03. Vie quotidienne

Après ma seconde rencontre avec Eren, je le saluai en lui envoyant la main, ce qu'il fit en retour avec un large sourire. Ensuite, je retournai à ma voiture, le cœur heureux.

Nous nous étions donné rendez-vous exactement 8 jours après notre première rencontre. Curieusement, nous nous étions réunis au même café, tout juste en face de mon lieu de travail. Nous avions parlé pendant près de deux heures ; en ce temps, nous avions eu l'occasion de se connaître davantage. Eren était sincèrement gentil et attentionné, mais il osait peu s'ouvrir à propos de sa famille ou de sa vie très personnelle. Je le comprenais : sans doute qu'il avait des soucis familiaux et que ça le rongeait de l'intérieur. Les gens riches ont souvent des problèmes de bonheur.

Cependant, en le voyant si heureux de discuter avec moi, j'en conclus que je participais peut-être à son bonheur. C'était pourquoi j'avais accepté de le rencontrer régulièrement afin de partager un repas avec lui. Nous étions deux solitaires, vivant chacun dans des appartements conçus pour une personne, alors un peu de compagnie de temps en temps ne faisait pas de mal, bien au contraire. J'apprenais même à sortir de chez moi sans craindre de me faire sauter dessus.
Et puis, j'appréciais le fait qu'Eren ne soit pas comme tous les autres Alpha : il comprenait que j'avais mes chaleurs et que je devais reporter une rencontre lors de cette période extrêmement pénible. Il partageait mes soucis et mes craintes. Je ne sais pas si c'était ce qu'il me fallait à l'époque, mais je sentais qu'il m'enlevait un stress énorme en acceptant cette particularité de mon sexe secondaire.  

Par contre, les ennuis ne s'effaçaient pas tous. Certes, je m'amusais bien avec Eren et nous riions beaucoup ensemble, ce n'était pas toujours ainsi partout où je pouvais aller.
Par exemple, au boulot, c'était une histoire totalement différente. Je reprenais mon air sérieux et désintéressé afin de passer à côté des gens sans attirer les regards ; comme le fantôme que j'ai toujours été. Ma philosophie était qui si je ne causais pas de problèmes, j'allais me tenir loin des ennuis.

Finalement, j'avais tort.

Un beau matin, alors que j'ajoutais un peu de crème et de sucre au thé que je m'étais amené, une certaine Petra Ral vint à ma rencontre. Je la connaissais depuis que je travaillais à cet endroit ; elle était la secrétaire du patron. Elle avait un poste important et elle n'hésitait pas à user de son autorité pour parvenir à ses fins.

Cette journée-là, précisément, Petra avait sans doute décidé que j'allais être sa prochaine victime.

La jeune femme était venue se mettre tout juste à côté de moi tandis que je m'occupais paisiblement de mon thé. Du coin de l'œil, je pouvais voir qu'elle n'agissait pas comme à son habitude. Petra s'était adossée au comptoir et elle secouait sa main devant sa figure, comme si elle avait chaud. Elle déboutonna deux boutons de son chemisier, exposant un peu trop de peau à mon goût. Je ne la regardais même pas, nullement intéressé par cette demoiselle superficielle.

- Ah... Il fait chaud, aujourd'hui, vous ne trouvez pas, monsieur Ackerman? fit-elle de sa voix haut-perchée.

- Je suis parfaitement bien comme je suis, dis-je d'un ton neutre sans m'interrompre dans ma tâche.

- Oh... Je vois... C'est sans doute mes chaleurs qui causent cela... lança-t-elle d'une voix qui semblait séductrice.

Je soupirai, honnêtement ennuyé par la situation. Elle tentait de me faire croire qu'elle était une Oméga dans ses chaleurs afin que je la suive dans son lit. Sans doute me prenait-elle pour un Alpha ou un Bêta avec un comportement d'Alpha, qui sait.
Étant moi-même un Oméga, j'étais bien placé pour détecter son mauvais jeu d'actrice. Cependant, comme il ne fallait pas que je dévoile mon secret, je réfléchis à une autre façon de lui clouer le bec.

Donc, lorsque j'eus finis de rendre le breuvage homogène, je remis le couvercle de mon Thermos et je le vissai bien fermement. Il aurait été un gâchis de l'échapper et d'en perdre ne serait-ce qu'une goutte. Tout en saisissant ma tasse hermétique, je lançai à Petra :

- Alors prenez des inhibiteurs. Ça vous évitera de gros ennuis.

Tandis que je quittais le petit réfectoire sans dire un mot de plus, j'entendis la jeune femme grogner un peu. Je souris en coin à ma victoire ; j'avais réussi à la faire taire. J'espérais, du moins, lui donner une bonne leçon.

Le mensonge est une mauvaise chose.

Oh, je vous vois venir. Dans mon cas, je cache mon sexe secondaire, je ne mens pas. Il y a un monde de différences entre mentir et cacher des choses.

- Tu lui as vraiment dis ça?

Eren se mit à rire aux éclats à l'autre bout du fil. Mon épaule soutenant mon téléphone contre mon oreille, je cuisinais tout en racontant à mon nouvel ami ce que j'avais vécu comme situation cocasse au bureau. J'aimais bien le rire d'Eren, il me faisait sourire. Enfin, il se calma un peu.

- Aaah... J'aurais tellement voulu être là pour voir sa tête...! Ha Ha!

- Moi aussi... Je suis parti avant de pouvoir examiner son visage ahuri, dis-je avec le sourire.

- Sérieux, tu lui as mis le plus beau vent du monde...

- Merci. Je vais prendre ça comme un compliment.

- Bien sûr! Hey, Levi, est-ce que tu aimerais venir manger avec moi ce soir? Je vais à une soirée avec mes amis et je t'invite!

- Ah, non, c'est gentil de ta part, mais- Non!

Au moment où j'allais tendre le bras pour arrêter le feu, le téléphone glissa et il termina sa course dans le chaudron de riz. Je le repris en vitesse et je m'empressai de le nettoyer avec un papier essuie-tout légèrement humide. Je pouvais entendre Eren paniquer, le pauvre. Il m'appelait frénétiquement.

- Allô? Allô? Levi, es-tu mort? Je vais appeler les secours!

- Je suis là, rassurai-je en portant le téléphone à mon oreille, éteignant le rond du four de l'autre main.

- Levi, tu m'as fait peur! J'ai sérieusement cru que tu étais tombé et que tu t'étais cogné la tête!

- Mais non, abrutit, je t'ai juste échappé dans le riz.

- Dans le riz?

- Je cuisine tout en te parlant. C'est pour ça que je refuse ton invitation, désolé.

- Aaah... C'est dommage... J'aurais bien aimé te présenter à mes amis. Ils sont très amusants.

- Je n'en doute même pas. Par contre, je ne crois pas qu'ils auraient apprécié la compagnie d'un vieux croûton grincheux.

- Vieux croûton grincheux? Levi, on doit avoir à peu près le même âge, voyons...! Et puis, tu es très sympathique : je suis sûr que tu te serais très bien entendu avec eux!

- Je ne suis sympathique qu'avec toi, Eren.

Je souris lorsqu'il se mit à rigoler. Je doutais même que j'avais développé un certain sens de l'humour tellement que le jeune homme riait. Je continuai de cuisiner en attendant qu'Eren se calme, étant plus prudent avec mon téléphone, cette fois-ci.

Malheureusement, sans prévenir, je sentis une vague de chaleur s'emparer de moi. Soupçonnant les ronds du four, je mis de côté ce détail futile.

- Aaah... Levi, ce que tu es comique~

- Je ne suis pas comique...

- Oui tu l'es!

- Non, t'as juste le rire facile.

- Ha Ha! C'est vrai... Je sais que je change complétement de sujet, mais que cuisines-tu?

- Oh, quelque chose de simple ; un riz au poulet.

- Oh! Miam! Dis, un jour, tu m'inviteras chez toi?

- Si tu promets de rien dégueulasser, oui.

- Yay!

Plus le temps passait, plus je constatais que les ronds n'y étaient pour rien : c'était moi qui surchauffais. Ma respiration s'accéléra afin de calmer le jeu. Je dus même desserrer mon col et m'essuyer le front tellement j'avais chaud.

Oh non, pas encore...

M'entendant haleter, Eren se mit immédiatement à s'en faire pour moi. Il est si attentionné...

- Levi? Tout va bien?

- Oui... Je crois juste que... Han...

Je dus m'asseoir au sol avant de m'écrouler ; mes jambes tremblaient et elles ne pouvaient plus soutenir mon poids. Ma respiration était plutôt bruyante, quelques fois même entrecoupées des gémissements inattendus. Je savais que je venais d'avoir mes chaleurs, mais ce n'était pas le bon moment ; j'étais en pleine conversation téléphonique avec Eren, bordel! Il devait sans doute me trouver immonde de gémir ainsi dans son oreille... Rien qu'imaginer cela me répungnait moi-même.

- Levi? C'est...

- M-Mes chaleurs... Ça reprend... Ng, merde...

- As-tu des inhibiteurs?

Au moins, Eren s'inquiétait pour moi. Je le remerciais par la pensée.

- A-Attends, je vais v-voir...

Je tentai de me hisser jusqu'au comptoir, où je pus déposer mon téléphone portable et mon poids, du même coup. J'étirai mon bras vers l'armoire où je garde toujours mes inhibiteurs, mais, évidement, le pot était vide. Il ne restait absolument rien. Je jurai et j'agrippai mon téléphone, me laissant glisser jusqu'au sol mollement.

- N-Non... Rien...

- Ooh... Okay, donnes-moi ta prescription, je vais aller t'en chercher!

- N-Non! Ne viens pas me voir! Ç-Ça pourrait mal tourner...!

- Envoie-moi la par message texte. Je vais y aller et déposer le sac devant ta porte, ça te va?

- Han... Han... O-Oui... J-Je dois te laisser, Eren, désolé...

- D'accord. J'attendrai ton texto. Fais attention à toi.

- O-Oui, merci... C-Ciao...

- Bye..!

Puis, sans un dernier au revoir, je conclus rapidement la conversation. J'avais un besoin urgent de me soulager, là et maintenant, assis sur le sol de la cuisine. Je le fis donc, ce qui me détendait un peu.

Cependant, cela me troublait. Quand je... bah, me soulageais, j'entendais encore la voix d'Eren au téléphone. Je l'entendais rire et je l'entendais prononcer mon nom. Pourtant, j'étais seul et mon téléphone était bel et bien fermé.

Puis, d'un coup, je jouis. Je ne savais pas pourquoi, mais en venant, j'avais le nom d'Eren en tête. Tout en reprenant mon souffle, je sentais les larmes me monter aux yeux.

Je me trouvais absolument dégueulasse.

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