10. Confrontation

Eren courait à toute vitesse vers moi. Qu'allais-je lui dire? Comment allais-je lui annoncer cela? Comment allait-il réagir?

Je l'ignorais complètement et cela me terrifiait. Dans ma tête, je pensais ne plus jamais revoir Eren ; j'étais convaincu d'avoir coupé les ponts avec lui.
Mais, encore une fois, il fallait que le destin me réserve une surprise bien désagréable.

- Levi! s'époumonait-il.

Le temps passait au ralenti autour de nous. La foule n'existait plus, elle n'était que nuage dans lequel nous baignions tous les deux. Mes yeux étaient rivés sur Eren ; mon cœur accélérait ses battements de plus en plus. Le jeune homme, lui, ne détachait pas son regard de moi, semblant inquiet et, en même temps, curieusement soulagé. Son manteau flottait doucement à ses côtés sous la vitesse de sa course alors que la foule semblait se fendre afin de le laisser passer. Un chemin instinctif s'était formé pour nous réunir.

- Levi!

En moins de deux, Eren se retrouva près de moi, haletant après son petit sprint. De délicats nuages de buée se formaient autour de lui et ses joues étaient agréablement rosies par le froid mordant. Je restai pétrifié devant lui, sans mot.

- Levi...! Écoute-moi!

Eren, d'une voix chamboulée et boulversée, se mit à tout déballer.

- Je sais que ce que j'ai fait est mal, mais laisse-moi une chance! Pendant tout ce temps, j'étais sincère! Je t'aime pour de vrai! Je t'aime plus que quiconque sur cette terre! Cet enfant... j-je suis prêt à en prendre les responsabilités! Je pourrais acheter une belle maison et payer son éducation! Si seulement tu me laissais-

- Aucune chance, coupai-je froidement. J'ai fait mon choix, Eren, et je ne rebrousserai pas chemin.

- Je t'en supplie! continua-t-il, de plus en plus désespéré. Je t'aime vraiment! Cet enfant nous liera-

- Non, Eren! Je ne veux plus te voir! fis-je, les larmes aux yeux. Tu m'as trahi, alors que j'avais une confiance aveugle en toi, et qu'est-ce que tu as fait?

- Ce que nous avons fait! rectifia Eren, son visage se décomposant tristement.

- ... T-Tch! Peu importe! Ce qui s'est passé cette nuit-là n'aurait jamais dû se produire! m'emportai-je. Jamais!

- Mais... Levi... J-Je t'aime de tout mon cœur... se plaignit-il, les larmes aux yeux.

- Je m'en contrefiche, Eren! m'écriai-je, tout aussi sur le point de craquer. Tout ce que je veux, c'est la paix!

J'étais si noyé dans mes émotions que je ne réalisais pas que notre dispute avait attiré l'attention des gens autour de nous. J'étais si en colère et si ébranlé que je ne me souciais pas de tout le tort que je faisais à Eren en lui criant dessus ainsi. Celui-ci était justement planté là, devant moi, la tête basse, afin de cacher les larmes naissantes dans ses yeux. Mon cœur battait à vive allure sous l'émotion intense.

- Eren, comprends-moi bien...

- Levi! C'est toi qui ne veut rien comprendre! s'écria-t-il, me retournant le ton sec. Laisse-moi au moins une chance! Je suis sûr que cet enfant-

- Oublie l'enfant! m'exclamai-je, n'en pouvant plus. C'est trop tard!

Il eut un silence déplaisant durant lequel Eren et moi ne fîmes que nous fixer stupidement. Le pauvre agrandit ses yeux de peur, un mélange de confusion et de détresse brillant dans ses yeux si magnifiques. Je savais qu'il s'en doutait, désormais. Le jeune homme chercha une réponse dans mon regard sévère, mais en même temps triste.

- Q-Quoi...?

- Je vais avorter. Le processus déjà est en cours. Tu ne peux plus rien faire, à présent.

- ... Que... Non... Lev-

- Je ne veux pas de tes excuses, repris-je, ne voulant pas entendre ces arguments. Je ne suis pas prêt à porter le poids d'une telle responsabilité, désolé.

Je sentais l'émotion intense qui prenait d'assaut le jeune homme devant moi ; il était si transparent qu'on pouvait facilement lire dans ses yeux. En regardants droit dans ses prunelles émeraude, je voyais le désespoir, la tristesse immense et une profonde désolation. Toutes ces émotions dépressives me fendaient le cœur, mais ça n'allait pas me faire regretter ma décision, ça non. J'avais fait un choix et j'allais l'assumer dans son entièreté.

Par contre, une sensation encore plus désagréable que la pitié germait dans le fond de mon être. Je ressentais ce mal déplaisant prendre d'assaut ma gorge, ce qui me donnait envie de vomir. Ma respiration s'accéléra un peu afin de calmer cette douleur.

Eren, pendant ce temps, cherchait les mots afin de me reprocher ce choix. Il vint saisir mes épaules et il me força à regarder dans ses yeux.

- Je... Levi...! Tu te rends compte que tu as tué notre unique enfant? Tu te rends compte que c'était notre seule chance, la seule occasion que nous avions de se rapprocher? Tu sais que tu as tout ruiné? Levi... Que dire... Je n'approuve pas ce choix, mais... je suis obligé de porter ce fardeau avec toi! Je serais prêt à-

- Eren, je t'en prie...

Je tentai de me dégager, me sentant de plus en plus mal. J'avais un mauvais pressentiment ; ce pressentiment qui me vient toujours alors que tout est sur le point de mal tourner. Eren me regarda curieusement, sans pour autant me lâcher.

- Ça va...? s'inquiéta-t-il prudemment. Tu sembles... pâle...

- Ça va, je dois juste...

Je fus soudainement pris d'une violente quinte de toux, que je bloquai avec mon coude. Plus ça allait, plus je toussais au point d'en cracher mes poumons. Je manquais d'air. J'avais à peine le temps de reprendre mon souffle que la quinte reprenait. Eren s'inquiéta visiblement et il me maintint par les épaules tout doucement.

- Levi! Du calme...

Du calme, du calme... Je suffoquais, moi! Je paniquais aussi, lorsque je vis des taches rouges apparaître sur mon manteau pourtant foncé. Eren les remarqua également et il parut mortifié. Mes jambes tremblaient. Rapidement, je ne pus plus supporter mon poids ; étourdi par le manque d'air, je devins soudainement faible. Sentant clairement ma faiblesse, Eren m'aida à m'asseoir au sol, visiblement paniqué. Pendant ce temps, je continuais à cracher du sang ; jamais je ne m'étais senti aussi mal.

- Levi!

Malgré ses inquiétudes et ses mots rassurants, la quinte de toux ne s'arrêtait pas. Bien au contraire, elle empirait, même. Ma vision s'embrouillait : à force de tousser du sang, les larmes me montaient aux yeux. Je ressentais une douleur atroce au bas-ventre, que je t'entais en vain d'atténuer à l'aide de mon bras. La neige autour de moi virait au rouge.

- Quelqu'un, s'écria la voix d'Eren, appelez les secours! Vite!

Alors semi-conscient, je sentis le brunet me tenir contre lui. Il caressait mes épaules alors que j'étais littéralement en train de me vider de mon sang. J'en pouvais plus ; plus je toussais, plus je ressentais les effets du manque d'oxygène. Mon cerveau devenait de plus en plus embrouillé, signe que la conscience s'en allait tranquillement.

- Ne t'en fais pas, Levi, fit une voix tout doucement. Je serai là...

L'instant d'après, je revins à moi dans une salle d'hôpital. C'était totalement glauque : les murs neutres étaient dépourvus de tout ornement et la pièce comportait peu de meubles. Il n'y avait que le stricte nécessaire. Ce vide me terrifiait.

Lorsque je repris conscience, je souffrais terriblement. Que s'était-il passé? Malgré la douleur électrisante, je me risquai à observer mes alentours. Hormis la pièce médiocre, un léger détail méritait mon attention.
Sur une chaise, à ma gauche, Eren dormait, les traits déformées par l'inquiétude et la tristesse. Mon cœur se serra lorsque je détaillai son beau visage ; la mâchoire douce, les lèvres roses, le nez bien dimentionné, de grands yeux, ses mèches chocolat et délicates... Une sensation indescriptible s'empara de moi, me nouant la gorge.

Tout doucement, je soulevai ma main afin de la diriger vers le bel endormi. Cependant, comme il était trop loin, je dus l'appeler. La voix un peu rouillée, je prononçai son nom faiblement, comme si je profanais sa beauté.

- Eren...

D'un sursaut, il s'éveilla. Ses yeux s'ouvrirent d'un coup, observant nerveusement les autours. Puis, lorsque nos regards se croisèrent, un sourire tendre apparut sur son visage angélique, les larmes rendant ses yeux émeraude scintillants. Sa main vint rapidement attraper la mienne.

- Levi, tu es enfin réveillé... murmura-t-il.

- Combien... de temps...?

- Un peu moins de 24 heures... Il y avait eu beaucoup de complications... Levi, j'ai tellement crains pour ta vie... Ne me refais plus jamais ça...

Il remonta ma main vers son visage, où il y appuya son front. Ses épaules tressautèrent légèrement, prouvant qu'il pleurait silencieusement. Attristé et honteux, je resserrai ma poignée autour de sa paume. Je devais absolument le rassurer, le pauvre...

- Ça va... Je vais bien, maintenant...

- Tu n'as tellement fait peur... reprit Eren, se redressant après avoir essuyé ses larmes de fatigue. Je suis désolé, Levi.

- Non... C'est moi qui est désolé... J-J'aurais dû t'avertir-

- Ce qui est fait est fait, Levi, gronda le jeune homme avec un regard sévère. On ne reviendra pas en arrière. Regardons le futur.

Je ne dis rien, dévidant simplement le regard. Je m'en voulais. Les souvenirs lointains de l'expression horrifiée d'Eren lorsque je lui avais appris que le processus d'avortement était enclanché me revint soudainement. C'était comme si on me poignardait le ventre à de multiples reprises.
Puis, la chaleur de la paume d'Eren me rassura. Il avait posé sa main contre ma joue et il tournait tout doucement mon visage vers lui. Sa grande main resta contre mon visage, son pouce attentionné caressant ma peau fragile.

- Ça va aller, Levi, je comprends et j'accepte ton choix, me dit-il, comme s'il lisait dans mes pensées. Il ne reste plus aucune trace de l'embryon dans ton ventre, tout es fini...

Son expression s'assombrit, mais il se ressaisit et il me regarda avec des yeux tristes, mais un sourire aux lèvres.

- Nous allons recommencer depuis le début, d'accord?

- Tu veux... encore me sortir dans des restaurants...? demandai-je, souriant légèrement.

- Oui, approuva Eren avec un large sourire. Subway, ça te dit, quand tu auras l'autorisation de sortir?

Il avait le don de me faire rire peu importe la situation. Quelques faibles rires se firent entendre, sortant de la bouche d'Eren ou de la mienne. J'aimais bien lorsqu'il embraquait dans mes remarques et mes délires. Ça détendait l'atmosphère.

Nous parlâmes doucement encore pendant deux heures, jusqu'à ce qu'une infirmière viennent nous interrompre. Comme ma santé n'était pas à son niveau maximum, on devait m'admistrer des soins, surtout pour que je n'aie plus aucune trace de l'avortement précipité. Heureusement, Eren était là pour me soutenir. Son simple sourire faisait disparaître mes inquiétudes.

Eren était mon ange-gardien.

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