Chapitre 19
- Il faut l'arrêter ! Je m'égosille. Éteins tout !
- On ne pourra rien faire sans électricité !
- J'espère que tu connais assez ton père pour trouver le code avant que les autorités ne rappliquent !
Tout ce qu'elle pourra dire n'effacera pas la panique que je lis dans ses yeux.
- La voiture est à l'abri... il faut que je nous enferme pour éviter à quiconque de rentrer.
Elle remonte en courant et me laisse seul dans ce cimetière d'animaux. Je perçois, à travers les hublots des chambres froides, quelques carcasses suspendues et en décomposition. Cette usine a été complètement abandonnée, du jour au lendemain. On dirait que les ouvriers ont disparu en laissant leurs tâches inachevées.
Je rejoins Greg pendant que la jeune fille s'occupe de verrouiller les accès du bâtiment.
- Il va falloir faire vite ! S'affole le garçon, ce vacarme va alerter la ville entière.
- Ne t'en fais pas, le coin est plutôt isolé et l'orage couvre partiellement le bruit. Il nous paraît fort car il résonne dans la bâtisse vide mais ne doit pas être perceptible de l'extérieur.
- J'arrive ! Dit Hope.
Elle prend ses affaires dans la voiture, garée près de nous, puis en sort les dossiers que nous avions étudiés auparavant.
- Le peu de mathématiques en ma connaissance démontre que la probabilité de trouver un code à plusieurs chiffres, sans indication, est quasi impossible, s'exclame Greg.
- Le peu de mathématiques en ta connaissance a raison, s'amuse Hope, mais nous ne sommes pas sans indication.
Elle déplie le plan de la ville et le dépose sur le capot du véhicule.
- S'il y a une chose à savoir sur mon père, c'est qu'il n'a pas une très bonne mémoire. Les numéros que tu as remarqués sur le plan, Aven... sont sûrement ceux qui forment le code. Je pensais à des annotations futiles, mais cela n'avait pas de sens.
Elle touche du doigt les endroits marqués par les chiffres rouges puis semble avoir une illumination.
- C'est ça ! S'écrie-t-elle, leur emplacement n'est pas dû au hasard. Il sont annotés sur un point précis du plan.
- Et que représentent ces points ? Je demande, impatient.
- Je n'en suis pas encore sûre...
Je ne sais pas comment cela est possible, vu la capacité sonore de l'alarme, mais j'arrive à discerner une sirène familière provenant de l'extérieur.
- Tu ferais mieux de te dépêcher... Je crois que la police est déjà là.
Par police... j'entends Carl, bien entendu.
- Quoi ? Comment peut-elle être là si rapidement ?
- Le système de sécurité est en contact direct avec le commissariat, explique Greg, ils ont dû envoyer une patrouille proche pour vérifier les lieux.
Nous n'arriverons jamais à partir sans laisser de traces. Nous sommes dans un pétrin indescriptible. Tous nos espoirs reposent sur la logique de Hope.
- On peut essayer de les taper dans n'importe quel ordre ! Lance Greg.
Combien de temps pouvons nous rester ici sans être découverts ? Ce n'est pas l'usine qui est protégée par cette alarme, c'est le passage souterrain menant vers l'extérieur des frontières. Ce bâtiment est devenu un leurre pour le protéger.
La jeune fille continue de bûcher sur les numéros indiqués au feutre, mais ne semble pas trouver de résultat probant. J'essaye de l'aider mais n'y vois aucune logique.
- Le fait qu'ils soient placés en cercle a peut-être une incidence sur leur signification... rajoute le garçon.
On frappe contre la porte en tôle d'acier.
- Il y a quelqu'un ? Crie un homme de l'autre coté du mur, c'est la police ! Si vous ne sortez pas, je serais obligé de rentrer de force !
Sa voix est à peine perceptible parmi le raffut que produit l'alarme. J'en viens à me demander si je ne deviens pas sourd.
- Essaye ta date de naissance ! Je lance peu convaincu.
- C'est ça ! S'écrit-elle, le code... c'est moi !
Je suis fier d'avoir pu trouver la solution de notre problème, mais la vraie explication n'est pas aussi simple qu'une date de naissance.
- Ce sont des âges... des anniversaires. Chaque numéro est inscrit sur le lieu où je l'ai fêté. Mes cinq ans, au parc zoologique... mes neuf ans, la patinoire, mes treize ans, au parc d'attraction... mes quatorze...
- Que c'est mignon ! La coupe Greg, mais je crois qu'on a saisi le principe. Tu ferais mieux de les taper rapidement avant que le méchant Monsieur ne te fasse passer tes vingt-et-un ans en prison.
- Il faut que je l'inscrive dans l'ordre croissant, conclut-elle.
C'est l'une des plus belles preuves d'amour à laquelle j'ai pu assister. Un père qui porte autant d'attention à sa fille, au point d'en monter un stratagème de codage, ne court pas les rues.
- Vous ne me laissez pas le choix ! S'écrie le policier.
Elle tape rapidement sur la machine avant que le voyant rouge ne devienne vert.
- Jackpot ! Dit-elle.
L'alarme s'arrête nette et de légères vibrations se font ressentir sous nos pieds pendant que le mur, face à nous, s'ouvre en deux. L'ouverture qui se présente n'est éclairée que sur quelques mètres, grâce à la lumière de l'usine. Le reste est plongé dans le noir. Nous sommes prêts à nous engouffrer dans un tunnel qui ne présage rien de bon.
- Il faut y aller ! Dis-je.
L'homme à l'extérieur s'est calmé dès que le système de sécurité a cessé de retentir. Nous grimpons à bord du véhicule et je prie pour que la tempête camoufle le bruit du moteur. J'avance lentement dans ce qui me semble être une galerie funeste.
- Ils vont comprendre que quelqu'un est entré par effraction, dis-je, l'électricité n'a pas pu se remettre d'elle-même. Il faudrait redescendre pour l'éteindre, tu ne penses pas ?
- Les portes ne se refermeront pas sans électricité... Mais tu as raison, je vais éteindre les lumières manuellement.
Elle descend de la voiture, déjà à l'intérieur du passage, et commence à parcourir les lieux à la recherche d'interrupteurs.
- Si vous ne répondez pas à la fin de mon décompte, je rentre ! S'écrie soudain l'officier.
Greg m'aide à ramener les étagères, qui cachaient l'entrée, à leur emplacement d'origine. Nous laissons un espace suffisant pour que Hope puisse s'y glisser. J'aimerais lui crier de se dépêcher mais je ne veux pas attirer l'attention de l'homme qui attend de nous attraper.
Voilà que les lumières s'éteignent de nouveau, laissant le courant fonctionner pour le reste du bâtiment. Je distingue sa lampe torche s'agiter dans le noir lorsque, au même moment, un coup de feu retentit. La porte par laquelle nous sommes rentrés dans l'usine explose sous la force de l'homme.
Hope se rapproche au pas de course, se faufile et nous rejoint avant que le policier ne puisse l'apercevoir. Nous sommes à présent cachés par les grands meubles de rangement, que nous rapprochons afin de les accoler. Malgré la délicatesse avec laquelle nous les déplaçons, un outil disposé sur l'une d'elles glisse et rebondit sur le sol.
Il est impossible que l'homme puisse nous voir de si loin, car je me rappelle ne pas avoir pu distinguer le fond de l'usine à mon arrivée. Pourtant, j'entends ses bottes fouler le sol, à toute vitesse. Une légère lueur apparaît et éclaire son chemin.
- Reculez-vous ! Chuchote Hope.
Elle appuie sur un bouton et les deux murs coulissants commencent à se refermer.
- Qui est là ? S'écrie l'homme.
Il s'agit bien de l'inspecteur. Il ne semble toujours pas nous voir mais se rapproche à grand pas. Je recule une dernière fois et éclaire le mur impénétrable qui vient de se former sous nos yeux. Nous sommes derrière le passage souterrain, à l'abri.
- C'était moins une ! Constate Greg.
- Avec de la chance, il pensera que les rats sont responsables de ce remue-ménage, espéré-je.
- Avec de la chance... répète Hope.
L'endroit où nous sommes doit être insonorisé, car plus aucun bruit ne parvient à mes oreilles. Je reprends la place du conducteur et m'empresse d'allumer les feux avant. La distance d'action de ces feux n'est pas extraordinaire, mais ils me permettent de constater que nous sommes loin de voir la lumière au bout du tunnel.
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