Chapitre 8
Le soleil qui se lève réveille Illiana. L'elfe ouvre les yeux et mets un moment à comprendre où elle est. C'est le parfum qui l'entoure qui lui rappelle les événements de la veille. La magicienne dort dans son dos, sa respiration profonde la rassure aussitôt sur son état. Illiana se retourne et l'observe. Un petit sourire éclaire son visage qu'elle a rarement vu aussi détendu. Le cœur de l'elfe fait un bond dans sa poitrine, la jeune femme est belle dans son sommeil et elle ne résiste pas à déposer un baiser sur son front, faisant frémir les paupières closes.
Illiana secoue la tête et s'assoit avant de continuer. Il faut vraiment qu'elle se discipline. Elle quitte le lit pour remettre une bûche sur les braises mourantes et ranimer le feu. Le bruit, pourtant léger, attire Oriane qui entra dans la pièce, méfiante.
- Elle va bien, fait l'elfe à mi-voix.
La garde du corps s'approche de sa suzeraine, constate d'elle-même son état avant de se tourner vers Illiana, agenouillée près de la cheminée.
- Elle est guérie ? demande-t-elle.
- Je ne pense pas, ce genre de sort mets un certain temps à se dénouer, explique calmement Illiana. Vu la puissance de celui-ci, il lui faudra encore plusieurs jours avant de pouvoir s'éloigner de moi.
Oriane grommelle, peu convaincue, et l'elfe soupire en se redressant.
- Je ne lui ferait rien, si j'avais voulu la tuer, il m'aurait suffit de vous mentir sur la nature du sort ou de prétendre ne pas savoir de quoi il s'agissait.
La femme soldat la fixe dans les yeux, s'approche et gronde :
- Si tu touches à un cheveux de sa tête, je te jure que tu mourras le plus longuement et le plus douloureusement possible.
Illiana baisse les yeux et hoche la tête, inutile de provoquer inutilement la colère de la femme. Satisfaite, Oriane recule légèrement et souffle :
- Je vais demander qu'on nous apporte de quoi déjeuner.
Elle sort dans un cliquetis de cotte de maille et l'elfe relâche sa respiration qu'elle a inconsciemment retenu. Elle se rassoit en tailleur sur le lit, continue de regarder la magicienne dormir. Un froncement de sourcils de la jeune femme lui fait poser une main sur son épaule et elle se détend. Si elle n'est pas encore « sevrée » du contact physique, c'est que le sort est au moins aussi puissant qu'elle le pensait. Illiana s'installe, pose la tête de la magicienne sur ses genoux et attend le retour d'Oriane.
La jeune femme s'agite, elle se réveille peu à peu. Elle finit par ouvrir les yeux, cligne des paupières et hausse les sourcils en découvrant Illiana au dessus d'elle.
- Je rêve encore ?
- Je ne sais pas comment prendre le fait que vous rêviez de moi, ironise l'elfe
La magicienne rougit aussitôt.
- Non... Je... Je crois avoir rêvé que tu m'as guéri, mais...
- Ce n'était pas un rêve, l'informe Illiana. Vous avez été victime d'un sort de présence.
- Ce qui veut dire ?
- Ce qui veut dire que le temps qu'il se délite, je dois rester physiquement proche de vous.
- Proche... À quel point ? souffle sa patiente.
- Raisonnablement, rassurez-vous, s'amuse l'elfe. De toute manière, vous n'aurez bientôt plus besoin de contact physique, je pense que je pourrais dormir dans le salon cette nuit.
La jeune femme ouvre la bouche pour répondre mais est interrompue par l'arrivée de sa garde du corps et d'un esclave transportant un plateau repas.
- Ma Dame, c'est un plaisir de vous voir réveillé, déclare Oriane, visiblement soulagée.
La jeune noble lui sourit et s'assoit, tandis que l'homme lui installe le plateau et déplie les pieds du support avant de s'en aller sans bruit. Oriane récupère son bol et Illiana aussi et toutes les trois mangent en silence. Illiana engloutit son bol en deux temps, trois mouvements, soulagée de voir la jeune femme en forme. La garde du corps doit partager son état d'esprit car elle mange d'aussi bon appétit qu'elle.
La magicienne termine son repas plus lentement et frissonne en reposant son assiette. Elle pose une main sur sa gorge, nerveuse. Illiana devine sa gêne et saisit délicatement sa main libre. La jeune femme lève les yeux sur elle et relâche la tension dans ses épaules.
- Combien de temps, cela va-t-il durer ? demande-t-elle, soucieuse.
- Pour le contact physique, quelques heures je pense, la rassure l'elfe. Pour le reste, tout dépend de votre résistance et de la puissance du sort.
- Donc... tu dois rester proche de moi en permanence ?
Illiana hoche la tête. La jeune femme baisse les yeux sur leurs mains et demeure pensive avant de relever la tête vers Oriane.
- Tu seras mes yeux et mes oreilles dans la forteresse aujourd'hui, Oriane, je veux que tu me fasses un rapport le plus complet possible.
- Mais... Je ne vais pas vous laisser seule avec... commence à protester la femme soldat.
- Elle ne me fera rien, Oriane, cesse de t'inquiéter, la rabroue gentiment Gwendoline.
La vassale se tait, mais plante son regard dans celui de sa suzeraine qui fronce les sourcils. Illiana devine une communication mentale mais ne peut pas la comprendre à cause du collier.
Oriane lâche un grognement mais finit par sortir de la pièce, puis des appartements de la Dame. Celle-ci expire lentement et passe une main dans sa nuque.
- C'est douloureux ? interroge Illiana.
- C'est un effet du sort ?
- Non, mais de l'état dans lequel vous étiez hier soir.
Les yeux de la jeune femme s'assombrissent aussitôt.
- J'ai vraiment cru que c'était la fin, murmure-t-elle.
L'elfe se garde bien de lui dire qu'elle en est passé très près. À la place, elle se glisse dans son dos et commence à lui masser les épaules et la nuque. La magicienne, d'abord méfiante, se détend progressivement. Elle soupire de soulagement sous les mains d'Illiana qui soulagent les contractures et les crispations de ses muscles, se laisse progressivement aller contre son épaule à mesure que le massage progresse vers le bas de son dos.
La magicienne termine complètement relâchée, les yeux fermés, entre les bras de l'elfe qui l'a calée entre ses jambes.
- Qu'est-ce que tu m'as fait, souffle la jeune femme.
- Un simple massage, c'est vous qui êtes réceptive, sourit Illiana.
La jeune noble se redresse, se retourne vers elle et l'observe. L'elfe évite son regard, soudain mal à l'aise. Elle a dû voir la trace de coup sur sa joue.
- Qu'est-ce que c'est ? demande-t-elle en approchant sa main de la blessure laissée par le gant de sa vassale.
- Demandez à Oriane, fait Illiana, acerbe en se dérobant.
Les yeux de la Dame du Fort s'agrandissent de surprise et de colère.
- Elle t'a frappée ? s'exclame-t-elle.
- Elle voulait me rendre plus coopérative, hier soir.
- Elle t'as pris pour souffre douleur parce que ce sont les tiens qui m'ont fait ça... déduit la jeune femme.
L'elfe hoche la tête. Elle ne se dérobe pas cette fois-ci quand la jeune noble pose ses doigts sur sa joue et la guérit d'un bref éclat de magie. Elles se regardent un instant, avant que Gwendolyne demande :
- Pourquoi ?
- Vous avez été prévenante avec moi, je me devais de vous rendre la pareille.
- Vraiment ?
Illiana hausse les épaules.
- Je pourrais aussi vous répondre que c'est par égoïsme car je tire des avantages de votre gestion que je pourrais ne pas avoir avec un autre.
La magicienne pince les lèvres sous le ton volontairement détaché.
- Tu m'en veux, constate-t-elle.
Illiana ravale de justesse la répartie cinglante qui lui monte aux lèvres. Si elle ne sait pas pourquoi, elle ne lui fournira aucun indice.
- C'est à propos du transfert d'énergie ?
L'elfe ne dit rien. Agacée, la jeune femme pose deux doigts autoritaires sous son menton pour ramener son regard vers elle.
- Ça faisait longtemps que tu n'avais pas fait ta tête de mûle, ironise-t-elle. Vas-tu daigner m'expliquer ?
- Il n'y a rien à dire, c'est dans votre nature d'humains.
La jeune noble recule, pince à nouveau les lèvres.
- Je t'ai ignorée parce que je ne voulais pas que tu m'influences à propos de l'expédition que je préparais.
L'elfe la gratifie d'un regard noir. Elle a lu dans ses pensées et cela la contrarie.
- J'aurais pu vous éviter de vous précipiter dans un piège et de mettre bêtement votre vie en danger, gronde Illiana.
- Tu tiens à ma vie, maintenant ? C'est nouveau ça, ironise Gwendolyne.
L'elfe se tait mais ses yeux brillent d'un éclat que la jeune femme n'identifie pas. Celle-ci commence d'ailleurs de nouveau à ressentir cette pression au niveau de la poitrine, sans oser s'en plaindre au vue de leur conversation. Mais la sensibilité d'Illiana la pousse à prendre la main de Gwendolyne, ce qui la soulage aussitôt.
L'elfe regarde les flammes, et malgré leurs mains unies, la magicienne a l'impression qu'elle se trouve à des kilomètres d'elle.
- Peut être que j'ai en partie changé d'avis sur les humains, finit par murmurer Illiana, si bas que la jeune femme manque de ne pas l'entendre.
- Peut être que j'ai eu tort de ne pas te laisser me parler, répond-elle aussi doucement.
L'elfe tourne vivement la tête vers elle, la penche légèrement sur le côté, mais la jeune femme regarde ailleurs. Illiana esquisse un léger sourire. Cet échange ressemblait fort à des excuses mutuelles, bien qu'aucune des deux ne soit prête à l'admettre. Le silence se love entre elles, étrangement apaisé.
- Je crois qu'un bain nous ferait du bien, déclara soudain Gwendolyne.
L'elfe sursaute, la dévisage. La jeune femme la regarde, guette sa réaction.
- Nous ?
- Autant que tu en profites aussi. Ce ne sera pas du luxe, ajoute-t-elle en fronçant le nez.
Illiana écarquille les yeux et bouscule la jeune noble qui se laisse tomber sur le matelas.
- Je sens meilleur que ceux qui suent dans les cuisines ou qui nettoient les latrines ! proteste l'elfe.
La magicienne rit doucement.
- Tu places vraiment les cuisines avant les latrines ? interroge-t-elle.
- Les odeurs de viande... souffle Illiana en grimaçant. C'est tellement... indescriptible.
- Ça te dégoûte à ce point ?
- Vous ne pouvez pas comprendre. Vous êtes humaine.
- Cesse de me répéter cette phrase. Si tu n'essayes pas de m'expliquer, je ne pourrais pas comprendre.
L'elfe soupire, cherche ses mots, une comparaison.
- Il ne vous viendrais pas à l'idée de cuisiner et de manger de la chair humaine ?
- Non bien sûr que non ! s'exclame la jeune femme, choquée.
- Eh bien ça me fait cet effet là.
- Mais ça n'a rien à voir ! s'écrie Gwendolyne en se redressant.
- Bien sûr que si ! gronde Illiana. Ce sont des êtres qui pensent, qui ressentent comme vous et moi. Ils sont simplement moins intelligents. Mais les humains sont aveugles et sourds à tout ce qui n'est pas eux. Ils s'entretuent même entre eux. Ils n'ont aucun respect pour la vie.
- Ne t'énerve pas. Je veux seulement essayer de mieux te comprendre.
- Pourquoi ? interroge brusquement l'elfe. Pour avoir des informations sur vos ennemis ? Pour trouver un moyen de nous détruire ?
- Je pensais que nous avions dépassé ce stade, s'attriste la magicienne.
Illiana se ferme immédiatement et Gwendolyne soupire. Il lui semblait pourtant qu'elles venaient de faire la paix...
- Ma curiosité n'est pas calculée, Illiana, ou plutôt, pas de la manière que tu imagines, reprend-elle devant son silence. Je veux simplement... mieux te connaître. Essayer d'appréhender ta façon de voir les choses, parce qu'elle semble tellement meilleure que celle qu'on veut m'imposer... Et te comprendre, c'est aussi comprendre les tiens et trouver un moyen de mettre fin à cette guerre, avant que nous la perdions.
L'elfe pose les yeux sur elle, pèse le pour et le contre de ce qu'elle vient de dire.
- J'ai affronté deux de vos mages, ils m'ont réduit à l'impuissance avant que j'ai le temps de penser à un sort. Nous ne pouvons pas gagner, je l'ai compris. Et quand le Haut Commandement s'en rendra compte, il faudra lui proposer d'autres solutions. En commençant déjà à œuvrer de mon côté, je pourrais peut être épargner de nombreuses vies dans les deux camps.
Illiana se tait, mais la jeune femme devine à son regard qu'elle réfléchit.
- Je ne sais pas si je vous fais assez confiance pour vous instruire sur mon peuple, prononce finalement l'elfe.
- Je ne te demande pas de tout me dire aujourd'hui. Mais au moins de rester... ouverte à la discussion.
Illiana hoche la tête. L'idée est séduisante sur le principe. Reste à voir comment la jeune femme compte la mettre en pratique. Celle-ci s'assoit sur le bord du lit et se lève prudemment. Elle se retourne et dit, avec un sourire en coin :
- Aller, au nettoyage.
Illiana lève les yeux au ciel pour le principe mais suit la magicienne, heureuse de profiter du confort de ses appartements, même si elle ne l'avouera jamais.
Joyeux Noël à tous ! Damned me direz-vous, un nouveau chapitre, ici ? Eh bien oui. Je dois avouer que j'ai un peu laissé en plan Illiana et Gwendolyne pour me concentrer sur les Chroniques... depuis 8 mois O-O.
Bref, j'ai beaucoup hésité à écrire la suite de leurs aventures, mais elles sont revenues m'accuser de négligence alors je vais tenter d'écrire un peu sur elles aussi, disons un chapitre par mois bien que je ne garantisse aucune régularité de poste.
Là dessus, de bonne fête de fin d'année à tous, j'espère que vous avez été/serez gâtés à Noël ;)
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top