n'est rien, m'assura-t-il. Je sais que cet argent est bien investi.

- C'est ça, fis-je avec un léger sourire après son clin d'œil. Je pensais plutôt que tu allais m'en vouloir d'alléger ton porte-feuille.

- Non, non! s'exclama Eren, semblant outré. Jamais je ne t'en voudrai pour ça! Comme je l'ai dit, ça me fait chaud au cœur de t'offrir tout cela, parce que je sais que ça te sera grandement utile.

- Merci encore, Eren.

Après m'avoir donné un clin d'œil, le jeune homme prit une première bouchée de son sandwich chaud. Je fis de même avec mon wrap végétarien, savourant chaque saveur qui explosait dans ma bouche. Mon ami rigolait en pensant que, si je continuais à manger si peu de calories, j'allais maigrir encore plus et toutes les emplettes du jour deviendront inutiles. Ma réponse à sa blague fut un roulement d'yeux découragé accompagné d'un minime sourire.

Alors que nous mangions, pendant un instant je songeai en silence à notre relation avant que tout ne déraille ; à bien y penser, notre amitié après le drame était-elle plus forte? Probable.
Puis, mes pensées dérivèrent sur l'incident en tant que tel et sur le dénouement de toute cette histoire. D'un coup, des paroles qu'Eren avait dites me revinrent à l'esprit.

« Tu te rends compte que tu as tué notre unique enfant? Tu te rends compte que c'était notre seule chance, la seule occasion que nous avions... »

La seule chance... Pourquoi Eren pensait-il que je ne pouvais être enceinte qu'une seule fois? Sans doute craignait-il que l'avortement me rende stérile, mais cela n'expliquait pas tout. Je sentais que mon fidèle compagnon me cachait quelque chose de grave ; quelque chose que je me devais d'être au courant en tant qu'ami et « supporter ».

- Eren, commençai-je.

- Hm? fit-il, avalant rapidement sa bouchée.

- Je me demandais... lors de notre confrontation... que voulais-tu dire par « notre seule chance d'avoir un enfant »?

Il se figea. Je vis passer, à travers ses yeux émeraude, une lueur de panique peu rassurante. Son regard venait confirmer tous mes soupçons : Eren avait peur de quelque chose et il tentait de m'en protéger. Cependant, je n'allais pas me plier à ses désirs muets. Il allait devoir m'avouer la vérité.
Le jeune homme baissa sa tête, ne pouvant soutenir mon regard austère, et il chercha ses mots un instant.

- Je... C-C'était sorti tout seul... J-J'avais peur que l'avortement te blesse-

- Eren, je me doute que c'est plus que ça, coupai-je froidement.

Un moment de silence plana durant lequel je sentis une vive douleur étreindre mon cœur. Que m'arrivait-il? Avais-je... Avais-je peur qu'Eren ne m'aime pas? La pensée qu'il ne veuille pas de moi comme compagnon de vie m'avait, sur le coup, profondément blessé. Je ne comprenais pas la raison de cette émotion ; je crois même que je ne comprenais pas cette émotion tout court. Eren partagea volontiers mon silence, en profitant pour réfléchir à ses prochaines paroles. Une tristesse profonde inondait ses yeux magnifiques.

- Levi... Ne le prends pas mal, mais... J-Je ne peux pas te le dire, pas tout de suite... C'est encore... trop douloureux... Je veux m'assurer de parfaitement saisir...

Il ne termina pas sa phrase, la laissant suspendue dans le vide du silence. Ne sachant pas trop quoi lui répondre, je ne fis qu'hocher doucement de la tête, venant prudemment poser ma main sur la sienne. C'était la première fois que je faisais un tel geste et, curieusement, cela était plaisant. Eren parut surpris, mais profondément soulagé, par ce mouvement totalement anodin.

- Je comprends, Eren... Pardon d'avoir été rude, je ne voulais pas... En tout cas, pardon, je vais attendre que tu sois prêt, okay?

Un petit sourire prit forme sur le visage à nouveau radieux de mon ami.

- D'accord. Merci.

Je lui envoyai un petit demi-sourire en retour, souhaitant le rassurer un peu. Je ne voulais pas le brusquer, mais, d'une autre part, j'avais cruellement besoin de réponses. Finalement, nous terminâmes de manger sous les rires, plaisantant à propos de ce que j'allais faire avec mon habit SteamPunk. Eren voulait que je le porte au travail, question de jouer la mascotte, ce qui était complétement hors de question! Je déteste avoir tous les regards posés sur moi, alors attirer autant l'attention m'enchantait pour le moins du monde.

Durant l'après-midi, Eren et moi sillonnions encore un peu les rues du centre-ville afin de faire du lèche-vitrines. Nous avions fait quelques achats impulsifs, mais sans plus.
Rapidement, Eren se fatiguait. Il ralentissait un peu la cadence, paraissant honnêtement épuisé, mais il ne voulait pas me priver d'une belle sortie. Au final, j'avais insisté d'en arrêter là, simplement pour qu'il puisse retourner chez lui et se reposer. Eren ne put me résister, heureusement, et il me conduisit chez moi.

Ce soudain essoufflement m'avait largement inquiété. Dorénavant, je m'en faisais grandement pour la santé de mon ami.

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