09. Que faire?
Assis sur un banc de parc, je lisais encore en encore tous les messages qu'Eren m'avait envoyés depuis deux mois.
Je revenais d'une clinique médicale, après que je me sois senti plus mal qu'à l'habitude - j'avais presqu'eu un malaise -, où on m'avait confirmé que j'étais réellement fécondé. J'avais un mini-Eren qui poussait en moi. L'infirmière m'avait avoué que le feotus était peu développé, alors je savais que j'avais encore une chance de m'en débarasser.
Cependant, j'étais encore incertain et mitigé face à toute cette situation. Eren semblait m'aimer pour de vrai, de par ses longs messages sincères et émotifs. De plus, la voix tremblante qu'il avait lorsqu'il laissait des messages vocaux sur mon répondeur me brisait le cœur. Je le comprenais de vouloir garder l'enfant, mais je voulais que la décision me revienne.
C'était moi qui allait porter cet enfant. C'était moi qui allait l'endurer durant les premiers mois de sa vie. C'était moi qui allait assurer son éducation et s'assurer qu'il ait un toit au-dessus de la tête.
Je voulais tout simplement avoir le contrôle de mon corps, ce que je n'avais jamais eu. Je voulais, pour une seule et unique fois, me sentir libre de faire le choix qui me conviendrait le mieux. Ni Eren ni personne allait me forcer de quoique ce soit.
J'éteignis finalement mon téléphone, complétement démotivé. Je le rangeai dans la poche de mon manteau, soupirant profondément. Je ne savais pas quoi faire. J'étais bien averti que j'allais encore plus briser Eren si j'avortais, mais dans aucun cas où cet enfant viendrait au monde, nous aurions pu en prendre soin. Je voulais être établi finacièrement et émotionnellement avant de fonder une famille. Je ne pouvais pas faire comme tous les autres ignorants qui donnent naissance alors que leur vie ne tient qu'à un fil. Je ne voulais pas offrir un rythme de vie instable et désordonné à mon futur enfant.
Puis, mes yeux tristes descendirent vers mon poignet gauche. Depuis deux mois, il n'avait pas porté le joli bracelet qu'Eren m'avait offert. Oui, je dois l'avouer, j'aimais beaucoup ce petit bijou, mais à chaque fois que je le voyais, je revoyais le doux sourire d'Eren. Je ne pouvais me retenir de fondre en larmes à chaque fois que je me souvenais de ce moment plaisant ; et dire qu'il avait fait cela simplement pour m'attendrir afin d'obtenir ce qu'il désirait depuis le début... Je revivais ce sentiment désagréable qui m'avait submergé lorsque je venais de réaliser qu'Eren m'avait sournoisement trahi.
Je sentis un vide dans mon cœur tout en passant doucement mes doigts sur mon poignet. Il manquait quelque chose à mon bonheur, mais quoi? Tout allait si mal...
J'étais si plongé dans ma bulle de déprime que je ne sentais pas les petits flocons tomber sur mon manteau. L'hiver bien installé apportait de jolies merveilles que je ne pouvais pas profiter dans mon épisode de dépression émotionnelle. Je perçevais cette saison froide comme étant austère et rude, ce qui est totalement contraire à moi ; habituellement, je profite pleinement de l'hiver, ma saison favorite.
Mais là, rien. C'était le néant total.
Je n'étais plus moi-même.
- Levi...?
Je sursautai en entendant une voix m'appeler. En détourna ma tête vers sa provenance, j'aperçus une tête rousse que je n'avais pas vue depuis des lustres. Je baissai ma tête tout en soupirant alors que Petra prenait place à côté de moi. Elle avait un air inquiet et piteux au visage.
- Quelque chose ne va pas, Levi? demanda-t-elle d'un ton étonnamment doux, et non arrogant. Je suis désolée, nous avons tous appris pour l'incident avec le patron...
- Je sais... soufflai-je tout en passant une main dans mes cheveux. C'est moi qui devrait s'excuser...
- Non, absolument pas. Nous... enfin... j'aurais dû le savoir... bredouilla Petra avec un regard honteux.
- Non, non... J'aurais perdu mon emploi sinon...
Il plana un silence pendant un certain temps. Je n'osais pas regarder mon ancienne compagne de travail ; je n'avais pas la force de me battre contre son regard de pitié. Je n'en avais que faire de sa pitié absurde...
Puis, doucement, je sentis sa délicate main gantée se poser sur mon épaule. Je n'eus aucune réaction en particulier, comme si j'étais mort intérieurement.
- Qu'est-ce qui ne va pas, alors? s'inquiéta-t-elle sincèrement.
- Je... Comment dire... J-Je suis fécondé...
Petra eut un petit hoquet de terreur en entendant ma réponse. Je savais qu'elle allait déduire les mauvaises choses, alors je m'empressai de lui expliquer, bien que sommairement.
- C'est pas le patron, t'en fais pas, c'est...
Je baissai ma tête. La plaie dans mon cœur venait de s'ouvrir à nouveau. Les larmes me montèrent aux yeux lorsque je vis le souvenir du tendre sourire d'Eren. Il est si mielleux et agréable... Comme le souffle du printemps...
J'en ai marre, de cet hiver qui ne prend pas fin...
- Qui, alors? demanda Petra, honnêtement inquiète.
- Comment expliquer... Un ami cher... qui m'a trahi...
- Oh... Je comprends... Je suis désolée, Levi...
Sa main caressa mon dos en faisant de lents mouvements circulaires. Je laissai mon visage retourner se cacher dans mes paumes. Je ne savais pas pourquoi, mais, d'une part, je me sentais responsable de tout ce qui m'arrivait. Si seulement je n'avais pas cédé à la tentation... Si seulement je n'avais pas eu mes chaleurs...
Si seulement je n'étais pas un Oméga, tout simplement...
Petra, au moins, était là pour me consoler. Bien que, au début, je la percevais comme une pute en manque d'affection masculine, je réalisais à cet instant qu'elle était douce et sincère, au final. Je m'étais trompé sur son cas, apparement.
- Levi... Comptes-tu... garder cet enfant? questionna la jeune femme.
- Je ne sais pas, soupirai-je. Ere-... Il veut le garder, mais pas moi...
Il eut un creux dans notre échange. Je me sentais vide, mais en même temps si débordé ; mes émotions semblaient me submerger alors que, ironiquement, c'était le néant dans mon cœur. Lorsque la voix de Petra me parvint, je sentis quelques tracas s'envoler.
- Tu sais, Levi, si tu ne le veux pas, impose ton choix. C'est ton corps, prends-en le contrôle une bonne fois pour toute, encouragea-t-elle. De toute façon, il y a plein d'autres façons d'avoir un enfant, ne te prive pas pour l'instant. Levi, le moment que tu seras prêt, tu le sauras et tu en seras convaincu à 100%.
Dans une vague d'espoir, je lui offrit un sourire reconnaissant. Elle venait de me dire ce que j'avais cruellement besoin d'entendre. Sur le coup, je me dis que si Eren m'aimait vraiment, il accepterait mon choix de ne pas vouloir d'enfants maintenant. La femme rousse retourna mon sourire, hochant de la tête en ma direction. Je me levai donc, motivé plus que jamais.
- Merci, Petra. Je vais me reprendre en mains. Tu as raison, attendre et m'apitoyer sur mon sort n'y changera rien. Je t'en serai éternellement reconnaissant.
- Ce n'est rien! me répondit-elle tout en m'imitant. Oh, et désolée de t'avoir harcélé... J-Je ne savais pas...
J'eus un sourire en coin en la voyant rougir de honte. Je posai une main sur son épaule ; c'était à mon tour de la rassurer et de l'encourager.
- Ne t'en fais pas, je faisais tout pour que ça ne se sache pas.
- D'accord... Merci de me pardonner!
- Merci à toi, Petra.
Puis, après s'être rapidement échangé un mouvement de la main, nous partîmes sur des chemins différents. Je retournai chez moi d'un pas confiant.
Ma décision était prise, que ça plaise à Eren - ou à quiconque d'autre, d'ailleurs - ou non.
Puis, les jours s'égrainèrent. Le temps passaient au ralenti. Je dois avouer que, avec le boulot que je m'étais dégoté afin de payer les médicaments contre la grossesse, les journées étaient péniblement longues. Je travaillais comme employé dans une compagnie de nettoyage ; en gros, j'étais un homme de ménage. Les vieilles dames que je servais me lançaient toujours des remarques du genre « c'est la première fois qu'un beau gosse vient chez moi en plus de quarante ans! » ou alors « tu reviendras plus souvent, mon petit~ ». Je dois avouer que le ménage n'était pas ce que je détestais le plus, mais ces commentaires rendaient la tâche pénible. Je n'avais que faire de ces vieilles personnes ; tout ce que je voulais, c'était nettoyer en paix afin de financer mon avortement. Ce n'était pas si compliqué, non?
Cependant, plus le temps passait, plus les effets désagéables de mon choix se faisaient ressentir. J'avais quelques fois des maux de tête horribles, des quintes de toux soudaines ou encore des vomissements passagers. Les fois où je me levais bien reposé se faisaient de plus en plus rares. L'infirmière m'avait prévenu que cette médication particulière avait des effets secondaires différents par personne. Les symptômes variaient : ça se jouait entre un simple rhume et des saignements importants et irréguliers. Et, à en voir comment je me portais, je pouvais dire que j'avais eu - encore une fois - beaucoup de malchance.
Donc, en un frais après-midi de début de printemps, je quittai la bâtisse principale de la compagnie de ménage, me sentant soulagé. J'avais démissionné en prétextant un problème de santé. Ma patronne était déçue de perdre un employé si prisé, mais elle devait faire face à la réalité. Et puis, les conditions de travail se faisaient de plus en plus difficiles, avec toutes ces personnes qui me réclamaient... J'en avais ras-le-bol et j'avais donc quitté mon emploi.
Je marchais dans le centre-ville à la recherche d'un bon café où je pourrais prendre un breuvage chaud et réconfortant ; je ne me sentais pas bien en cette journée froide et lugubre. J'avais un étrange pressentiment...
Soudainement, le mauvais présage se réalisa. Alors que je me dirigeais vers un endroit qui semblait bien chaleureux, je vis, au loin, une figure qui m'était plus que familière. Ces grandes prunelles émeraude s'agrandirent à ma vue tandis que je me figeai sur place, totalement stupéfait. Je ne savais pas comment réagir. Sans hésitation, Eren se mit à courir à toute vitesse vers moi.
Qu'allais-je lui dire?
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