Chapitre 4. Dernière chance
L'inconnue que j'ai abordé sans aucune impudence se tourne vers moi et me toise, la mine incrédule.
- C'est à moi que vous vous adressez, ma chère? demande-t-elle poliment, pinçant dédaigneusement ses lèvres peintes en carmin.
Elle ne semble pas me prendre au sérieux, alors je m'approche d'elle, tentant de me tenir aussi droite et fière qu'elle pour lui donner une première bonne impression. J'hésite pourtant à faire volte-face en m'excusant, mais quelle autre chance aurais-je de trouver du travail? Soyons raisonnables, aucune pour un long, long, très long moment.
Je saisis mon courage à deux mains, du moins les parcelles qui sont restées en ma possession, et déclare, adoptant le ton le plus professionnel que je peux la fixant droit dans les yeux sans sciller.
- Je m'appelle Amaryllis Dauclair, j'ai dix-huit ans. Je cherche du travail. Je ne suis pas difficile, et très sociable s'il le faut. Je suis volontaire et aussi, je suis... je suis très déterminée. J'ai vraiment besoin d'un emploi, et je vous ai entendu...
- Si je déduis bien... Vous vous êtes permise d'écouter la conversation que j'entretenais avec mon mari, c'est bien cela, ma chère? me coupe-t-elle, toujours impassible.
Je sens toutefois une tension impalpable s'installer entre nous. Ma nervosité accroît encore, ce que je m'imaginai impossible, et je baisse le menton, intimidée malgré moi. L'expression glacée, l'élocution distinguée, la posture hostile, la jeune femme qui me fait face a tout pour me déstabiliser. Ma conscience me souffle de ne pas abandonner pour autant, mais c'est facile à dire pour elle. Ce que j'ai entrepris me paraît démesuré, au vu des convenances et de la bienséance... L'audace ne s'apprend pas, néanmoins, et je n'ai tout simplement pas le choix, considérant les circonstances actuelles.
Si, quelques mois avant que tout ne parte en fumée à cause, en partie, de Collin et ma naïveté, quelqu'un m'avait raconté ce que je ferai aujourd'hui par dépit, je ne l'aurais pas cru. Vous ne le concevez sûrement pas vous-mêmes, avec toute la bonne volonté du monde et l'imagination débordante dont vous disposez, j'en suis persuadée...
Je ne risque pour le moment rien à tenter le diable pour autant. Même si je suis certainement en tort d'une manière ou d'une autre...
Il est vrai que cette femme a tous les droits de me faire des reproches. Je me suis immicée dans son intimité, ai perçu sa discussion privée. Même si tout le quartier doit être averti de ce qu'elle disait, à cause de ses cris, sauf que ce n'est pas une excuse. J'aurais pu me détourner, me désintéresser d'elle, m'éloigner, me boucher les oreilles, penser à autre chose ou chantonner. Je suis seulement un peu trop curieuse, et en quête de la moindre opportunité, je l'avoue.
Je respire profondément. Je dois garder un profil bas, rester humble. Je ne peux pas me permettre d'échouer comme avec Collin. Ce serait une catastrophe, et cela signerait mon arrêt de mort, à peu de choses près... Elle a la capacité de m'aider, j'en ai la conviction, la tacite certitude, et je suis en mesure d'y parvenir. Je dois me reprendre, lui montrer que son indifférence teintée de mépris ne m'affecte nullement.
- Je n'ai pas pu m'empêcher de distinguer de ma place des bribes de ce que vous exprimiez. Je m'en excuse. Je ne voulais pas du tout être indiscrète.
- Non, pas du tout, bien sûr. répète mon interlocutrice en esquissant un rictus sceptique.
Je toussotte pour masquer, de nouveau, l'embarras qui s'empare de moi. Elle est insupportable. Je m'interroge brièvement sur la manière dont elle a pu se trouver un époux, puis je reviens à ma priorité. Si elle ne s'est pas encore enfuit en appelant du secours, j'ai toutes mes chances. Mon cœur tambourine plus vite, mes paumes, mon front et ma nuque se couvrent d'une mince pellicule de sueur moîte. Il faut qu'elle m'embauche.
- J'ai cru comprendre qu'un de vos employés avait démissionné. je déclare, essayant par tous les moyens de sauvegarder mon applomb.
Je crains un instant que la blonde n'ait pas reçu mes paroles, un motard passe à toute allure près de nous, le moteur de son engin couvrant en partie mes mots. Elle rétorque cependant, les poings plaqués sur les hanches:
- Une dame, en l'occurence. Vous semblez avoir suivi attentivement. Je pourrais porter plainte contre atteinte à vie privée, vous savez.
Je me mets à trembler. J'empire la situation. Que puis-je faire, à présent? Les larmes commencent déjà à perler à mes cils, j'ai toutes les peines à les retenir, le regard résolument tourné vers le ciel indigo. La chair de poule apparaît sur ma peau, et je ne sais pas si elle est due au vent violent qui fouette nos joues, ou à la terreur qui parcoure mes veines et remonte jusqu'à mon cerveau embrumé d'épuisement.
- Je suis désolée. S'il vous plaît, je sais que c'est un peu un cas à part, que je suis un peu un cas à part, mais... mais j'ai vraiment besoin d'un travail. Et j'ai cru deviner que vous cherchiez quelqu'un, vous aussi. Que c'était urgent. Je... Je vous assure que je suis prête à tout... Je vous en prie. Je vous... en supplie, madame.
Elle me prend pour une demeurée, c'est évident au coup d'œil qu'elle me jette. Toutefois, une seconde, son masque de morgue parfaitement étudié se fissure vaguement, et je discerne la compassion, la pitié et l'incompréhension dans ses prunelles et sur ses traits de porcelaine.
- Je comprends bien. Ce que je peux dire, c'est que ce contexte est loin d'être normal. Je ne peux pas me permettre de vous embaucher à même la rue. Je ne vous connais pas. Vous ne savez pas ce que j'attends. Vous n'avez peut-être pas les compétences. Vous êtes sûrement une droguée en manque, ou que sais-je d'autre encore. Je suis en retard, je n'ai pas de temps à consacrer à une dégénérée. Vous avez l'air sympat, ce n'est pas suffisant pour engager quelqu'un. En outre, vous semblez un peu jeune... Auriez-vous fugué? Qu'en sais-je, et que m'importe. Je suis désolée, Amaryllis, il m'est impossible de vous faire confiance.
Et elle se met en marche. Je reste coite un instant, muette d'horreur. J'ai échoué. Encore une fois. Ne réussirai-je jamais à accomplir quoi que ce soit? Je suis partagée entre dégoût de moi-même et crainte de la suite. J'ai peur des répercussions. Je suis de nouveau sans solutions de recours. Ma vie s'écroule, et je ne peux que regarder les débris s'éparpiller autour de moi en me lamentant, comme à ma fâcheuse habitude... Je suis pathétique et j'en ai conscience. Je suis une claucharde. J'ai l'intuition que je ne vais pas m'en tirer, et que j'ai laissé échapper la chance de m'en sortir. Bien qu'au fond de moi, à l'instar de cette inconnue, je sens que c'était une tentative vaine, perdue d'avance. Improbable, tout bonnement irréaliste. Qui aborde une pauvre dame dans une avenue déserte en espérant trouver un travail? Moi, seulement, et peut-être, à la rigueur, tous les malheureux désespérés...
Je songe, un moment, à me jeter sous les roues d'un véhicule, mais une autre idée, bien plus censée, germe et survient alors dans mon esprit, me ramenant à la réalité aussi vivement qu'à coups de fouet. vite, vite, je dois faire vite.
Je me précipite à la suite de la blonde, traverse la chaussée en la poursuivant toujours, manque me faire renverser par une berline dont le conducteur ne se gêne pas pour m'invectiver de tous les noms en claxonant, et finis par la rejoindre, hors d'haleine, sur le trottoir en face de l'abri de bus. Je vais y arriver. C'est mon ultime espoir, mon dernier argument.
- Vous n'avez pas de temps à m'accorder, soit. Et si vous m'adressiez à votre mari. Lui me posera les questions qu'il voudra, me parlera du job. Cela vous évitera de perdre une journée à l'agence où il comptait se rendre. Je vous assure que vous pouvez me faire confiance. Dites-moi juste où je peux le trouver, je lui expliquerai la situation. Je vous en prie, madame. Je ferai n'importe quoi. Je ne suis pas malade, et je sais coudre, cuisiner, faire le ménage, m'occuper de...
Je stoppe mon monologue balbutiant en voyant qu'elle tire son portable de la poche arrière de sa jupe. Elle est sur le point d'exploser, cela se comprend aisément à la façon dont elle serre les mâchoires et crispe les doigts sur l'appareil haute technologie. Oh, ce n'est pas possible. Elle téléphone à la police. Je m'épouvante, suffoque. Je suis maudite. Dois-je partir en courant? la frapper? Crier? L'implorer? C'est tellement injuste. Je ne lui ai fait aucun mal. Je tentais juste de m'en sortir. Elle m'avait prévenu, mais...
Oh, mon dieu...
- Ouais? Je t'ordonne de te rendre tout de suite au café qui fait l'angle, derrière le cinéma! Oui! Et maintenant, mon cher! Une femme qui cherche un emploi et que je suis prête à égorger sur le champ si tu ne m'en débarrasse pas. Oui, c'est ça, tu n'auras qu'à vérifier par toi-même. Pas question! J'ai déjà perdu suffisamment de... On va pas reprendre cette conversation. Règle ça, s'il te plaît. C'est ta fille. Elle t'attendra là-bas. Elle est brune, avec des yeux gris et un tatouage sur l'avant-bras. Fais ton boulot de mari. C'est ça. Ça te fera peut-être gagner du temps, et sinon, je m'en serai séparée! Ouais, à plus.
Et elle me quitte sans rien ajouter. Je ne suis pas certaine de ce que je suis censée faire, mais, si j'en crois mes oreilles, un nouveau carefour se dessine devant moi. En direction du café derrière le cinéma...
- Allons-y... Je soupire, et je me mets en chemin, le cœur battant.
Je crois que j'ai peur d'espérer...
Salut ! Je sais que la plupart de mes lectrices sont en vacances, alors J'espère que ça leur plaira quand elles reviendront. J'ai fait beaucoup d'efforts pour l'orthographe, je passe beaucoup de temps sur cette histoire, qui me tient beaucoup à cœur. Vous me direz... J'espère que vous reviendrez tous bientôt, je ne vais pas vous mentir, je préfère les commentaires, les votes et les partages au silence radio. Mais je peux comprendre, les filles qui me lisent régulièrement m'avaient prévenu. ! Pour les lectrices qui restent N'hésitez pas... Enfin vous savez ce que je veux dire par-là. Toute critique constructive est bienvenue. L'Histoire va bientôt décoller de toute façon. Gros bisous je vous aime fort et j'attends votre opinion !
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