11. Une fin heureuse

Tout fut réglé en un après-midi.

Après avoir obtenu la permission de quitter l'hôpital, je me rendis chez Eren dans l'intention de discuter clairement avec lui. Nous avions donc parlé, pendant des heures, à propos de mon choix d'avorter et de ce nous allions faire par la suite en tant qu'amis.

Eren avait bien absorbé mes opinions. Il comprenait parfaitement que je n'étais pas prêt à élever un enfant et que j'avais besoin de temps. Il ne broncha pas : il m'avertit, plutôt, qu'il allait assumer ce choix avec moi et qu'il serait toujours là pour moi. Je lui étais profondément reconnaissant pour sa compréhension.
Cependant, Eren n'avait pas voulu s'ouvrir sur les raisons qui l'avaient poussé à vouloir garder cet enfant. Il souhaitait plutôt m'appuyer et regarder vers l'avenir, comme il le répétait tout le temps. Bien que cela fassait absolument mon affaire, je m'inquiétais un peu : j'avais peur qu'il ne me cache quelque chose. Sur le moment, je m'étais dit que je pourrais toujours le cuisiner un peu plus tard, mais je finis, évidement, par oublier.

Eren, après que l'on ait discuté longuement, avait retrouvé cette gaieté et cette gentillesse que j'admirais. Il m'invitait toujours à sortir et il tenait toujours à m'offrir des trucs ici et là. Jamais je ne pouvais refuser ; ce regard craquant qu'il faisait me touchait toujours droit au cœur. Eren était heureux de revoir le bracelet des ailes bleue et blanche croisées autour de mon poignet.

Le temps passait rapidement en bonne compagnie. Cependant, bien que je déployais tous mes efforts afin de trouver un boulot, le chômage persistait. Eren avait, une fois, essayé de m'aider, mais ses efforts furent vains. Comme je commençais à désespérer, pensant que les employeurs me refusaient toujours parce qu'ils devinaient que je suis Oméga, mon ami tentait de me convaincre du contraire. Peu importe mon niveau de tristesse ou de désolation, Eren arrivait toujours à m'arracher un sourire ou un rire. Je dois avouer que j'avais besoin qu'il me fasse changer les idées. Le brunet me connaissait si bien qu'il savait ce dont j'avais besoin selon une situation précise.

Comme un soir en particulier, alors que, en confiance, j'avais invité Eren chez moi pour qu'on puisse passer la soirée ensemble. C'était très plaisant : on s'aidait à cuisiner et on rigolait entre-temps. Eren, curieusement, était encore plus beau quand il travaillait. Son regard sérieux et déterminé remplaçait les étincelles enfantines dans ses yeux et ses manières devenaient plus assurées. Lorsqu'il était concentré, Eren dégageait une confiance et soi et un professionnalisme qui feraient l'envie de tous.

En bref, il était absolument magnifique.

Une fois que nous fûmes installés à table, Eren insista pour me faire parler un peu. Il saisit sa fourchette et, avant même de commencer à manger, il partit aussitôt une conservation, comme si le repas n'était qu'un prétexte.

- Alors! Quoi de neuf? demanda-t-il.

On s'est vu il y a, quoi, trois jours?

- Oh, rien d'extraordinaire... bredouillai-je entre deux bouchées. Peut-être simplement le fait que j'ai postulé pour un emploi dans un petit café il y a environ deux jours.

- Super! encouragea Eren. Comment est cet endroit?

- C'est bien chaleureux, répondis-je avec le sourire. Après l'entrevue, le propriétaire m'a fait une petite visite. Ça semble très invitant. Aussi...

- Quoi? Continue! ajouta Eren qui, suspendu à mes lèvres, ne tolérait pas que je m'arrête.

- Le propriétaire avait remarqué, par je-ne-sais-quelle façon, que je suis Oméga. Cependant, il m'a rassuré en m'avouant qu'il est Oméga aussi. Il était totalement sincère.

- C'est génial, fit Eren, le visage illuminé. Comme quoi, tu n'as pas un avenir tout tracé selon ton sexe secondaire.

- Ouais...

Le jeune homme et moi nous souriions, nous comprenant par la pensée. Il essayait de m'encourager et de me persuader que mon sexe secondaire n'allait pas nécessairement me nuire professionnellement. Même si je ne le croyais pas toujours, je dois avouer qu'il y a, en ce bas monde, quelques exceptions à la règle.
Honnêtement heureux pour moi, Eren, pendant le reste du repas, m'encourageait en prédisant que j'allais obtenir ce poste. Fidèle à mon habitude, je ne voulais pas placer beaucoup d'espoirs en ce boulot, question de ne pas être déçu si je venais à apprendre une mauvaise nouvelle. Eren, commençant à être désespéré par mon pessimisme, changea de sujet. La conversation porta soudainement sur nos passions, ayant dérivé d'un match de foot.

L'heure du dessert sonna rapidement. Après que nous ayions lavé la vaisselle ensemble, je me proposai à préparer du thé. Eren rigola en pensant que j'allais pouvoir agrandir le café dans lequel j'allais travailler en y développant un kiosque de thé. Ma seule réponse à sa blague fut un simple roulement d'yeux.

- Hey! Pendant ce temps, je vais aller choisir un film! s'enthousiasma Eren.

- D'accord. Mais, je t'en prie, pas une romance à l'eau de rose, dis-je depuis la cuisine.

- Pourquoi pas? Monsieur a trop pleuré en regardant « Titanic »? taquina le brunet.

- Oui, et parce qu'on y retrouve que des couples hétérosexuels, expliquai-je d'un ton sérieux. Ne trouves-tu pas que ce n'est plus du tout représentatif de notre société actuelle?

- Tu as bien raison, songea Eren. Alors monsieur préfèrerait un bon film d'action encore moins représentatif de notre société?

- Bien sûr, répliquai-je avec un sourire, secouant ma tête au comportement enfantin de mon ami, tout en attendant que l'eau viennent à ébullition.

- Génial! Je vais aller fouiller!

Alors qu'il foutait le bordel dans l'armoire à films que j'avais rangée une semaine auparavant, je m'occupai en choisissant une saveur de thé que j'apprécie particulièrement ; Earl Grey. J'aime beaucoup le goût intense et raffiné de ce thé. Je me souviens clairement que ma mère adorait elle aussi. Si je m'en rappelle bien, c'était même elle qui m'avait fait goûter. À moins que j'aie pris une gorgée clandestine de sa tasse...?
Enfin bref. Après avoir sorti l'ensemble de thé du dimanche, je pris quelques instants afin de surveiller Eren. Il était encore devant l'armoire, semblant hésitant, à fixer la panoplie de films que j'ai.

- Eum... T'as envie de quoi, Levi? finit-il par demander.

- De ce que tu voudras, Eren, répondis-je, un demi-sourire aux lèvres.

- Ça ne m'aide pas... soupira le brunet. Disons... « Le Chasseur et l'Ombre »?

- Toujours partant.

- Parfait! J'avais tellement aimé ce film en le visionnant pour la première fois.

Avec les yeux aussi brillants que ceux d'un gamin le jour de Noël, Eren saisit le disque et il se dirigea vers le lecteur de la télévision. Attendri par sa gaieté intarissable, je soupirai, le regardant faire. Pendant qu'il se chargeait de la télévision, je préparai un petit plateau de biscuits. J'y mettais toutes sortes de variétés, espérant que quelques unes plaisent à Eren.

Enfin, lorsque nous fûmes installés devant la télévision, Eren démarra le film. Nous étions l'un à côté de l'autre, un peu tendus. Nous étions très près, puisque mon canapé n'était pas large, ce qui nous faisait rappeler la nuit où nous avions commis l'irréparable. Refoulant un rougissement, j'essayais de me concentrer sur l'histoire qui se déroulait devant nous et non sur l'odeur irrésistible d'Eren. Ça sentait bon l'homme virile... Jamais je n'aurais pu résister à une fragrance aussi délectable...

Lors d'une des nombreuses scènes d'action où le Chasseur et l'Ombre se battaient, ma tête s'affaissa d'elle-même sur l'épaule d'Eren, ce qui le fit légèrement sursauter. La soirée s'étirait de plus en plus et la fatigue que la semaine avait accumulée ressurgit d'un coup. Le jeune homme ne dit rien lors de ce contact : un peu plus tard, même, il osa passer un bras autour de mes épaules.

Il me donnait davantage le goût de me coller. Avec sa permission, je m'installai confortablement contre lui, ses bras autour de moi. J'étais étendu sur Eren, mon dos contre son torse. Nous étions simplement bien, dans cette position détendue, à profiter de l'instant présent. Mes paupières se fermaient d'elles-mêmes tellement je me sentais reposé.

D'un coup, j'ouvris les yeux lorsqu'une vague de chaleur me submergea. Paniqué qu'une situation aussi terrible que ma grossesse accidentelle ne se reproduise, je me dégageai soudainement et je regardai Eren avec de gros yeux ronds. Celui-ci se demandait ce qui me prenait.

- Eren, vas-t-en!

- Quoi? Qu'est-ce qui se passe? demanda-t-il d'un ton paniqué.

- Je crois que j'ai mes chaleurs! fis-je, aussi terrifié que lui.

- Voyons... Levi, je le sentirais si tu avais tes chaleurs... mais là, je ne sens rien.

- Huh...?

Un petit sourire apparut sur les lèvres désirables d'Eren.

- Tu n'as pas tes chaleurs, Levi, sinon je le saurais.

Le jeune homme plaça une main sur ma nuque afin de m'attirer vers lui. Je rougis légèrement, anticipant la suite. Cependant, alors que nos visages étaient dangereusement près, Eren s'approcha légèrement afin de venir coller on nez contre mon cou. Je le sentis prendre une grande inspiration de mon odeur et nous nous dégageâmes.

Qu'est-ce qui me prend à surchauffer de cette manière?

- Tu vois? Je ne sens rien.

- Ah bon...

Je repris ma position confortable contre Eren, me demandant pourquoi j'avais soudainement eu chaud. Sournoisement, les mains du brunet vinrent taquiner mes côtes.

- Est-ce que monsieur rougissait?~

- Quoi? N-Non! Moi, rougir? Jamais!

- Ah oui?~

- O-Oui...!

Eren continuait ses chatouilles, ce qui me faisait gigoter dans tous les sens. Cette torture infâme réussit à m'arracher quelques rires, auxquels ceux d'Eren s'ajoutaient. Nous rigolâmes ainsi quelques instants avant que je ne le supplie d'arrêter, à bout de souffle. Tels deux gamins, nous riiâmes toujours un peu, amusés par la situation. Nous continuâmes de regarder le film en toute quiétude, surpris une fois de plus à se retrouver émus devant la fin touchante de cette histoire sans dessus-dessous.

Cependant, je n'avais pas cessé de penser qu'Eren avait raison. Avais-je réellement rougi à la simple idée que j'étais blotti contre lui? Une telle thèse me répugnait, mais en même temps, elle me rassurait légèrement.

Sur le moment, je ne voulais pas m'avouer que cet instant de tendresse avec Eren m'avait grandement plu.

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