- Je suis désolé, terriblement désolé... Je dois sans doute vous dégoûter...

J'avais trop honte de moi-même. J'étais assis face à ce jeune homme, une main cachant mes yeux. Je venais de prendre mes inhibiteurs de chaleurs rapidement, mais il avait eu le temps de voir ce que c'était. Il avait donc tout compris de ma situation. Il m'avait dit, bien franchement, que, en remarquant ma faiblesse, il avait eu des soupçons.

C'est donc là où nous en étions.

- Ne vous en faites pas, me rassura l'étranger doucement. Ça arrive, c'est la vie... Je ne vous en veux pas pour ça.

J'étais surpris par son comportement aimable envers moi. La première pensée qui me vint à l'esprit était qu'il devait aussi être un Oméga, mais quelles étaient les probabilités?
En fait, il y a beaucoup plus de preuves que de probabilités...

- Alors... Ê-Êtes-vous vous aussi...? questionnai-je, incertain.

- Non, malheureusement... soupira le jeune homme, baissant sa tête. Je suis Alpha, je vous ai senti.

Cette phrase suffisait pour faire glacer mon sang. Je me figeai sur place, terrifié. Alors, il avait vraiment fait tout cela pour me... Je ne voulais même pas connaître la suite! Mes craintes étaient revenues à l'assaut en une fraction de seconde. En remarquant mon air ahuri, l'étranger eut un curieux sourire en coin avant de baisser la tête.

- N'ayez crainte, je ne tenterai rien... En fait, je déteste les Alpha qui ne savent pas se contrôler et qui sautent sur tout ce qui dégage des hormones, alors je vous comprends, m'expliqua-t-il sérieusement.

- Ah... Merci, fis-je, grandement soulagé. Enfin quelqu'un qui a encore un peu de bon sens dans ce monde pourri...

Le jeune homme sourit légèrement tandis que je prenais une autre gorgée de mon breuvage glacé. Ça me calmait un peu, mais j'espérais de tout mon cœur que les inhibiteurs ne fassent pas défaut.
En regardant l'inconnu en face de moi, j'eus un curieux présage ; quelque chose me disait que je ne devais pas le craindre. Il semblait si attentionné et doux, si calme et posé. Il avait un joli visage qui inspirait la confiance. Et ses yeux...

Okay, je me mets à divaguer, là...

- Dites...

Sa voix m'avait, heureusement, ramené à la raison. Je clignai quelques fois des yeux afin de remettre mes pensées en place.

- Hm?

- Votre nom est-il Levi? Levi Ackerman?

Encore une fois, je me retrouvai pétrifié devant lui, les yeux ronds. Est-ce que cet Alpha était devin ou quoi? Pourtant, je n'avais pas mon nom d'étampé dans le front ni même inscrit sur une plaque accrochée à mon veston, alors comment le savait-il? J'en avais aucune idée.

- E-En effet... bégayai-je, stupéfait et légèrement méfiant. Comment-

- Nos mères se connaissaient, auparavant, fut sa réponse. Je me souviens également que nous étions dans la même classe en CM2.

- En CM2...

Je compris, à cet instant, pourquoi ce jeune homme ne me disait rien: c'était approximativement à l'époque des cours moyens 2 que ma mère était morte. Le choc avait été si profond que j'en avais sans doute oublié sa figure. J'hochai doucement de la tête, regardant la table fixement. Au bout d'un court instant, je me risquai à le regarder à nouveau droit dans la yeux.

- Et vous êtes...?

- Oh, pardon. Je m'appelle Eren Jaeger, enchanté.

- Eren...

Par mesure de politesse, nous nous serrâmes les mains, se souriant mutuellement. Je trouvais que sa grande paume était chaude et confortable. En voyant son sourire radieux, je lui retournai un petit sourire. Je me sentait étrange, comme si mon estomac se contractait et qu'il se tordait dans tous les sens. Sur le coup, je me dis que c'était sans doute un effet secondaire des inhibiteurs.

Eren reprit sa main et, plus à l'aise, il sourit gentiment. Je me sentais plus léger après que les connaissances eurent été faites.

- Que faites-vous dans la vie? demanda le jeune homme, soudainement intéressé par ma médiocre existence.

- Je travaille comme secrétaire, plus globalement, expliquai-je. Je traite les textes et je les retranscris.

- C'est bien... Il est étonnant de voir un Oméga avec un poste plutôt bien, avoua franchement Eren, manquant un peu de tact.

- Je fais croire à tout le monde que je suis Bêta, dis-je avec un petit sourire en coin. Vous devriez donc garder le sercret, sinon ma vie sera foutue.

- Ne vous en faites pas! m'assura l'étranger avec un petit rire. J'ai un certain talent à garder les secrets.

- Vous m'en voyez soulagé... Et vous?

- Et moi quoi?

- Que faites-vous dans la vie? demandais-je. En tant qu'Alpha, vous devez avoir un statut plutôt aisé.

- Oh, oui. Mon père était, auparavant, un grand docteur renommé et je tiens sa compagnie pharmaceutique avec lui. J'agis en tant que directeur adjoint.

- C'est bien, fis-je en hochant de la tête. Je me disais bien que Jaeger sonnait familier à mes oreilles...

- C'est tout naturel, lança Eren avec un sourire tendre.

Plus la conversation allait, plus je me sentais étrange. Je savais que la semaine qui allait suivre s'annonçait extrêmement pénible. Je n'avais plus chaud, certes, j'avais une soudaine envie de dormir. Je commençais à bâiller plus fréquemment, mais ce n'était pas à cause d'Eren, ça non! Il était loin d'être ennuyeux, je voulais même en apprendre un peu plus sur lui. Du moins, sa vie semblait bien plus passionnante que la mienne...

Sans doute avait-t-il remarqué mon drôle de comportement. Eren interrompit notre discussion afin de me demander si j'allais bien.

- Levi, comment vous sentez-vous? Vous êtes à nouveau pâle.

- Oh, ce n'est rien. C'est un effet secondaire des inhibiteurs. Ce n'est que le début, ne vous en faites pas, rassurai-je tout en frottant mes yeux avec ma paume.

- Je crois qu'il serait mieux pour vous si nous arrêtions là... proposa le jeune homme. Et puis, ça ferait une raison de plus pour nous revoir.

Il se leva et il me tendit sa main, souriant. Je regardai sa paume confusément avant de lever mes yeux vers lui. Jamais je ne me lassais de le voir sourire. Je finis par lui serrer brièvement la main tout en me levant à mon tour.

- En effet. Merci encore pour tout, Eren, remerciai-je.

- Tout le plaisir est pour moi, répliqua-t-il.

- Quand voulez-vous que nous nous rencontrions à nouveau?

- Hum... Disons... La semaine prochaine?

Je souris, plutôt soulagé. Je comprenais son regard : il voulait attendre à la fin de mes chaleurs pour me connaître en tant que personne. Reconnaissant, j'hochai de la tête tandis qu'il continuait de me donner ce regard plein d'attention.

- Ce sera parfait.

- Oh! Tenez, prenez ça pour me contacter!

Eren sortit rapidement une carte d'affaire et, au verso, il écrivit quelque chose. Ça devait sans doute être son numéro de téléphone privé. Il me tendit la petite carte avec un sourire. Je la pris sans hésiter, observant le logo de la compagnie pharmaceutique. Avant que je ne puisse passer de commentaire, Eren prit sa mallette et son gobelet vide, prêt à disposer.

- Bon, sur ce, je vous souhaite bonne route à la maison. Faites attention à vous!

- Bien sûr, vous aussi. À la prochaine.

- Au revoir!

Puis, après avoir jeté le gobelet, le jeune homme sortit du café. Je le vis, à l'extérieur, marcher sur le trottoir en regardant sa montre ; avait-il un rendez-vous?

Peu importe, je ne devais pas m'en faire pour lui. Il était un homme mature avec des responsabilités et tout. Avec sa petite mallette, il dégageait un professionnalisme exemplaire. Je l'enviais un peu, d'un côté. J'étais sûr que c'était son sexe secondaire et son environnement familial qui l'avait mené au sommet. Je soupirai un peu, baissant mes yeux vers la carte d'affaires que je tenais entre mes mains.

Curieux de savoir ce qu'Eren y avait inscrit au verso, je la retournai. Je lus le petit message qu'il avait laissé en plus de son numéro de téléphone.

« Au plaisir de vous revoir, mon cher Levi! :) »

Sans savoir pourquoi, je sentis mon cœur se réchauffer. Ce petit dessin maladroit était plutôt mignon.
Cependant, je me demandais ce que j'avais fait pour mériter cette attention particulière. C'était Eren, le héros, pas moi. Je n'y étais pour rien ; j'avais même comme dette un café.

Malgré toutes mes pensées divergentes, je me sentais bien. J'avais appris à avoir confiance en ce jeune homme innocent et brave. J'avais décidément un bon pressentiment envers ce curieux Eren.

Ce fut donc avec l'âme apaisée, mais l'esprit légèrement épuisé, que je retournai chez moi.

Je me demandais ce que le destin me réservait...